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11/07/2024 | FRANCE | N°22/05181

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 22/05181


ARRET







CPAM DE [Localité 6] - [Localité 5]





C/



[I]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 22/05181 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITSU - N° registre 1ère instance : 20/00834



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 18 OCTOBRE 2022





PARTIES EN

CAUSE :





APPELANTE





CPAM DE [Localité 6] - [Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée et plaidant par Mme [T]...

ARRET

CPAM DE [Localité 6] - [Localité 5]

C/

[I]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 22/05181 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITSU - N° registre 1ère instance : 20/00834

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 18 OCTOBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM DE [Localité 6] - [Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [T] [F], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIME

Monsieur [L] [I]

[Adresse 2]

Appartement 23

[Localité 4]

Comparant

Asssisté et plaidant par Me Marie WILPART, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

M. [L] [I], salarié de la société [7] en qualité de chef d'équipe d'agents de prévention, a été victime d'un accident du travail le 15 septembre 2017 dans les circonstances suivantes : « à la station Transpole Métro Porte des Postes, le salarié se serait trouvé dans la station de métro en compagnie d'agents de prévention et il aurait été insulté, aurait reçu des coups de poings et des menaces de mort par un individu alcoolisé ». Le certificat médical initial du 18 septembre 2017 mentionne une « agression violente avec coups de poing crise d'angoisse post-traumatique ».

L'accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM de [Localité 6]-[Localité 5] (la CPAM) le 9 novembre 2017.

La consolidation de son état de santé a été fixée à la date du 25 juillet 2019.

Contestant cette date, M. [I] a sollicité la mise en 'uvre d'une expertise sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, laquelle a été réalisée par le docteur [M], qui a fixé la date de consolidation au 28 octobre 2019.

Par courrier du 21 novembre 2019, la CPAM a notifié à M. [I] les conclusions de l'expert et sa décision de fixer la date de consolidation au 28 octobre 2019.

M. [I] a saisi la commission de recours amiable, puis le tribunal d'un recours à l'encontre de la décision de rejet de sa contestation par la commission.

Par jugement avant-dire droit du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a ordonné une expertise médicale sur le fondement des articles L. 141-2 et R. 142-17-1 II du code de la sécurité sociale.

L'expert psychiatre, le docteur [O] a établi son rapport le 18 mai 2022.

Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a :

- dit que la date de consolidation de l'état de santé de M. [L] [I] suite à l'accident du travail du 15 septembre 2017 est fixée au 24 février 2022,

- renvoyé M. [L] [I] devant la CPAM de [Localité 6] [Localité 5] pour la liquidation de ses droits s'agissant du paiement des indemnités journalières au titre de la législation professionnelle sur la période du 29 octobre 2019 au 24 février 2022,

- condamné la CPAM de [Localité 6] [Localité 5] aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par courrier expédié le 17 novembre 2022, la CPAM de [Localité 6] [Localité 5] a interjeté appel de cette décision.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 mars 2024 lors de laquelle l'affaire a été renvoyée à la demande des parties à celle du 13 mai 2024.

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement dont appel,

- dire l'état de l'assuré consolidé au 28 octobre 2019,

A titre subsidiaire,

- ordonner une mesure d'expertise sur la date de consolidation de l'assuré.

Se prévalant de l'avis du docteur [C], son médecin conseil, elle conteste la date proposée par l'expert au regard de l'introduction d'un traitement ayant permis d'améliorer l'état de santé de l'assuré et de contredire la date antérieurement fixée de la consolidation pour les raisons suivantes :

- l'assuré a débuté un traitement EMDR en décembre 2021 soit plus de deux ans après la consolidation de son état par le médecin-expert au stade précontentieux,

- la prise en compte d'un traitement initié aussi longtemps après la date de consolidation pose un problème de sécurité juridique,

- un tel raisonnement conduit à remettre potentiellement en cause de nombreuses dates de consolidation lorsque les assurés n'ont pas mis en 'uvre tous les moyens et traitements que ce soit par méconnaissance ou comme en l'espèce en partie délibérément, puisque l'assuré selon le rapport a refusé de suivre ses traitements avec assiduité,

- aucune objectivation de l'amélioration liée au traitement EMDR n'est documentée.

Ainsi, elle conteste la prise en compte d'un traitement, dans un contexte de refus thérapeutique par ailleurs, initié plus de deux ans après la consolidation initiale, et l'absence d'objectivation de toute évolution de l'état de l'assuré grâce à ce traitement ayant permis à l'expert de rejeter la fixation des lésions.

Elle justifie la demande subsidiaire d'expertise par les divergences entre son médecin-conseil, le médecin-expert précontentieux et l'expertise de première instance d'une part et le caractère contestable de la motivation de l'expertise de première instance d'autre part.

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024 et soutenues oralement à l'audience, M. [I] demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il soutient que sans nier son état antérieur, l'expert a justement retenu que son état de santé s'était modifié contrairement à ce qu'avait indiqué le docteur [M] ; que la majoration de la symptomatologie en octobre 2019 n'était pas compatible avec une date de consolidation au 28 octobre 2019 ; que les séances d'EMDR en décembre 2021 n'avaient jamais été proposées auparavant ; que l'amélioration de son état de santé a été constatée médicalement à la date du 24 février 2022.

Il ajoute que contrairement à ce qu'indique le docteur [C], il ne multiplie pas les recours mais fait simplement reconnaître ses droits, observant que ses recours se sont avérés bien fondés.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la date de consolidation

La consolidation des blessures résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle correspond au moment où l'état de la victime est stabilisé et n'exclut pas, par elle-même, la persistance de troubles et de douleurs ni la poursuite d'un traitement.

En application des dispositions combinées des articles L. 441-6 et L. 442-6 du code de la sécurité sociale, la caisse fixe la date de consolidation, après avis de son médecin conseil, dès réception du certificat médical établi par le médecin traitant de la victime de l'accident ou, en cas de désaccord, après avis émis par l'expert.

Selon l'article R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, lorsque le litige fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à l'état de l'assuré, du bénéficiaire ou de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, notamment relatif à la date de la consolidation ou de la guérison, la juridiction ne peut statuer qu'après mise en 'uvre de la procédure d'expertise médicale prévue par l'article L. 141-1 du même code.

En l'espèce, le docteur [M], expert désigné dans le cadre de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, a conclu que l'état de l'assuré ne pouvait être considéré comme consolidé le 25 juillet 2019 (date fixée par le médecin conseil de la CPAM) et qu'il était consolidé à la date de l'expertise (28 octobre 2019).

Le docteur [O], psychiatre, expert désigné par le tribunal, conclut que l'état de santé de M. [I] par suite de l'accident du 15 septembre 2017 était consolidé à la date du 24 février 2022. Il détaille dans son rapport les éléments médicaux pris en considération pour retenir cette date et indique :

« Discussion médico-légale

Monsieur [I] conteste la date de consolidation de son état, initialement fixée au 25/07/2019, puis suite à l'expertise du docteur [M] au 28/10/2019, prenant en compte une hospitalisation récente (juin 2019). Le docteur [M] rappelle également qu'une nouvelle hospitalisation était prévue, mais indique à juste titre qu'elle n'a pas eu lieu. Il était donc d'une certaine logique de retenir le repère de son expertise, comme nouvelle date de consolidation.

Pour autant, M. [I] a revu le docteur [W] le 04/10/2019 et celle-ci laisse entendre dans son courrier que la symptomatologie dépressive s'est majorée et propose des modifications thérapeutiques (introduction Deroxat 20mg et Temesta). Le docteur [M] fait d'ailleurs référence en page 2 de son rapport à cette consultation, mais n'évoque que l'entretien « tendu » avec son collègue, pas la majoration de la symptomatologie dépressive, ni la proposition d'introduire le Deroxat et un anxiolytique. Il était peu probable à la date du 28/10/2019 que l'état clinique ait pu s'améliorer significativement, d'autant que moins de trois semaines après la nouvelle date de consolidation (21/11/2019), elle (docteur [M]) évoque l'intérêt d'introduire le Risperdal après avoir obtenu l'avis favorable du cardiologue, mais indiquons-le, constate que Deroxat et Temesta n'ont pas été prescrit par le médecin traitant'

Si Monsieur [I] semble craindre les traitements psychotropes (craintes d'être dépendant) il n'est manifestement pas rétif à toute approche thérapeutique pour autant, et notamment, il nous indique que ce n'est qu'à compter de la mise en place des séances d'EMDR en décembre 2021, qu'il a vu son état s'améliorer significativement.

Aucun des documents médicaux remis et analysés pour rédiger ce rapport ne font référence à cette approche avant un courrier du docteur [S] en 2022.

Dans le sens où habituellement, envisager la consolidation suppose que l'on ait mis en 'uvre tous les moyens et traitement potentiellement efficaces sur un trouble donné, selon les données acquises et évolutives de la science, l'absence de mise en 'uvre antérieure de ce type de traitement ne permettait pas de l'envisager, en respect de cette donnée.

Le constat du docteur [W] du 04/10/2019, les données évolutives depuis les trois mois à compter du mois de décembre 2021 qui ont suivi les séances d'EMDR, l'absence de référence dans les documents à ce type de traitement avant le 24/02/2022 amènent à considérer que la consolidation a été ,trop prématurément fixée et qu'elle ne pouvait pas intervenir avant le 24/02/2022 (certificat du docteur [S] évoquant une amélioration rapportée suite à ces soins et donc l'absence d'évolution en aggravation) ».

L'expert précise que M. [I] a été suivi dès 2008 suite à une agression par le docteur [W] psychiatre au CMP, puis par le docteur [P] et actuellement par le docteur [S].

Contrairement à ce que soutient la CPAM, l'analyse de l'expert s'appuie sur les éléments médicaux du dossier et non sur les seuls dires de M. [I]. Ainsi, l'expert fait référence au certificat du docteur [W] du 4 octobre 2019, pour démontrer une majoration de la symptomatologie nécessitant une modification du traitement et excluant une consolidation à cette époque, majoration constatée également par le docteur [P] depuis le 7 novembre 2019 (courrier du 22 mai 2020). Il relate en outre les courriers des docteurs [Z] (11 janvier 2022) et [S] (24 février 2022) qui bien qu'étant postérieurs à l'expertise du docteur [M], montrent que des soins étaient toujours en cours lors de cette expertise et que la stabilisation de l'état de M. [I] est intervenue après la mise en place des séances d' EMDR, une amélioration étant constatée par le docteur [S] le 24 février 2022.

Par ailleurs, l'expert a pris en considération les antécédents de M. [I] et l'argumentaire du médecin conseil de la CPAM selon lequel une date de consolidation fixée plus de quatre ans après l'accident accrédite l'hypothèse d'un état antérieur à l'origine de la symptomatologie ne permet pas de remettre en cause la date de consolidation retenue.

Le rapport de l'expert désigné est clair, précis, motivé et ses conclusions sont dénuées d'ambiguïté

En considération de ce qui précède, c'est de manière fondée que les premiers juges ont homologué les conclusions de l'expert et rejeté la demande de la CPAM de nouvelle expertise médicale.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la CPAM, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la CPAM de [Localité 6] [Localité 5] de sa demande d'expertise,

Condamne la CPAM de [Localité 6] [Localité 5] aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05181
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.05181 ?
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