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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00847

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 23/00847


ARRET







CPAM DE L'ARTOIS





C/



S.A.S.U. [4]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 23/00847 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV35 - N° registre 1ère instance : 22/00032



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 05 JANVIER 2023





PARTIES EN CAUSE :






APPELANTE





CPAM de l'Artois

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée et plaidant par Mme [V] [M], munie d'un...

ARRET

CPAM DE L'ARTOIS

C/

S.A.S.U. [4]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/00847 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV35 - N° registre 1ère instance : 22/00032

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 05 JANVIER 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de l'Artois

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Mme [V] [M], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

S.A.S.U. [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentéeet plaidant par Me Mathilde PESQUET, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Camille-Antoine DONZEL de la SELARL LF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Saisi par la société [4] (ci-après la société [4]) du rejet implicite de sa contestation, par la commission de recours amiable, de la décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la CPAM ou la caisse) de la maladie déclarée par sa salariée Mme [E], le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, par un jugement en date du 5 janvier 2023 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, a :

- dit inopposable à la société [4] la décision du 14 octobre 2021 de prise en charge de la maladie de Mme [E] au titre de la législation professionnelle,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CPAM aux dépens.

La CPAM de l'Artois a interjeté appel le 3 février 2023 de cette décision qui lui a été notifiée le 10 janvier précédent.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 septembre 2023, lors de laquelle l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à celle du 13 mai 2024 en raison d'un mouvement de grève des personnels de greffe.

Par conclusions communiquées au greffe le 26 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- déclarer sa décision de prise en charge au titre de législation professionnelle de la maladie de Mme [E] parfaitement fondée et opposable à la société [4],

- dire qu'il n'y a pas lieu de la condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM expose qu'en cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le CRRMP), un nouveau délai d'instruction de 120 jours s'ouvre à compter du courrier d'information de la saisine du comité, lequel constitue également le point de départ de la première période de 40 jours francs, soit 30 jours pour compléter et enrichir le dossier par des pièces et 10 jours de consultation et observations du dossier pour garantir le caractère contradictoire de la procédure.

Elle soutient qu'aucune inopposabilité ne saurait être encourue au motif que la phase d'enrichissement du dossier n'a pas duré 30 jours à compter de la réception du courrier d'information dès lors que, d'une part, seul l'irrespect du délai de 10 jours francs est sanctionné par l'inopposabilité et, d'autre part, le point de départ du délai de 40 jours est nécessairement la date d'envoi du courrier d'information, et non sa réception.

Contrairement à la période de 30 jours d'enrichissement du dossier, le délai de consultation de 10 jours francs est le seul à garantir le caractère contradictoire de la procédure et son seul respect entraine l'opposabilité de la décision de prise en charge à l'employeur, ce qui est le cas en l'espèce puisque la société a été informée par courrier du 5 août 2021 de la saisine du comité, de la possibilité de compléter le dossier jusqu'au 6 septembre 2021 et de le consulter et le commenter jusqu'au 17 septembre 2021.

L'employeur a donc bien disposé du délai de 10 jours francs visé à l'article R. 461-10 du code de la sécurité sociale et ne saurait solliciter l'inopposabilité au seul motif que le délai d'enrichissement préalable n'a pas duré 30 jours.

Elle explique que le point de départ du délai de 30 jours débute à la date du courrier de saisine du CRRMP et non à celle sa réception car ce délai doit être le même pour toutes les parties ; qu'au cas contraire, il y aurait un décalage entre les délais impartis à l'assuré et à son employeur, ainsi que pour la caisse et le service médical, ce qui contreviendrait au principe du contradictoire.

Elle ajoute que le délai d'enrichissement n'est jamais qualifié de phase contradictoire, que le courrier visé à l'article R. 461-10 est une information et non une notification, qu'il ne s'agit que d'une mise à disposition du dossier et non d'une période de consultation.

Subsidiairement, la CPAM déclare qu'elle n'était pas en possession de l'avis du médecin du travail et que le CRRMP n'a pas reçu le dossier complet le 5 août 2021, cette date étant celle de la réception du courrier de saisine.

Par conclusions communiquées au greffe le 6 mai 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :

- juger que la CPAM n'a pas respecté le principe du contradictoire préalablement à sa décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [E],

- confirmer en conséquence le jugement d'inopposabilité,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la CPAM de l'Artois ne lui a pas permis de prendre connaissance des éléments qui lui font grief avant la transmission du dossier au CRRMP,

- juger que la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [E] lui est inopposable,

- à titre complémentaire, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CPAM à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- condamner la CPAM à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la CPAM aux entiers dépens.

La société [4] soutient que, pour bénéficier du délai de 30 jours francs qui se terminait le 6 septembre 2021, il aurait fallu qu'elle réceptionne le courrier d'information précisément le 5 août 2021, afin que le délai commence à courir le lendemain, soit le 6 août 2021 ; que la CPAM ayant posté la lettre d'information datée du 5 août 2021, le 6 août 2021 et elle-même ne l'ayant réceptionnée que le 9 août suivant, elle n'a pas pu bénéficier du délai de 30 jours francs visé à l'article R. 461-10 du code de la sécurité sociale, ni même en conséquence du délai de 40 jours francs.

Subsidiairement, elle fait valoir que, d'une part, elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance de l'avis du médecin du travail qui a été transmis au CRRMP et, d'autre part, que l'avis du comité mentionne expressément que le dossier complet a été réceptionné le 5 août 2021, soit à la même date que celle du courrier d'information de la caisse et sans qu'elle ait donc pu transmettre ses observations.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

- sur le caractère contradictoire de la procédure d'instruction

Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [E], le tribunal a retenu que la société [4] n'avait pas disposé d'un délai de 30 jours pour enrichir et consulter le dossier d'instruction mis à sa disposition par la CPAM de l'Artois.

Selon l'article R. 461-10 du code de la sécurité sociale, « lorsque la caisse saisit le CRRMP, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis ».

Ainsi, la caisse dispose d'un délai de 120 jours francs à compter de la saisine du CRRMP pour prendre sa décision. Au cours de ce délai, le dossier doit être mis à disposition de l'employeur pendant 40 jours francs (30 + 10). Le texte prévoit également que la caisse doit informer l'employeur des dates d'échéance des différentes phases, mais ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours.

Néanmoins afin de garantir l'effectivité de ce délai, celui-ci ne peut courir qu'à compter de l'information qui en est donnée à l'employeur, dont le texte précise qu'elle doit avoir date certaine, ce qui implique que le délai commence à courir à compter de la réception de l'information.

La mise à disposition du dossier prévue par le texte devant durer pendant 40 jours francs, il s'ensuit qu'elle prend effet à partir du jour suivant la réception du courrier d'information.

A défaut, ce délai serait réduit d'une durée égale au délai nécessaire de l'acheminement de la notification par les services postaux ou au délai de transmission électronique de la notification et de son accusé de réception par le destinataire, et ce en violation des droits de l'employeur.

Un tel point de départ n'empêche nullement que les délais visés à l'article R. 461-10 soient identiques pour toutes les parties, ce texte prescrivant à la caisse de notifier, non pas des délais, mais des dates d'échéance qu'elle peut fixer en tenant compte des délais d'acheminement des avis à chacune des parties.

L'irrespect du délai de 30 jours, contrairement à ce que soutient la caisse, fait bien grief à l'employeur s'agissant d'une phase d'enrichissement du dossier garantissant, au même titre que le délai de 10 jours francs de consultation et d'observations, le caractère contradictoire de la procédure d'instruction, l'employeur ayant durant ce laps de temps la possibilité d'ajouter des pièces au dossier qui sera transmis au CRRMP.

En l'espèce, par courrier du 19 avril 2021, la CPAM de l'Artois a informé la société [4] que sa salariée Mme [E] avait établi une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome dépressif, qu'un agent enquêteur allait prendre contact avec elle, que le dossier constitué serait consultable en ligne du 19 au 30 juillet 2021, qu'il resterait consultable au-delà de cette date et que sa décision sur la prise en charge interviendrait au plus tard le 9 août 2021.

Par courrier du 5 août 2021, la CPAM de l'Artois a informé la société [4] qu'elle saisissait le CRRMP pour avis sur le lien entre la maladie et le travail de Mme [E], lui a précisé qu'elle pouvait communiquer des éléments complémentaires au comité en complétant le dossier en ligne jusqu'au 6 septembre 2021 et formuler des observations jusqu'au 17 septembre 2021 sans joindre de nouvelles pièces. Elle lui indiquait enfin que sa décision interviendrait, après avis du CRRMP, au plus tard le 6 décembre 2021.

Par courrier du 14 octobre 2021, la CPAM de l'Artois, suivant l'avis favorable du CRRMP en date du 13 octobre 2021, a notifié à la société [4] sa décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie déclarée par Mme [E].

Le courrier d'information de la saisine du CRRMP et des différentes échéances en date du 5 août 2021 a été réceptionné par l'employeur le 9 août 2021 selon l'accusé de réception produit aux débats.

En fixant une date butoir pour la complétude du dossier au 6 septembre 2021, alors que le délai commençait à courir le 10 août 2021, la caisse, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 461-10, n'a pas permis à l'employeur de bénéficier d'une mise à disposition du dossier pendant 30 jours, puisqu'il n'a bénéficié que de 28 jours.

Elle est en outre mal fondée à soutenir qu'à compter de son courrier du 5 août 2021, l'employeur a bien bénéficié de 30 jours pour consulter et compléter le dossier puisqu'il ressort du dossier qu'elle n'a déposé le courrier en vue de son expédition à la société [4] que le 6 août 2021.

Dès lors que le principe de l'instruction contradictoire a été violé à l'égard de l'employeur, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par sa salariée Mme [E].

- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la caisse aux dépens de première instance et qu'il a débouté la société [4] de sa demande tendant à voir condamner la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant totalement, la CPAM de l'Artois sera condamnée, dans le cadre de l'instance d'appel, aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la société [4] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois à payer à la société [4] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00847
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.00847 ?
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