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16/07/2024 | FRANCE | N°23/01812

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 16 juillet 2024, 23/01812


ARRET







[D]





C/



S.A.S.U. ELIOR ENTREPRISES



























































copie exécutoire

le 16 juillet 2024

à

Me DESJARDINS

Me BOUCHEZ

CB/BT/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 16 JUILLET 2024



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*******************************************************

N° RG 23/01812 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXXI



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 23 MARS 2023 (référence dossier N° RG 21/00346)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [O] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]





Concluant par Me Guillaume DESJARDINS de la SCP DESJAR...

ARRET

[D]

C/

S.A.S.U. ELIOR ENTREPRISES

copie exécutoire

le 16 juillet 2024

à

Me DESJARDINS

Me BOUCHEZ

CB/BT/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 16 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/01812 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXXI

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 23 MARS 2023 (référence dossier N° RG 21/00346)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [O] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Concluant par Me Guillaume DESJARDINS de la SCP DESJARDINS - LE GAC - PACAUD, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

S.A.S.U. ELIOR ENTREPRISES agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et concluant par Me Chloé BOUCHEZ de la SAS ACTANCE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Amélie ROHAUT, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mai 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 16 juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 16 juillet 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [D], née le 7 décembre 1989, a été embauchée à compter du 1er octobre 2018 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, par la société Elior entreprises, ci-après dénommée la société ou l'employeur, en qualité de responsable qualité sécurité environnement.

La société Elior entreprises emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle du personnel des entreprises de restauration de collectivités.

Mme [D] a été placée en arrêt de travail à compter du 5 avril 2019 puis en congé parental jusqu'au 31 janvier 2021.

Par courrier du 10 mars 2021, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 23 mars 2021.

Le 13 avril 2021, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, par lettre ainsi libellée :

« Madame,

Par lettre recommandée n° 1A 181 094 4407 6 du 10 mars 2021, et conformément aux dispositions légales en vigueur, nous vous avons convoquée le 23 mars 2021 à 14 h à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement, afin d'entendre vos explications sur les faits qui vous sont reproches.

Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.

Nous vous rappelons que vous avez été absente du 1er au 14 février 2021 inclus sans aucun justificatif de votre part malgré nos deux relances en date du 18 février par lettre recommandée n° 1A 181 094 4528 8 et celle en date du 1er mars 2021 par lettre recommandée n° 1A 181 094 4403 8.

Une telle attitude n'est pas acceptable car vous n'ignorez pas que depuis cette date, vous perturbez l'organisation des équipes du restaurant dans la mesure où votre poste a été créé à la demande du client Sanofi, client majeur de la Direction Régionale Ile de France Nord, dont vous mesurez l'importance.

Nous vous rappelons que l'article 5 - Absences de notre règlement intérieur stipule également que :

« En cas d'absence, tout salarié doit avertir ou faire avertir le plus rapidement possible, dans un délai maximal de 48 h, son responsable hiérarchique.

5-1 Absence pendant les heures de travail

Les sorties pendant les heures de travail doivent être exceptionnelles et doivent, sauf cas de force majeure, faire l'objet d'une autorisation de la direction ou du supérieur hiérarchique.

Sous réserve des droits des représentants du personnel rappelés ci-dessus, les absences non autorisées constituent une faute et entraînent le cas échéant, l'application de sanctions disciplinaires telle qu'énumérées à l'article 12.

5-2 Absence pour maladie

En cas d'absence pour maladie ou prolongation d'un arrêt de maladie, le salarié doit transmettre à son responsable hiérarchique dans les 48 heures un certificat médical indiquant la durée prévisible de l'absence. Le défaut de production de ce certificat dans les délais pourra entraîner des sanctions.

Le salarié doit se soumettre aux visites médicales de reprise dans tous les cas prévus par les textes légaux.

5-3 Absence pour congés payés

Les salariés sont tenus de respecter les dates de congés payés sous peine de sanctions disciplinaires.»

En conséquence, nous avons pris la décision de ne pas maintenir la relation contractuelle qui vous lie avec l'entreprise.

Nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse'».

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil, le 29 octobre 2021.

Par jugement du 23 mars 2023, le conseil a :

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 3 079,09 euros brut ;

- jugé que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [D] était parfaitement fondé ;

- jugé que Mme [D] n'avait pas été victime de harcèlement moral ;

- débouté Mme [D] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Mme [D] à verser à la société Elior entreprises la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- condamné Mme [D] aux dépens.

Mme [D], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 mai 2023, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger le licenciement illicite ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 3,079,09 euros brut ;

- condamner la société Elior entreprises au paiement des sommes suivantes :

- 18 474,54 euros à titre principal en dédommagement d'un licenciement illicite ;

- 5 000 euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral ;

- 10 776,92 euros à titre subsidiaire en dédommagement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 539,55 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dépens.

La société Elior entreprises, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 juillet 2023, demande à la cour de :

- juger que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [D] est parfaitement fondé ;

- juger que Mme [D] n'a jamais été victime de harcèlement moral ;

En conséquence,

- confirmer intégralement le jugement ;

Statuant de nouveau,

- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Mme [D] à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 novembre 2023 et l'affaire a été fixée pour plaider le 16 mai 2024.

Motifs

Sur le harcèlement moral

Mme [D] invoque avoir subi le harcèlement moral de l'employeur résultant de l'impossibilité matérielle et factuelle de pouvoir accomplir les tâches qui lui avaient été confiées du fait de la privation des outils de travail nécessaires à son accomplissement (ordinateur, téléphone, mise à l'écart de réunions et d'événements, travail confié à la dernière minute) tout en lui reprochant son insistance à vouloir accomplir ses tâches, l'employeur lui demandant la restitution du téléphone alors qu'elle était en arrêt de travail ; cette situation devant s'analyser en un bore out. Elle fait valoir que bien que n'étant pas titulaire d'une délégation de pouvoir elle avait sous sa hiérarchie deux salariés pour lesquels elle ne disposait pas d'équipements de protection individuelle, toute la situation la plaçant en insécurité et entrainant une dégradation de son état de santé qu'elle documente largement.

La société conteste tout harcèlement moral exposant que le poste de la salariée venait d'être crée suite à l'attribution du marché de la société Sanofi, que lorsqu'elle était alertée par la salariée d'une difficulté, elle relayait pour la résoudre, qu'elle la soutenait dans son travail qui était valorisé par ses interlocuteurs. Elle nie avoir privé Mme [D] d'outils de travail et de matériel nécessaires à l'accomplissement de ses tâches, qu'elle avait communiqué la liste des salariés en situation de handicap le 4 janvier 2019 alors que la chargée de mission en ressources humaines s'était démenée pour obtenir la liste des salariés faisant l'objet de restrictions d'aptitude, que ce sont ses collègues qui se sont occupées de l'obtention d'un téléphone portable dans les meilleurs délais, qu'elle n'a demandé à la salariée de restituer son matériel professionnel que parce qu'elle était en arrêt de travail et devait être remplacée temporairement, que cependant Mme [D] n'ayant pas communiqué le code d'utilisation il était inutilisable. Elle précise qu'un ordinateur portable lui avait été fourni dés l'embauche mais qu'elle l'avait perdu et ne l'en a informé que tardivement mais que dans tous les cas la salariée pouvait utiliser un PC en place sur les différents sites de son périmètre et sur les PC des sites visités, que le mail sur une réunion de dernière minute ne lui était adressé que pour copie. Enfin l'employeur rétorque que les documents médicaux ne font état que des ressentis de Mme [D] sans définir l'origine d'un mal-être alors qu'elle ne s'était jamais plainte d'un quelconque harcèlement moral.

Sur ce

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L.1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il en résulte que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période mais un fait isolé, faute de répétition, ne peut caractériser un harcèlement moral.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

La salariée, invoque plusieurs éléments qu'elle estime constitutifs de harcèlement moral, à savoir le manque d'outils nécessaires à l'accomplissement de ses missions, du travail confié en dernière minute et un bore out entretenu par l'employeur ayant entrainé une dégradation de sa santé.

Le responsable QSE a pour mission de réduire et contrôler les risques qualité sécurité et environnement au sein de l'entreprise.

1- S'agissant du manque de fourniture d'outils nécessaires à l'exécution de ses missions elle verse aux débats un courriel du 21 octobre 2018 de la directrice régionale de la société demandant qu'un téléphone portable soit commandé pour la salariée alors qu'elle a été embauchée le 1er octobre 2018 et un mail du 19 octobre qui demande que le téléphone portable pour [O] soit équipé d'un appareil photo pour réaliser les audits.

Ce fait sera retenu comme étant matériellement établi.

Le PC portable de la salariée fourni à l'embauche a été perdu dans le RER le 13 novembre ce dont elle justifie par une main courante. Les échanges de courriels sur la commande d'un nouvel ordinateur portable datent du 3 janvier 2019 ce qui sous entend qu'elle s'est trouvée sans ce matériel entre la perte et l'arrivée du nouvel appareil. Cependant dans son courrier du 9 juillet 2019 versé par la salariée l'employeur répond au conseil de Mme [D], il précise qu'elle n'avait évoqué le manque de moyen informatique avec sa supérieure hiérarchique que le 28 décembre 2018 et qu'il avait été fourni un ordinateur de prêt le 3 janvier 2019 alors que comme tous les salariés elle disposait d'accès à une cession personnelle sur tous les ordinateurs en place sur les sites de son périmètre et que en sus des PC Hélios il y avait un ordinateur PC administratif qui pouvait être qualifié de visiteurs.

Si la salariée se plaint de ne pas avoir pu obtenir les informations sur les salariés faisant l'objet de RQTH et de restrictions médicales, la chargée de ressources humaines l'a informée le 4 janvier 2019 du nom d'un salarié en invalidité et lui précise que pour le reste elle reviendra vers elle dès qu'elle disposera de l'information tout en la prévenant que fréquemment les gestionnaires n'alimentent pas systématiquement les restrictions sur le logiciel. Les échanges du 15 janvier avec la responsable de ressources humaines pour une visite commune sur le site Sanofi démontrent que sa demande avait été prise en compte.

Ces deux derniers faits ne sont pas matériellement établis.

2- S'agissant du travail demandé à des dates trop proches des interventions, elle justifie d'une demande faite par la société Derichebourg cliente d'Elior, demandant une présentation pour le lendemain. La cour relève toutefois que cette demande n'est pas formée à Mme [D] mais à M. [R] responsable de secteur restauration, elle même n'étant qu'en copie sans qu'il ne soit prouvé que celui-ci ne lui ait demandé de fournir un travail particulier sur cette présentation.

Le courriel du 12 mars 2019 par lequel M. [R] demande à la salariée pour la réunion de l'après-midi de lui adresser sa contribution laisse un délai très court.

Seul ce dernier fait est donc matériellement établi.

3- S'agissant du bore out invoqué, il correspond à l'ennui au travail résultant d'un manque de tâches et d'un manque d'utilisation des compétences du salarié. A ce titre Mme [D] verse des échanges de courriels de mi janvier 2019 alors qu'elle voulait organiser une formation pour les nouveaux arrivants. Le responsable restauration M. [R] donne son accord après qu'elle lui ait expliqué que la formation délivrée par Sanofi qui n'est pas leur employeur est insuffisante.

Ce fait n'est pas établi.

Si Mme [D] se plaint du manque d'utilisation de ses compétences et de soutien suite à une demande de modification des chiffres sur le nombre de jours d'arrêts de travail formé par le responsable grand compte opérationnel, elle a refusé de le faire et a communiqué au client les données conformes car elle « est responsable des données sécurité, qu'il est nécessaire de faire le point sur la prévention des risques », elle a été soutenue par le directeur sécurité et vie au travail de la société Elior en des termes très clairs « déformer la situation est susceptible de nous desservir dans la durée' .»

Il en est de même lorsque Mme [I] responsable sécurité au travail qui précise qu'elle refuse que les salariés travaillent avec d'autres chaussures que celles référencées dans les mercuriales car tous les EPI sont validés en comité, confortant ainsi la salariée dans sa position.

Le 21 mars 2019 suite à un accident de travail bénin (coupure de la main lors du tranchage de pain) la salariée proteste contre la réaction de la responsable de la cuisine qui ne semble pas avoir pris la mesure du problème et M. [R] lui indique la rejoindre sur la nécessité pour la manager de porter le sujet de la sécurité tout en précisant que celle-ci n'est pas réfractaire et qu'il faut qu'un collègue reprenne avec elle dans un moment dégagé de la pression du service et que si la situation persiste il reprendra le relais.

Ces faits ne sont pas établis.

L'employeur a demandé à la salariée par courriel du 7 août 2019 de restituer le téléphone portable et l'ordinateur portable. Ce fait est matériellement établi.

Enfin la salariée produit différentes pièces médicales établissant qu'elle a été en arrêt de travail à compter du 5 avril 2019, les arrêts de travail précisant syndrome anxio-dépressif suite à un conflit au travail ou burn out et le dossier auprès de l'Asmis indiquant le 4 avril 2019 lors d'une visite d'information et de prévention qu'elle a accepté le poste comme un challenge, qu'elle se demande pourquoi elle va travailler, son travail n'étant pas reconnu, qu'elle s'ennuie et se sent impuissante, qu'elle va chercher ailleurs car ne veut pas y laisser sa santé.

Ces éléments établissent suffisamment une dégradation de l'état de santé de Mme [D] à compter d'avril 2019 et le fait que la salariée lie cette dégradation à ses conditions de travail. Cependant le médecin qui a constaté l'état anxio-dépressif n'a fait que reprendre les éléments fournis par la salariée sur l'origine de son état puisqu'il n'a rien pu constater lui même dans l'entreprise.

Il résulte de ces développements que 3 éléments sont matériellement établis, à savoir le délai d'obtention du téléphone lors de la prise de poste, le court laps de temps laissé à la salariée pour préparer sa contribution pour la réunion du 12 mars et la demande de restitution du téléphone portable et de l'ordinateur pendant l'arrêt maladie.

La cour observe que ces faits sont isolés et éloignés dans le temps sans lien entre eux, qu'ils n'ont pas donné lieu à une plainte auprès de l'employeur et n'ont en outre pas eu pour conséquence de dégrader concomitamment la santé de la salariée. Par ailleurs la demande de restitution a été faite alors que la salariée était en arrêt maladie depuis 4 mois ce qui n'a pu être à l'origine de la dépression.

Dans ces conditions, la cour juge que, ces trois faits pris dans leur ensemble ne laissent pas présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé en ce que Mme [D] sera déboutée de sa demande en reconnaissance de harcèlement moral et de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur le licenciement

Mme [D] sollicite de la cour qu'elle juge le licenciement illicite en raison du harcèlement moral subi ; subsidiairement qu'il est sans cause réelle et sérieuse. Elle expose que suite à l'arrêt de travail pour maternité elle devait bénéficier d'une visite de reprise, que tant que cette visite n'avait pas eu lieu le contrat de travail était suspendu et l'employeur ne pouvait la licencier pour abandon de poste, et il n'était pas nécessaire que l'absence soit couverte par un arrêt maladie.

Elle fait valoir que la jurisprudence invoquée par l'employeur n'est pas transposable à son cas, qu'elle a justifié d'un arrêt couvrant la période du 15 février au 15 mars 2021 envoyé avant le 18 février date de la demande de justification de l'absence, qu'elle n'est donc pas restée passive et que lors de la convocation à l'entretien préalable l'absence était couverte par un arrêt de travail. Elle demande la condamnation de la société à lui verser une indemnisation.

La société conteste le harcèlement moral qui aurait été préalable au licenciement si bien qu'il ne peut être jugé illicite.

Elle argue que la salariée ne s'est pas présentée au travail à l'issue du congé parental en violation du règlement intérieur et ce pour la période à compter du 1er au 15 février 2021et malgré deux mises en demeure de justifier de son absence, la première 2021 adressée le 18 février, que ce n'est que le 15 février que la salariée a envoyé un arrêt de travail qui ne couvre pas la période d'absence et ne vise que l'avenir.

Elle fait valoir qu'elle ne pouvait connaitre le motif de l'absence de la salariée puisque le congé parental se terminait le 31 janvier alors qu'elle n'avait pas à organiser une visite de reprise puisque Mme [D] ne lui avait ni adressé de justificatif d'absence ni manifesté sa volonté de reprendre son travail, qu'il ne lui est pas reproché l'abandon de poste mais une absence injustifiée.

Sur ce

La cour ayant rejeté la demande de reconnaissance de harcèlement moral, le licenciement ne peut être jugé illicite.

Il résulte des articles L. 1225-51 et R. 1225-13 du code du travail que lorsque le salarié entend prolonger son congé parental d'éducation, il en avertit l'employeur au moins un mois avant le terme initialement prévu par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé ; que si ces formalités ne sont pas une condition du droit du salarié au bénéfice de cette prolongation, celui-ci se trouve, à défaut de justifier d'une demande de prolongation ou d'autres causes de son absence à l'issue du congé parental d'éducation, en situation d'absence injustifiée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le congé parental de la salariée se terminait le 31 janvier 2021 ; n'ayant pas informé l'employeur un mois auparavant de son intention de le prolonger ou de le modifier et alors qu'elle n'avait pas repris le travail le 1er février 2021 elle était en situation d'absence injustifiée susceptible de conduire à un licenciement disciplinaire. La cour relevant qu'aucune visite médicale n'était prévue à l'issue du congé parental avant reprise du travail, seul étant prévu un entretien d'employabilité.

La société a fait délivrer deux mises en demeure de reprendre le travail la première le 18 février et la seconde le 1er mars 2021 restées vaines.

La salariée soutient que l'employeur ne pouvait la licencier, le contrat de travail étant toujours suspendu tant qu'il n'avait pas organisé la visite de reprise prévue à l'article R 4624-22 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, qui prévoit cette modalité après un congé de maternité ou après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Le texte visé par la salariée est incorrect, la visite de reprise est prévue à l'article R 4624-31 du code du travail. Les conclusions visent la suspension du contrat de travail issue de l'arrêt maladie d'au moins 30 jours et l'arrêt maternité.

Il convient de relever que, contrairement au régime des inaptitudes pour maladie professionnelle ou non professionnelle, aucune disposition du code du travail ne fait de la visite médicale de reprise, à l'issue du congé de maternité, un préalable nécessaire à cette reprise, mettant fin à la période de suspension du contrat, celle-ci s'achevant à la fin du congé de maternité. En outre, Mme [D] a bénéficié, à l'issue de son congé de maternité, d'un congé parental d'éducation jusqu'au 31 janvier 2021. Le licenciement de la salariée ne saurait donc être considéré comme ayant été prononcé pendant une période de suspension de son contrat de travail, alors que son congé de maternité avait pris fin avant le congé parental.

En outre, faute pour la salariée d'avoir informé l'employeur de sa volonté de revenir travailler, celui-ci n'avait pas l'obligation d'organiser une visite de reprise, l'article R2624-31 du code du travail alinéa 2 prévoyant que la visite de reprise est organisée par l'employeur dès qu'il a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail. En ne prévenant pas l'employeur de la date de reprise la salariée ne s'est pas tenue à disposition de l'employeur.

Par ailleurs si la salariée a adressé un arrêt de travail pour la période comprise entre le 15 février et le 17 mars 2021, cet arrêt posté a postériori ne couvre pas les absences injustifiées du 1er au 14 février 2021, celles-ci caractérisant une faute simple justifiant le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Dès lors l'employeur pouvait engager une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison des absences injustifiées qui sont caractérisées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [D] bien fondé et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme la condamnation des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Mme [D] succombant en cause d'appel est condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Elior les frais qu'elle a dû exposer pour la présente procédure d'appel. Mme [D] est condamnée à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Creil le 23 mars 2023 en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Condamne Mme [D] à payer à la société Elior la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel

Déboute Mme [D] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Rejette toutes autres demandes plus amples et contraires

Condamne Mme [D] aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01812
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.01812 ?
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