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24/06/2024 | FRANCE | N°22/02309

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 24 juin 2024, 22/02309


ARRET







CPAM DE L'OISE





C/



S.A.S. [7]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 24 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/02309 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOCT - N° registre 1ère instance : 21/0404



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 27 avril 2022





PARTIES EN CAUSE :

>


APPELANT





CPAM DE L'OISE

Ayant élection de domicile à la CPAM DE LA SOMME

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée et plaidant ...

ARRET

CPAM DE L'OISE

C/

S.A.S. [7]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 24 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/02309 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOCT - N° registre 1ère instance : 21/0404

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 27 avril 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE L'OISE

Ayant élection de domicile à la CPAM DE LA SOMME

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme [H] [R], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

S.A.S. [7]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et pladiant par Me Emilie RICARD, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2024 devant M. Pascal HAMON, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 24 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

M. [T], salarié intérimaire de la société [7] en qualité d'agent d'exploitation logistique, mis à disposition de la société [5], a été victime d'un accident le 6 février 2021, pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident du travail en date du 8 février mentionnant ce qui suit : « M. [T] déchargeait des cartons d'un camion au service FLUID LOAD (') en voulant débloquer un carton, un autre carton est tombé sur sa main droite ».

Le certificat médical initial du 8 février 2021 fait état d'une « fracture de P2 de l'annulaire droit ».

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (ci-après la CPAM) a reconnu d'emblée le caractère professionnel de l'accident par décision du 23 février 2021.

Contestant cette décision, la société [7] a saisi la commission de recours amiable, laquelle a implicitement rejeté sa demande, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais qui, par jugement en date du 7 avril 2022 a :

déclaré inopposable à la société [7] la décision de la caisse de prise en charge de l'accident du travail déclaré le 8 février 2021 comme étant survenu au préjudice de M. [T] le 6 février 2021,

condamné la caisse aux dépens de l'instance.

La CPAM de l'Oise a relevé appel de ce jugement le 9 mai 2022, suivant notification intervenue le 8 avril 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 3 juillet 2023, lors de laquelle il a été procédé à un renvoi à l'audience du 28 mars 2024.

Lors de l'audience, les parties ont été interrogées sur une éventuelle fin de non-recevoir pour dépassement du délai d'appel, les parties ont également été autorisées à fournir toutes observations utiles à ce sujet.

Par conclusions visées par le greffe le 28 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Oise demande à la cour de :

juger recevable son appel,

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, juger opposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre accident du travail des faits survenus le 6 février 2021 au préjudice de M. [T],

débouter la société [7] de l'ensemble de ses demandes.

Elle fait essentiellement valoir que l'accident a été déclaré dans un temps voisin, que les faits se sont déroulés un samedi de sorte que l'employeur n'a pu être prévenu que le lundi, que l'absence de témoin n'empêche pas la caractérisation d'un accident du travail, que la consultation médicale tardive ne fait pas obstacle à l'application de la présomption d'imputabilité et que les déclarations de l'assuré sont corroborées par des éléments objectifs.

Par conclusions visées par le greffe le 28 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société [7] demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a établi l'absence de matérialité de l'accident supposé du 6 février 2021,

ainsi, juger que la matérialité de l'accident déclaré par M. [T] n'est pas établie,

juger inopposable la décision de prise en charge de l'accident du 6 février 2021.

Elle soutient qu'elle a été informée de l'accident deux jours après, que le certificat médical initial a également été établi deux jours après, qu'il n'existe aucun témoin et que le salarié a terminé sa journée alors qu'il avait une fracture de la phalange.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la recevabilité de l'appel

Conformément à l'article 538 du code de procédure civile, le délai d'appel est d'un mois en matière contentieuse.

L'article 640 du code de procédure civile énonce que lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. Le délai d'appel court donc à compter de la date de notification du jugement.

L'article 642 du même code prévoit que tout délai expire le dernier jour à 24 heures mais que le délai qui expirera normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

L'article 932 du code de procédure civile dispose que l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour. Il en résulte que l'appel peut être formé par l'envoi de la déclaration d'appel par courrier recommandé.

Il s'évince de la combinaison de ces textes que la CPAM, qui s'était vu notifier le jugement du tribunal judiciaire de Beauvais le 8 avril 2022, avait en principe jusqu'au 8 mai 2022 pour former appel. Cependant, le 8 mai 2022 étant un dimanche, la CPAM avait jusqu'au lundi 9 mai à minuit pour régulariser son appel.

L'examen du dossier révèle que le courrier contenant la déclaration d'appel est parti de [Localité 6] le 9 mai 2022, de sorte que l'appel formé par la CPAM a été formé dans le délai prescrit et qu'il est recevable.

Sur la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Ainsi, constitue un accident du travail tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et qui est à l'origine d'une lésion corporelle.

Il appartient au salarié qui allègue avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses seules affirmations les circonstances de l'accident et son caractère professionnel. Dans le litige qui oppose l'employeur à la caisse, la charge de la preuve revient à cette dernière.

Il résulte également de ces dispositions une présomption d'imputabilité pour tout accident survenu au temps et au lieu de travail, ayant pour effet de dispenser la caisse, substituée dans les droits de la victime, d'établir la preuve du lien de causalité entre l'accident et le contexte professionnel.

Pour renverser cette présomption, l'employeur doit nécessairement démontrer que l'accident a une cause totalement étrangère à l'activité professionnelle de la victime.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier et notamment de la déclaration d'accident du travail remplie le 8 février 2021 par l'employeur, lequel n'a émis aucune réserve, qu'un carton serait tombé sur la main droite de M. [T] le 6 février 2021, à 14h30, sur le lieu de travail habituel du salarié pendant ses horaires de travail, lesquels sont de 8h00 à 15h30 et que l'employeur en a eu connaissance le 8 février 2021 à 8h.

Le certificat médical initial du 8 février 2021 fait état d'une fracture P2 de l'annulaire droit.

Ainsi, il est établi une corrélation entre la lésion constatée dans le certificat médical initial et les circonstances de travail décrites par le salarié ainsi que la survenue de ce dernier sur le lieu et aux temps de travail.

Dès lors, les circonstances de l'accident et la constatation médicale des lésions suffisent à faire jouer la présomption d'imputabilité au travail.

Pour combattre cette présomption, la société fait valoir qu'elle a été informée deux jours après le fait accidentel, que la constatation médicale est faite deux jours après également, qu'il n'y a aucun témoin et que le salarié a continué sa journée de travail.

Toutefois, il convient de rappeler que le non-respect du délai de 24 heures imposé à la victime pour avertir son employeur n'est pas sanctionné et cette dernière ne saurait être échue de ses droits pour ce seul motif, d'autant plus que l'accident a eu lieu un samedi et l'employeur a été prévenu le premier jour ouvré suivant, soit le lundi 8 février 2021 à 8h.

Il est constant que l'absence de témoin n'est pas, en soi, une circonstance justifiant de l'absence de réalité de la survenance de l'accident, tout comme le fait de continuer son travail dans les suites d'un fait accidentel dès lors que si la douleur s'avère gênante elle n'est pas forcément d'emblée invalidante.

Etant précisé que l'accident a eu lieu à 14h30 et que M. [T], salarié intérimaire en poste depuis le 25 janvier 2021, terminait sa journée une heure après et que l'employeur, qui avait bien constaté l'absence de témoins lors de l'établissement de la déclaration d'accident du travail, n'avait toutefois émis aucune réserve.

La cour observe qu'une fracture du doigt se traduit par une douleur, laquelle peut dans un premier temps, être considérée comme anodine, et susceptible de se résorber de telle sorte qu'il n'est pas incohérent que le salarié se soit résolu à consulter en constatant qu'elle persistait.

Ainsi ,la constatation médicale qui intervient deux jours après les faits ne saurait être considérée comme tardive et faire obstacle à la prise en charge de l'accident.

De ces éléments, et par infirmation du jugement, la cour fait droit à la demande de la CPAM de dire opposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident survenu le 6 février 2021.

Sur les dépens

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société [7], partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare opposable à la société [7] la décision de prise en charge de l'accident du 6 février 2021 de M. [T],

Condamne la société [7] aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/02309
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.02309 ?
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