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04/07/2024 | FRANCE | N°23/02298

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre baux ruraux, 04 juillet 2024, 23/02298


ARRET







[A]





C/



[Y]







VD





COUR D'APPEL D'AMIENS



Chambre BAUX RURAUX





ARRET DU 04 JUILLET 2024



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N° RG 23/02298 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYVV



JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BEAUVAIS EN DATE DU 04 MAI 2023





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [D]

[A]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCAT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 15



ET :





INTIME



Monsieur [F] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 9]



Représenté par Me Matthieu VAZ su...

ARRET

[A]

C/

[Y]

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

Chambre BAUX RURAUX

ARRET DU 04 JUILLET 2024

*************************************************************

N° RG 23/02298 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYVV

JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BEAUVAIS EN DATE DU 04 MAI 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [D] [A]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCAT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 15

ET :

INTIME

Monsieur [F] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Matthieu VAZ substituant Me Laurent JANOCKA de la SELARL LAURENT JANOCKA, avocats au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Avril 2024 devant Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 805 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Diénéba KONÉ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Valérie DUBAELE en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD , Conseillère,

Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

*

* *

DECISION

Suivant bail rural du 15 janvier 1992 ayant pris effet à compter des travaux préparatoires de la récolte à faire en 1992 pour se terminer au plus tard le 11 novembre 2009, M. [D] [A] agriculteur (preneur) a loué à ses beaux-parents, M. [S] [Y] et son épouse [T] [N], diverses parcelles situées communes de [Localité 3], [Localité 4], [Localité 7], [Localité 5], [Localité 8] et [Localité 9], d'une superficie totale de 55 ha 58 a et 18 ca, dont 35 ha 77 a 59 ca à [Localité 7], [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 9] dont M. [F] [Y], agriculteur (bailleur) qui en avait la nue-propriété depuis une donation-partage du 29 juin 1992, est devenu plein propriétaire au décès de ses parents.

Le 25 avril 2022, le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Beauvais aux fins de contestation du congé délivré par huissier à la demande du bailleur le 22 mars 2022 portant sur les 35 ha 77 a 59 ca lui appartenant.

Ce congé était donné à effet au 11 novembre 2023, du fait de l'atteinte par le preneur de l'âge légal pour faire valoir ses droits à la retraite, comme étant né le 19 juillet 1956.

Par jugement du 4 mai 2023, le tribunal a débouté le preneur de sa demande de cession de bail au profit de sa fille [W] [A] et a validé le congé, outre condamné le preneur à verser au bailleur 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en écartant expressément l'exécution provisoire de droit.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 22 mai 2023, le preneur a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

A l'audience du 9 avril 2024, les parties s'en tiennent aux conclusions échangées par voie électronique, notifiées par l'appelant le 4 mars 2024 et par l'intimé le 23 janvier 2024.

Le preneur sollicite de la cour, au visa des articles L.411-35, L.411-64 et L.416-1 du code rural et de la pêche maritime, qu'elle infirme le jugement entrepris et dise sans effet le congé, ordonne la cession au profit de sa fille [W] [A] du bail concernant les 35 ha 77 a 59 ca appartenant à M. [Y], et condamne le bailleur à lui verser 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le bailleur sollicite, au visa des articles L.416-1 et L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, L.411-35, L.411-58 et L.411-59 du même code, L.331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, de confirmer le jugement entrepris, de débouter le preneur de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens et à lui verser 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la cession de bail et la validation du congé :

Des articles L.416-1, L.411-64 et L.411-35 du code rural et de la pêche maritime, éclairés par la jurisprudence, il résulte que seul peut prétendre à céder son bail à un descendant qui remplit les conditions d'aptitude, de volonté d'exploiter et de solvabilité le preneur de bonne foi qui a respecté toutes les obligations résultant du bail initial et renouvelé.

Il résulte de l'article L .411-35 du code rural que la cession du bail à un descendant majeur ou émancipé n'est permise qu'avec l'agrément du bailleur ou, à défaut, l'autorisation du tribunal paritaire des baux ruraux.

Le juge contrôle notamment l'intérêt légitime du bailleur, apprécié en fonction de la bonne foi du cédant et de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations du contrat de bail. Le cessionnaire a l'obligation d'exploiter immédiatement, de façon effective et permanente, dès la cession autorisée judiciairement. La faculté de cession du bail rural dans le cadre familial faisant exception au principe d'interdiction des cessions et sous-locations, doit être réservée au preneur de bonne foi, c'est-à-dire qui s'est constamment et scrupuleusement acquitté de toutes les obligations découlant du bail.

Le preneur fait valoir qu'il ne conteste pas la validité formelle du congé mais s'estime bien fondé à critiquer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de cession du bail à sa fille qui remplit toutes les conditions pour reprendre le bail et dont le poste d'assistante sociale scolaire à mi-temps lui permet de s'occuper effectivement de l'exploitation agricole. Il précise notamment qu'elle est devenue depuis le 1er avril 2018 exploitante agricole associée de l'EARL [A], dont elle détient à présent 90% des parts, l'EARL bénéficiant de la mise à disposition des immeubles objets du litige depuis de nombreuses années et exploite en tout près de 141 ha, et que les terres dont il demande la cession du bail continueront à être mises à disposition de cette entreprise familiale qu'il a créée avec son épouse.

Il estime infondé le grief pris du défaut d'information de ses beaux-parents de cette mise à disposition dans la mesure où ils l'en ont dispensé compte tenu de leur proximité familiale, qu'ils étaient au courant puisque c'est l'EARL qui réglait les fermages, que le grief est purgé du fait du renouvellement du bail le 11 novembre 2009 sans dénonciation par le bailleur et que ce dernier ne justifie pas d'un préjudice conformément à l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime. Il ajoute que la parcelle ZB [Cadastre 2] est d'une surface de 10 ares 95 ca n'est pas exploitable compte tenu de sa surface et de sa configuration (en triangle) et lui sert de dépôt de matériel, de paille ou de récolte et que le fait que le voisin passe dans cette parcelle avec ses engins agricoles pour se rendre à sa ferme résulte d'une simple tolérance mais pas d'un échange de parcelle.

Cependant c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a débouté le preneur de sa demande de cession au motif qu'il n'avait pas respecté toutes les obligations liées au bail à ferme et que les violations constatées étaient suffisamment graves pour faire obstacle à la cession.

En effet d'une part le preneur qui au demeurant revendique la mise à disposition des terres à l'EARL [A] [Y] immatriculée le 2 mai 1992 au registre du commerce et des sociétés et qui a commencé son activité le 1er mars 1992, reconnaît ne pas en avoir préalablement informé les bailleurs conformément à l'article L.411-37 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors en vigueur :

« A la condition d'en aviser au préalable le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. Cette société doit être constituée entre personnes physiques et, soit être dotée de la personnalité morale, soit, s'il s'agit d'une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine.

L'avis adressé au bailleur doit, à peine de nullité, indiquer les noms et prénoms des associés, les parcelles que le preneur met à la disposition de la société, la durée de celle-ci, sa forme et son objet. Le preneur doit en outre, dans les deux mois et à peine de résiliation du bail, aviser le bailleur dans les mêmes formes de tout changement intervenu dans les éléments ci-dessus énumérés, ainsi que du fait qu'il cesse soit de faire partie de la société, soit de mettre le bien loué à la disposition de celle-ci. La nullité ou la résiliation ne sont pas encourues si les omissions ou les irrégularités constatées n'ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur.

Le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Tous les membres de la société sont tenus de participer à la mise en valeur des biens qu'elle exploite, dans les mêmes conditions. Nonobstant toute stipulation contraire, le preneur peut mettre fin à tout moment à la mise à disposition si l'un ou plusieurs de ces membres cessent de remplir cette condition. Le bail ne peut être résilié que si cette situation a persisté plus d'un an après que le bailleur ait mis le preneur en demeure de la régulariser. Ce délai est porté à deux ans en cas de décès de l'un des associés. Il peut en outre, en cas de force majeure, être prolongé par le tribunal paritaire.

Les droits du bailleur ne sont pas modifiés. Les coassociés du preneur, ainsi que la société si elle est dotée de la personnalité morale, sont tenus indéfiniment et solidairement avec le preneur de l'exécution des clauses du bail. »,

alors que ces dispositions, qui ont comme le rappelle à juste titre le premier juge pour objet de mettre en 'uvre la responsabilité solidaire de la société bénéficiant de la mise à disposition, étaient rappelées dans le bail en son chapitre 10 (« Il pourra à la condition d'en aviser préalablement le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, mettre à la disposition d'une société ayant un objet principalement agricole, dont il est membre, tout ou partie des biens dont il est preneur. »), les liens familiaux n'exonérant pas le preneur de cet avis préalable formel et ne faisant pas présumer l'accord des bailleurs, dont la preuve n'est pas rapportée par les deux attestations qu'il produit qui ne procèdent que par suppositions au vu de la proximité familiale. Au demeurant, la donation-partage du 29 juin 1992 par les beaux-parents de M. [D] [A] à leurs enfants, qui rappelle pourtant le bail susvisé du 15 janvier 1992 au profit de [D] [A], n'évoque pas cette mise à disposition qui serait selon ce dernier antérieure à cette donation-partage. Le fait que le bail n'ait pas été dénoncé à sa date d'échéance ne prive au demeurant pas le bailleur, qui n'a pas besoin de justifier d'un préjudice, de se prévaloir de ce grief pour s'opposer à la cession du bail.

D'autre part même si l'échange de terres affirmé par le bailleur n'est pas formellement démontré, il est constant que la parcelle située à [Localité 7] cadastrée ZB [Cadastre 2] de 10 ares 95 ca jouxtant celle de M. [L] n'est plus exploitée comme terre agricole, que le preneur prétend qu'elle n'est pas cultivable compte tenu de sa modeste surface et de sa configuration en triangle et qu'il s'en sert comme surface d'entreposage alors même qu'il la déclare à la PAC comme parcelle cultivée (en blé tendre d'hiver en 2020), qu'elle sert au passage aux engins agricoles vers la parcelle de M. [L] pour se rendre à son corps de ferme à tel point que les deux sillons marquant un passage permanent d'engin apparaissent très visiblement sur les photos aériennes de 2011 et de 2023; qu'un témoin M. [M] atteste que M. [C] [L] après son père [J] cultive et passent dans cette parcelle et qu'ils ont même fait un chemin pour aller à son corps de ferme ; que ce délaissement à un tiers même s'il ne concerne qu'une surface de 10 a et 95 ca justifie le bien-fondé de l'opposition à cession de M. [Y].

Dès lors le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le preneur succombant en appel sera condamné à en supporter les dépens et frais hors dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et publiquement la décision étant mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne M. [A] à verser à M. [Y] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre baux ruraux
Numéro d'arrêt : 23/02298
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.02298 ?
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