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25/06/2024 | FRANCE | N°23/01604

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 25 juin 2024, 23/01604


ARRET







CPAM DE [Localité 3] - [Localité 5]





C/



[I]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 25 JUIN 2024



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N° RG 23/01604 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXI6 - N° registre 1ère instance : 22/02069



Jugement du tribunal judiciaire de Lille (pôle social) en date du 16 mars 2023





PARTIES EN CAUS

E :





APPELANTE





CPAM de [Localité 3]-[Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée et plaidant par Mme [W] [G], mu...

ARRET

CPAM DE [Localité 3] - [Localité 5]

C/

[I]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 25 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/01604 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXI6 - N° registre 1ère instance : 22/02069

Jugement du tribunal judiciaire de Lille (pôle social) en date du 16 mars 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de [Localité 3]-[Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et plaidant par Mme [W] [G], munie d'un pouvoir régulier

et :

INTIME

Monsieur [Y] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant

régulièrement convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 août 2023 réceptionné le 19 août 2023

DEBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024 devant M. Renaud Deloffre, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Renaud Deloffre en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseillère,

et M. Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.

*

* *

DECISION

M. [Y] [I], né le 2 janvier 1963, salarié de la société [4] en qualité de technicien service après-vente, a, le 26 septembre 2022, complété une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial du 14 juin 2019 faisant état d'une « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite ».

Par courrier du 28 septembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 5] (ci-après la CPAM) a notifié à M. [Y] [I] un refus administratif de prise en charge de la maladie déclarée au titre du tableau 57 A, la prise en charge étant refusée au motif que « le délai de prescription de 2 ans prévu à l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale pour adresser votre déclaration de maladie professionnelle est dépassé ».

M. [I] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester cette décision, laquelle a rejeté sa demande le 9 novembre 2022, puis par lettre recommandée du 22 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de [Localité 3] qui a, par jugement du 16 mars 2023, décidé ce qui suit :

Dit que la demande de prise en charge de la maladie de M. [Y] [I] ayant fait l'objet du certificat médical initial du 14 juin 2019, au titre de la législation professionnelle n'est pas prescrite,

Invite la caisse primaire d'assurance-maladie à poursuivre l'instruction de la demande,

Condamne la caisse primaire d'assurance-maladie aux dépens,

Rappelle que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du présent jugement est d'un mois à compter du jour de sa notification,

Dit que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l'article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du pôle social du tribunal judiciaire de [Localité 3].

Notifié à la caisse le 17 mars 2023, ce jugement a fait l'objet d'un appel de cette dernière par courrier recommandé avec accusé de réception de sa directrice, expédié le 21 mars 2023 au greffe de la cour .

Les parties ont été convoquées à l'audience du 26 mars 2024.

Par conclusions en date du 22 mars 2024, et soutenues oralement à l'audience par sa représentante, la CPAM de [Localité 3]-[Localité 5] demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré,

Juger prescrite la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [I] en date du 26 septembre 2022,

Débouter M. [Y] [I] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner M. [Y] [I] aux dépens de l'instance,

Subsidiairement, et si par exceptionnel la cour devait déclarer recevable la demande en reconnaissance de maladie professionnelle formulée par le 26 septembre 2022, renvoyer devant la CPAM de [Localité 3]-[Localité 5] afin de procéder à l'instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle formulée le 26 septembre 2022.

Elle fait valoir que le certificat médical initial établi le 14 juin 2019 confirme le lien possible entre la pathologie et l'activité professionnelle de M. [Y] [I], de sorte que celui-ci constituait bien le point de départ de la prescription biennale pour solliciter la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie et que l'envoi seul du certificat médical initial ne peut valoir déclaration de maladie professionnelle au regard des dispositions de l'article R. 461-9 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'assuré avait jusqu'au 14 juin 2021 pour adresser sa déclaration de maladie professionnelle.

Elle ajoute que l'assuré ne justifie d'aucune impossibilité d'agir durant le délai de deux ans, la circonstance selon laquelle il ignorait la nécessité d'envoyer une déclaration de maladie professionnelle étant inopérante, et que l'envoi d'un courrier de classement sans suite par la caisse le 4 septembre 2019, après avoir sollicité la communication de la déclaration de maladie professionnelle le 4 juillet 2019, n'interrompt pas le délai de prescription biennale.

M. [Y] [I], régulièrement convoqué à l'audience du 26 mars 2024 par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 août 2023 reçu par lui le 19 août 2023 n'était ni présent ni représenté à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime ou de ses ayants-droits aux prestations et indemnités prévues en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière et il résulte de l'article L. 461-1 du même code que, s'agissant des maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Il résulte de ce texte que le cours de la prescription de deux ans qu'il prévoit est, à l'exception du bref délai qu'il prévoit, soumise aux règles du droit commun (en ce sens 2e Civ., 11 janvier 2024, pourvoi n° 21-24.181)

Il s'ensuit que lui est applicable l'article 2241 du code civil dont il résulte que la demande en justice interrompt le délai de prescription et qu'est assimilée, pour l'application de ce texte, à une demande en justice la saisine d'un organisme de sécurité sociale (en ce sens s'agissant d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable Civ 2e 16 septembre 2003 Bull. civ II, n° 266) sauf à préciser que cette demande doit être adressée à la caisse par courrier recommandé avec accusé de réception (en ce sens pour l'application des dispositions de l'article L. 332-1: 2e Civ., 10 juillet 2014, pourvoi n 13-22.138. Soc., 4 février 1999, pourvoi n° 97-10.850 ; Civ. 2 ème, 16 septembre 2003, pourvoi n° 02-30.151). De même pour l'application des dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale l'arrêt de l'assemblée plénière de la cour de cassation du 7 avril 2006, pourvoi n° 04-30.353, Bull. Ass. Plén. 2006, n° 4 / Et en matière d'indu de prestations familiales : Soc., 4 octobre 2001, pourvoi n° 99-18.094, et d'indu en matière de cotation d'actes professionnels : Soc., 19 juillet 2001, pourvoi n° 00-12.864 ou Civ. 2 ème, 2 novembre 2004, pourvoi n° 03-30.363).

Il s'ensuit également qu'est applicable à la prescription de l'article L. 431-2 précité l'article 2234 du code civil prévoyant que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

En l'espèce, il est constant que M. [I] a adressé à la caisse un certificat médical initial rédigé le 14 juin 2019 par le docteur [C] [H] et faisant état d'une « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite ».

Ce certificat médical initial informe M. [I] du diagnostic de sa pathologie, à savoir une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et, étant qualifié de « certificat médical accident du travail maladie professionnelle » et indiquant le caractère de maladie professionnelle de la pathologie dans la case correspondante cochée par le médecin, il fait par là même apparaître le lien entre la maladie et l'activité professionnelle, de sorte que la victime est par sa lecture nécessairement informée de l'existence de ce lien.

La prescription de l'action en reconnaissance de la pathologie précitée, sauf démonstration d'une impossibilité d'agir de M. [I], a donc commencé à courir à partir du 14 juin 2019, date d'établissement et donc de remise à l'intéressé du certificat médical initial.

Or, les éléments du débat ne font pas apparaître que l'intéressé ait été dans l'impossibilité d'agir à compter du 14 juin 2019 pour saisir la caisse d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par recommandé avec accusé de réception, seule susceptible de constituer une demande à la caisse valant demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil.

Il n'apparaît en effet aucunement et il n'est aucunement retenu par les premiers juges dont M. [I] est réputé s'approprier les motifs en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, que ce dernier ait été dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'indiquent les premiers juges qui considèrent que l'envoi du certificat était une demande certes incomplète mais néanmoins interruptive de prescription, la prescription biennale de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ne peut avoir été interrompue par l'envoi du certificat à la caisse, ce dernier ne constituant pas une demande adressée à cette dernière et ne produisant pas les effets d'une citation en justice.

Enfin, à défaut d'existence d'une fin de non-recevoir s'opposant à l'invocation par la caisse de la prescription en cas d'absence d'information délivrée à l'assuré sur la nécessité de lui adresser une déclaration de maladie professionnelle et non un simple certificat médical, le raisonnement qui semble avoir été suivi par les premiers juges selon lequel la caisse ne pourrait se prévaloir de la prescription à raison de l'absence d'information de l'assuré du caractère incomplet de son dossier manque en droit.

La caisse étant fondée à solliciter la constatation de la prescription de l'action de M. [I] et cette prescription étant acquise à la date du 14 juin 2021, il convient de réformer le jugement en ses dispositions disant que la demande de prise en charge de la maladie litigieuse n'est pas prescrite et invitant la caisse à poursuivre l'instruction de cette demande et, statuant à nouveau, de dire qu'à la date de la déclaration de maladie professionnelle établie le 26 septembre 2022, la demande de l'intéressé en reconnaissance de sa maladie était atteinte de prescription et que sa contestation du refus de prise en charge de la maladie par la caisse doit être déclarée infondée.

M. [I] succombant en ses prétentions, il convient de réformer les dispositions du jugement relatives aux dépens et, statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, de le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt réputé contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Dit qu'à la date de la déclaration de maladie professionnelle établie le 26 septembre 2022, la demande de M. [Y] [I] en reconnaissance de sa maladie était atteinte de prescription et que sa contestation du refus de prise en charge de la maladie par la caisse est non-fondée.

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [I] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01604
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.01604 ?
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