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24/06/2024 | FRANCE | N°22/02317

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 24 juin 2024, 22/02317


ARRET







Société [4]





C/



CPAM DES FLANDRES













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 24 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/02317 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IODC - N° registre 1ère instance : 20/2111



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 25 AVRIL 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Société [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Me Clotilde MICHELET, avocat au ...

ARRET

Société [4]

C/

CPAM DES FLANDRES

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 24 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/02317 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IODC - N° registre 1ère instance : 20/2111

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 25 AVRIL 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Société [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Clotilde MICHELET, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Joumana FRANGIE-MOUKANAS, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

CPAM DES FLANDRES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Mme [V] [M], munie d'un pouvoir régulier

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2024 devant M. Pascal HAMON, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 24 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Les ayants-droit de monsieur [X] [W], salarié de la société [4] à compter de 1961, en qualité d'ajusteur, contremaître, technicien au jour de la déclaration de maladie professionnelle, ont complété cette dernière le 21 février 2020 et l'ont transmis à la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (ci-après la CPAM), accompagnée d'un certificat médical initial en date du 21 novembre 2019, faisant état de ce que « M. [X] [W] né le 23/05/1951 est décédé des suites d'un cancer bronchopulmonaire. Ce patient a été exposé à l'amiante au cours de sa carrière professionnelle ».

La CPAM des Flandres a diligenté une enquête administrative et a, par décision du 29 juin 2020, pris en charge la maladie professionnelle du 7 mai 2019 de M. [X] [W], au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante.

Contestant cette décision, la société [4] a saisi la commission de recours amiable, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Lille qui, par jugement en date du 25 avril 2022 a :

déclaré opposable à la société [4] la décision de la caisse du 29 juin 2020 relative à la prise en charge de la maladie professionnelle de M. [X] [W],

rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit,

condamné la société [4] aux dépens de l'instance.

La société [4] a relevé appel de cette décision le 10 mai 2022, suivant notification intervenue le 26 avril précédent.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 3 juillet 2023, lors de laquelle il a été procédé à un renvoi à l'audience du 28 mars 2024.

Par conclusions déposées au greffe le 27 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :

déclarer recevable le moyen tiré du défaut de prorogation du délai de consultation du dossier soulevé au soutien de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse du 29 juin 2020 de la maladie déclarée par M. [X] [W],

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse du 29 juin 2020 de la maladie déclarée par M. [X] [W].

Elle fait essentiellement valoir que, par courrier du 25 mars 2020, la caisse l'a informé de la possibilité de venir consulter le dossier et de formuler d'éventuelles observations sur la période allant du 15 au 26 juin 2020, soit pendant la période juridiquement protégée, impliquant une prorogation des délais. Or, elle n'a bénéficié d'aucune prorogation de délai et la caisse a pris en charge la maladie par décision du 29 juin 2020.

Elle indique qu'elle n'a disposé que de dix jours francs pour consulter le dossier et non pas trente, de sorte que ses droits n'ont pas été préservés et que la caisse ne peut limiter la prorogation légale des délais à la condition de la saisine d'un CRRMP.

Au titre du caractère professionnel de la maladie, elle explique qu'elle ne dispose d'aucune donnée sur les antécédents de l'assuré ou sur la nature des lésions néoplasiques qui ont emporté M. [W] de sorte que la localisation du processus cancéreux primitif de ce dernier reste indéterminée et que lors de son décès les causes n'étaient pas connues et estime ainsi que le caractère primitif de la maladie n'est pas démontré.

S'agissant de l'exposition au risque, elle note que l'assuré n'était pas amené à effectuer des travaux visés au tableau n°30 bis.

Par conclusions visées par le greffe le 28 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM des Flandres demande à la cour de :

à titre liminaire, juger irrecevable la demande d'inopposabilité fondée sur le non-respect de l'ordonnance du 22 avril 2020 à défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable,

à titre principal, confirmer le jugement entrepris,

juger opposable, à l'égard de la société, la décision de prise en charge de la maladie de M. [X] [W],

en tout état de cause, débouter la société de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que la demande de la société tirée du non-respect de l'ordonnance du 22 avril 2020 n'est pas recevable dès lors qu'elle n'a pas été soumise préalablement à la commission de recours amiable.

Concernant les conditions de prise en charge de la maladie, elle indique que le médecin-conseil n'a pas procédé par voie de simple affirmation mais s'est fondé, pour confirmer le caractère primitif du cancer, sur des éléments médicaux extrinsèques objectifs et indique que le tableau n°30 bis n'exige pas la réalisation d'un examen anatomopathologique ou un examen immunohistochimique et que la preuve de la maladie déclarée correspond à celle figurant au tableau n°30 bis des maladies professionnelles.

Sur l'exposition au risque, elle précise que les travaux habituels ne correspondent pas aux travaux principalement effectués mais à ceux régulièrement effectués de sorte que l'exposition peut résulter d'une activité accessoire dès lors qu'elle est durable dans le temps et qu'en l'espèce l'assuré a été exposé pendant dix ans à l'inhalation de poussières d'amiante, qu'il a fait l'objet d'une attestation d'exposition aux fibres d'amiante ce qui est corroboré par deux procès-verbaux.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la recevabilité de la demande d'inopposabilité tirée du défaut de prorogation du délai de consultation du dossier

Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale que les réclamations formées contre une décision de la caisse primaire d'assurance maladie doivent être précédées d'un recours préalable dans les conditions fixées par ces textes, et ce à peine d'irrecevabilité.

L'étendue de la saisine de la commission de recours amiable se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation, même en l'absence de motivation de la réclamation.

De même, il est admis que les moyens nouveaux qui n'auraient pas été développés devant la commission de recours amiable, mais qui viendraient au soutien de la réclamation, sont recevables lorsque ces derniers ne modifient pas l'objet du litige initialement soumis (en ce sens, 2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n°18-11.450).

Si dans sa lettre de saisine de la commission de recours amiable, la société invoquait uniquement l'inopposabilité de la décision de prise en charge pour manquement au principe de la contradiction du fait de l'absence d'envoi d'un questionnaire et de l'absence d'information concernant la clôture de l'instruction. Elle contestait le caractère professionnel de la maladie ainsi que la décision de prise en charge, peu important qu'aujourd'hui un autre moyen tenant au défaut de prorogation du délai de consultation du dossier soit invoqué.

Partant, la demande de l'employeur soulevée dans le cadre du recours contentieux sera déclarée recevable.

Sur le respect du principe de la contradiction

L'article R. 461-9 du code de la sécurité sociale prévoit que :

« I.- La caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L. 461-1.

Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l'article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.

La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu'au médecin du travail compétent.

II.- La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.

La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.

III.- A l'issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l'article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l'employeur disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

Aux termes de l'article 11 de l'ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020, portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19, il est prévu ce qui suit :

« I. ' Les dispositions du présent article sont relatives aux délais applicables à la procédure de reconnaissance des accidents du travail mentionnés aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de la sécurité sociale et des maladies professionnelles mentionnées à l'article L. 461-1 du même code qui expirent entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale qui ne peut excéder le terme d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le cas échéant prolongé dans les conditions prévues par cet article.

(') 5° Le délai global de mise à disposition du dossier dans le cadre de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles mentionnées à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale est prorogé de vingt jours ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que le délai de mise à disposition du dossier d'instruction de la maladie professionnelle de M. [X] [W] expirait postérieurement au 12 mars 2020 et pendant la période des dispositions de l'ordonnance précitée.

L'article 11 de l'ordonnance vise expressément « la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles mentionnées à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale », et ne fait aucune référence expresse aux articles R. 461-9 et R. 461-10.

Pour ce seul motif, il n'y a pas lieu de distinguer entre les procédures de reconnaissance ayant ou non nécessité la saisine du CRRMP.

Enfin, l'article R. 461-9 prévoit un délai de 10 jours francs pendant lequel la victime ou ses ayants-droit et l'employeur peuvent consulter le dossier et faire valoir leurs observations, en l'espèce du 15 au 26 juin 2020, puis un délai notifié par la caisse pendant lequel ils peuvent encore consulter le dossier, en l'espèce avant la décision prévue au plus tard le 3 juillet 2020.

Le délai de 10 jours devant être prorogé de 20 jours, le délai de mise à disposition du dossier pour consultation et observations expirait le 16 juillet 2020.

La décision étant intervenue le 29 juin 2020, elle a été prononcée avant l'expiration du délai de mise à disposition du dossier de 10 jours prorogé de 20 jours.

En conséquence, la caisse a violé le principe de la contradiction et la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [X] [W] sera, par infirmation du jugement entrepris, déclarée inopposable à l'employeur sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres demandes des parties.

Sur les dépens

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la CPAM des Flandres, qui succombe totalement, sera condamnée à supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare inopposable à la société [4] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres du 29 juin 2020 de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée par M. [X] [W],

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/02317
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.02317 ?
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