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11/07/2024 | FRANCE | N°22/03098

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 22/03098


ARRET







CPAM DE LA SOMME





C/



Société [4] [Localité 3]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 22/03098 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPPZ - N° registre 1ère instance : 21/00483



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 13 JUIN 2022





PARTIES EN

CAUSE :





APPELANT





CPAM DE LA SOMME

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Mme [H] [X], munie d'un po...

ARRET

CPAM DE LA SOMME

C/

Société [4] [Localité 3]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 22/03098 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPPZ - N° registre 1ère instance : 21/00483

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 13 JUIN 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE LA SOMME

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [H] [X], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

Société [4] [Localité 3]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Thomas KATZ, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Saisi par la société [4] [Localité 3] du rejet par la commission de recours amiable de sa contestation de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme (la CPAM ou la caisse) de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié M. [D], le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens, par un jugement en date du 13 juin 2022 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé du litige, a :

- déclaré inopposable à la société [4] [Localité 3] la maladie professionnelle du 31 juillet 2020 de M. [D],

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CPAM de la Somme aux dépens.

La CPAM de la Somme a interjeté appel de ce jugement le 21 juin 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 septembre 2023, lors de laquelle l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à celle du 16 mai 2024 en raison d'un mouvement de grève des personnels de greffe.

Par conclusions communiquées au greffe le 14 novembre 2023, soutenues oralement à l'audience, la CPAM de la Somme demande à la cour de :

- dire qu'elle a respecté ses obligations à l'égard de l'employeur lors de l'instruction du dossier de M. [D],

- en conséquence, dire opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [D],

- condamner la société [4] [Localité 3] au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM fait valoir que le tribunal a fait une appréciation erronée des dispositions de l'article R. 461-10 du code de la sécurité sociale car, d'une part, l'inopposabilité ne peut sanctionner que le seul non-respect de la phase contradictoire de consultation et d'observations de 10 jours francs et, d'autre part, la phase de complétude et consultation du dossier de 40 jours débute à compter de la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le CRRMP) qui est matérialisée par un courrier d'information, et non par la réception de cette information.

Elle précise que le délai de 40 jours a commencé à courir à compter du courrier adressé à l'employeur en date du 29 janvier 2021 l'informant des phases de consultation et d'observation et que dès lors que le délai de 10 jours francs (du 2 au 12 mars 2021) a été respecté, aucune inopposabilité ne saurait être encourue du seul fait que l'employeur n'a disposé que de 28 jours, au lieu de 30 jours pour compléter le dossier à compter de la réception de l'information de la saisine du CRRMP. Elle ajoute qu'en retenant la date du courrier d'information sur la saisine du CRRMP, le point de départ du délai est ainsi commun aux parties à la procédure et non décalé entre elles en fonction de la date à laquelle elles ont reçu l'information, ce qui impacterai d'ailleurs le point de départ du délai de 10 jours francs qui doit impérativement être le même pour toutes.

Par conclusions communiquées au greffe le 6 mai 2024, soutenues oralement à l'audience, la société [4] [Localité 3] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement et de :

- lui déclarer inopposable la décision de la CPAM de la Somme prenant en charge la pathologie de M. [D], ainsi que toutes les conséquences financières y afférentes,

- rejeter la demande de la CPAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la CPAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-condamner la CPAM de la Somme aux entiers dépens.

Elle oppose que l'information sur la saisine du CRRMP ne peut être connue de l'employeur que le jour de la réception effective du courrier et le délai de 40 jours francs ne peut commencer à courir s'il n'a pas reçu cette information. En l'espèce, elle a reçu le courrier d'information le 2 février 2021 de sorte que le délai de 30 jours a commencé à courir pour elle le 3 février 2021 et que la caisse ayant fixé la fin du délai de 30 jours au 1er mars 2021, elle n'a bénéficié que de 27 jours pour consulter et enrichir le dossier.

Elle considère que le droit de compléter le dossier est tout aussi important que celui de le consulter et de le commenter et qu'il n'est pas exigé que le point de départ du délai soit identique pour toutes les parties, mais que chaque partie puisse bénéficier du même délai de consultation et enrichissement du dossier, puis de consultation et d'observations.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

- sur le caractère contradictoire de la procédure d'instruction

Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [D], le tribunal a retenu que la société [4] [Localité 3] n'avait pas disposé d'un délai de 30 jours pour enrichir et consulter le dossier d'instruction mis à sa disposition par la CPAM de la Somme.

Selon l'article R. 461-10 du code de la sécurité sociale, « lorsque la caisse saisit le CRRMP, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis ».

Ainsi, la caisse dispose d'un délai de 120 jours francs à compter de la saisine du CRRMP pour prendre sa décision. Au cours de ce délai, le dossier doit être mis à disposition de l'employeur pendant 40 jours francs (30 + 10). Le texte prévoit également que la caisse doit informer l'employeur des dates d'échéance des différentes phases, mais ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours.

Néanmoins afin de garantir l'effectivité de ce délai, celui-ci ne peut courir qu'à compter de l'information qui en est donnée à l'employeur, dont le texte précise qu'elle doit avoir date certaine, ce qui implique que le délai commence à courir à compter de la réception de l'information.

La mise à disposition du dossier prévue par le texte devant durer pendant 40 jours francs, il s'ensuit qu'elle prend effet à partir du jour suivant la réception du courrier d'information.

A défaut, ce délai serait réduit d'une durée égale au délai nécessaire de l'acheminement de la notification par les services postaux ou au délai de transmission électronique de la notification et de son accusé de réception par le destinataire, et ce en violation des droits de l'employeur.

Un tel point de départ n'empêche nullement que les délais visés à l'article R. 461-10 soient identiques pour toutes les parties, ce texte prescrivant à la caisse de notifier, non pas des délais, mais des dates d'échéance qu'elle peut fixer en tenant compte des délais d'acheminement des avis à chacune des parties.

L'irrespect du délai de 30 jours, contrairement à ce que soutient la caisse, fait bien grief à l'employeur s'agissant d'une phase d'enrichissement du dossier garantissant, au même titre que le délai de 10 jours francs de consultation et d'observations, le caractère contradictoire de la procédure d'instruction, l'employeur ayant durant ce laps de temps la possibilité d'ajouter des pièces au dossier qui sera transmis au CRRMP.

En l'espèce, par courrier du 6 octobre 2020, la CPAM a informé la société [4] [Localité 3] que son salarié M. [D] avait établi une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome du canal carpien droit, qu'elle pouvait compléter sous 30 jours un questionnaire en ligne, que le dossier constitué serait consultable et qu'elle pourrait le commenter en ligne du 11 janvier au 22 janvier 2021, qu'il resterait seulement consultable au-delà de cette date et que sa décision sur la prise en charge interviendrait au plus tard le 1er février 2021.

Par courrier du 29 janvier 2021, la CPAM a informé la société [4] [Localité 3] qu'elle saisissait le CRRMP pour avis sur le lien entre la maladie et le travail de M. [D], lui a précisé qu'elle pouvait communiquer des éléments complémentaires au comité en complétant le dossier en ligne jusqu'au 1er mars 2021 et formuler des observations jusqu'au 12 mars 2021 sans joindre de nouvelles pièces. Elle lui indiquait enfin que sa décision interviendrait, après avis du CRRMP, au plus tard le 20 mai 2021.

Par courrier du 5 mai 2021, la CPAM de la Somme, suivant l'avis favorable du CRRMP du 27 avril 2021, a notifié à la société [4] sa décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie déclarée par M. [D].

Le courrier d'information de la saisine du CRRMP et des différentes échéances en date du 29 janvier 2021 a été réceptionné par l'employeur le 2 février 2021 selon l'accusé de réception produit aux débats.

En fixant une date butoir pour la complétude du dossier au 1er mars 2021, alors que le délai commençait à courir le 3 février 2021, la caisse, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 461-10, n'a pas permis à l'employeur de bénéficier d'une mise à disposition du dossier pendant 30 jours, mais pendant 27 jours.

Elle est en outre mal fondée à soutenir qu'à compter de son courrier du 29 janvier 2021, l'employeur a bien bénéficié de 30 jours pour consulter et compléter le dossier puisqu'il ressort du dossier qu'elle n'a déposé le courrier en vue de son expédition à la société [4] [Localité 3] que le 1er février 2021.

Dès lors que le principe de l'instruction contradictoire a été violé à l'égard de l'employeur, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié M. [D].

- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la caisse aux dépens de première instance et l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant totalement, la CPAM de la Somme sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de la demande qu'elle a formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aux dépens de l'instance d'appel,

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/03098
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.03098 ?
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