ARRET
N°
S.A.S. [6]
C/
Organisme CPAM DE L'OISE AFFAIRES JURIDIQUES
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 03 JUILLET 2024
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N° RG 23/01098 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWLC - N° registre 1ère instance : 21/00436
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 26 JANVIER 2023
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [6]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée et plaidant par Me Marine SEGURA, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMEE
CPAM DE L'OISE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme [K] [G], munie d'un pouvoir régulier
DEBATS :
A l'audience publique du 21 Mai 2024 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Diane VIDECOQ-TYRAN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la cour composée en outre de :
Mme Jocelyne RUBANTEL, président,
M. Pascal HAMON, président,
et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 03 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.
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DECISION
M. [T], ancien salarié de la société [5], devenue Société [6] [Localité 7], venant aux droits de la société [4], a le 16 octobre 2020 régularisé une déclaration de maladie professionnelle selon certificat médical initial du 22 septembre 2020, soit des plaques pleurales gauche.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise a par décision du 15 février 2021 pris en charge cette pathologie au titre de la législation professionnelle.
La société [6] Noyon a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal judiciaire de Beauvais, qui par jugement prononcé le 26 janvier 2023 a :
- déclaré opposable à la société [6] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise de prendre en charge la pathologie déclarée par M. [T],
- débouté la société [6] de ses demandes,
- débouté la société [6] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [6] aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 22 février 2023, la société [6] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée dont elle avait accusé réception le 27 janvier 2023.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 mai 2024.
Aux termes de ses écritures transmises par RPVA le 13 mai 2024, oralement développées à l'audience, la société [6] [Localité 7] demande à la cour de :
- annuler le jugement du tribunal judiciaire, sinon le réformer en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
- juger que la décision de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie de M. [T] lui est inopposable,
- juger que le caractère professionnel de la maladie de M. [T] n'est pas établi et ne lui est pas imputable, et que la décision lui est en conséquence inopposable,
En tout état de cause,
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise aux entiers dépens.
Aux termes de ses écritures visées par le greffe le 23 avril 2024, oralement développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société [6] [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des demandes des parties et des moyens qui les fondent.
Motifs
Sur le respect du contradictoire
La société [6] [Localité 7] reproche à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise de ne pas l'avoir mise en mesure de connaître les délais de la procédure alors que la déclaration de maladie professionnelle a été transmise le 2 novembre 2020, soit dans une période d'état d'urgence sanitaire où le télétravail était privilégié, et elle n'a pu prendre connaissance du courrier que tardivement ce qui ne lui a pas permis de remplir le questionnaire et de consulter le dossier.
La caisse primaire a adressé un courriel à M. [X], qui à cette date avait quitté la société, de telle sorte que le directeur des ressources humaines n'en a eu connaissance que le 4 janvier 2021.
Elle soutient également que la caisse primaire ne l'a pas avisée des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle le dossier était consultable ainsi que celle où elle pouvait faire des observations.
Enfin, la décision de prise en charge n'est pas motivée.
1°) Sur l'information donnée à l'employeur
La caisse primaire d'assurance maladie a transmis la déclaration de maladie professionnelle par courrier recommandé du 2 novembre 2020, dont la société [6] [Localité 7] a accusé réception le 4 novembre 2020.
Elle ne peut donc soutenir qu'elle a eu connaissance tardivement de la procédure et avoir été dans l'impossibilité de renseigner le questionnaire et consulter le dossier.
Le fait qu'en raison des circonstances sanitaires le télétravail ait été recommandé ne saurait avoir une quelconque incidence alors que la société a réceptionné le courrier de la caisse, et était dûment informée.
La société ne saurait davantage reprocher à la caisse primaire de l'avoir relancée pour obtenir le retour du questionnaire en adressant un mail à un salarié qui aurait quitté l'entreprise, alors que d'une part, il appartient à celle-ci d'informer ses interlocuteurs des changements intervenus dans ses effectifs, que l'adresse était toujours active, et que par ailleurs, le document était néanmoins consultable sur le site par ceux qui avaient été habilités par elle à accéder à celui-ci.
La caisse primaire par son courrier du 2 novembre 2020, a transmis à la société [6] [Localité 7] la déclaration de maladie professionnelle et l'a informée de ce qu'elle pourrait consulter les pièces et formuler ses observations du 1er février 2021 au 12 février 2021, directement en ligne, et qu'au delà de ce délai, le dossier resterait consultable jusqu'à la décision devant intervenir au plus tard le 19 février 2021.
La société [6] [Localité 7], contrairement à ce qu'elle indique, a été pleinement informée des délais de la procédure.
2°) sur la motivation de la décision de prise en charge
Les premiers juges ont exactement dit que la décision de prise en charge est suffisamment motivée dès lors qu'elle précise la nature de la pathologie, en se référant au tableau des maladies professionnelles, et que par ailleurs, une motivation éventuellement insuffisante ne serait pas de nature à fonder l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Les moyens sont rejetés et le jugement confirmé de ces chefs.
Sur le caractère professionnel de la maladie
La société [6] soutient que le caractère professionnel de la maladie prise en charge n'est pas établi au motif que le certificat médical initial ne mentionne pas la réalisation d'un examen tomodensitométrique, et que M. [T] n'a pas effectué des travaux l'exposant à l'amiante.
Le certificat médical initial ne mentionne pas la réalisation d'un examen tomodensitométrique.
Cependant, le médecin conseil a précisé dans le colloque médico-administratif que l'examen prévu par le tableau n° 30 avait été réalisé le 4 février 2020 par le docteur [I], et lui avait été transmis le 21 octobre 2020.
Cet examen couvert par le secret médical n'est pas détenu par la caisse qui n'a pas accès aux pièces médicales sur la base desquelles le médecin-conseil se prononce.
Il ne peut donc pas figurer au dossier d'instruction de la maladie professionnelle.
Le grief est par conséquent infondé.
M. [T] a travaillé au sein de la société [6] du 14 avril 1976 au 3 juin 2001 en qualité de chaudronnier, tutyauteur et soudeur.
L'entreprise a été jusqu'en 1996 spécialisée dans la fabrication de plaquettes de freins jusqu'en 1996, lesquelles contenaient de l'amiante.
Il résulte du questionnaire renseigné par le salarié qu'il était de par ses fonctions amené à isoler les presses pour frein afin que les opérateurs ne soient pas gênés par la chaleur qu'elles dégageaient, à refaire l'isolation des tuyaux à vapeur avec de l'amiante, à refaire l'aspiration des machines de préformage en utilisant de l'amiante.
L'enquête diligentée par la caisse primaire a confirmé les dires du salarié, étant par ailleurs observé que l'entreprise a été inscrite sur la liste des établissements de fabrication
susceptible d'ouvrir le droit à la cessation d'activité des travailleurs de l'amiante.
La société est d'autant plus mal fondée à contester l'exposition à l'amiante qu'elle a délivré le 30 juin 2001 un certificat de travail à M. [T] attestant de son exposition à l'amiante.
La société soutient qu'il n'y a pas de lien entre les conditions de travail de M. [T] et sa pathologie alors que si le site de [Localité 8] était amianté, les salariés disposaient des protections suffisantes sous forme de masques respiratoires adaptés.
La concentration moyenne en fibre d'amiante dans l'atmosphère était inférieure aux taux fixés.
D'importants travaux d'aspiration avaient été faits depuis 1965 et M. [T] comme tous les salariés a fait l'objet d'un suivi médical particulier.
Ces éléments ne permettent pas de renverser la présomption d'imputabilité de la maladie au travail dès lors que la caisse primaire d'assurance maladie a justifié de l'exposition de M. [T] au risque du tableau n° 30 et que celui-ci effectuait des travaux visés par celui-ci.
Il convient dès lors de débouter la société de ses demandes et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Dépens et demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société [6] [Localité 7] est condamnée aux entiers dépens.
Elle sera en conséquence déboutée de la demande qu'elle formule au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,
Déboute la société [6] [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Condamne la société [6] [Localité 7] aux entiers dépens d'appel,
La déboute de la demande qu'elle formule au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,