ARRET
N° 622
CPAM du [Localité 5]
C/
Société [7]
M. [P]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 02 JUILLET 2024
*************************************************************
N° RG 20/02243 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HW6F
Jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes en date du 11 octobre 2017
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
CPAM du [Localité 5]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée et plaidant par Mme [M] [D], munie d'un pouvoir régulier
et :
INTIMES
société [7]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et plaidant par Me Christine Caron-Debailleul de la SELAS Fidal, avocat au barreau de Lille
Monsieur [V] [P]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté et plaidant par Me Alix Dubois, avocat au barreau de Lille, substituant Me Christelle Mathieu de la SCP Minet-Mathieu, avocat au barreau de Valenciennes
DEBATS :
A l'audience publique du 14 mai 2024 devant M. Philippe Mélin, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 juillet 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Charlotte Rodrigues
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
M. Philippe Mélin en a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe Mélin, président,
Mme Anne Beauvais, président,
et M. Renaud Deloffre, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 02 juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.
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* *
DECISION
M. [V] [P], salarié de la société [7], a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (la CPAM ou la caisse) une déclaration de maladie professionnelle datée du 7 novembre 2013 au titre d'un « lymphome malin non hodgkinien ».
Ce dossier a été transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le CRRMP) du [Localité 6] le 8 avril 2014, dans le cadre de l'instruction d'une maladie hors tableau.
Le CRRMP a rendu un avis le 14 mai 2014 concluant à l'existence d'un lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle.
La caisse a donc pris en charge le 12 juin 2014 la maladie de M. [P] au titre de la législation sur les risques professionnels. Un taux d'IPP a été fixé à 67% à compter du 21 juin 2014 et une rente lui a été attribuée.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de cette décision de prise en charge devant la commission de recours amiable, puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Après avoir sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur avec établissement d'un procès-verbal de non-conciliation le 3 avril 2015, M. [P] a également saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Par jugement en date du 11 octobre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes a :
- ordonné la jonction des procédures,
- dit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [V] [P], en date du 12 juin 2014, était inopposable à la société [7],
- débouté M. [V] [P] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [7],
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rappelé que par application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale, la procédure en matière de contentieux général de la sécurité sociale était gratuite et sans frais et qu'il n'y avait pas lieu à condamnation aux dépens.
Cette décision a été notifiée à la CPAM du [Localité 5] le 12 octobre 2017 et à M. [P] le 13 octobre 2017, qui en ont relevé appel respectivement les 19 octobre et 4 novembre 2017.
Les affaires ont été enregistrées sous les numéros RG 19/02090 et 19/02410.
Par ordonnance du 24 mai 2019, la cour a ordonné la jonction des deux affaires sous le numéro RG 19/02090.
Par arrêt en date du 18 novembre 2019, l'affaire a été radiée du rôle de la cour au motif qu'elle n'était pas en état d'être plaidée à l'audience du 14 octobre 2019.
L'affaire a par la suite fait l'objet d'une réinscription au rôle le 16 juin 2020 suite à la réception des conclusions aux fins de remise au rôle transmises par M. [V] [P].
Les parties ont été convoquées à l'audience du 9 septembre 2021.
Par arrêt du 12 novembre 2021, la cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions relatives au caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [V] [P] et à l'inopposabilité à l'égard de la société [7] de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle,
- infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
- dit que la maladie déclarée par M. [V] [P] le 7 novembre 2013 était due à la faute inexcusable de son employeur la société [7],
- dit que la rente serait majorée au maximum,
- dit que la CPAM du [Localité 5] verserait à M. [P] une provision à valoir sur la réparation des préjudices à hauteur de 10 000 euros,
- ordonné une expertise médicale avant dire droit sur la réparation des préjudices extra-patrimoniaux de M. [V] [P], confiée à M. [E] [S], médecin, domicilié au centre hospitalier de [Adresse 8], avec pour mission de :
- prendre connaissance du dossier médical de M. [P] après s'être fait communiquer par toute personne physique ou morale concernée l'ensemble des pièces et documents constitutifs de ce dossier,
- procéder à un examen physique de M. [P] et recueillir ses doléances,
- fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d'études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l'accident ou à la survenance de la maladie,
- à partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,
- décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé avant et après la survenance de la maladie en cause et l'ensemble des soins qui avaient dû lui être prodigués,
- décrire précisément les lésions dont il demeurait atteint et le caractère évolutif, réversible ou irréversible de ces lésions,
- retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution ; prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,
- décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime en citant les seuls antécédents qui pouvaient avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,
- procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, en cas d'allégation de la nécessité d'une aide temporaire, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; indiquer si des dépenses liées à la réduction de l'autonomie étaient justifiées et si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) avait été nécessaire avant la consolidation ;
- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l'accident ou la maladie, la victime avait dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l'incapacité fonctionnelle n'avait été que partielle, en préciser le taux,
- en cas d'allégation par la victime d'une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser, décrire les souffrances physiques ou morales avant consolidation résultant des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles de l'accident ; les évaluer selon l'échelle de sept degrés,
- donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il était temporaire ou définitif ; l'évaluer selon l'échelle de sept degrés,
- en cas d'allégation par la victime d'une impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,
- dire s'il existait un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvrait l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),
- indiquer le degré d'autonomie intellectuelle, psychologique et physique conservé par l'intéressé en termes d'activité et de faculté participative ainsi que pour exécuter seul les actes élémentaires et élaborés de la vie quotidienne,
- indiquer en cas de maintien à domicile si l'état de santé de M. [P] impliquait l'utilisation ou la mise à disposition d'équipements spécialisés, d'un véhicule spécialement adapté, ou imposait de procéder à des aménagements du logement,
- établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,
- fixé à 600 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devait être versée par la CPAM du [Localité 5] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Amiens dans le mois de la notification du présent arrêt,
- dit qu'à défaut de ce faire dans ledit délai, il serait tiré toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile,
- dit que de ses opérations l'expert dresserait un rapport qui serait déposé au greffe de la chambre de la protection sociale dans les 6 mois de sa saisine et qu'il devrait en adresser copie aux parties,
- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour d'appel d'Amiens afin de surveiller les opérations d'expertise,
- déclaré recevable l'action récursoire de la CPAM du [Localité 5] à l'encontre de la société [7] ;
- dit que la société [7] devrait rembourser la CPAM du [Localité 5] des sommes dont cette dernière aurait à faire l'avance conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- rejeté toutes autres demandes,
- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Suite à diverses ordonnances de changement d'expert, le docteur [B] [A] a été désigné le 12 octobre 2022 pour procéder aux opérations d'expertise.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 14 mai 2024.
Par conclusions parvenues au greffe le 12 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, M. [V] [P], sa compagne et sa mère, intervenant volontairement, demandent à la cour de :
- condamner la société [7] à réparer le préjudice subi par lui, par Mme [C] [X], sa compagne, par Mme [R] [W] épouse [P], sa mère, ainsi que son préjudice en qualité d'ayant droit de son père décédé, M. [G] [P],
- condamner la société [7] à lui verser les sommes suivantes :
- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :
- au titre des frais divers :
- au titre des frais de carburant pendant les périodes d'hospitalisation et de rendez-vous médicaux : 163,53 euros ;
- au titre des frais de stationnement (frais de parking) pendant les périodes d'hospitalisation : 410,40 euros,
- au titre des frais de stationnement (frais de parking) lors des rendez-vous médicaux : 50,40 euros,
- au titre des frais de télévision : 95 euros,
- au titre des frais et honoraires du médecin-conseil, le docteur [F] [H] : 1 850 euros,
- au titre de l'assistance par tierce personne temporaire : 19 040,40 euros,
- au titre de la perte de gains professionnels actuels : 98 921,22 euros,
- au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
- au titre des arrérages : 64 346,01 euros,
- au titre de la perte de gains professionnels futurs : 118 918,22 euros
- au titre de l'incidence professionnelle : 40 000 euros,
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
- au titre du déficit fonctionnel temporaire : 20 785 euros,
- au titre des souffrances endurées : 50 000 euros,
- au titre du préjudice esthétique temporaire : 15 000 euros + 3 000 euros = 18 000 euros,
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents :
- au titre du préjudice fonctionnel permanent : 6 000 euros,
- au titre du préjudice d'agrément : 50 000 euros,
- au titre du préjudice esthétique permanent : 3 000 euros,
- au titre du préjudice sexuel : 100 000 euros,
- au titre du préjudice d'établissement : 100 000 euros,
- au titre du préjudice permanent exceptionnel : 50 000 euros,
- condamner la société [7] à verser à Mme [C] [X] les sommes suivantes :
- au titre de son préjudice sexuel : 100 000 euros,
- au titre de son préjudice d'affection : 50 000 euros,
- condamner la société [7] à verser à Mme [R] [W] épouse [P] la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection subi,
- condamner la société [7] à lui verser en sa qualité d'ayant-droit de son père décédé M. [G] [P], la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection subi par ce dernier,
- juger que la CDPAM du [Localité 5] devra garantir l'intégralité des sommes mises à la charge de la société [7] et, en conséquence, condamner la CPAM du [Localité 5] à verser les sommes mises à la charge de la société [7] en réparation du préjudice subi consécutivement à sa maladie professionnelle et en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,
- condamner la société [7] à lui verser une indemnité de procédure de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société [7] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société [7] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel comprenant le coût de l'expertise médicale dont la CPAM du [Localité 5] a fait l'avance.
Par conclusions parvenues au greffe le 13 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la société [7] demande à la cour de :
- fixer l'indemnisation des chefs de préjudice de M. [V] [P] à :
- 20 785 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 19 040,40 euros au titre de l'assistance tierce personne,
- 30 000 euros au titre du pretium doloris (préjudices physique et moral),
- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- 6 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- débouter M. [V] [P] de ses demandes relatives à l'indemnisation des préjudices suivants :
- le préjudice sexuel,
- le préjudice d'établissement,
- le préjudice permanent exceptionnel,
- le préjudice sexuel de Mme [C] [X], sa conjointe,
- le préjudice d'affection de Mme [C] [X],
- le préjudice d'affection de M. [G] [P], son père,
- le préjudice d'affection de Mme [R] [W], sa mère,
- les frais divers,
- les pertes de gains professionnels actuels,
- les arrérages,
- les pertes de gains professionnels futurs,
- l'incidence professionnelle,
- laisser aux parties la charge de leurs propres dépens.
Par conclusions visées le 24 octobre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM du [Localité 5] indique s'en remettre à la sagesse de la cour.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, et indépendamment de la majoration de rente, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la victime d'un accident du travail demande en outre à l'employeur, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Il convient d'examiner les demandes indemnitaires formées par M. [P] et ce, pour chaque poste de préjudice dont l'indemnisation est sollicitée.
Sur les frais divers
M. [V] [P] sollicite à ce titre l'indemnisation des frais de carburant, des frais de parking pour se rendre à ses séances de chimiothérapie ainsi qu'à ses divers rendez-vous médicaux, des frais de télévision les jours d'hospitalisation et des frais d'assistance par un médecin-conseil lors de l'expertise judiciaire.
Il indique que tant ses parents que son épouse, ont exposé des frais de stationnement pour l'accompagner à ces différents rendez-vous médicaux dans la mesure où il n'était pas en capacité de conduire.
En réplique, la société [7] indique que ces frais sont couverts par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.
L'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, précédemment cité, dispose que les prestations accordées aux bénéficiaires du livre accidents du travail et maladies professionnelles comprennent entre autres les frais de transport de la victime à sa résidence habituelle ou à l'établissement hospitalier et, d'une façon générale, la prise en charge des frais nécessités par le traitement.
Dès lors, le poste de préjudice correspondant aux frais de transport, pour lequel l'assuré réclame une indemnisation, est déjà couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale, de sorte qu'il ne peut ouvrir droit à une indemnisation complémentaire (Cass. Civ. 2e, 4 avril 2012 n°11-18.014).
Toutefois, M. [P] produit une facture de 1 850 euros du docteur [H] au titre de l'assistance durant les opérations d'expertise. Les frais d'assistance pour les opérations d'expertises liées à la faute inexcusable de l'employeur n'étant pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, il conviendra d'attribuer à M. [P] la somme de 1 850 au titre des frais divers.
Sur l'assistance temporaire par une tierce personne
Ce poste de préjudice vise à réparer la perte d'autonomie de la victime dans sa vie quotidienne en raison de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle. L'indemnisation de ce poste de préjudice est calculée sur la base d'un taux horaire moyen.
M. [P] sollicite une indemnisation sur base d'un taux horaire de 11,07 euros pour un total de 19 040,40 euros. La société [7] conclut à la même somme.
Le docteur [A] indique qu'il y a eu recours à assistance par tierce personne du 20 octobre 2011 au 3 juillet 2012 à raison de trois heures par jour et du 4 juillet 2012 au 22 octobre 2013 à raison de deux heures par jour.
En l'espèce, il y a lieu de retenir un taux horaire de 11,07 euros qui, appliqué aux périodes retenues par l'expert, conduit à un total de 19 040,40 euros.
Il sera donc attribué à M. [P] la somme de 19 040,40 euros au titre du recours à l'assistance par tierce personne.
Sur la perte de gains professionnels actuels
L'assuré sollicite la somme de 98 921,22 euros au titre de la perte de gains professionnels subie du fait de la maladie professionnelle et jusqu'à la consolidation, dès lors que son salaire brut moyen était de 1 846,72 avant l'accident et qu'en tenant compte du coefficient de revalorisation des salaires entre 2012 et 2019, il a, du fait de son licenciement pour inaptitude, subi une perte de salaire importante.
La société [7] indique que ce préjudice est couvert par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale et notamment par la rente.
En effet, ce préjudice est couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale par le biais du versement d'indemnités journalières, il ne peut dès lors ouvrir droit à une indemnisation complémentaire, peu important que cette réparation soit incomplète (Cass. Civ. 2e, 20 septembre 2012 n°11-20.798).
La demande de ce chef doit être rejetée.
Sur la perte de gains professionnels futurs
M. [P] soutient que s'il n'avait pas été licencié, il aurait dû percevoir un salaire mensuel brut de 2 736,43 euros à la date de consolidation et qu'en tenant compte de la différence entre ce salaire et les revenus réellement perçus entre la consolidation et la date de liquidation des préjudices, qui pourrait être fixée au 30 juin 2023, il est en droit de solliciter la somme de 118 918,62 euros en réparation de son préjudice dont 64 346,01 euros au titre des arrérages.
La société [7] indique que comme pour la perte de gains professionnels actuels, ce préjudice est couvert par la rente.
Comme le soulève à juste titre l'employeur, la perte de gains professionnels futurs est couverte par la rente de sorte qu'elle ne peut faire l'objet d'une indemnisation complémentaire (en ce sens 2e Civ., 1er février 2024, pourvoi n° 22-11.448 ; Cass. Civ. 2e, 16 décembre 2021 n°20-14.233).
M. [P] doit donc être débouté de sa demande de ce chef.
Sur l'incidence professionnelle
M. [P] sollicite la somme de 40 000 euros faisant état de ses difficultés à retrouver un emploi du fait de sa reconversion professionnelle et de la réticence des employeurs à le recruter du fait de sa fragilité physique.
La société [7] rappelle que ce préjudice est couvert par la rente et sa majoration.
Il y a lieu de rejeter cette demande, la cour rappelant que ce type de préjudice est pris en compte dans le cadre de l'attribution du taux d'incapacité permanente partielle.
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice vise à indemniser l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle subie par la victime dans sa sphère privée jusqu'à sa consolidation et correspond aux périodes d'hospitalisation, à la perte de qualité de vie, à celle des joies usuelles de la vie courante.
M. [P] sollicite un calcul de ce poste de préjudice sur la base de 25 euros par jour tandis que la société [7] sollicite que ce préjudice soit indemnisé à hauteur de 20 785 euros.
L'expert retient un déficit fonctionnel temporaire :
- partiel de classe III du 22 août 2011 au 19 octobre 2011,
- total du 20 octobre 2011 au 21 octobre 2011,
- partiel de classe IV du 22 octobre 2011 au 29 novembre 2011,
- total le 30 novembre 2011,
- partiel de classe IV du 1er décembre 2011 au 4 décembre 2011,
- total le 5 décembre 2011,
- partiel de classe IV du 6 décembre 2011 au 21 décembre 2011,
- total le 22 décembre 2011,
- partiel de classe IV du 23 décembre 2011 au 25 décembre 2011,
- total le 26 décembre 2011,
- partiel de classe IV du 27 décembre 2011 au 10 janvier 2012,
- total le 11 janvier 2012,
- partiel de classe IV du 12 janvier 2012 au 15 janvier 2012,
- total le 16 janvier 2012,
- partiel de classe IV du 17 janvier 2012 au 31 janvier 2012,
- total le 1er février 2012,
- partiel de classe IV du 2 février 2012 au 5 février 2012,
- total le 6 février 2012,
- partiel de classe IV du 7 février 2012 au 21 février 2012,
- total du 22 février 2012 au 25 février 2012,
- partiel de classe IV du 26 février 2012 au 6 mars 2012,
- total du 7 mars 2012 au 9 mars 2012,
- partiel de classe IV du 10 mars 2012 au 20 mars 2012,
- total le 21 mars 2012,
- partiel de classe IV du 22 mars 2012 au 10 avril 2012,
- total le 11 avril 2012,
- partiel de classe IV du 12 avril 2012 au 1er mai 2012,
- total le 2 mai 2012,
- partiel de classe IV du 3 mai 2012 au 3 juillet 2012,
- partiel de classe III du 4 juillet 2012 au 22 octobre 2013,
- partiel de classe II du 23 octobre 2013 au 13 avril 2014,
- total le 14 avril 2014,
- partiel de classe III du 15 avril 2014 au 11 juillet 2017,
- partiel de classe II du 12 juillet 2017 au 22 septembre 2019,
- total du 23 septembre 2019 au 25 septembre 2019,
- partiel de classe II du 26 septembre 2019 au 31 décembre 2019.
La cour précise que les classes de déficit fonctionnel temporaire auxquelles se réfère l'expert dans son rapport sont les suivantes :
Déficit fonctionnel temporaire de classe 1 : incapacité temporaire à 10%
Déficit fonctionnel temporaire de classe 2 : incapacité temporaire à 25%
Déficit fonctionnel temporaire de classe 3 : incapacité temporaire à 50%
Déficit fonctionnel temporaire de classe 4 : incapacité temporaire à 75%
Déficit fonctionnel temporaire total : incapacité temporaire à 100%
Compte tenu des séquelles décrites par l'expert, il convient d'accueillir les demandes concordantes des parties et d'attribuer à M. [P] la somme de 20 785 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.
Sur les souffrances physiques et morales endurées
Ce poste de préjudice indemnise les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et des traitements, interventions et hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident ou la maladie jusqu'à la consolidation.
M. [P] sollicite la somme de 50 000 euros en invoquant deux tentatives d'autolyse et des hospitalisations en secteur psychiatrique du fait des souffrances physiques et psychologiques.
L'employeur conteste la somme réclamée et sollicite qu'elle soit fixée à 30 000 euros compte tenu des recommandations du référentiel Mornet.
L'expert a estimé ce poste de préjudice à 5 sur une échelle allant de 0 à 7.
Il ressort de l'expertise qu'en sus des souffrances physiques subies du fait de la maladie professionnelle, il convient de tenir compte de l'impact des hospitalisations en chimiothérapie et des conséquences des traitements sur la santé psychique de M. [P]. En outre les doléances de ce dernier, notamment l'isolement social et les tentatives d'autolyse, sont compatibles avec ce diagnostic.
Il convient ainsi de tenir compte de la pathologie dont M. [P] était atteint et des séances de chimiothérapie nécessaires à sa rémission.
M. [P] produit divers documents médicaux de nature à justifier des hospitalisations psychiatriques, permettant de démontrer une réelle souffrance psychique.
En considération de ces éléments, ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 30 000 euros.
Sur le préjudice esthétique temporaire
Ce poste de préjudice tend à indemniser l'altération de l'apparence physique jusqu'à la date de consolidation.
M. [P] sollicite la somme de 15 000 euros au titre de ce préjudice pour la période du 20 octobre 2011 au 3 juillet 2013 et la somme de 3 000 euros pour la période du 4 juillet 2013 au 31 décembre 2019, il précise que les cicatrices bleutées sont sans rapport avec sa maladie professionnelle contrairement à la cicatrice blanche sur la face latérale du cou.
La société [7] sollicite que la somme octroyée à M. [P] au titre de ce préjudice soit fixée à 3 000 euros en raison de son caractère léger et temporaire.
L'expert a évalué ce préjudice à 2/7 du 20 octobre 2011 au 3 juillet 2013 en raison du port-à-cath et à 0,5/7 du 3 juillet 2013 au 31 décembre 2019 en raison de la cicatrice du port-à-cath.
La cour rappelle que la date de consolidation a été fixée par la caisse au 20 juin 2014 et qu'elle constitue la date limite pour apprécier le préjudice esthétique temporaire.
Eu égard aux précisions apportées par le docteur [A], et compte tenu de la pose d'un port-à-cath et de la cicatrice laissée par le boitier, il convient d'octroyer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.
Sur le déficit fonctionnel permanent
La rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cass. ass. plén., 20 janvier 2023 n° 21-23.947 et 20-23.673) qui se définit comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé entraînant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement.
En l'espèce, M. [P] sollicite l'attribution de la somme de 6 000 euros compte tenu de son âge au moment de la consolidation et du taux de déficit retenu par l'expert.
La société [7] conclut à l'attribution de la somme de 6 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Le docteur [A] estime à 3% le déficit fonctionnel permanent de M. [P].
Comme indiqué précédemment, les parties s'accordent sur la somme de 6 000 euros et la caisse indique s'en remettre à la sagesse de la cour.
Cette somme apparaissant proportionnée au déficit fonctionnel permanent subi par M. [P] eu égard à son âge au moment de la consolidation, il convient de lui allouer la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice.
Sur le préjudice d'agrément
Ce poste de préjudice tend à indemniser l'impossibilité ou la limitation pour la victime de la pratique régulière d'une activité spécifique sportive ou de loisirs qu'elle pratiquait antérieurement au dommage (2e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-14.922).
M. [P] soutient qu'avant de contracter sa maladie, il pratiquait de manière assidue la boxe thaïlandaise, la musculation ainsi que la course à pied, pratiques rendues impossibles en raison d'un défaut de musculation consécutif à sa maladie professionnelle.
La société [7] lui oppose qu'il a pu reprendre certaines activités de loisirs et que l'impossibilité de pratiquer d'autres activités résulte de problème de dos et de genou sans lien avec la maladie professionnelle, objet du présent litige. Elle propose que la somme de 3 000 euros soit attribuée au salarié au titre de ce préjudice dès lors que les activités pratiquées ne l'étaient pas à haut niveau.
D'une part, il ressort des doléances de M. [P], que ce dernier a pu reprendre certaines activités sans plus de précisions, d'autre part, dans le compte rendu de son hospitalisation au service psychiatrie du centre hospitalier de [Localité 4] il est indiqué : « Arrêt des activités de loisir (sport) car problème dos ».
Toutefois l'expert indique : « il existe un préjudice d'agrément dans la mesure où M. [P] ne peut plus faire de sport en raison d'un défaut de musculation ».
En outre, M. [P] produit des attestations de M. [I] [Y], [Z] [O] et [L] [K], qui indiquent qu'il pratiquait bien les activités sportives évoquées précédemment de manière régulière avant sa maladie professionnelle.
Ainsi, les constatations de l'expert et les attestations produites par M. [P] permettent de démontrer une limitation de la pratique sportive antérieure.
Ce préjudice sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.
Sur le préjudice esthétique permanent
Ce poste de préjudice vise à réparer les atteintes physiques et, plus généralement, les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime, comme notamment le fait de devoir se présenter avec des cicatrices permanentes.
M. [P] sollicite une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 3 000 euros.
Ce poste de préjudice a été évalué à 0,5/7 par l'expert.
Au regard du préjudice esthétique retenu à hauteur de 0,5/7, non contesté par la société [7], il y a lieu de fixer celui-ci à 1 000 euros.
Sur le préjudice sexuel
Le préjudice sexuel comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel, qu'il s'agisse de la perte de l'envie ou de la libido, de la perte de la capacité physique de réaliser l'acte, ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir, le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (en ce sens 2e Civ 17 juin 2010 n° de pourvoi: 09-15842 P).
M. [P] invoque une infertilité liée aux traitements médicaux, une perte de libido et une impossibilité de pratiquer l'acte sexuel pendant les périodes de chimiothérapie et d'hospitalisation. Il réclame à ce titre le versement de la somme de 100 000 euros.
La société [7] soutient qu'en l'absence de compte rendu d'examen biologique, la réalité de l'infertilité n'est pas démontrée, de sorte que le salarié ne peut obtenir une indemnisation au titre de son préjudice sexuel. Elle sollicite que la cour limite l'indemnisation de ce préjudice à 10 000 euros si elle entendait faire droit à la demande de M. [P].
En premier lieu, la cour constate que M. [P] ne produit aucun élément objectif de nature à démontrer une perte de libido ou une impossibilité, y compris temporaire, de pratiquer l'acte. En revanche, la question de l'infertilité se pose pleinement.
Le docteur [A] précise à cet égard que l'infertilité démontrée par l'oligospermie de 2016 permet de caractériser l'existence d'un préjudice sexuel.
Les résultats d'analyse d'un spermogramme réalisé le 1er février 2016 indiquent que la trop faible quantité de spermatozoïdes n'a pas permis la réalisation du spermocytogramme, le docteur [T] a, quant à lui, émis un certificat médical attestant d'une importante diminution de la fertilité en raison d'une diminution importante des spermatozoïdes.
Il y a lieu d'en déduire que si la trop faible quantité de spermatozoïdes n'a pas permis la réalisation de l'examen médical, elle ne permettra pas non plus la procréation, de sorte que ce chef de préjudice est établi.
Certes, on ignore si M. [P] était fertile avant de subir des soins de chimiothérapie. Cependant, il est normal qu'avant d'être atteint de son lymphome et en l'absence de tout problème, cet homme jeune n'ait pas réalisé d'examen de fertilité. Par ailleurs, on ne saurait présumer que M. [P] faisait partie de la faible proportion de la population masculine française frappée d'infertilité et il y a lieu, au contraire, de considérer qu'il était initialement fertile.
Les éléments produits démontrant l'infertilité de M. [P] justifient que lui soit attribuée la somme de 30 000 euros à ce titre.
Sur le préjudice d'établissement
Il se définit par le fait de perdre l'espoir de réaliser tout projet personnel de vie, notamment de fonder une famille, d'élever des enfants, en raison de la gravité du handicap.
En l'espèce, M. [P] évoque une angoisse liée à la peur de fonder une famille dans la mesure où il craint de mourir précocement, il ajoute qu'il lui est impossible d'acquérir un bien immobilier du fait de son instabilité professionnelle.
La société [7] sollicite le rejet de cette demande, indiquant que le salarié n'apporte aucune preuve de nature à objectiver sa demande.
L'expert relève que le salarié n'a ni projet familial, ni enfant et fait état d'une anxiété à fonder une famille, parlant même d'un blocage psychologique.
La cour constate qu'en raison de ce blocage, apparu dans les suites de la maladie professionnelle, de cette crainte de l'avenir chez M. [P], de ses deux tentatives de suicide en 2014 et en 2019 et compte tenu de l'âge de M. [P], le préjudice d'établissement est démontré.
Dans ces conditions, et compte tenu du fait que le préjudice lié à l'infertilité a déjà été spécifiquement indemnisé, il y a lieu d'allouer à M. [P] la somme de 10 000 euros.
Sur le préjudice permanent exceptionnel
M. [P] sollicite la somme de 50 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel dès lors qu'il vit avec une angoisse permanente de mourir, les médecins lui rappelant régulièrement qu'une rémission n'est pas une guérison. Cette peur de mourir impacte également sa volonté de faire un enfant qui risquerait de perdre son père prématurément.
La société [7] rétorque que ce préjudice est déjà indemnisé par le poste de souffrances endurées, or le préjudice permanent exceptionnel doit présenter un caractère permanent et atypique.
L'expert ne fait pas état d'un préjudice permanent exceptionnel.
La cour constate que la description faite par M. [P] de ce préjudice, qualifié d'exceptionnel, est sensiblement la même que pour les souffrances endurées et le préjudice d'établissement.
La cour retient qu'il s'agit en réalité d'un préjudice qui est déjà indemnisé par les réparations dues pour les souffrances morales et le préjudice d'établissement.
Cette demande ne saurait être accueillie.
Sur les préjudices des proches de M. [V] [P]
Mme [C] [X], compagne de M. [P], intervenant volontairement, explique qu'elle subit le même préjudice sexuel que lui et qu'une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 100 000 euros apparaît justifiée.
Mme [X], Mme [R] [W] épouse [P], mère de M. [P], et ce dernier, agissant en qualité d'ayant droit de son père décédé, M. [G] [P], intervenant volontairement, indiquent en outre qu'ils ont subi un préjudice d'affection dès lors qu'ils ont assisté M. [P] durant son suivi médical alors que son état se dégradait, ce qui justifie que leur soit accordée la somme de 50 000 euros chacun.
La société [7] soutient que les parents et la concubine de M. [P] ne peuvent obtenir réparation de leurs préjudices dès lors que le salarié n'est pas décédé et qu'ils n'ont donc pas la qualité d'ayants droit.
Certes, selon des dispositions de l'article L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, seule la qualité de salarié ouvre droit à l'indemnisation de son préjudice en lien avec l'accident du travail. Les ayants droit peuvent donc réclamer l'indemnisation de leur préjudice sur ce fondement, ce qui suppose le décès de l'assuré, en lien direct avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
En l'absence de décès de l'assuré, ses proches n'ont pas la qualité d'ayants droit. Il n'en demeure pas moins qu'ils peuvent demander réparation de leurs préjudices personnels selon les règles de droit commun (Cass. Civ. 2, 6 juin 2024, n° 21-23.216).
Dès lors, les intervenants volontaires sont recevables à demander réparation de leurs préjudices propres.
Compte tenu du fait que M. [V] [P] s'est vu reconnaître un préjudice sexuel correspondant à une infertilité consécutive à ses traitements, ce préjudice rejaillit par ricochet sur sa compagne, qui ne pourra pas avoir d'enfant avec lui. Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 15 000 euros.
S'agissant des préjudices d'affection, il s'avère que Mme [X] et Mme [R] [W] épouse [P], respectivement compagne et mère de M. [V] [P] font des attestations au soutien de leurs propres demandes pour exposer leurs propres préjudices, ce qui n'a évidemment pas une grande valeur probante.
Néanmoins, il n'est point besoin de moult justificatifs pour se convaincre qu'une concubine et des parents éprouvent une forte douleur en apprenant que leur proche encore jeune est atteint d'un cancer, en le voyant se dégrader tant sur le plan physique que sur le plan psychologique au point de faire des tentatives de suicide, en devant l'assister dans un protocole de soins lourds et en ayant toujours à l'idée qu'une rémission ne signifie pas une guérison.
Dans ces conditions, il y a lieu d'attribuer à Mme [X] et à Mme [R] [W] épouse [P] la somme de 10 000 euros chacune en réparation de leur préjudice d'affection.
Il convient d'attribuer la même somme à M. [G] [P], père de M. [V] [P]. Celui-ci est certes décédé le 4 janvier 2022 mais il a largement eu le temps d'éprouver le même préjudice que son épouse et que Mme [X].
M. [G] [P] étant décédé, cette somme sera accordée à celui qui est son unique ayant droit d'après le livret de famille, c'est-à-dire M. [V] [P] lui-même.
Il convient donc de condamner la société [7] à leur verser lesdites sommes.
Sur la majoration de la rente et l'action récursoire de la caisse
Il convient de rappeler que par arrêt du 12 novembre 2021, la cour de céans a ordonné à la CPAM du [Localité 5] d'accorder à M. [P] l'indemnisation complémentaire prévue à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et dit que la caisse pourrait récupérer à l'encontre de la société [7], dans le cadre de son action récursoire, le montant de l'ensemble des sommes déjà avancées ou devant être avancées par elle à M. [V] [P] au titre du capital représentatif de la majoration de la rente versée à l'intéressé, de la provision avancée par la caisse à ce dernier et des frais d'expertise judiciaire qui constituent un des postes du préjudice de la victime.
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
M. [P] sollicite que la société [7] soit condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La cour considère cependant que les premiers juges ont fait une juste appréciation de la cause en relevant que conformément à l'article R. 144-10 applicable à l'époque, la procédure était gratuite et sans frais.
S'agissant des dépens postérieurs au 31 décembre 2018, c'est-à-dire des dépens d'appel, il convient de condamner HHhla société [7] à les supporter.
Sur les frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [V] [P] l'ensemble des frais irrépétibles exposés en appel.
La société [7] sera condamnée à payer à M. [V] [P] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et déboutée de ses propres prétentions de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,
- Fixe comme suit l'indemnisation des préjudices subis par M. [V] [P] à la suite de sa maladie professionnelle du 7 novembre 2013 imputable à la faute inexcusable de la société [7] :
- frais divers : 1 850 euros,
- assistance tierce personne : 19 040,40 euros,
- déficit fonctionnel temporaire : 20 785 euros,
- souffrances endurées : 30 000 euros,
- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros,
- déficit fonctionnel permanent : 6 000 euros,
- préjudice d'agrément : 5 000 euros,
- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros,
- préjudice sexuel : 30 000 euros
- préjudice d'établissement : 10 0000 euros
- Déboute M. [P] de ses demandes au titre de :
- la perte de gains professionnels actuels,
- la perte de gains professionnels futurs,
- l'incidence professionnelle,
- le préjudice permanent exceptionnel,
- Rappelle que par arrêt du 12 novembre 2021, la présente cour a ordonné que la rente soit majorée au maximum,
- Rappelle que par ce même arrêt, la cour a condamné la société [7] à rembourser la CPAM du [Localité 5] des sommes dont cette dernière aurait à faire l'avance conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- Déclare recevables les demandes formées par Mme [C] [X], Mme [R] [W] épouse [P] et M. [V] [P], agissant en qualité d'ayant droit de son père pré-décédé, M. [G] [P], sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile,
- Fixe comme suit leurs réparations :
- préjudice sexuel de Mme [C] [X] : 15 000 euros,
- préjudice d'affection de Mme [C] [X] : 10 000 euros,
- préjudice d'affection de Mme [R] [W] épouse [P] : 10 000 euros,
- préjudice d'affection de M. [G] [P], représenté par son ayant droit M. [V] [P] : 10 000 euros,
- Condamne la société [7], sur le fondement du droit commun, à verser lesdites sommes à Mme [C] [X], Mme [R] [W] épouse [P] et M. [V] [P], en qualité d'ayant droit de son père pré-décédé, M. [G] [P],
- Déboute M. [V] [P] de sa demande visant à la condamnation de la société [7] aux dépens de première instance,
- Condamne la société [7] aux dépens d'appel,
- Condamne la société [7] à payer à M. [V] [P] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le greffier, Le président,