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11/07/2024 | FRANCE | N°21/05357

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juillet 2024, 21/05357


ARRET







S.A.S. [5]





C/



CPAM DE [Localité 6]-[Localité 2]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 21/05357 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IISQ - N° registre 1ère instance : 20/00488



Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lille en date du 21 octobre 2021





PA

RTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A.S. [5], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Service AT

[Adresse 3]

[Localité 4]





Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP...

ARRET

S.A.S. [5]

C/

CPAM DE [Localité 6]-[Localité 2]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 21/05357 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IISQ - N° registre 1ère instance : 20/00488

Jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lille en date du 21 octobre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. [5], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Service AT

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06, substitué par Me Charlotte CHOCHOY, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIME

CPAM DE [Localité 6]-[Localité 2], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Mme [O] [U], dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

*

* *

DECISION

M. [M] [K], né en 1998, a été victime d'un accident du travail le 19 novembre 2018 pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels selon décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6]-[Localité 2] (la CPAM) en date du 3 décembre 2018.

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a :

- débouté la société [5] de l'intégralité de ses demandes,

- dit opposable à la société [5] la décision de prise en charge des soins et arrêts jusqu'à la date du 3 juin 2019,

- condamné la société [5] aux dépens.

Par courrier recommandé expédié le 15 novembre 2021, la société [5] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 12 janvier 2023. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 21 septembre 2023 puis à celle du 13 mai 2024.

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024 et soutenues oralement, la société [5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel,

- juger inopposables à son égard les arrêts de travail délivrés à M. [K] postérieurement au 9 janvier 2019 et qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 19 novembre 2018,

- juger inopposables à son égard les arrêts prescrits postérieurement au 24 janvier 2019, sans relation de causalité avec l'accident du travail du 19 novembre 2018,

- et à cette fin, avant dire droit, ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces et nommer un expert avec mission de :

- retracer l'évolution des lésions de M. [K] et dire si l'ensemble des lésions est en relation directe et unique avec son accident du travail du 19 novembre 2018,

- dire si l'évolution des lésions est due à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, à un nouveau fait accidentel, ou à un état séquellaire,

- déterminer quels sont les arrêts de travail et lésions directement et uniquement imputables à l'accident du 19 novembre 2018 dont a été victime M. [K],

- fixer la date de consolidation des lésions dont il a souffert suite à cet accident,

- dire que l'expert convoquera les parties à une réunion contradictoire, afin de recueillir leurs éventuelles observations sur les documents médicaux,

- communiquer aux parties un pré-rapport et solliciter de ces dernières la communication d'éventuels dires, préalablement à la rédaction du rapport définitif,

- enjoindre au service médical de la caisse de communiquer l'ensemble des documents médicaux constituant le dossier de M. [K] à l'expert,

- dire et juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de la CPAM en application du nouvel article L. 142-11 du code de la sécurité sociale.

Elle fait valoir que le médecin traitant de M. [K] a établi le 8 janvier 2019, un certificat médical final mentionnant ' guérison avec retour à l'état antérieur' au 9 janvier 2019, puis le 10 janvier 2019, un certificat de rechute ; que la CPAM aurait dû prendre en compte le certificat de guérison et diligenter une enquête sur la prise en charge de la rechute conformément aux articles L. 443-1 et suivants du code de la sécurité sociale ; que la présomption d'imputabilité a cessé de s'appliquer au moment de la guérison le 9 janvier 2019 et les arrêts de travail postérieurs lui sont inopposables ; qu'en outre il n'existe pas de continuité de symptômes à compter du 24 janvier 2019, le certificat médical initial faisant état d'une entorse de la cheville et les certificats de prolongation d'une entorse du genou gauche.

Elle invoque l'analyse médicale du docteur [Y], son médecin conseil, dont il ressort qu'il n'est fait état initialement d'aucun traumatisme du genou gauche et que le certificat de rechute délivré le lendemain de la guérison, ce qui n'est pas cohérent, ne peut que correspondre à la survenance d'un nouveau fait accidentel de sorte que seuls les arrêts prescrits jusqu'au 8 janvier 2019 peuvent être considérés comme en rapport avec l'accident déclaré.

Par conclusions visées par le greffe le 13 mai 2024 soutenues oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- déclarer opposable à la société [5] l'ensemble des soins et arrêts prescrits à M. [K] au titre de l'accident du travail qu'il a subi le 19 novembre 2018,

- débouter la société [5] de ses demandes, fins et conclusions et la condamner aux dépens.

Elle réplique que le service médical n'a pas confirmé la guérison proposée par le médecin traitant précisément en raison de la rechute déclarée ; que la continuité des arrêts et soins jusqu'au 3 juin 2019 résulte des certificats médicaux qui mentionnent le même siège et la même nature de lésion ; que les éléments médicaux permettent de justifier la période d'arrêt au titre de l'accident du 20 novembre 2018 au 3 juin 2019.

Elle ajoute que l'expertise ne saurait être ordonnée pour palier la carence de l'employeur dans l'administration de la preuve d'une absence de lien entre la lésion initiale et les arrêts postérieurs.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et moyens qui les fondent.

Motifs

En vertu de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations. Cette nouvelle fixation peut avoir lieu à tout moment pendant un délai déterminé qui suit la date de guérison ou de consolidation de la blessure (...).

L'article L. 443-2 du même code prévoit que si l'aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d'assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute.

Cette prise en charge doit respecter le principe du contradictoire. Toutefois, les dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables lorsque la demande porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l'accident du travail initial.

Par ailleurs, en application des articles L. 411-1, L. 431-1 et L. 433-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail ou la maladie professionnelle, pendant toute la période d'incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement, aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l'accident ou de la maladie, et fait obligation à la CPAM de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, les dépenses afférentes à ces lésions.

Dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime. (Cass civ 2ème 9 juillet 2020 ; Cass civ 2ème 10 nov 2022)

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, la société [5] a déclaré un accident du travail survenu le 19  novembre 2018 à M. [K] qui serait tombé sur une brique au sol, le siège des lésions indiqué dans la déclaration d'accident du travail étant la jambe gauche.

Le certificat médical initial établi le 20 novembre 2018 fait état d'une « entorse cheville gauche responsable d'impotence fonctionnelle' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 27 novembre 2018.

Le certificat de prolongation du 27 novembre 2018 indique 'entorse externe cheville gauche' avec un arrêt de travail jusqu'au 4 décembre 2018.

Le certificat de prolongation du 4 décembre 2018 indique 'entorse cheville gauche' avec un arrêt de travail jusqu'au 18 décembre 2018.

Le certificat de prolongation du 18 décembre 2018 indique 'entorse cheville gauche complique de tenosynovite' avec un arrêt de travail jusqu'au 8 janvier 2019.

Le certificat du 8 janvier 2019 est un certificat final qui mentionne 'guérison avec retour à l'état antérieur' à la date du 9 janvier 2019.

Le certificat du 10 janvier 2019 toujours établi par le même médecin traitant est un certificat de rechute qui vise l'accident du travail du 19 novembre 2018 et qui indique ' suite laxité de la cheville gauche, chute sur le lieu du travail avec traumatisme du genou gauche responsable d'une impotence fonctionnelle du genou gauche et douleur cheville gauche' et qui prescrit un arrêt de travail jusqu'au 24 janvier 2019.

Les certificats de prolongation des 22 janvier 2019, 19 février 2019, 19 mars 2019, 16 avril 2019, 3 mai 2019 mentionnent une entorse du genou gauche ligament médial suite à une chute sur le lieu de travail et une rééducation en cours.

Le certificat final est en date du 3 juin 2019.

Il résulte des certificats médicaux établis par le même médecin traitant que si les constatations médicales visent à compter du 10 janvier 2019, non seulement une lésion à la cheville mais également au genou, la lésion du genou s'explique par la laxité de la cheville soit la lésion initiale et elle est bien déclarée dans le cadre de l'accident du 19 novembre 2018 et avant la date de consolidation, fixée par le seul médecin conseil de la CPAM.

Il ne saurait donc être reproché à la CPAM de ne pas avoir respecté la procédure.

Le médecin conseil de la CPAM a confirmé que la lésion du genou était imputable à l'accident du travail du 19 novembre 2018 ce dont l'employeur a été informé par notification du 14 janvier 2019 qui mentionnait la possibilité de contester la prise en charge devant la commission de recours amiable.

Il est constant que la présomption d'imputabilité s'applique à toutes les lésions non détachables de l'accident initial et qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale. Tel est le cas en l'espèce.

Cette présomption s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant la guérison complète.

Le médecin conseil de l'employeur soutient dans sa note du 16 juin 2022 que le certificat de rechute au lendemain d'une guérison de la lésion initiale ne peut correspondre qu'à la survenance d'un nouveau fait accidentel et que seuls les soins et arrêts jusqu'au 8 janvier 2019 peuvent être en rapport avec l'accident déclaré, l'entorse de la cheville ayant été prise en charge médicalement sans complication évolutive.

Or les documents médicaux mentionnent une ténosynovite et expliquent le lien entre la lésion du genou et la laxité de la cheville. La pathologie du genou est donc bien une conséquence de l'accident du travail déclaré.

L'argumentation de la société [5] relative à l'absence d'application de la présomption d'imputabilité après le 9 janvier 2019 et à l'absence de continuité de symptômes à compter du 24 janvier 2019 doit donc être rejetée.

Enfin, la demande d'expertise est infondée en ce qu'elle vise à voir fixer la date de consolidation, alors que cette date ne peut être fixée que par le médecin-conseil. Par ailleurs, une expertise n'a pas pour objet de suppléer à la carence des parties dans l'administration de la preuve. L'apparition de lésions nouvelles, conséquences de l'accident pris en charge, ne peuvent fonder la demande.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement.

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société [5] doit être condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société [5] de sa demande d'expertise,

La condamne aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/05357
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.05357 ?
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