La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2024 | FRANCE | N°22/02981

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 08 juillet 2024, 22/02981


ARRET







CPAM DE [Localité 5] [Localité 4]





C/



[E]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 08 JUILLET 2024



*************************************************************



N° RG 22/02981 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPIT - N° registre 1ère instance : 21/01979



Jugement du tribunal judiciaire de Lille (pôle social) en date du 23 mai 2022





PARTIES EN CAUS

E :





APPELANTE





CPAM de [Localité 5] [Localité 4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]





représentée et plaidant par ...

ARRET

CPAM DE [Localité 5] [Localité 4]

C/

[E]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 08 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 22/02981 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPIT - N° registre 1ère instance : 21/01979

Jugement du tribunal judiciaire de Lille (pôle social) en date du 23 mai 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de [Localité 5] [Localité 4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et plaidant par Mme [T] [A], munie d'un pouvoir régulier

et :

INTIME

Monsieur [L] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Rania Arbi, avocat au barreau de Lille

DEBATS :

A l'audience publique du 08 avril 2024 devant Mme Anne Beauvais, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Anne Beauvais en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseillère,

et M. Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 juin 2024, le délibéré a été prorogé au 08 juillet 2024.

Le 08 juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.

*

* *

DECISION

Le 29 janvier 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6]-[Localité 7] a déclaré un accident du travail affectant M. [L] [E], employé, survenu le 28 janvier 2021 aux temps et lieu du travail, constitué par un choc émotionnel révélé par une crise d'angoisse, à l'occasion d'un entretien avec un responsable.

Plusieurs témoins étaient désignés en la personne de M. [L] [S], Mme [O] [Y] et Mme [Z] [H].

L'employeur précisait qu'un courrier de réserve serait établi ultérieurement.

Le certificat médical initial établi par M. [R] [J], médecin, daté du 29 janvier 2021, constate un ' syndrome anxio-dépressif secondaire à difficultés professionnelles avec selon le patient des pressions psychologiques de la part de ses responsables. Choc émotionnel dans les suites d'un entretien avec son responsable le 28 janvier.' Le praticien n'a pas prescrit de soins, mais un arrêt de travail jusqu'au 5 février 2021.

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] (la CPAM ou la caisse) a refusé de prendre en charge l'accident déclaré.

M. [E] a alors saisi la commission de recours amiable(la CRA), laquelle a implicitement rejeté son recours, puis le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, lequel, par jugement en date du 23 mai 2022, a :

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] devait prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels l'accident du travail dont avait été victime M. [L] [E] le 28 janvier 2021 ;

Condamné la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] à verser à M. [L] [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] aux dépens de l'instance.

Le 14 juin 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] a interjeté appel de cette décision, dont elle avait accusé réception le 24 mai 2022, en ce qu'elle a dit qu'elle devait prendre en charge l'accident du travail et en ce qu'elle l'a condamnée aux frais irrépétibles et dépens de l'instance.

Suivant conclusions visées par le greffe le 28 mars 2024, soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] demande à la cour d'appel de :

Infirmer le jugement entrepris ;

Rejeter l'ensemble des demandes de M. [L] [E].

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] fait valoir :

- que l'annonce à M. [E] du caractère non-concluant de son stage probatoire de technicien conseil, équivalent d'une période d'essai pour un salarié changeant d'emploi au sein de la même structure, ne constituait pas l'annonce d'un licenciement,

- que cette annonce n'était soumise à d'autre formalisme qu'une notification écrite,

- qu'à supposer établi le fait que des reproches lui auraient été formulés dans le cadre de l'entretien de notification du caractère non-concluant de son stage probatoire, exprimés dans les formes adéquates, ceux-ci constituent l'exercice légitime d'évaluation d'un salarié ;

- que cette notification ne pouvait constituer un évènement imprévisible ou traumatogène puisqu'elle caractérise l'issue probable de toute relation de travail ;

- qu'un syndrome anxio-dépressif ne peut être diagnostiqué sans constat de différents symptômes sur une période de deux semaines de sorte qu'il n'est pas possible que le fait générateur de la lésion lui soit antérieur d'une journée ;

- que le certificat médiacal initial semble mentionner d'une part, l'entretien, d'autre part, des 'pressions psychologiques de la part de ses responsables' dépourvues de lien avec la notification d'une période probatoire non concluante, de sorte qu'il est permis de consdiérer que les pressions évoquées sont antérieures à l'entretien et ont été répétées, ce qui concorderait avec la lésion diagnostiquée et serait alors évocateur d'un processus à évolution lente caractérisant une maladie professionnelle.

En réplique, par conclusions notifiées le 5 avril 2024 par la voie électronique, M. [L] [E] demande à la cour de :

Dire et juger l'appel mal fondé et le rejeter ;

Confirmer le jugement ;

En conséquence, dire et juger que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] doit prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels l'accident du travail dont a été victime M. [L] [E] le 28 janvier 2021 ;

Condamner la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'instance d'appel et en sus de l'indemnité accordée sur ce fondement en première instance ;

Condamner la la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] aux entiers dépens de l'instance.

M. [E] expose :

- qu'il a donné toute satisfaction d'août à novembre 2020 puis qu'à comper de la fin novembre 2020 il a été soumis à un contrôle quasi-permanent et particulièrement oppressant de ses activités ainsi qu'à de multiples reproches injustifiés, sans explications ni discussion possibles ;

- que c'est dans ces conditions que le 28 janvier 2021 en fin d'après-midi, peu avant la fin de son service, il a été convoqué à un entretien par sa responsable hiérarchique directe en la personne de Mme [G], en présence de Mme [M], responsable des accueils, entretien fixé le jour même après le départ du dernier assuré ;

- qu'il a été reçu par ces deux personnes alors que lui-même était seul, qu'il a été confronté à une multitude de reproches injustifiés relatifs à la qualité de son travail et de son investissement sans pouvoir en discuter, avant qu'elles lui annoncent que son stage probatoire n'était pas concluant et qu'il allait être licencié ;

- qu'il s'est alors trouvé profondément choqué, abasourdi et pris d'un sentiment d'incompréhension et d'angoisse, qu'il est sorti du bureau en pleurs, complètement vidé, incapable de se défendre ;

- qu'il a rejoint ses collègues présents qui ont constaté son état de choc, d'anxiété, et lui ont indiqué ne pas comprendre l'annonce qui lui avait été faite de son licenciement à venir ;

- qu'il est depuis suivi pour un syndrome dépressif aigu.

Il se prévaut de la présomption d'imputabilité, relevant à cet égard que la matérialité de l'accident est établie par le fait :

- qu'il a été reçu aux temps et lieu de son travail, sans information préalable et donc sans possibilité d'être assisté, par deux responsables qui l'ont informé de manière brutale que son stage probatoire n'était pas concluant et qu'il serait licencié ;

- que le certificat médical initial mentionne le fait accidentel en ce qu'il précise : 'choc émotionnel dans les suites d'un entretien avec son responsable le 28 janvier' ;

- que la lésion psychologique a été constatée par son médecin le lendemain de l'accident et que ce dernier le conforme dans un certificat médical daté du 14 juin 2022 ;

- que la CPAM de [Localité 6]-[Localité 7] reconnaît elle-même que ses collègues l'ont vu en pleurs à la sortie de l'entretien et que l'un d'eux a jugé nécessaire, au vu de son état, de le raccompagner jusqu'au métro ;

- qu'il a informé son employeur de l'accident le lendemain même.

Il ajoute que la caisse ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère.

En réponse à l'appelante, il souligne d'abord qu'il n'est pas tenu de rapporter la preuve de l'intensité de l'accident mais uniquement de sa matérialité, caractérisée par sa soudaineté en l'occurence établie ; il indique ensuite que l'altération brutale de son état de santé est attestée par le certificat médical initial qui fait état d'un choc émotionnel.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge

Selon les dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Ces dispositions instaurent une présomption d'imputabilité pour tout accident survenu au temps et au lieu du travail ayant pour effet de dispenser le salarié d'établir la preuve du lien de causalité entre l'accident et le contexte professionnel.

Il en résulte qu'en cas de contestation, il y a lieu, pour combattre cette présomption, d'établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.

Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

En l'espèce, l'accident du travail déclaré est selon les termes de la déclaration d'accident complétée par l'employeur assortie de réserves, constitué par un choc émotionnel à l'occasion d'un entretien avec un responsable, et selon le certificat médical initial un 'syndrome anxio-dépressif secondaire à difficultés professionnelles avec selon le patient des pressions psychologiques de la part de ses responsables. Choc émotionnel dans les suites d'un entretien avec son responsable le 28 janvier.'

Très factuellement, selon les questionnaires qu'elles ont complété dans le cadre de l'enquête administrative, les parties s'accordent a minima sur la matérialité de faits constitués par l'annonce faite à M. [E], par sa responsable hiérarchique, le 28 janvier 2021, qu'il était convoqué pour la fin de la journée après le départ du public de la caisse, suivie d'un entretien en présence d'une autre responsable durant lequel M. [E] s'est vu notifier le non-renouvellement de son stage probatoire, entretien qu'il a quitté en pleurs au vu de plusieurs autres employés présents, dont l'un l'a raccompagné jusqu'à sa station de métro.

Si le médecin traitant du salarié mentionne un syndrome anxio-dépressif secondaire à des difficultés professionnelles tenant à des pressions psychologiques subies par le patient, il n'en demeure pas moins qu'il atteste clairement par ailleurs d'un choc émotionnel dans les suites d'un entretien avec son responsable qui n'est pas incompatible avec l'existence éventuelle d'une maladie constituée par un syndrome anxio-dépressif déjà installé.

En l'état du droit applicable, dans l'appréciation du caractère soudain de l'évènement, la cour n'a pas à rechercher si l'employeur avait pris toutes précautions pour annoncer à M. [C] son avis défavorable au renouvellement de son stage probatoire, ou encore était légitime à ne pas renouveler ledit stage probatoire ; aucune de ces circonstances n'étant susceptible d'influer sur la reconnaissance éventuelle de la matérialité d'un accident du travail constitué par un choc émotionnel.

Par ailleurs et s'agissant d'une lésion psychique, le salarié n'a pas à justifier de la matérialité de l'expression d'un choc émotionnel, au-delà des pleurs dont l'employeur reconnaît l'existence.

Les faits dont conviennent les deux parties suffisent ainsi à caractériser d'une part, l'élément de soudaineté, dans le cadre d'une journée de travail ordinaire, de l'évènement constitué par la convocation à un entretien le jour même et l'information qui s'en est suivie, et d'autre part, la lésion psychologique qui s'est traduite par des pleurs, avant d'être constatée par le médecin du salarié.

Il en résulte que la matérialité de l'accident du travail déclaré est établie et que M. [E] bénéfie de la présomption d'imputabilité.

La caisse ne fait valoir d'autre cause à la lésion constatée que celle imputable au contexte professionnel dans lequel exerçait M. [E].

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] devait prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels l'accident du travail dont avait été victime M. [L] [E] le 28 janvier 2021.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] succombant en ses demandes, il y a lieu en équité de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné celle-ci à verser à M. [L] [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient pour le même motif de la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, non compris dans les dépens de l'instance d'appel.

La décision des premiers juges sera également confirmée en ce qu'ils ont condamné la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4], partie succombante, aux dépens de première instance, y ajoutant pour le même motif, sa condamnation aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] à payer à M. [L] [E] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, non compris dans les dépens de l'instance d'appel ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 4] aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier, Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/02981
Date de la décision : 08/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-08;22.02981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award