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16/07/2024 | FRANCE | N°23/01362

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 16 juillet 2024, 23/01362


ARRET







S.A.S. MOBIDECOR





C/



[C]



























































copie exécutoire

le 16 juillet 2024

à

Me LE ROY

Me SOUBEIGA

CB/BT/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 16 JUILLET 2024



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******************************************

N° RG 23/01362 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IW26



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 16 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG F 22/00273)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. MOBIDECOR agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette quali...

ARRET

S.A.S. MOBIDECOR

C/

[C]

copie exécutoire

le 16 juillet 2024

à

Me LE ROY

Me SOUBEIGA

CB/BT/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 16 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/01362 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IW26

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 16 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG F 22/00273)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. MOBIDECOR agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et concluant par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Hélène CAMIER avocat de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIME

Monsieur [V] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté et concluant par Me Paul SOUBEIGA, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Georgina WOIMANT, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mai 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 16 juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 16 juillet 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [C], a été embauché à compter du 1er avril 2019 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, par la société Ageco agencement, rachetée suivant plan de cession par jugement du 31 mars 2021 puis par la société Mobidécor, ci-après dénommée la société ou l'employeur en qualité de menuisier agenceur.

La société Mobidécor emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle de la fabrication de l'ameublement.

Par courrier remis en main propre le 22 décembre 2021, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 5 janvier 2022.

Par lettre du 7 février 2022, il a été licencié pour faute sérieuse.

Par courrier du 4 mars 2022, la société Mobidécor a convoqué M. [C] à un entretien disciplinaire, fixé au 9 mars 2022 et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 7 avril 2022, la société a notifié à M. [C] la rupture de son préavis pour faute grave.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 23 septembre 2022.

Par jugement du 16 février 2023, le conseil a :

dit que le licenciement de M. [C] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

dit que la prétendue faute grave reprochée à M. [C] n'était pas, avérée et que la mise à pied conservatoire n'était pas justifiée ;

condamné la société Mobidécor à verser à M. [C] les sommes suivantes :

- 2029,05 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure ;

- 1521,79 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 8116,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

- 4058,36 euros au titre du préavis ainsi que 405,84 euros au titre des congés payés y afférents;

- 2367,23 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ainsi que 236,72 euros au titre des congés payés y afférents;

ordonné à la société Mobidécor de remettre à M. [C] les documents de fin de contrat conformes au jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la décision à intervenir;

rappelé les dispositions des articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail sur l'exécution provisoire;

condamné la société Mobidécor aux entiers dépens.

La société Mobidécor, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mai 2024, demande à la cour de :

A titre principal,

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [C] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- dit que la prétendue faute grave reprochée à M. [C] n'était pas, avérée et que la mise à pied conservatoire n'était pas justifiée ;

- l'a condamnée à verser à M. [C] les sommes suivantes :

2 029,05 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure ;

1 521,79 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

8 116,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

4 058,36 euros au titre du préavis ainsi que 405,84 euros au titre des congés payés y afférents ;

2 367,23 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ainsi que 236,72 euros au titre des congés payés y afférents ;

- lui a ordonné de remettre à M. [C] les documents de fin de contrat conformes au jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la décision à intervenir ;

- mis les dépens à sa charge ;

Et statuant à nouveau de,

A titre principal,

dire et juger le licenciement de M. [C] régulier et reposant sur une faute sérieuse;

dire et juger la rupture anticipée du préavis de M. [C] régulière et reposant sur une faute grave;

constater le mal-fondé des demandes de dommages et intérêts formulées par M. [C] et en conséquence ;

en conséquence, débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

condamner M. [C] à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

dire n'y avoir lieu à astreinte ou subsidiairement la limiter à 5 euros par jour le montant de l'astreinte fixée pour sa remise des documents rectifiés ;

En tout état de cause,

débouter M. [C] de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [C] à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

M. [C], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 mai 2024, demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

débouter la société Mobidécor de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires ;

Y ajoutant,

liquider l'astreinte prononcée par les premiers juges ;

condamner la société Mobidécor à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'affaire a été clôturée le 13 mai 2024 et fixée à l'audience de plaidoirie du 16 mai 2024.

MOTIFS

Sur la régularité du licenciement

M. [C] soulève l'irrégularité du licenciement qui a été notifié le 7 février 2022 au delà du délai d'un mois après l'entretien préalable expirant le 5 février 2022.

La société réplique que le dernier jour soit le 5 mars expirant un samedi le délai par application de l'article L 1332-2 du code du travail a été prorogé jusqu'au premier jour ouvrable soit le 7 février 2022.

Sur ce

En application de l'article R1332-2 du code du travail : La sanction prévue à l'article L. 1332-2 fait l'objet d'une décision écrite et motivée.
La décision est notifiée au salarié soit par lettre remise contre récépissé, soit par lettre recommandée, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2.

L'article R 1332-3 du même code ajoute que le délai d'un mois prévu à l'article L. 1332-2 expire à vingt-quatre heures le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour fixé pour l'entretien.
A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois suivant à vingt-quatre heures.
Lorsque le dernier jour de ce délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

La rupture du contrat de travail se situe à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture.

En l'espèce le courrier de licenciement est daté du 7 février 2022 alors que l'entretien préalable avait eu lieu le 5 janvier 2022. Le délai d'un mois expirant le samedi 5 février 2022 il a été prorogé au premier jour ouvrable soit le lundi 7 février 2022, date non contestée par les parties. La date de la rupture étant celle non de la réception du courrier de licenciement mais celle de l'envoi.

La procédure est donc régulière et la cour, par infirmation du jugement jugera désormais que la procédure de licenciement est régulière.

Sur la légitimité du licenciement

La société expose avoir licencié le salarié en se fondant sur 4 griefs, le refus d'exécuter des tâches et d'appliquer des consignes, une attitude agressive et irrespectueuse, des retards et l'utilisation du téléphone mobile durant les heures de travail.

Elle relate que le compte rendu d'entretien produit par M. [C] sur le soit disant abandon du premier grief a été modifié par lui ce qui est confirmé par M. [S] présent à cet entretien, qu'elle verse la véritable version du compte rendu d'entretien ; que le grief relatif à l'usage du téléphone portable n'est certes pas repris lors de l'entretien préalable, mais ne caractérise d'une irrégularité de forme qui ne l'empêche pas de constituer une cause réelle et sérieuse, que concernant l'attitude agressive et irrespectueuse le salarié a procédé de même en modifiant le compte rendu d'entretien alors qu'elle maintient ce grief alors qu'il a même refusé de saluer le chef d'équipe pendant plusieurs semaines.

Elle soutient que les retards sont caractérisés alors que M. [C] n'acceptait pas les remarques sur ce sujet en quittant son poste avec fracas et en montrant ostensiblement sa colère, tout en utilisant de façon persistante son téléphone portable.

M. [C] conteste les griefs et rétorque qu'il s'est expliqué lors de l'entretien préalable en visio-conférence, qu'il indique que le grief relatif au refus d'exécuter des consignes est annulé, de même pour celui relatif à l'attitude agressive et irrespectueuse que le compte rendu d'entretien, que ces deux griefs sont pourtant repris dans la lettre de licenciement alors que l'employeur ne pouvait plus les invoquer y ayant renoncé, qu'en aucune façon il n'a falsifié ce document car s'il a écrit « annulé-non retenu « c'est avant la signature du représentant de l'employeur, que l'exemplaire produit par l'employeur ne mentionne ni la présence de M. [S] ni celle de M. [L] qui l'a assisté, si bien que cette version n'est pas probante.

Il argue que les nombreux retards qui lui sont reprochés ne sont pas datés, sans trace de constatations, que l'insubordination n'est pas plus étayée, sa prétendue agressivité n'étant pas établie par un quelconque commencement de preuve, que le point commun des différents griefs étant l'absence de matérialité ; que le dernier grief lié à l'usage du téléphone non évoqué lors de l'entretien préalable peut certes être retenu même s'il n'a pas été discuté mais encore faut-il qu'il soit établi, ce qui n'est pas le cas.

Il fait valoir que le témoignage de M. [S] ne saurait a postériori démontrer la matérialité des griefs, aucun fait précis n'étant évoqué, sauf un seul retard le 15 décembre 2021, qu'il a justifié par des embouteillages et qu'il a rattrapé lors de la pause méridienne et qui en tout état de cause ne saurait fonder un licenciement ; qu'il n'est pas titulaire d'un téléphone portable si bien qu'il est possible de s'interroger sur un usage durant le temps de travail.

Sur ce

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. C'est à cette condition que le licenciement est justifié.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; que toutefois, le doute devant bénéficier au salarié avec pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Les parties produisent des versions différentes du compte rendu d'entretien préalable, celui du salarié mentionnant sur les griefs « refus d'exécuter les tâches confiées/refus d'appliquer et consignes données et attitude agressive et irrespectueuse » annulé non retenu ; il mentionne aussi les noms du représentant du salarié et celui de l'employeur.

Lors de cet entretien étaient présentes 3 personnes selon les signatures qui y sont apposées, soit le salarié et la personne qui l'assistait et M. [S] représentant de l'employeur. Ce dernier a attesté que lorsqu'il a signé le document les mentions « annulé non retenu » étaient absentes. Il appartenait au salarié puisqu'il était assisté, de produire lui aussi une attestation de M. [L] qui l'assistait pour donner sa version sur la réalité de l'apposition de ces mentions avant la signature du document.

En tout état de cause cette mention est d'un intérêt très relatif puisqu'au final seule la lettre de licenciement de l'employeur matérialise la réalité des griefs qu'il retient.

La société invoque 4 griefs à l'appui du licenciement pour cause sérieuse qu'il a prononcé. Cependant il ne verse aucune pièce établissant la réalité des reproches hormis le retard du 15 décembre 2021 de 20 minutes repris dans l'entretien préalable, le salarié indiquant au paragraphe « explications » qu'il était pris dans un embouteillage au rond point. Il affirme par ailleurs, sans être démenti, qu'il avait rattrapé ce retard sur la pause méridienne.

Ce seul grief ne justifiait pas d'un licenciement mais seulement d'une sanction qui aurait pu être limitée à un avertissement.

Ainsi le licenciement étant injustifié, il y a lieu, par confirmation du jugement de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur la rupture anticipée du préavis

La société expose que pendant l'exécution du préavis le salarié a été surpris pendant la pause déjeuner par le responsable de production à exécuter des ouvrages à usage personnel avec le matériel et les matières premières de l'entreprise ce qui est attesté par les photographies versées aux débats alors que ceci est interdit par le règlement intérieur et ce sans même en avoir informé son supérieur hiérarchique ; qu'elle a donc convoqué dés le lendemain M. [C] pour un entretien préalable pour mettre fin au préavis.

Elle relate que le salarié soutient aujourd'hui qu'il avait ramené du bois de son domicile mais que le 3 mars 2022 il avait reconnu lors de l'entretien préalable que le bois était issu du stock de l'atelier ajoutant que le second grief est le dénigrement de l'entreprise et de ses dirigeants et du responsable hiérarchique.

M. [C] réplique que l'employeur n'a pas respecté le délai de 5 jours pour le convoquer à un entretien préalable, que le dessous de table que laquelle il travaillait était visible de tous et qu'il n'a donc pu être surpris par M. [S] alors qu'il avait ramené du bois de son domicile pour y travailler, le contrat de travail ne visant que l'obligation de restituer tous documents susceptibles de permettre la réalisation de copies mais ne concerne pas l'utilisation de machines outils.

Il souligne que le règlement intérieur est inopposable puisqu'il n'a pas été porté à sa connaissance, n'a été ni diffusé ni déposé. Enfin il nie le grief de dénigrement déjà évoqué en janvier pour fonder le licenciement non établi.

Sur ce

Le contrat de travail subsistant pendant la période de préavis, les obligations découlant de ce contrat demeurent en vigueur jusqu'à la fin du préavis.

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée d'exécution du préavis.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul.

Il n'est pas nécessaire de refaire une procédure de licenciement pour mettre fin à un préavis à la suite d'une faute grave puisque le licenciement est déjà prononcé. Il s'en déduit que le délai de 5 jours de l'article L 1232-2 du code du travail pour la convocation à l'entretien préalable ne s'applique pas.

L'entretien préalable qui s'est déroulé le 9 mars 2022 vise 3 griefs à savoir :

- le 3 mars 2022 avoir été surpris à 12h30 dans l'atelier à réaliser des ouvrages personnels avec les outils, machines et matières premières de l'entreprise

- avoir perturbé sciemment le travail des collègues et faire preuve d'une mauvaise volonté délibérée en exécutant mal le travail

- persister à dénigrer M. [S] mais aussi l'entreprise et sa direction

Le premier grief se fonde sur l'article 13 du contrat de travail et sur le règlement intérieur de l'entreprise.

L'employeur produit le courrier du 7 avril 2022 par lequel il met fin à l'exécution du préavis avec privation de l'indemnité compensatrice en se fondant sur les 3 griefs repris infra.

Les deux derniers griefs ne sont établis par aucune pièce hormis le témoignage de M. [S] sur le fait que le salarié dénigrait ouvertement la société sans référence à un quelconque fait précis. Ce témoignage non circonstancié sur le 3eme grief n'en rapporte pas la preuve alors que le second n'est étayé sur aucun élément.

Reste le fait que M. [C] avait travaillé à un ouvrage personnel le 3 mars en utilisant le matériel de la société. Si l'utilisation de la machine outil de la société a été réelle, M. [S] précise dans son attestation que le salarié avait reconnu avoir amené du bois de chez lui pour ce travail personnel ce qui contredit la lettre mettant fin au préavis puisqu'elle indique que le salarié avait utilisé des matières premières de l'entreprise.

La cour relève que lors de son audition lors de l'entretien préalable le salarié avait contesté l'ensemble des reproches et affirmé qu'il n'avait jamais vu le règlement intérieur de la société.

Or le règlement intérieur pour être opposable doit avoir été porté par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l'embauche. L'employeur ne justifie pas de la communication qui a été faite au salarié du règlement intérieur qui prohibait le travail personnel dans les locaux de l'entreprise.

Par ailleurs, si le contrat de travail en son article 13 stipule que « le matériel que l'entreprise sera amenée à confier au salarié pour l'exécution de ses fonctions et en particulier les fichiers, listings, documents, barèmes, photos, instructions et autres documents quels qu'ils soient existants ou à créer, même créés par lui, restent la propriété de la société et doivent lui être restitués première demande. Le salarié devra apporter le plus grand soin à ce matériel et s'interdire formellement de lui donner un usage autre que professionnel ainsi que de faire des copies, reproductions pour son usage personnel ou tout autre usage sauf autorisation expresse de l'entreprise. »,le matériel visé ne concerne pas les machines outils utilisées par le salarié, le but de la société étant visiblement d'éviter toute contrefaçon.

En tout état de cause, quand bien même l'esprit de la prohibition visant à interdire, sauf accord de la société l'usage à des fins personnelles du matériel au sens large de la société, pourrait être retenu, ce grief n'est pas d'une gravité suffisante pour mettre fin de façon anticipée à l'exécution du préavis avec mise à pied conservatoire.

La cour jugera par confirmation du jugement que la décision de cessation anticipée du préavis pour faute grave n'est pas justifiée.

Sur l'indemnisation des préjudices

M. [C] sollicite le versement d'une indemnité légale de licenciement calculée sur une ancienneté de 3 ans en se basant sur les 3 derniers mois de salaire, le paiement de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les jours de mise à pied conservatoire injustifiée et le reliquat de préavis injustement abrégé par l'employeur.

La société n'a pas conclu sur l'indemnisation sollicitée mais s'oppose au dispositif des conclusions à l'ensemble des demandes.

Sur ce

Le licenciement étant injustifié, le salarié peut par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité de préavis augmentée des congés payés et indemnité de licenciement) mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

La cour n'a pas retenu d'irrégularité de procédure pour n'avoir pas respecté le délai de 5 jours de l'article L 1232-2 du code du travail lors de la convocation à l'entretien préalable lors de la faute grave invoquée à l'appui de la cessation anticipée du préavis.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société au paiement d'une somme au titre de l'irrégularité du licenciement et de débouter le salarié de cette demande.

La cour observe que le salarié qui demande le paiement de l'indemnité de licenciement produit le reçu du solde de tout compte qui reprend l'indemnité de licenciement retenue sur ce document à la somme de 1666,42 euros dont il ne conteste pas avoir été payé. Il en résulte qu'il convient par infirmation du jugement de le débouter de cette demande de paiement de l'indemnité de licenciement.

M. [C] embauché le 1er avril 2019 et a été licencié par lettre du 7 février 2022, il avait donc une ancienneté de 2 années complètes ; En application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail, l'entreprise occupant habituellement plus de onze salariés, il peut prétendre à l'indemnisation de l'illégitimité de son licenciement sans cause réelle et sérieuse à une indemnité comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire.

Le salaire moyen de référence est fixé à la somme non contestée de 2029,05 euros.

En considération de la situation particulière du salarié et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 7100 euros soit l'équivalent 3 mois et demi de salaire. Le jugement étant infirmé en son quantum.

La cessation anticipée du préavis étant infondée le salarié est bien-fondé à réclamer le paiement de la période de mise à pied conservatoire, à compter du 4 mars 2022.

Ayant débuté le préavis le 8 février 2022, soit le lendemain du licenciement pour faute sérieuse, le préavis prenait fin deux mois plus tard le 8 avril 2022.

Il est donc du au salarié une indemnité compensatrice de préavis pour la période non exécutée et la période de mise à pied conservatoire soit une somme de 2403 euros outre 240,30 euros de congés payés calculée entre le 4 mars et le 8 avril 2022, le montant étant infirmé.

Sur l'astreinte

M. [C] sollicite la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges.

La société s'y oppose répliquant que l'absence de communication des documents de fin de contrat ne cause aucun préjudice au salarié et à tout le moins de réduire le montant à 5 euros par jour de retard.

Sur ce

Le conseil de prudhommes ne s'étant pas réservé la liquidation d'astreinte, seul le juge de l'exécution est compétent pour la liquider. En tout état de cause la cour n'est pas compétente pour ce faire.

En l'état il n'apparaît pas indispensable d'assortir la présente décision d'une astreinte.

Il convient d'ordonner à la société de remettre au salarié le solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.

Sur le remboursement des indemnités à Pôle emploi

En application de l'article L.1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés. Les conditions étant réunies en l'espèce, il convient de condamner la société à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [C] dans la proportion de trois mois.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées sur les dépens.

Succombant à hauteur de cour, la société Mobidécor sera condamnée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. [C] une somme que l'équité commande de fixer à 2500 euros pour les frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure.

Partie perdante, la société Mobidécor sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 16 février 2023 par le conseil de prud'hommes d'Amiens sauf sur :

- le quantum de condamnation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité compensatrice de préavis pour la période non exécutée et la période de mise à pied conservatoire

- la condamnation pour irrégularité de procédure

- la condamnation au titre de l'indemnité de licenciement

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Condamne la société Mobidécor à payer à M. [V] [C] les sommes suivantes :

* au titre de l'indemnité compensatrice de préavis pour la période non exécutée et la période de mise à pied conservatoire soit une somme de 2403 euros outre 240,30 euros de congés payés afférents

* à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 7100 euros

Déboute M. [C] de ses demandes au titre de l'irrégularité de procédure et de l'indemnité de licenciement

Déboute M. [C] de sa demande de liquidation d'astreinte

Ordonne le remboursement par la société Mobidécor au profit de France travail des allocations versées à M. [C] dans la limite de trois mois d'indemnités

Condamne la société Mobidécor à verser à M. [V] [C] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt

Condamne la société Mobidécor aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01362
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.01362 ?
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