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15/07/2024 | FRANCE | N°21/04882

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 15 juillet 2024, 21/04882


ARRET

N° 395





CPAM DE [Localité 4]-[Localité 5]





C/



[W]















































































Copies certifiées conformes :

- CPAM de [Localité 4]-[Localité 5]

- Madame [Z] [W]

- Me Virginie STIENNE-DUWEZ

- CRRMP ré

gion Bretagne







COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 15 JUILLET 2024



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N° RG 21/04882 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHTF - N° registre 1ère instance : 21/00502



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 14 SEPTEMBRE 2021





PARTIES EN CAUSE :





APP...

ARRET

N° 395

CPAM DE [Localité 4]-[Localité 5]

C/

[W]

Copies certifiées conformes :

- CPAM de [Localité 4]-[Localité 5]

- Madame [Z] [W]

- Me Virginie STIENNE-DUWEZ

- CRRMP région Bretagne

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 15 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 21/04882 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHTF - N° registre 1ère instance : 21/00502

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 14 SEPTEMBRE 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de [Localité 4]-[Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mme [H] [N], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

Madame [Z] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Virginie STIENNE-DUWEZ, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE,conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, le délibéré a été prorogé au 15 Juillet 2024.

Le 15 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Mme [Z] [W] épouse [M], salariée de la société [6] en qualité de comptable depuis décembre 1982, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]-[Localité 5] (ci-après la CPAM) une déclaration de maladie professionnelle en date du 12 février 2020 pour une « ténosynovite de De Quervain pouce et poignet droit », sur la base d'un certificat médical initial du 12 février 2020 indiquant « tendinite de De Quervain poignet droit ' travail sur ordinateur ' tableau 57 ».

Par courrier du 23 novembre 2020, la CPAM a notifié à Mme [M] un refus de prise en charge de la pathologie suivant l'avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région des Hauts-de-France qui avait été sollicité au motif que la condition relative à la liste limitative des travaux visée par le tableau n°57 C n'était pas remplie.

Contestant ce refus, Mme [M] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM qui a rejeté son recours puis elle a saisi le tribunal judiciaire de Lille, lequel, par un jugement du 14 septembre 2021, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, a :

- dit Mme [W] [M] recevable et bien fondée en son recours,

- dit que la maladie déclarée par Mme [W] [M] sur la base d'un certificat médical initial du 12 février 2020 est d'origine professionnelle,

- ordonné la prise en charge au titre des risques professionnels de la maladie au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles, déclarée par Mme [W] [M] sur la base d'un certificat initial du 12 février 2020,

- renvoyé le dossier à la CPAM de [Localité 4]-[Localité 5] pour la liquidation des droits de Mme [W] [M],

- condamné la CPAM de [Localité 4]-[Localité 5] aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 6 octobre 2021, la CPAM a relevé appel de ce jugement et les parties ont été convoquées à l'audience du 1er décembre 2022.

Par un arrêt du 26 janvier 2023, la présente cour a infirmé le jugement et, statuant à nouveau, a ordonné la saisine du CRRMP de la région Grand-Est, pour qu'il se prononce sur le lien direct entre la maladie déclarée par Mme [W] [M] et son travail, et renvoyé l'affaire au 21 septembre 2023, lors de laquelle, le dossier a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 13 mai 2024 en raison d'un mouvement de grève des personnels de greffe.

Le CRRMP de la région Grand-Est a rendu un avis défavorable le 10 octobre 2023.

Par conclusions communiquées au greffe le 19 avril 2024 auxquelles elle s'est référée à l'audience, la CPAM demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que Mme [W] ne rapporte pas la preuve qu'elle effectue les travaux visés dans la liste limitative du tableau n°57 C dans le cadre de son activité professionnelle,

-entériner les deux avis concordants des CRRMP Hauts de France et Grand-Est,

- dire et juger qu'il n'y a pas de lien de causalité direct entre la maladie déclarée par Mme [W] et son activité professionnelle.

- en tout état de cause, débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes y compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024, auxquelles elle s'est référée à l'audience, Mme [M] demande à la cour de confirmer le jugement, rejeter l'ensemble des demandes de la CPAM et condamner celle-ci à lui payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. 

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la régularité des avis des CRRMP

Mme [M] soulève l'irrégularité de l'avis rendu le 10 octobre 2023 par le CRRMP Grand-Est au motif qu'il n'a pas eu connaissance de l'avis du médecin du travail établi le 15 juillet 2020 et du rapport employeur alors qu'elle justifie avoir communiqué ces documents à la CPAM par courrier du 15 février 2023 en vue de leur transmission au comité. Elle précise que la CPAM disposait de ces pièces au stade de l'instruction du dossier, le questionnaire employeur lui ayant été retourné en mai 2020.

Elle soutient que l'avis rendu le 5 novembre 2020 par le CRRMP de la région des Hauts de France désigné par la CPAM est tout aussi irrégulier. Dans cet avis, le rapport circonstancié de l'employeur et l'avis du médecin du travail ne figurent pas parmi les éléments dont le comité a eu connaissance et il est indiqué que l'avis du médecin du travail a été « demandé le 26 juin 2020 sans réponse ».

Elle considère que les dispositions de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ont été méconnues et que les avis des deux CRRMP ne peuvent être pris en considération puisqu'ils sont irréguliers et qu'il ne s'agit pas d'avis éclairés, l'intégralité des éléments du dossier n'ayant pas été examinée.

La CPAM oppose que les nouvelles dispositions de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ne lui imposent plus de solliciter l'avis du médecin du travail et le rapport employeur de sorte qu'aucune irrégularité de ce chef ne peut être établie.

Elle soutient qu'en tout état de cause, quand bien même la cour considérerait les avis comme irréguliers, cette seule circonstance ne saurait permettre la prise en charge de la pathologie litigieuse et impliquerait qu'elle reprenne l'instruction du dossier.

Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, « est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L.315-1 (') ».

Aux termes de l'article D. 461-29 du même code dans sa version en vigueur le 1er décembre 2019 applicable au litige, « Le dossier examiné par le comité régional comprend les éléments mentionnés à l'article R. 441-14 auxquels s'ajoutent :

1° Les éléments d'investigation éventuellement recueillis par la caisse après la saisine du comité en application de l'article R. 461-10 ;

2° Les observations et éléments éventuellement produits par la victime ou ses représentants et l'employeur en application de l'article R. 461-10 ;

3° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises éventuellement demandé par la caisse en application du II de l'article R. 461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d'un mois ;

4° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel éventuellement demandé par la caisse en application du II de l'article R.461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d'un mois ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie indiquant, le cas échéant, le taux d'incapacité permanente de la victime.

La communication du dossier s'effectue dans les conditions définies à l'article R. 441-14 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 2° et 4° du présent article.

L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 3° et 5° du présent article sont communicables de plein droit à la victime et ses ayants droit. Ils ne sont communicables à l'employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à son employeur ».

En l'espèce, le CRRMP de la région Grand-Est, dans son avis du 10 octobre 2023, n'a pas coché les documents « avis motivé du médecin du travail » et « rapport circonstancié de l'employeur ».

Dans son avis, le CRRMP de la région des Hauts-de-France précise que l'avis du médecin du travail a été demandé le 26 juin 2020 mais qu'il est resté sans réponse.

Mme [M] justifie que son conseil a, par courriel du 10 mars 2023 (pièce 16) communiqué à la CPAM ses observations et pièces à transmettre au CRRMP, parmi lesquelles figurent une attestation du 15 juillet 2020 du docteur [F], médecin du travail mentionné par l'employeur dans son questionnaire, les propositions d'aménagement de poste et de temps de travail faites par le médecin du travail en 2020, 2021, 2022 un certificat du docteur [T], médecin du travail, en date du 8 mars 2021 adressé au service des pathologies professionnelles du CHU de [Localité 4], un avis du docteur [T] adressé au médecin conseil de la CPAM le 16 juin 2022 pour appuyer une demande de temps partiel thérapeutique.

Cependant, ces pièces ne comportent pas l'avis motivé du médecin du travail au sens de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale. Il ne saurait donc être reproché à la CPAM de ne pas avoir transmis au CRRMP un avis qu'elle n'a pas obtenu et qu'elle n'avait pas au surplus l'obligation de réclamer aux termes de l'article précité.

Mme [M] reproche à la CPAM de ne pas avoir fait suivre son envoi qui devait enrichir le dossier au CRRMP de la région Grand-Est.

Elle établit (pièce 15) que la CPAM a adressé à son conseil un courrier en date du 15 février 2023 ayant pour objet « dépôt des observations et/ou pièces justificatives avant saisine du CRRMP » l'informant de ce qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour déposer ses pièces à l'adresse mail indiquée soit jusqu'au 15 mars 2023 et que lesdites pièces seraient annexées au dossier transmis par la caisse au CRRMP désigné par la cour d'appel d'Amiens.

Le conseil de Mme [M] a adressé ses observations et pièces par courriel en date du 10 mars 2023. Or il est mentionné dans l'avis du CRRMP de la région Grand-Est que ce dernier a reçu le dossier complet le 8 mars 2023.

Il est ainsi suffisamment établi que le CRRMP n'a pas eu connaissance des pièces et observations de Mme [M] parmi lesquelles figurent plusieurs attestations ou certificats du médecin du travail qui sont des éléments essentiels pour apprécier le lien direct entre le travail et la pathologie.

La CPAM ne conteste pas avoir reçu ces documents mais reste taisante sur le fait de ne pas les avoir communiqués.

Aussi, la non-communication des différents avis du médecin du travail au CRRMP de la région Grand-Est a pour conséquence l'irrégularité de l'avis qu'il a établi le 10 octobre 2023.

Cette irrégularité ne peut conduire qu'à la nullité de l'avis et à la désignation d'un nouveau CRRMP comme indiqué au dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la cour du 26 janvier 2023,

Annule l'avis rendu le 10 octobre 2023 par le CRRMP de la région Grand-Est,

Avant dire droit sur le caractère professionnel de la maladie,

Désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Bretagne, en application des articles L. 461-1 alinéa 8 et R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, avec mission de :

- Prendre connaissance du dossier médical de Mme [Z] [W] épouse [M] dont la transmission devra être assurée par la CPAM,

- Indiquer si la pathologie dont elle est atteinte a un lien direct avec son travail habituel,

Impartit au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Bretagne un délai de quatre mois à compter de sa saisine pour nous faire connaître son avis,

Dit que les parties pourront communiquer au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Bretagne toutes les pièces qu'elles estimeront utiles et qu'elles devront lui communiquer toutes les pièces qu'il serait amené à leur demander, et que ce dernier pourra le cas échéant les convoquer,

Sursoit à statuer sur les demandes,

Dit que l'affaire sera appelée à l'audience du lundi 3 mars 2025 à 13 heures 30 après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

Dit que le présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience,

Sursoit à statuer sur les autres demandes,

Réserve les dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/04882
Date de la décision : 15/07/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-15;21.04882 ?
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