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11/07/2024 | FRANCE | N°23/01055

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 23/01055


ARRET







S.A.R.L. [5]





C/



LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 23/01055 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWIO - N° registre 1ère instance : 21/00031



Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Que

ntin en date du 30 janvier 2023





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A.R.L. [5], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1...

ARRET

S.A.R.L. [5]

C/

LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/01055 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWIO - N° registre 1ère instance : 21/00031

Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Quentin en date du 30 janvier 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. [5], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN, substitué par Me Marc STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

La CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V), institution régie par les dispositions du Livre VI, Titre 4, du code de la Sécurité Sociale, sise, [Adresse 4] à [Localité 3], prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

*

* *

DECISION

Par suite d'un contrôle effectué dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l'Urssaf de Picardie a par lettre recommandée du 19 décembre 2019 mis en demeure la société [5] de lui régler la somme de 27 988 euros, dont 18 508 euros en principal, 7 260 euros au titre des majorations pour travail dissimulé et 2 220 euros au titre des majorations de retard.

La société [5] a contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable, puis a saisi le 22 décembre 2020 le tribunal judiciaire de Saint-Quentin de la décision de rejet de la commission.

Par jugement en date du 30 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin, pôle social, a :

- débouté la société [5] de sa demande tendant à l'annulation des chefs de redressement retenus au titre de la lettre d'observations du 6 août 2019,

- condamné la société [5] à payer à l'Urssaf de Picardie la somme de 27 988 euros correspondant aux cotisations et contributions sociales recouvrées au titre des chefs de redressement n°1 et n°2, des majorations de redressement complémentaire pour travail dissimulé, ainsi que des majorations de retard,

- débouté la société [5] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [5] aux dépens.

Par déclaration d'appel du 20 février 2023, la société [5] a relevé appel de ce jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 13 mai 2024.

Aux termes de ses conclusions préalablement communiquées et soutenues oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel,

- annuler le contrôle de l'Urssaf du 18 novembre 2016,

- débouter l'Urssaf de ses demandes,

- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Urssaf aux dépens.

La société [5] invoque l'irrégularité du redressement, faute pour l'URSSAF de produire le rapport de contrôle, le rapport de gendarmerie constatant le travail dissimulé de sorte qu'elle est privée des droits de la défense.

Sur le fond, elle conteste la base forfaitaire de 6 mois sur laquelle est calculé le redressement alors qu'elle n'a pas été préalablement invitée à produire des éléments pour préciser la date d'embauche des salariés, leur temps de travail, et que qu'elle a débuté son activité 5 mois avant le contrôle, le 10 juin 2016.

Elle propose en cas de condamnation, de calculer le redressement en se basant sur les feuilles de travail des salariés de janvier à mars qui montrent qu'ils travaillent en moyenne 59,66 heures par mois sur un taux horaire de 9,76 euros soit une rémunération brute moyenne de 582,26 euros, soit un montant de cotisations non réglées de 2 518,96 euros pour 4 salariés non déclarés sur une période de 5 mois.

Aux termes de ses conclusions préalablement communiquées et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf de Picardie demande à la cour de :

- dire l'appel recevable mais mal fondé et débouter la société [5] de ses demandes,

- confirmer le jugement,

- condamner la société [5] à lui payer la somme de 27 988 euros correspondant aux chefs de redressement n°1 et 2, ainsi qu'aux majorations de redressement pour travail dissimulé sur la base de la lettre d'observations reçues par la société [5] le 6 août 2019,

- condamner la société [5] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

L'Urssaf rappelle qu'elle n'est pas tenue de communiquer le rapport de contrôle, qui est un document interne, que l'information du cotisant sur la charte du cotisant ne s'applique pas en matière de travail dissimulé, que la procédure est régulière.

Sur le fond, elle ajoute que le gérant de la société a reconnu les faits qui lui étaient reprochés dans le cadre d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité puisqu'il a reconnu l'emploi de 4 personnes sans avoir intentionnellement effectué de déclarations préalables à l'embauche ; que la société qui conteste le calcul de redressement, n'apporte pas la preuve de la durée réelle d'emploi des salariés ni du montant réel de leurs rémunérations.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la nullité du redressement pour non-respect de la procédure

Aux termes de l'article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, à l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

Dans la mise en 'uvre du redressement consécutif au constat de travail dissimulé, l'Urssaf a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi d'un document rappelant les références du procès-verbal pour travail dissimulé, la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés.

Tel est le cas en l'espèce dès lors qu' il est établi que l'Urssaf a adressé à la société [5] une lettre d'observations en date du 6 août 2019 réceptionnée le 8 août 2019 selon l'avis de réception retourné signé comportant les références du procès-verbal de gendarmerie de [Localité 6] de travail dissimulé et rappelant le déroulement du contrôle, la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité du 9 octobre 2017 lors de laquelle le gérant de la société [5] a reconnu l'emploi de 4 personnes sans avoir intentionnellement effectué les déclarations préalables à l'embauche.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la communication du rapport de contrôle et du procès-verbal de travail dissimulé au cotisant n'est pas exigée. Il en est de même de l'information du cotisant de l'existence d'une charte du cotisant dans l'avis de contrôle prévue par l'article R. 243-59 alinéa 1 qui n'est pas applicable au contrôle en matière de travail dissimulé.

Enfin, la société [5], qui a eu connaissance de la procédure pénale en particulier dans le cadre de la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, qui a pu se défendre et former des recours devant la commission de recours amiable puis devant les juridictions de sécurité sociale, n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Aucun manquement de l'organisme lors de la procédure de contrôle n'est caractérisé.

Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il a débouté la société [5] de sa demande d'annulation du contrôle au motif de l'irrégularité de la procédure.

Sur le fond

En vertu des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La société [5] reproche à l'Urssaf d'avoir recouru à une méthode d'évaluation forfaitaire, soulignant qu'elle est particulièrement pénalisante, alors qu'elle ne l'a pas invité à produire de éléments sur le temps de travail des salariés et la date d'embauche. Elle considère le montant réclamé excessif au regard des cotisations sur cinq mois pour quatre salariés qu'elle évalue à 2 518,86 euros.

En vertu des dispositions de l'article L 242-1-2 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire en termes de durée effective d'emploi et de rémunération versée, évaluées forfaitairement à 25 % du plafond annuel défini à l'article L 241-3 du présent code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

Lorsque la situation relevée concerne un particulier employeur mentionné aux 3°, 4° ou 6° de l'article L 133-5-6 du présent code, l'évaluation forfaitaire par salarié est égale à la moitié du plafond retenu au premier alinéa du présent article.

Il appartient à l'employeur qui entend écarter les dispositions de ce texte de prouver le salaire versé ainsi que la durée d'emploi du ou des salariés concernés.

En l'espèce, la société [5] verse au dossier un tableau récapitulant le nombre d'heures de travail de ses salariés au titre des mois de janvier, février et mars 2017, ainsi que des copies des bulletins de paie correspondants.

Toutefois, comme l'ont justement retenu les premiers juges, ce tableau ne permet pas d'établir le temps de travail effectif des salariés et leur réelle rémunération au cours du mois où le contrôle a été réalisé, soit le mois de novembre 2016.

La société [5] reproche également à l'Urssaf d'avoir calculé les cotisations sur une période de six mois alors qu'elle a débuté son activité le 10 juin 2016 selon l'extrait Kbis produit, soit cinq mois avant le contrôle en date du 18 novembre 2016.

La société [5] fait vraisemblablement référence à l'article L. 242-1-2 dans sa rédaction applicable aux constats opérés avant le 1er janvier 2016 qui prévoyait que les rémunérations étaient évaluées forfaitairement à 6 fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du code du travail.

Il sera relevé que l'Urssaf a appliqué les dispositions applicables au litige selon lesquelles les rémunérations servant de base au calcul des cotisations sont évaluées à 25% du plafond annuel défini à l'article L. 241-3, soit en l'espèce : 25% de 38 616 euros x 4 salariés = 38 616 euros.

Il convient dès lors de rejeter la contestation et de condamner la société [5] à payer à l'Urssaf la somme de 27 988 euros au titre des cotisations, majorations de retard et pénalités dues.

Le jugement est confirmé.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Partie succombante, la société [5] est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

En conséquence, la société [5] est condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin le 30 janvier 2023,

Y ajoutant,

Déboute la société [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel,

La condamne à payer à l'Urssaf de Picardie la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01055
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.01055 ?
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