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16/07/2024 | FRANCE | N°23/00691

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 16 juillet 2024, 23/00691


ARRET







[L]





C/



Association AMAPA



























































copie exécutoire

le 16 juillet 2024

à

Me DAIME

Me AUZIERE

CB/BT



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 16 JUILLET 2024



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***************************************

N° RG 23/00691 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVRZ



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 02 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG 22/00097)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [D] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentée, concluant et plaidant par Me Aurelien DAIME, avocat...

ARRET

[L]

C/

Association AMAPA

copie exécutoire

le 16 juillet 2024

à

Me DAIME

Me AUZIERE

CB/BT

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 16 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/00691 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVRZ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 02 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG 22/00097)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [D] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée, concluant et plaidant par Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

Association AMAPA agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2] / FRANCE

Représentée, concluant et plaidant par Me Tiphaine AUZIERE de la SELAS CHALLENGES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Claire GALLON avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mai 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 16 juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 16 juillet 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [L], née le 25 février 1989, a été embauchée à compter du 15 juin 2012 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, par l'ADCSRO, puis par l'association Mosellane d'aide aux personnes âgées, ci- après dénommée l'association ou l'employeur, en qualité d'aide-soignante.

L'AMAPA emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle de la branche de l'aide à domicile.

Le 11 février 2018, Mme [L] a été victime d'un accident de travail. Par la suite, celle-ci a fait l'objet d'arrêts de travail continus entrecoupés par son congé maternité sur la période du 29 août au 18 décembre 2019.

Par avis d'inaptitude du 14 décembre 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [L] inapte à son poste, en précisant : " Inapte au poste occupé antérieurement. Pourrait occuper un poste sans mobilisation de charge supérieure à 5 kilos, sans posture contraignante du tronc, penchée en avant, ou en rotation de façon répétée et/ou prolongée ".

Par courrier du 2 juin 2021, l'Amapa a informé la salariée de l'impossibilité de son reclassement.

Par courrier du 7 juin 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement, fixé le 17 juin 2021.

Par lettre du 22 juin 2021, Mme [L] a été licenciée pour inaptitude.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne, le 24 mars 2022.

Par jugement du 2 février 2023, le conseil a :

- débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [L] à verser à l'Amapa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [L] aux entiers dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Mme [L], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 février 2023, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, à savoir:

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'Amapa à lui payer les sommes suivantes :

. 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 1 988,31 euros brut à titre rappel d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 3 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Amapa à la remise des documents de fin de contrat de travail conformes (attestation Pôle emploi, bulletin de paie) conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- condamner l'Amapa aux entiers dépens ;

- condamner l'Amapa aux intérêts au taux légal à compter de la saisine ;

- ordonner la capitalisation des intérêts (anatocisme) ;

- débouter l'Amapa de ses demandes reconventionnelles ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'Amapa la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau,

- la dire et juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'Amapa à lui payer les sommes suivantes :

. 20000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 1988,31 euros brut à titre rappel d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 3000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Amapa à la remise des documents de fin de contrat de travail conformes (attestation Pôle emploi, bulletin de paie) conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- condamner l'Amapa aux entiers dépens ;

- condamner l'Amapa aux intérêts au taux légal à compter de la saisine ;

- ordonner la capitalisation des intérêts (anatocisme) ;

- débouter l'Amapa de ses demandes reconventionnelles ;

L'AMAPA, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 août 2023, demande à la cour de :

- juger que l'appel de Mme [L] est recevable en la forme mais mal fondé ;

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] des demandes suivantes :

- dire et juger que le licenciement est sans réelle et sérieuse ;

- la condamner à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

. 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 1 988,31 euros brut à titre de rappel d'indemnité compensatricede préavis ;

. 3 000 euros netau titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau,

- prendre acte du règlement de la somme de 1 407,42 euros brut, soit 1 140,03 euros net, à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses autres demandes ;

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée le 16 mai 2024.

MOTIFS

Sur la rupture

Sur les modalités de forme

Sur le signataire de la lettre de licenciement

Mme [L] expose que le licenciement a été mené par le président du groupe Avec-Help dont l'association est une filiale, que la lettre de licenciement est rédigée au nom de centre support qui est une autre filiale, l'association Servir, peu important que le signataire soit le président de l'Amapa.

L'association réplique que M. [E] est président de l'AMAPA et que la mention du sigle AVEC dans la lettre de licenciement dont relève l'AMAPA ne remet pas en cause la validité de la signature ce d'autant qu'il existe des liens de gouvernance entre la société AVEC, la société Help et l'AMAPA.

Sur ce

En l'absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement et donc de signer la lettre de licenciement.

Mme [L] a été embauchée par l'ADCSRO qui a été placée sous sauvegarde de justice convertie en redressement judiciaire. Par jugement du 5 novembre 2013 le tribunal de grande instance de Beauvais a ordonné la cession de l'ensemble des actifs de l'association l'ADCSRO en ce compris le personnel salarié au profit de la société DG résidences membre du groupe Doctogestio à effet du 8 novembre 2013. A l'effet de la reprise la société DG résidences s'est substituée l'AMAPA, le jugement prévoyant en son dispositif que l'offre est assortie d'une clause de substitution au profit d'une ou plusieurs personnes morales de son choix.

Suivant délibération du bureau de l'AMAPA du 1er juin 2015, il a été décidé d'autoriser le président à acquérir les activités et éléments d'actifs de l'ADCSRO.

Le 21 décembre 2018 un accord sur la création d'une unité économique et sociale du réseau Doctogestio a été conclu avec les syndicats représentatifs de plusieurs associations dont l'AMAPA, l'UES étant dénommée médico-social.

En l'espèce la lettre de licenciement a été signée par M. [E], président. Même si l'entête reprise sur la lettre de licenciement indique " AVEC Help médico-social centre support ", la cour observe, d'une part, que Help est une société commerciale (SARL) dont M. [E] est le gérant, alors que M. [E] a signé le courrier en qualité de " président ", d'autre part que M. [E] est président de l'association AMAPA. S'il avait signé avec la mention " gérant " il aurait pu exister un doute sur la qualité pour agir du signataire, mais en signant avec la mention " président " M. [E] a agi avec le mandat de président de l'association et non de gérant de la SARL Help.

La cour relève d'ailleurs que l'association n'a pas dénié cette signature en ce compris en la présente procédure, qui l'a donc légitimement engagée. Ce moyen sera écarté.

Sur la consultation du CSE

Mme [L] prétend que l'employeur n'a pas consulté le CSE préalablement à la procédure de licenciement alors que la consultation est obligatoire même en l'absence de proposition de reclassement, que l'ordre du jour de la réunion du CSE du 27 mai 2021est une pièce insuffisante alors qu'il se contente de préciser les restrictions médicales et que la possibilité ou l'impossibilité de reclassement n'est pas évoquée, qu'en tout état de cause l'avis du CSE n'est pas communiqué.

L'association rétorque que le CSE s'est réuni le 27 mai 2021 après l'avis d'inaptitude de la salariée et avant l'engagement de la procédure de licenciement, que le procès-verbal est communiqué dans son intégralité avec la mention des élus présents, qu'en outre la consultation n'est soumise à aucun formalisme particulier.

Sur ce

L'alinéa 2 de l'article L 1226-10 du code du travail précise que " Cette proposition (de reclassement) prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. "

En l'espèce l'employeur produit aux débats l'intégralité du procès-verbal du CSE du 27 mai 2021 signé par sa secrétaire qui indique en page 41 sur 46 que le dossier de Mme [L] a été examiné suite à l'avis d'inaptitude rendu à son égard avec les restrictions visées.

Ainsi l'employeur a bien réalisé la consultation préalable du CSE avant d'engager la procédure de licenciement. Ce moyen est inopérant.

Sur l'obligation de reclassement

Mme [L] invoque l'absence de proposition de reclassement alors que l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité de reclassement et qu'il a attendu plus de 4 mois pour commencer à effectuer des recherches ; qu'il ne pouvait présumer des restrictions géographiques qu'elle ferait, qu' aucun échange avec la médecine du travail n'étant produit et que le registre du personnel est tronqué car ne comporte que les salariés embauchés à partir du 1er janvier 2020.

Elle argue que l'association faisant partie d'une unité économique et sociale ce que l'employeur affirme pourtant, elle aurait dû être reclassée dans le périmètre de l'UES qui regroupe les différentes associations devant être assimilée à une seule entreprise, peu important qu'il n'y ait pas de groupe au sens capitalistique du terme, que les envois de recherche de reclassement sont produits sans justificatif d'envoi ou de réception sur les envois d'avril 2021 ni même mention de leurs destinataires.

L'association soutient avoir rempli son obligation car dès l'avis d'inaptitude du 14 décembre 2020 elle a diffusé ses recherches de reclassement, que n'ayant pas reçu de réponse utile, elle a pris l'initiative de nouvelles recherches en février puis en avril 2021, qu'elle n'a donc pas tardé ; que le périmètre de reclassement n'est pas l'unité économique et sociale mais l'entreprise et les entreprises du groupe mais qu'elle est une association si bien que le périmètre était l'AMAPA seule, étant précisé que la salariée avait indiqué ne pas vouloir accepter un poste éloigné de plus de 20 kilomètres de son domicile et elle ne disposait d'aucun poste mais a cependant engagé des recherches extra-légales sur le seul poste compatible géographiquement au sein de l'UES à [Localité 3].

Enfin l'association fait valoir que le courrier d'avril 2021 mentionne les destinataires à savoir le centre support de l'AMAPA alors que les courriels constituent en eux même les justificatifs d'envoi ; que les registres du personnel des différentes structures regroupées par l'AMAPA sont produits.

Sur ce

Conformément à l'article L.1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le groupe de reclassement s'identifie en deux temps. Il convient d'abord de caractériser un groupe, lequel se détermine aussi bien par des liens juridiques que des liens de fait entre deux entreprises. Un groupe peut être identifié en établissant un lien juridique entre diverses associations et peut résulter de la création d'une unité économique et sociale (UES) entre les associations.

Une fois qu'un groupe a été identifié, l'obligation de recherche de reclassement à l'intérieur de ce groupe ne pèse sur l'employeur qu'à la condition qu'une permutation de salarié y soit possible. Cette permutabilité s'évalue au regard de l'activité, de l'organisation ou du lieu d'exploitation des différentes entreprises appartenant audit groupe

Les entités du groupe pour lesquelles la permutation de personnel n'est pas possible sont en effet exclues du périmètre de recherche du reclassement.

L'article L.1226-12 du même code prévoit que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. Il n'est toutefois pas tenu de cette obligation lorsqu'il a proposé au salarié, qui l'a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 du code du travail.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

La présomption instituée par ce texte ne joue que si l'employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce l'AMAPA est, depuis le 21 décembre 2018, membre de l'unité économique appelée " médico-social " qui comprend de nombreuses associations sur le territoire national dont l'activité porte sur les services aux séniors et personnes dépendantes. M. [E], président de l'association AMAPA et son groupe Doctogestio, ont repris plusieurs associations placées en liquidation judiciaire et pris le contrôle d'autres associations hors cadre judiciaire, l'UES ayant été créée pour mettre en 'uvre une politique de mutualisation des moyens supports.

Le périmètre retenu par l'UES comprend l'AMAPA, l'ADAMOISE, l'ASDAPA, le SSIAD ASDAPA, l'ASSADO, l'ASTL, le BSA, le CEKB, DG Help et le TI-TIKOUR. Ainsi le groupe de reclassement est identifié.

Le second critère pour caractériser le groupe de reclassement est celui de la permutabilité des salariés au sein du groupe qui est est évalué à partir d'indices factuels propres.

La cour observe que les différentes associations offrent des services similaires sur les 20 départements sur lesquels elles sont installées, à savoir l'assistance aux personnes âgées dont les métiers exercés sont similaires, le savoir-faire commun et l'organisation semblable selon la catégorie d'établissement (soins infirmiers, repas à domicile, auxiliaires de vie, EHPAD').

En l'espèce, il convient de relever que l'organisation et la nature des activités permet de considérer qu'il existe une possibilité de permutation d'emplois entre les différentes associations de l'UES, ce que ne conteste pas vraiment l'employeur puisqu'il a procédé de lui-même à une recherche de reclassement en février 2021 au sein du groupe Avec qui apparaît au vu des pièces produites aux débats qu'il est être la holding chapeautant les différentes entités juridiques.

L'employeur doit effectuer ces recherches au sein du groupe de reclassement sans pour autant omettre de les effectuer prioritairement au sein de sa propre structure, ce que l'employeur a fait par les envois le 14 décembre 2020, date de l'avis d'inaptitude, de courriels à destination des établissements sur le territoire national. Les courriels attestent de la date d'envoi et le nom des destinataires. Il est en outre produit les réponses négatives de ces établissements.

Le 12 février 2021 l'employeur a diffusé une nouvelle recherche de reclassement, les adresses mail des destinataires se terminant par " avec " et datées de façon lisible, sans plus de résultats positifs.

Le 22 avril 2021 la salariée a informé l'employeur qu'elle ne souhaitait ni faire plus de 20 kilomètres pour aller travailler, ni déménager, ce qui avait pour effet de réduire la zone géographique de recherche de reclassement.

La cour relève que l'employeur indique que le seul établissement dans la zone géographique souhaitée par la salariée est situé à [Localité 3]. Il est repris sur les avis de situation Sirène [Adresse 4] sur lequel 4 associations interviennent, à savoir le comité d'entraide Ji-Kour, l'ASTL, l'ASDAPA et l'association intercommunale d'action sociale d'aide à domicile.

Il est versé à la procédure un courrier du 27 avril 2021 signé du président à entête Avec pour une recherche de reclassement de la salariée avec les préconisations du médecin du travail. Or il n'est pas justifié par l'employeur de l'envoi d'une recherche de reclassement sur cet établissement puisque le courrier du 27 avril 2021 ne mentionne aucun destinataire et qu'il n'est pas établi qu'il ait été envoyé aux 4 associations travaillant à [Localité 3].

La cour observe au surplus qu'au sein de l'association Ji Kour plusieurs postes d'aide-soignante se sont libérés dans des temps proches du licenciement de la salariée.

C'est en vain que l'employeur soutient que le courrier a été envoyé à l'adresse mail " gestiondupersonnel.avec.fr ", aucun justificatif d'envoi n'étant produit alors qu'il n'est en outre pas déterminé le support gestion du personnel dont aurait dépendu le site de [Localité 3].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement en application de l'article L.1226-12 du code du travail.

Dès lors, le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [L] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses demandes indemnitaires.

Sur les demandes indemnitaires

Mme [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice né du licenciement non causé alors qu'elle avait été victime d'un accident du travail et que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement ; que cette indemnité doit se cumuler avec l'indemnité compensatrice et l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L 1226-14. Elle ajoute que le barème d'indemnisation ne s'applique pas et qu'il reste dû enfin un solde de congés payés que l'employeur s'était engagé à régler sans tenir son engagement.

L'Amapa réplique qu'elle a réglé le solde de congés payés, que la salariée ne rapporte pas la preuve du préjudice né du licenciement alors que sa demande est excessive par rapport au barème d'indemnisation.

Sur ce

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Or le dispositif ne reprend pas la demande au titre des congés payés. La cour n'est pas saisie de ce chef.

L'article L1226-15 du code du travail dispose que " Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14. "

L'article L1235-3-1du même code édicte que " L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13. "

En conséquence le barème d'indemnisation de l'article L1235-3 du code du travail n'a pas vocation à s'appliquer.

Mme [L] avait été embauchée le 5 juin 2012, elle a été licenciée le 22 juin 2021, elle avait donc 9 ans d'ancienneté. Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de la salariée, de son âge, 35 ans, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [L] doit être évaluée à la somme de 15 000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée sollicite au dispositif de ses conclusions un rappel d'indemnité compensatrice de préavis. Toutefois elle ne développe dans la partie discussion aucun moyen à l'appui de cette demande alors que la fiche de paie de juin 2021 mentionne une indemnité de préavis dont la salariée n'indique pas qu'elle ne lui aurait pas été payée.

Elle sera, par confirmation du jugement, déboutée de cette demande.

Sur les intérêts au taux légal

La cour rappelle que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts comme sollicité par la salariée.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Mme [L] sollicite de la cour qu'elle prononce la condamnation de l'employeur à lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte comminatoire de 50 euros par jour de retard.

L'association ne réplique pas sur ce point.

Sur ce

Il y a lieu d'ordonner à la société de remettre à Mme [L] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt. Toutefois aucun élément en l'état ne laissant supposer un refus d'exécution spontané, il sera débouté de la demande d'astreinte.

Sur le remboursement à Pôle emploi

En application de l'article L.1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du France travail lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés. Les conditions étant réunies en l'espèce, il convient de condamner la société à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [L] dans la proportion de six mois.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement entrepris sera infirmé.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [L] les frais irrépétibles exposés par lui. L'association Amapa sera condamnée à lui verser une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant, l'association sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Succombant, l'association Amapa sera condamnée aux dépens de l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par jugement contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 2 février 2023 en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit le licenciement de Mme [L] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association Amapa à verser à Mme [D] [L] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au titre des congés payés ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Dit que l'association Amapa devra remettre à Mme [D] [L] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte ;

Condamne l'association Amapa à verser à Pôle Emploi 6 mois d'indemnités chômage dont a bénéficié la salariée ;

Condamne l'association Amapa à verser à Mme [D] [L] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l'association Amapa de sa demande d'indemnité de procédure ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne l'association Amapa aux dépens de l'ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00691
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.00691 ?
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