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25/06/2024 | FRANCE | N°23/03666

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 25 juin 2024, 23/03666


ARRET







[H]





C/



CPAM DE LA COTE D'OPALE

S.A.S. [6]









COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 25 JUIN 2024



*************************************************************

N° RG 23/03666 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3LK - N° registre 1ère instance : 19/00502



Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social) en date du 18 décembre 2020





PARTIES EN CAUSE :<

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APPELANT



Monsieur [T] [H]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Comparant

asssité par Me Martha Smyth, avocat au barreau de Paris, substituant Me Jean-sébastien Delozière de la SCP Decoster-Corret-Delozieèe-Leclercq, avo...

ARRET

[H]

C/

CPAM DE LA COTE D'OPALE

S.A.S. [6]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 25 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/03666 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3LK - N° registre 1ère instance : 19/00502

Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social) en date du 18 décembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [T] [H]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Comparant

asssité par Me Martha Smyth, avocat au barreau de Paris, substituant Me Jean-sébastien Delozière de la SCP Decoster-Corret-Delozieèe-Leclercq, avocat au barreau de Saint-Omer

et :

INTIMEES

CPAM de la Côte d'Opale

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et plaidant par Mme [F] [X], munie d'un pouvoir régulier

S.A.S. [6]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

non représentée

régulièrement convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 août 2023 réceptionné le 1er septembre 2023

DEBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024 devant M. Renaud Deloffre, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Renaud Deloffre en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseillère,

et M. Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.

*

* *

DECISION

M. [T] [H] a été embauché par la société Côte d'Opale toitures et rénovations le 22 août 2011 en qualité de plaquiste.

Il a été victime d'un accident de la circulation le 7 mars 2015 ayant notamment entraîné une fracture bi-malléolaire de la cheville droite et à l'origine d'un arrêt de travail jusqu'au 8 janvier 2017.

Il a été ensuite en arrêt maladie du 9 octobre 2017 au 12 novembre 2017 puis placé en arrêt de travail du 14 mai 2018 au 15 juillet 2018 pour une autre pathologie, à savoir une tendinite de la cheville gauche.

Le 16 juillet 2018, à la suite d'une visite médicale de reprise par suite de son arrêt maladie, le docteur [J] [M], médecin du travail, l'a déclaré inapte à son poste de travail, avec précision que le médecin a rempli une des cases du formulaire correspondant aux cas de dispense de l'obligation de reclassement en indiquant que son "état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi".

Cependant, le médecin du travail a également indiqué dans la rubrique du formulaire « conclusions et indications relatives au reclassement (article L. 4624-4) » que « les capacités résiduelles de travail du salarié lui permettent d'exercer un travail de type administratif. Restrictions pas de port de charges supérieure à 15 kg, pas de travail en hauteur échafaudage et échelles, pas de travail en position accroupie ou agenouillée. Apte à suivre une formation ».

M. [H] a contesté cet avis du médecin du travail en saisissant la formation des référés du conseil de prud'hommes de Calais qui, par ordonnance du 26 octobre 2018, a désigné le médecin inspecteur régional pour l'éclairer sur l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail puis, au vu des conclusions du médecin inspecteur régional, a, par ordonnance du 18 avril 2019 déclaré M. [H] apte à reprendre un poste de plaquiste à mi-temps.

Entre temps, l'employeur de M. [H] lui a notifié, par lettre recommandée du 27 juillet 2018, son intention de le licencier "en raison de son inaptitude médicalement constatée et de l'absence de reclassement possible" puis par un nouveau courrier recommandé du 17 août 2018, M. [H] s'est vu notifier son licenciement qui sera ultérieurement déclaré sans cause réelle et sérieuse par jugement du 30 mars 2022 du conseil de prud'hommes de Calais.

M. [H] a rendu destinataire sa caisse primaire d'un certificat médical initial établi en date du 18 juillet 2019 au titre d'un accident du travail du 27 juillet 2018 et faisant état d'un syndrome anxio-dépressif consécutif à licenciement suite à inaptitude au poste de travail et mise en invalidité.

Par requête du 14 novembre 2019, il a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer pour qu'il soit dit que la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) de la Côte d'Opale doit reconnaître l'accident de travail du 27 juillet 2018 et qu'elle instruise l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a décidé ce qui suit :

« Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable M. [T] [H] en ses demandes ;

DIT que l'arrêt de travail du 27 juillet 2018 de M. [T] [H] doit être considéré comme un accident du travail par reconnaissance implicite de la CPAM de la Côte d'Opale ;

ORDONNE à la CPAM de la Côte d'Opale de prendre en charge et d'indemniser cet accident du travail au regard de la législation sur les risques professionnels ;

DEBOUTE M. [T] [H] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE M. [T] [H] à verser à la société Côte d'Opale toitures et rénovations la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [T] [H] et la CPAM de la Côte d'Opale au paiement chacun de la moitié des dépens ;

RAPPELLE que ce jugement est exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale et que les parties en peuvent interjeter appel dans le délai d'un mois à compter de sa notification en application des dispositions de l'article 538 du code de procédure civile ».

Appel de ce jugement a été interjeté par M. [H] par courrier de son avocat expédié au greffe de la cour le 15 janvier 2021.

Cet appel est limité aux dispositions suivantes du jugement :

« DEBOUTE M. [T] [H] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE M. [T] [H] à verser à la société Côte d'Opale toitures et rénovations la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [T] [H] et la CPAM de la Côte d'Opale au paiement chacun de la moitié des dépens » ;

La cause, enregistrée sous le numéro de registre général 21/00397, a été évoquée à l'audience du 22 février 2022, à celle du 14 novembre 2022 puis à celle du 9 mai 2023 lors de laquelle elle a fait l'objet d'une mesure de radiation.

Réinscrite au rôle à la demande de M. [H], elle a reçu le numéro de registre général 23/0366 et a été plaidée à l'audience du 25 mars 2024 .

Par conclusions n° 4 reçues par le greffe le 25 mars 2024, l'appelant demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 18 décembre 2020 en ce qu'il déboute M. [H] du surplus de ses propres demandes ;

INFIRMER le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 18 décembre 2020 en ce qu'il condamne M. [H] à verser à la société Côte d'Opale toitures et rénovations la somme de 1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRMER le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 18 décembre 2020 en ce qu'il condamne M. [H] et la CPAM de la Côte d'Opale au paiement chacun de la moitié des dépens ;

CONFIRMER le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 18 décembre 2020 pour le surplus ;

Et, statuant de nouveau,

DECLARER que la société Côte d'Opale toitures et rénovations a commis une faute inexcusable à l'égard de M. [H]

En conséquence,

ORDONNER la majoration maximale de la rente allouée à M. [H] ;

CONDAMNER la société [6] à verser, à M. [H], une somme de 4 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer ainsi qu'au titre de la procédure devant la juridiction de céans ;

CONDAMNER la société Côte d'Opale toitures et rénovations aux entiers dépens des deux instances ;

CONDAMNER la CPAM de la Côte d'Opale à faire l'avance des indemnités mises à la charge de la société Côte d'Opale toitures et rénovations ;

Et, avant dire droit,

DESIGNER tel expert qu'il plaira à la cour avec mission habituelle en la matière ;

DISPENSER M. [H] de toute consignation.

Il présente également dans la partie discussion de ses écritures une demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur sa contestation de son taux d'incapacité permanente partielle.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir qu'il a été mis par erreur en invalidité de catégorie 2, qu'il a sollicité une visite de reprise à l'issue de laquelle il a été déclaré inapte puis licencié, que de ce fait il a subi de terribles crises d'angoisse à l'idée de perdre son emploi, qu'il s'en est suivi un accident lui ayant occasionné de graves troubles psychiques, qu'il a avisé à plusieurs reprises son employeur de son besoin et de sa volonté de travailler, que ce dernier avait pleinement conscience du danger d'atteinte à son intégrité morale auquel il était exposé, que pour autant l'employeur n'a mis en place aucune mesure afin de le préserver du risque d'atteinte psychologique auquel l'exposait une procédure de licenciement pour inaptitude dans ce contexte particulier et ne s'est pas rapproché de la médecine du travail pour obtenir de plus amples explications sur ses capacités résiduelles.

Par conclusions reçues par le greffe le 20 février 2024 et soutenues oralement par sa représentante, la CPAM de la Côte d'Opale demande à la cour de :

SURSEOIR à statuer, dans l'attente de la décision de la CMRA dans le cadre des contestations du taux d'IPP et de la consolidation,

Sur la reconnaissance de la faute inexcusable

LUI DONNER ACTE de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable et de la fixation des préjudices.

DIRE qu'en cas de reconnaissance de la faute inexcusable et dans l'hypothèse où la cour ordonnerait la majoration de la rente, en application des dispositions des articles L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, dire que la caisse en versera le montant à l'assuré et en récupérera le montant auprès l'employeur, la SARL [7],

DIRE qu'en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse de la Côte d'Opale fera l'avance aux ayants droit des préjudices indemnisables,

CONDAMNER la SARL [7], en application des articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à reverser à la CPAM de la Côte d'Opale le montant de la majoration de la rente et des préjudices indemnisés.

CONDAMNER la SARL [7] à rembourser les frais d'expertise à la caisse primaire, si celle-ci est ordonnée pour l'évaluation des préjudices.

Elle indique que l'intéressé a contesté son taux d'incapacité permanente partielle ainsi que sa consolidation devant la commission de recours amiable et rappelle les préjudices indemnisables en cas de reconnaissance de la faute inexcusable et l'existence de son action récursoire.

Régulièrement convoquée à l'audience du 26 mars 2024 par courrier recommandé avec accusé de réception du greffe du 28 août 2023 dont un de ses préposés a émargé l'accusé de réception à la date du 1er septembre 2023, la société Côte d'Opale toitures et rénovations n'était ni présente ni représentée à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET.

SUR L'ETENDUE DE L'APPEL.

Aux termes de l'article 561 du code de procédure civile l'effet dévolutif de l'appel permet à un plaideur de soumettre son litige à la cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

L'article 562 du même code apporte une limite à cet effet dévolutif en disposant que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, l'appel principal interjeté par M. [H] ne porte que sur les dispositions du jugement déféré le déboutant du surplus de ses demandes ce qui correspond à sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [6] et à ses demandes en majoration de rente et en désignation d'un expert pour évaluer ses préjudices ainsi qu'en versement d'une provision et il porte également sur les dispositions du jugement le condamnant à verser à la société Côte d'Opale toitures et rénovations la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamnant avec la caisse au paiement chacun de la moitié des dépens.

Cet appel ne porte donc aucunement sur les dispositions du jugement déféré déclarant recevable M. [T] [H] en ses demandes, disant que l'arrêt de travail du 27 juillet 2018 de M. [T] [H] doit être considéré comme un accident du travail par reconnaissance implicite de la CPAM de la Côte d'Opale et ordonnant à cette dernière de prendre en charge et d'indemniser cet accident du travail au regard de la législation sur les risques professionnels tandis que la caisse n'a pas interjeté appel incident de ces dispositions non plus que la société Côte d'Opale toitures et rénovations qui ne comparaît pas.

La cour n'est donc pas saisie de ces dispositions, ayant autorité de la chose jugée, qui ne font l'objet d'aucun appel principal ou incident.

SUR LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER SUR L'INTEGRALITE DU LITIGE.

Il résulte de l'article 378 du code de procédure civile que, hormis le cas où ils sont tenus de surseoir en vertu d'une disposition légale, l'appréciation de l'opportunité de surseoir à statuer relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond (par exemple 1re Civ., 16 juin 1987, pourvoi n° 85-17.200, Bulletin 1987 I n° 196 ; Soc., 17 septembre 2008, pourvoi n° 07-43.211, Bull. 2008, V, n° 164 ; 2e Civ., 11 septembre 2014, pourvoi n° 13-19.497 ; 2e Civ., 7 mai 2015, pourvoi n° 14-16.552, Bull. 2015, II, n°106 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.154 ; 2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-12.189 ; 3e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n°20-14.776 ; 2e Civ., 16 novembre 2023, pourvoi n° 21-20.740).

En l'espèce, le litige ne met aucunement en cause l'application de l'article 4 du code de procédure pénale aux termes duquel l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique avec cette exception qu'il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La cour relève que rien ne s'oppose à ce qu'elle statue sur l'existence même de la faute inexcusable alléguée par M. [H], laquelle n'est aucunement conditionnée par l'existence d'une consolidation et d'un taux d'incapacité de la victime, mais que dans l'hypothèse où cette faute serait reconnue, elle ne pourrait statuer sur la majoration de rente et sur les indemnisations sollicitées qu'une fois intervenue une décision passée en force de chose jugée sur la consolidation de la victime et sur son éventuel taux d'incapacité.

La demande de sursis à statuer présentée par les parties comparantes est donc rejetée mais uniquement en ce qu'elle porte sur la totalité des questions en litige et la cour devra, si elle reconnaît la faute inexcusable, surseoir à statuer sur la majoration de la rente ou du capital et sur la demande d'expertise et de provision.

SUR LA DEMANDE DE M. [H] EN RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE LA SOCIETE COTE D'OPALE TOITURES ET RENOVATIONS ET SUR SES DEMANDES ACCESSOIRES A LA PRECEDENTE.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat , notamment en ce qui concerne les accidents de travail et les maladies professionnelles et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte du texte précité que la seule survenance d'un accident ou d'une maladie du fait ou à l'occasion du travail ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute inexcusable et que la charge de la preuve de la conscience du danger et de l'absence ou de l'insuffisance des moyens de protection mis en 'uvre par l'employeur incombe à la victime ou ses ayants droit (Civ 2 28 novembre 2013 pourvoi no 12 28039, Civ 2 21 juin 2012 pourvoi no 11 19735, Civ 2., 14 septembre 2006 pourvoi no 05 10654, Civ 2 31 mai 2006 pourvoi no 04 30430, Civ 2e 22 mars 2005 n° 03-20.044 Bull. 2005, II, n° 74 Civ 2 5 juillet 2005 pourvoi no 03 30565, Civ 2 8 juillet 2004 pourvoi no 02 30984, Bull no 394).

En l'espèce, le courrier à son employeur du 25 juillet 2018 dont se prévaut M. [H] au soutien de son allégation selon laquelle l'employeur aurait été informé des risques d'un licenciement pour sa santé mentale n'attire aucunement l'attention de l'employeur sur de quelconques risques puisqu'il se contente d'indiquer qu'il souhaite poursuivre son activité.

Ce courrier ne saurait donc caractériser la conscience par l'employeur du danger auquel l'appelant était exposé.

M. [H] produit également à l'appui de sa démonstration de la conscience du danger par l'employeur une attestation émanant de M. [Y] [V] qui atteste avoir été présent le 20 juillet 2018 à un entretien lors duquel M. [H] avait avisé son employeur des risques pour sa santé physique et mentale que lui causeraient l'inaction de ce dernier contre l'avis d'inaptitude de la médecine du travail du 16 juillet 2018 et la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée.

Si la preuve des faits juridiques est libre et si elle peut être administrée par une attestation, fût-elle unique, établie par une personne ayant assisté ou prétendant avoir assisté à un entretien entre un salarié et son employeur, il appartient au juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée.

Or, en l'espèce, la cour ne peut que constater que l'attestation délivrée à M. [H] par M. [V], en méconnaissance de prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, ne précise ni l'adresse de ce dernier, ni l'existence d'un éventuel lien de parenté avec le dirigeant de la société employeur ni l'existence d'un éventuel lien de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêt avec les parties et surtout qu'elle n'indique aucunement qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.

Compte tenu de ces non-conformités aux prescriptions précitées de l'article 202 du code de procédure civile, la cour considère que l'attestation ne fait pas suffisamment preuve des propos prêtés à M. [H] par le témoin.

Il s'ensuit que la prétendue conscience du danger de l'employeur n'est pas suffisamment établie.

En ce qui concerne ensuite l'absence ou l'insuffisance des mesures de protection mises en 'uvre par l'employeur pour le protéger du danger, M. [H] soutient que la société [6] n'a mis en place aucune mesure afin de le préserver du risque d'atteinte psychologique auquel l'exposait l'engagement d'une procédure de licenciement pour inaptitude dans ce contexte particulier et qu'elle aurait dû, a minima, se rapprocher de la médecine du travail afin d'obtenir de plus amples explications sur ses capacités résiduelles .

Cependant, M. [H] n'apporte pas le moindre commencement de preuve que son employeur aurait pu en mettre en 'uvre une mesure de reclassement compatible avec les préconisations de la médecine du travail, qui étaient parfaitement claires et exécutoires de plein droit malgré la saisine non suspensive de la formation de référés du conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer (dans le sens, sous l'empire de l'ancienne législation, que le recours formé devant le médecin-inspecteur du travail contre la décision du médecin du travail n'était pas suspensif Soc., 9 avril 2008, pourvoi n° 07-41.141, Bull. 2008, V, n° 81).

On rappellera que les capacités résiduelles de M. [H] ont été très clairement définies par le médecin du travail comme lui permettant d'occuper un poste administratif avec de surcroît l'interdiction de port de charges supérieures à 15 kg, de travail en hauteur ou en position accroupie ou agenouillée.

Or, M. [H] ne soutient à aucun moment que l'employeur aurait disposé d'un poste administratif que sa formation et ses compétences lui auraient permis d'occuper et il ne fait donc aucunement apparaître qu'il aurait existé la moindre perspective de reclassement dans l'entreprise que l'employeur ne lui aurait pas proposée, ne caractérisant ainsi aucunement la possibilité de mesures de protection contre le risque que l'employeur aurait négligé de mettre en 'uvre.

Non seulement la preuve de la conscience du danger par l'employeur n'est pas rapportée mais n'est pas non plus rapporté le moindre commencement de preuve de la possibilité pour l'employeur de mettre en 'uvre des mesures de protection contre le risque en lui proposant un poste administratif.

Il convient donc, mais avec substitution intégrale des présents motifs à ceux retenus par les premiers juges, de confirmer le jugement en ses dispositions déboutant M. [H] « du surplus de ses demandes », sauf à préciser pour éviter toute ambiguïté que ce dernier est débouté de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Côte d'Opale toitures et rénovations ainsi que de ses demandes d'expertise et de provision et de ses demandes implicites en majoration de rente ou de capital sur le fondement de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et de ses demandes indemnitaires sur le fondement de l'article L. 452-3 du même code.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON REPETIBLES.

M. [H] et la caisse ayant succombé chacun partiellement en leurs prétentions en première instance et M. [H] succombant totalement en cause d'appel, il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non répétibles et, ajoutant au jugement, de condamner M. [H] aux dépens d'appel et de le débouter de ses prétentions dirigées contre la société [6] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par les parties comparantes.

Confirme le jugement en toutes ses dispositions déférées à la cour, sauf à préciser que M. [H] est débouté de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Côte d'Opale toitures et rénovations ainsi que de ses demandes d'expertise et de provision et de sa demande implicite en majoration de rente ou de capital sur le fondement de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et de ses demandes indemnitaires implicites sur le fondement de l'article L. 452-3 du même code.

Et ajoutant au jugement,

Déboute M. [T] [H] de ses prétentions dirigées contre la société [6] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/03666
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.03666 ?
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