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11/07/2024 | FRANCE | N°22/03087

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 22/03087


ARRET

N° 680





[I]





C/



Caisse CIPAV













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 22/03087 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPPE - N° registre 1ère instance :



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 19 MAI 2022





PARTIES EN CAUSE :





A

PPELANT





Monsieur [L] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représenté par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS







ET :







INTIMEE





CIPAV...

ARRET

N° 680

[I]

C/

Caisse CIPAV

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 22/03087 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPPE - N° registre 1ère instance :

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 19 MAI 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [L] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

CIPAV

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascal PERDU, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

M. [L] [I], affilié à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (ci-après la CIPAV) à compter de 2017 en raison de son activité exercée sous le statut d'auto-entrepreneur, a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV d'une demande de rectification du relevé de situation individuelle qu'il s'était procuré sur le site internet 'info retraite' s'agissant des points de retraite de base et des points de retraite complémentaire.

Statuant sur le recours de M. [I] à l'encontre de la décision implicite de rejet de ladite commission, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, par jugement du 19 mai 2022, a :

- dit M. [I] irrecevable en son recours,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] aux dépens.

Par déclaration d'appel du 21 juin 2021, M. [I] a interjeté appel du jugement dont la signification suite au retour de la notification avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse', ne figure pas au dossier.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 septembre 2023 lors de laquelle l'affaire a été renvoyée à celle du 13 mai 2024 en raison du mouvement de grève des personnels du greffe.

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024 auxquelles il s'est rapporté, M. [I] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- déclarer son recours recevable,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par lui sur la période 2017-2019 selon le détail suivant :

- 36 points en 2017,

- 72 points en 2018,

- 72 points en 2019,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par lui sur la période 2017-2019 selon le détail suivant :

- 139,8 points en 2017,

- 530,3 points en 2018,

- 530,9 points en 2019,

- condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

Y ajoutant,

- en cas de décision d'irrecevabilité sur l'exercice 2019, condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3 000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse, soit 3 000 euros sur l'année 2019,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la Cour de cassation a reconnu la recevabilité de la contestation du contenu du relevé de situation individuelle à une date antérieure à la liquidation des droits.

Sur la rectification des points de retraite complémentaire, il soutient que l'attribution d'un nombre forfaitaire de points se fait en fonction de la classe de revenu ; que l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations ; que l'allocation de points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe est impossible.

S'agissant des points de retraite de base, il indique que la CIPAV pratique à tort un abattement de 34% sur le chiffre d'affaires, ce qui conduit à une minoration de ses points de retraite de base.

Enfin, il conclut que son préjudice moral est caractérisé par le stress lié à un sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits.

Par conclusions, parvenues au greffe le 14 septembre 2023, la CIPAV demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevable le recours formé par M. [L] [I],

A titre subsidiaire,

- juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de M. [L] [I],

- attribuer à M. [L] [I] les points de retraite de base suivants :

- 95,5 points de retraite de base en 2017

- 371,5 points de retraite de base en 2018

- 420,3 points de retraite de base en 2019

- attribuer à M. [L] [I] les points de retraite complémentaires suivants :

- 13 points de retraite complémentaire en 2017

- 50 points de retraite complémentaire en 2018

- 56 points de retraite complémentaire en 2019

- débouter M. [L] [I] de ses demandes,

- condamner M. [L] [I] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.

La CIPAV fait valoir que le recours est irrecevable, le relevé de situation individuelle ne constituant pas une décision de la CIPAV susceptible de recours devant la CRA mais un document indicatif et provisoire, et qu'en l'absence de demande préalable auprès de la CIPAV, M. [I] ne pouvait saisir directement la CRA puis le tribunal.

Sur le calcul des points de retraite, elle expose que le statut d'auto-entrepreneur est un statut dérogatoire au régime normal ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique ; que pour chaque période d'affiliation, le statut d'auto-entrepreneur permet aux professionnels libéraux, en fonction du chiffre d'affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d'acquérir des points de retraite ; que le montant des cotisations est calculé en appliquant au chiffre d'affaires un taux fixé par décret (22% depuis le 1er janvier 2018).

Elle soutient que le calcul des points acquis par l'adhérent ne résulte que de l'application des dispositions réglementaires applicables au régime de l'auto-entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations selon lequel le rapport entre le montant des cotisations effectivement payées par l'adhérent et la valeur d'achat du point détermine le nombre de points attribué au titre du régime complémentaire, rappelant que la compensation de l'Etat prévue jusqu'en janvier 2016 a pris fin à compter de cette date.

Elle ajoute que faire bénéficier à M. [I] de 72 points de retraite complémentaire au titre de chacune des années 2018 et 2019 reviendrait à lui attribuer des points à une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la CIPAV, et entrainerait une rupture d'égalité vis-à-vis des adhérents de la CIPAV ne relevant pas du régime de l'auto-entreprise, ce qui est inconcevable dans un régime de retraite obligatoire.

Elle s'oppose à la demande de réparation du préjudice moral, faisant valoir que M. [I] ne justifie pas du caractère fautif de la position de la CIPAV.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la recevabilité du recours

Selon les articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisine de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l'intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à sa connaissance dans le délai de deux mois.

Aux termes des dispositions combinées des articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants des cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension.

Il en résulte que l'assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général, le report des durées d'affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé (Cass. Civ. 2ème, 11 octobre 2018, pourvoi n°17-25.956).

En l'espèce, le relevé de situation individuelle édité le 24 juillet 2020 via le site internet info retraite que M. [I] conteste, fait mention de points acquis pour la CIPAV au titre du régime de retraite de base et du régime de retraite complémentaire pour les années 2017 et 2018.

M. [I] a saisi la commission de recours amiable d'une réclamation portant sur le nombre de points attribués au titre des années 2017, 2018 et 2019.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le relevé litigieux, qui récapitule les droits acquis par l'intéressé au titre du régime de retraite de base et du régime de retraite complémentaire lesquels serviront de base à la liquidation de la pension, procède de décisions prises par les organismes compétents pour la détermination des droits à la retraite d'un assuré social, de sorte que ce dernier est recevable à en contester la teneur devant la commission de recours amiable de l'organisme concerné puis devant la juridiction compétente. Il constitue en effet de la part de l'organisme une véritable prise de position et en tout état de cause est susceptible de faire grief au bénéficiaire de sorte que celui-ci doit être en mesure d'en contester la teneur sans attendre la liquidation de ses droits à la retraite.

Il y a lieu d'ajouter que l'absence d'indication au titre d'une année sur le relevé constitue également une décision, soit un refus d'attribution de points acquis au titre de celle-ci, alors que les caisses ont l'obligation d'alimenter le relevé de situation individuelle des assurés.

Dès lors, le recours est recevable et le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur le fond

Le régime des cotisations et contributions des travailleurs indépendants auto-entrepreneurs (régime micro-social) est prévu par l'article L.133-6-8.

Il résulte de cet article dans sa version applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2016, soit aux années litigieuses, que : 'les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles, de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas des dispositions du présent article.'

Depuis l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018 procédant au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants, l'article L. 133-6-8 est devenu l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.

Le taux de cotisation dit forfait social est fixé à 22% depuis le 1er janvier 2018 (article D.131-5-1 du code de la sécurité sociale). Il couvre l'ensemble des cotisations.

En fonction du montant cotisé, des points de retraite de base et de retraite complémentaire sont acquis par l'assuré auto-entrepreneur et le montant de la pension de retraite est égale au produit de la valeur du point par le nombre de points acquis (articles L. 643-1 et L. 643-3 du code de la sécurité sociale).

Il se déduit de la combinaison des textes précités que les cotisations sont assises sur le chiffre d'affaires ou les recettes effectivement réalisées.

Sur les points de retraite de base

Aux termes de l'article D. 643-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à compter de 2015, le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1° de l'article D. 642-3 (plafond annuel de la sécurité sociale ou PASS) ouvre droit à l'attribution de 525 points de retraite de base (tranche 1) et le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de la tranche des revenus défini au 2° de l'article D. 642-3 (cinq fois le montant du PASS) ouvre droit à 25 points de retraite de base (tranche 2), le nombre de points étant calculé au prorata des cotisations acquittées sur chacune des deux tranches, arrondi à la décimale la plus proche (le nombre de points était pour les années antérieures 2009 à 2014 respectivement de 450 points et 100 points).

M. [I] conteste le nombre de points de retraite de base figurant sur son relevé de situation individuelle. Il indique dans ses écritures que les parties s'accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs expliquée aux pages 2 et 3 de la pièce 1-2 et qu'elles sont en désaccord sur l'assiette de revenus à prendre en compte pour le calcul des cotisations, la CIPAV pratiquant un abattement de 34% sur le chiffre d'affaires ce qui conduit à une minoration des points de retraite de base.

Dans ses écritures en pages 6 et 7, la CIPAV retient pour calculer le montant de la cotisation due, le chiffre d'affaires correspondant à celui indiqué par M. [I] (10 350 euros en 2017, 41 727 euros en 2018 et 48 125 euros en 2019) pour lui appliquer le taux de cotisation dit forfait social. Mais elle multiplie ensuite le montant de cotisation obtenu par 25% pour la tranche 1 et par 5% pour la tranche 2 (tranche2), ce qui aboutit à une réduction du montant de cette cotisation qui serait celui versé au titre de la retraite de base. Elle le divise enfin par la valeur du point pour obtenir le nombre de points acquis au titre du régime de base.

Il y a lieu de relever que l'abattement de 34% n'est pas appliqué par la CIPAV pour les années postérieures à 2016 comme ici contrairement à ce que soutient le cotisant, mais que pour autant la CIPAV n'explicite pas les réductions de 25% ou 5% sur le montant des cotisations qu'elle opère. En outre, le montant des cotisations n'apparaît pas dans les pièces produites alors que le nombre de points doit se calculer au prorata des cotisations acquittées.

La CIPAV fait par ailleurs référence en page 11 de ses écritures sur la retraite complémentaire aux dispositions de l'article 3.12 de ses statuts, qui prévoient une réduction de la cotisation en fonction du revenu professionnel de l'année précédente. Cependant cette réduction ne peut intervenir que sur demande expresse de l'adhérent, ce qu'elle n'établit pas en l'espèce, de sorte que cette explication ne saurait être retenue.

Elle explique également qu'elle applique le principe de proportionnalité entre le montant des cotisations et la valeur d'achat du point afin d'éviter une rupture d'égalité vis-à-vis des autres adhérents de la CIPAV ainsi que la prise en compte d'une valeur du point inférieure à celle fixée par son conseil d'administration.

Or les objectifs qu'elles revendiquent ne résultent pas des dispositions applicables.

En tout état de cause, les calculs figurant dans ses écritures ne sont pas explicites au regard de ces dispositions.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. [I] de rectification de ses points de retraite de base, étant relevé qu'il n'est pas contesté qu'il s'est acquitté de ses obligations contributives en réglant ses cotisations de sorte qu'il est en droit d'obtenir les droits corrélatifs.

Sur les points de retraite complémentaire

Aux termes des dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979, le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l'article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations déterminées en fonction du revenu d'activité de l'intéressé, auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de l'organisme.

Il est constant que les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV (Cass. 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542).

Il en découle que le nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié déterminée en fonction de son revenu d'activité (2ème Civ. , 23 janvier 2020, n°18-15.542), étant précisé que la cotisation s'exprime sous la forme d'un montant fixe (et non d'un pourcentage) dû par l'assuré.

Le nombre de classes de cotisation a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013. A chaque classe de cotisation, correspond un montant de cotisations et un nombre de points de retraite. Ce nombre est fixé pour la première des classes (classe A) à 40 points par année pour les années 2009 à 2012 et à 36 points par année à compter de 2013, pour la classe B à 72 points à compter de 2013. Il est prévu que la cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de l'article L. 131-6 dans ses versions successives, l'assiette des cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales, d'assurance invalidité décès et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du dispositif prévu à l'article L. 613-7 du présent code (ou L. 133-6-8 dans les versions antérieures à 2018) est constituée des revenus d'activité indépendante à retenir pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

Il résulte de ces dispositions que le renvoi effectué à l'article L. 131-6 n'est pas applicable aux travailleurs indépendants relevant de l'article L. 613-7, soit au micro-entrepreneur comme M. [I].

Pour la détermination du revenu d'activité, il convient de se référer à l'article 613-7 énoncé précédemment selon lequel le revenu d'activité correspond au montant du chiffre d'affaires ou des recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent.

Il n'y a donc pas lieu d'appliquer un abattement de 34% sur le chiffre d'affaires.

Par ailleurs, la CIPAV n'est pas fondée à s'appuyer comme elle le fait sur le mécanisme de la compensation financière de l'Etat pour calculer les droits de l'assuré. Il importe peu que cette compensation soit insuffisante ou inexistante. La CIPAV ne peut ainsi procéder à un calcul de proportionnalité des points attribués en fonction du montant de la cotisation effectivement versée par l'assuré, au motif que les sommes encaissées par celui-ci dans le cadre de son activité d'auto-entrepreneur ne permettent pas de faire jouer la compensation de l'Etat pour les années antérieures à 2016 (article L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale ), ni calculer ces points pour les années ultérieures en appliquant un principe de proportionnalité entre le montant des cotisations et la valeur d'achat du point.

En effet, ces règles de compensation n'intéressent que les rapports entre l'Etat et l'organisme et sont étrangères aux relations entre l'organisme et ses affiliés.

Elles sont donc sans incidence sur la détermination des droits à pension des assurés.

La CIPAV ne peut pas non plus s'appuyer sur les dispositions de l'article 3.12 de ses statuts, qui prévoient une réduction de la cotisation en fonction du revenu professionnel de l'année précédente, dès lors qu'il résulte de ces dispositions que cette réduction ne peut intervenir que sur demande expresse de l'adhérent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En tout état de cause, les statuts de la CIPAV n'ont d'autre vocation que de régir le fonctionnement interne de cet organisme.

Par suite, l'argument selon lequel le nombre de points revendiqué par l'assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la CIPAV est aussi inopérant.

Le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents formulé par l'organisme est également sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d'entreprises par la mise en place, notamment, d'un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d'opter pour le régime micro-social..

Comme il a été dit précédemment, seules sont applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV les dispositions de l'article 2 du décret du 21 mars 1979 susvisé.

Il ressort du dossier que le revenu d'activité de M. [I] :

- en 2017 se situe dans la classe A et qu'il est donc bien fondé à obtenir 36 points,

- en 2018 se situe dans la classe B et qu'il est donc bien fondé à obtenir 72 points,

- en 2019 se situe dans la classe B et qu'il est donc bien fondé à obtenir 72 points.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. [I] de rectification de ses points de retraite complémentaire, étant observé qu'il n'est pas contesté qu'il s'est acquitté de ses obligations contributives en réglant ses cotisations de sorte qu'il est en droit d'obtenir les droits corrélatifs dépendant de sa classe de cotisation.

Sur la remise d'un relevé de situation personnelle rectifié

La CIPAV devra remettre à l'assuré un relevé de situation individuelle rectifié dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur la demande de dommages intérêts

Aux termes de l'article 1240 du code civile, toute fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour être accordée, la réparation suppose que soit démontrés une faute, un préjudice et un lien entre ces derniers, étant précisé que le préjudice doit être certain et non hypothétique.

En l'espèce, M. [I] invoque un préjudice moral lié à la minoration de ses points de retraite.

Cependant, le différend opposant la CIPAV à son assuré sur les modalités de calcul de ses droits à pension ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de la part de l'organisme, l'affilié disposant de la faculté de soumettre à un tribunal l'application des textes et de la jurisprudence.

En outre la preuve de la réalité du préjudice n'est pas rapportée.

Dès lors, M. [I] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie succombante, la CIPAV sera condamnée au paiement des entiers dépens et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [I] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager dans la présente instance. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare la demande recevable,

Condamne la CIPAV à créditer et à renseigner le relevé de situation individuelle de M. [I] sur la période de 2017 à 2019 comme suit :

- points de retraite complémentaire

- 36 points en 2017,

- 72 points en 2018,

- 72 points en 2019,

- points de retraite de base

- 139,8 points en 2017,

- 530,3 points en 2018,

- 530,9 points en 2019,

ce dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,

Déboute M. [I] de sa demande de condamnation sous astreinte,

Le déboute de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la CIPAV aux entiers dépens,

La déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la CIPAV à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/03087
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.03087 ?
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