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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00853

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 23/00853


ARRET







CPAM DE LA GIRONDE





C/



S.A. [4]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 23/00853 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV4J - N° registre 1ère instance : 22/00256



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 24 JANVIER 2023





PARTIES EN CAUSE :
r>



APPELANTE





CPAM de la Gironde

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]



Représentée et plaidant par Mme [P] [R], munie d'un...

ARRET

CPAM DE LA GIRONDE

C/

S.A. [4]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/00853 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV4J - N° registre 1ère instance : 22/00256

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 24 JANVIER 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de la Gironde

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée et plaidant par Mme [P] [R], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

S.A. [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me Clotilde MICHELET, avoat au barreau de PARIS, substituant Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Le 26 février 2021, Mme [T] [O] venant aux droits de son époux, M. [H] [O], décédé le 15 janvier 2021, ayant été salarié de la société [4] de 1986 à 2006, a établi une déclaration de maladie professionnelle visant une fibrose pulmonaire sur la base d'un certificat médical du 19 février 2021 mentionnant : « M. [H] [O] est décédé le 15 janvier 2021 d'une insuffisance respiratoire en rapport avec une fibrose pulmonaire. Ceci est en rapport avec son exposition antérieure à l'amiante et ce décès peut donc être rattaché à la maladie professionnelle reconnue ».

Après enquête et par courrier du 30 septembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (ci-après la CPAM) a notifié à l'employeur une décision de prise en charge au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.

La société [4] a contesté la décision devant la commission de recours amiable de la CPAM qui a rejeté son recours, puis elle a saisi le tribunal.

Le tribunal judiciaire de Lille, par jugement du 24 janvier 2023, a :

- dit que l'action de Mme [T] [O] en reconnaissance de la maladie dont M. [H] [O] était atteint n'était pas prescrite et était recevable,

- dit sur le fond la décision de la CPAM de la Gironde en date du 20 septembre 2021, de prise en charge de la pathologie du 1er mars 2019 de M. [H] [O] au titre de la législation sur les risques professionnels, inopposable à la société [4],

- invité la CPAM de la Gironde à donner les informations utiles à la CARSAT compétente pour la rectification du taux de cotisations AT/MP de la société [4],

- condamné la CPAM de la Gironde aux dépens.

Par courrier recommandé expédié le 7 février 2023, la CPAM de la Gironde a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 13 mai 2024.

La CPAM, aux termes de conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024, développées oralement à l'audience, demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement et constater que les conditions de prises en charge sont réunies,

- confirmer que la maladie professionnelle dont a été reconnu atteint M. [O] est opposable à l'employeur,

- débouter la société [4] de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- déclarer que la maladie du 1er mars 2019 n'est pas prescrite, 

A titre infiniment subsidiaire,

- constater qu'elle a respecté le principe du contradictoire à l'égard de la société [4].

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024 soutenues oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [O] n'était pas prescrite,

- déclarer prescrite la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [O] formulée par Mme [O],

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable à son égard la décision de prise en charge de la maladie de M. [O] du 20 septembre 2021,

- condamner la CPAM à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la prescription

En vertu des dispositions de l'article L 431-2 1° du code de la sécurité sociale, les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent libre se prescrivent par deux ans à compter du jour de l'accident ou du jour de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.

Aux termes de l'article L 461-1 alinéas 1 et 2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

La déclaration de maladie professionnelle a été adressée le 26 février 2021 à la CPAM. Le certificat médical l'accompagnant a été établi le 19 février 2021.

La société [4] soutient que le délai de prescription a commencé à courir à compter du 2 janvier 2019, date du diagnostic de la maladie d'asbestose par un scanner du 2 janvier 2019, et que M. [O] avait nécessairement connaissance du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle puisqu'il avait antérieurement bénéficié de la prise en charge d'une première maladie professionnelle « plaques pleurales » le 30 janvier 2001. Selon elle, le délai expirait le 2 janvier 2021.

Il ressort du dossier que seul le certificat initial du 19 février 2021 qui n'est pas un certificat de rechute comme le souligne la CPAM, établit un lien possible entre la pathologie d'asbestose et le travail, le diagnostic des plaques pleurales par le scanner du 2 janvier 2019 n'étant pas suffisant.

Dès lors, le jugement mérite confirmation en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Sur la prise en charge de la pathologie

Il résulte de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. (...).

Sur l'exposition au risque

Le tableau n° 30 A des maladies professionnelles « affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante » qui vise l'asbestose comprend une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies, tels que des travaux de calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante, de démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage, travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante.

Cette liste étant indicative, des travaux non spécifiquement prévus par celle-ci, peuvent être retenus comme susceptibles d'avoir provoqué la pathologie déclarée.

Dans ses rapports avec l'employeur, il appartient à la CPAM de démontrer que les conditions de prise en charge de la maladie sont réunies.

La CPAM était non comparante devant le tribunal qui avait donc considéré qu'il ne pouvait vérifier la condition relative à l'exposition au risque contestée par la société [4].

Au soutien de son appel, la CPAM produit le questionnaire employeur dont il ressort qu'il a été répondu « oui » à la question « votre salarié a -t-il déjà manipulé du calorifugeage (sur des fours, des chaudières, des tuyaux, des gaines électriques') ainsi qu'à la question « votre salarié a-t-il déjà effectué des travaux d'entretien, de réparation ou de maintenance sur des matériaux floqués ou calorifugés (plafonds, gaines de tuyauterie), ce qui a été confirmé par Mme [O] dans le questionnaire assuré en précisant que son époux avait installé la chaufferie de la cité administrative de [Localité 1] dans un « local fermé sans aération avec des murs floqués à l'amiante », qu'il assurait l'entretien et le dépannage de la cité administrative en électricité chauffage. Elle mentionne une période d'exposition de 1968 à 1986 à la cité administrative comme le document intitulé « poste de travail ».

M. [O] a travaillé au sein de la société [4] du 1er avril 1986 au 31 décembre 2006 (retraite) en qualité de technicien d'exploitation.

Ainsi les éléments de l'enquête établissent l'exposition au risque de M. [O] au sein de la société [4].

Les autres conditions (désignation de la maladie et délai de prise en charge) ne sont pas contestées.

Dès lors les conditions de prise en charge sont réunies et le moyen tenant à l'absence d'exposition au risque sera rejeté.

Le jugement sera infirmé.

Sur le respect du principe du contradictoire

L'article R. 461-9 du code de la sécurité sociale dispose que : « I.- La caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L.461-1.

Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l'article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.

La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu'au médecin du travail compétent.

II.- La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.

La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.

III.-A l'issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l'article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l'employeur disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

La société [4] reproche à la CPAM de ne pas lui avoir laissé la possibilité de consulter le dossier durant la période de consultation passive, celle-ci ayant débuté le samedi 18 septembre 2021 et la décision de prise en charge étant intervenue le lundi 20 septembre 2021.

En l'espèce, la CPAM a transmis à l'employeur la déclaration de maladie professionnelle par un courrier du 1er juillet 2021 indiquant qu'elle avait reçu le 27 mai 2021, cette déclaration et le certificat médical initial indiquant « fibrose pulmonaire », et lui demandant de compléter un questionnaire. Elle l'informait en outre qu'il aurait la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations du 6 septembre 2021 au 17 septembre 2021 et qu'au-delà, le dossier resterait consultable jusqu'à sa décision devant intervenir au plus tard le 27 septembre 2021.

Par courrier du 20 septembre 2021, la caisse a notifié sa décision de prise en charge à la société [4].

En adressant le courrier du 1er juillet 2021 qui fait mention tant des dates d'ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier que de la possibilité de formuler des observations sur cette période pendant 10 jours francs, la CPAM a respecté ses obligations.

L'employeur a pu prendre connaissance des réponses au questionnaire assuré lorsqu'il a eu la possibilité de formuler des observations après avoir consulté le dossier d'instruction de la CPAM, ce qu'il a fait le 6 septembre 2021 et le 10 septembre 2021.

La décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est intervenue le troisième jour après la fin du délai d'observations qui est certes le 1er jour ouvrable suivant ce délai, mais qui est un délai suffisant pour prendre en considération les observations de l'employeur.

La Cour observe que la seconde phase de consultation passive, contrairement à la première, n'est encadrée par aucun délai ni prescription particulière, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la CPAM d'avoir rendu sa décision le 20 septembre 2021.

Ainsi, la CPAM a mené une instruction conforme aux textes précités. Le moyen est rejeté.

Compte tenu de ces éléments, il convient de débouter la société [4] de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge et d'infirmer le jugement.

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société [4] sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'action de Mme [T] [O] en reconnaissance de la maladie dont M. [H] [O] était atteint n'était pas prescrite et était recevable,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute la société [4] de l'intégralité de ses demandes,

Dit que la décision de la CPAM de la Gironde du 20 septembre 2021 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de M. [O] du 1er mars 2019 visant une asbestose est opposable à la société [4],

Condamne la société [4] aux entiers dépens de l'instance.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00853
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.00853 ?
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