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21/06/2024 | FRANCE | N°23/00878

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Tarification, 21 juin 2024, 23/00878


ARRET







Société [4]





C/





CARSAT [Localité 9]













COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 21 JUIN 2024



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N° RG 23/00878 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV6A







PARTIES EN CAUSE :





DEMANDERESSE





Société [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentant

s légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Représentée et plaidant à l'audience par Me Dosmas, avocat au barreau de Lyon, substituant Me Denis Rouanet de la SELARL Benoît - Lalliard - Rouanet, avocat au barreau de Lyon











ET :





DÉFENDERESSE


...

ARRET

Société [4]

C/

CARSAT [Localité 9]

COUR D'APPEL D'AMIENS

TARIFICATION

ARRET DU 21 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/00878 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV6A

PARTIES EN CAUSE :

DEMANDERESSE

Société [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et plaidant à l'audience par Me Dosmas, avocat au barreau de Lyon, substituant Me Denis Rouanet de la SELARL Benoît - Lalliard - Rouanet, avocat au barreau de Lyon

ET :

DÉFENDERESSE

CARSAT [Localité 9]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et plaidant à l'audience par M. [B] [H], muni d'un pouvoir

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 mars 2024, devant M. Renaud Deloffre, président assisté de M. Louis-Noël Guerra et Mme Brigitte Denamps, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.

M. Renaud Deloffre a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 21 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Vanhuse

PRONONCÉ :

Le 21 juin 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Renaud Deloffre, président et Mme Audrey Vanhuse, greffier.

*

* *

DECISION

Monsieur [S] [R] a travaillé pour la société [11] devenue [6] 2000 de 1985 à 1996 selon les informations résultant de son relevé de carrière.

Il a établi en date du 27 janvier 2019 une demande de reconnaissance de l'origine professionnelle d'une asbestose avec fibrose pulmonaire.

La caisse primaire d'assurance maladie du salarié a constaté que la maladie était désignée dans le tableau n°30 et que les conditions de ce tableau étaient réunies pour la reconnaissance de son origine professionnelle.

La CARSAT [Localité 9] a imputé les conséquences financières de la maladie professionnelle sur le compte employeur de la société [4], prise en son établissement de Coudekerque (SIRET : [N° SIREN/SIRET 3]).

La lecture des comptes employeurs produits aux débats par la demanderesse fait apparaitre que l'organisme a inscrit un coût d'incapacité temporaire n° 1 sur le compte employeur 2018 et un coût d'incapacité permanente n° 2 sur le compte 2019.

Par courrier du 21 septembre 2021, la société [4] a formé un recours gracieux afin de contester l'imputation des conséquences financières de la maladie professionnelle à son compte employeur en faisant valoir qu'il s'agissait d'une erreur d'imputation, compte tenu du fait que Monsieur [R] n'avait jamais été son salarié.

Par un courrier du 14 octobre 2021, la CARSAT [Localité 9] a confirmé l'imputation de la maladie professionnelle au compte employeur de la société [4] au motif que Monsieur [R] était salarié de la société reprise par la société [4] et rejeté sa contestation.

Par assignation délivrée à la CARSAT [Localité 9] le 31 décembre 2021 pour l'audience du 6 mai 2022, la société [4] demande à la cour de :

- inscrire les dépenses afférentes à la maladie (n°180803595) contractée par Monsieur [S] [R] le 3 août 2018 sur le compte spécial des maladies professionnelles ;

- condamner à la CARSAT des [Localité 9] à procéder au recalcul des taux de cotisation AT/MP de la société [4] ayant intégré les coûts moyens de ladite maladie ;

- assortir ladite condamnation d'une astreinte de 250,00 € par jour de retard à liquider au profit de la Société [4] à compter de l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la signification de l'arrêt à la CARSAT des [Localité 9] par la demanderesse ;

- condamner la CARSAT des [Localité 9] à payer la somme de 1 500,00 € à la société [4] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux dépens.

Cette procédure, enregistrée sous le numéro 22/00339, a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle rendue à l'audience du 6 mai 2022.

Elle a fait l'objet d'une réinscription au rôle sous le numéro 23/00878 à la demande de la société [4] présentée par courrier de son avocat du 23 janvier 2023.

Evoquée à l'audience du 17 novembre 2023, cette procédure a été renvoyée à celle du 15 mars 2024 lors de laquelle elle a été plaidée.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 4 mars 2024 et soutenues oralement par avocat, la société [4] demande à la cour de :

à titre liminaire :

- rejeter les fins de non-recevoir invoquées par la C.A.R.S.A.T. des [Localité 9] ;

- déclarer le présent recours recevable.

À titre principal :

- dire que la C.A.R.S.A.T. des [Localité 9] ne rapporte pas la preuve que la société [4] a exposé Monsieur [S] [R] aux risques ayant causé sa maladie (n°180803595);

- condamner l'organisme défendeur à retirer les conséquences financières du compte-employeur de la société [4], à procéder au recalcul des taux déjà notifiés et communiquer à l'URSSAF le crédit de cotisations correspondant ;

à titre subsidiaire :

- inscrire les dépenses afférentes à la maladie (n°180803595) contractée par Monsieur [S] [R] le 3 août 2018 sur le compte spécial des maladies professionnelles ;

- condamner le même organisme à procéder au recalcul des taux déjà notifiés et communiquer à l'URSSAF le crédit de cotisations correspondant ;

en tout état de cause :

- condamner la C.A.R.S.A.T. des [Localité 9] à payer la somme de 2000,00 € à la société [4] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle indique à l'audience se désister de son recours en ce qui concerne son taux de cotisations 2020, faute d'intérêt à maintenir sa contestation de ce chef.

Elle fait en substance valoir ce qui suit :

A titre liminaire - sur les fins de non-recevoir invoquées par la CARSAT [Localité 9]

La C.A.R.S.A.T. des [Localité 9] soutient, d'une part, que le recours introduit par la société [4] serait partiellement entaché de forclusion en ce que certains des taux n'auraient pas été contestée dans le délai de 2 mois applicable et, d'autre part, que sa demande de retrait des coûts de la maladie professionnelle concernée, motif pris du défaut de preuve de l'exposition aux risques de l'assuré social par l'employeur, serait irrecevable pour cause d'estoppel.

2.1.1. Sur la prétendue forclusion partielle du recours de la société [4] au titre des taux de cotisation 2020 et 2021

Sur l'existence de taux ultérieurs valablement contestés

En l'espèce, la C.A.R.S.A.T. des [Localité 9] reconnaît que le recours formé par la Société [4] est parfaitement recevable dans la mesure où elle écrit que seuls les taux de cotisation 2020 et 2021 seraient définitifs, alors que le sinistre concerné est entré en tarification sur des taux de cotisation ultérieurs et donc, valablement contestés au soutien du présent recours :

« Ce coût moyen d'incapacité temporaire de catégorie 1 est notamment entré dans les taux de cotisations de la société [4] des années 2020 et 2021 qui lui ont été notifiés par voie électronique

La CARSAT a également inscrit un coût moyen d'incapacité permanente de catégorie 2 sur le compte employeur 2019 de la Société [4] en rapport avec la maladie professionnelle.

Ce coût moyen est notamment entré dans le taux du cotisation 2021 de la Société [4], qui lui a été notifié par voie électronique ».

(Cf. Conclusions adverses)

Par conséquent et si par extraordinaire la cour venait à retenir l'argumentation de l'organisme défendeur, elle statuera néanmoins au fond sur les taux ultérieurs, lesquels ont été valablement contestés par l'acte introductif d'instance.

Nonobstant, la société [4] considère qu'aucune forclusion ne peut valablement lui être opposée pour les raisons ci-après exposées.

- Sur le caractère étranger du taux de cotisation pour l'année 2020

Selon la C.A.R.S.A.T. des [Localité 9], le sinistre concerné serait impacté par un taux de cotisation pour l'année 2020.

Or, l'organisme défendeur ne justifie pas que le sinistre est entré en tarification à compter de l'année 2020, ce qui serait au demeurant particulièrement surprenant dans la mesure la maladie à fait l'objet d'une déclaration auprès de la C.P.A.M. concernée en 2019...

Comble de l'incompréhension, la C.A.R.S.A.T indique que le sinistre était reporté sur le compte-employeur « 2018 », soit antérieurement à la déclaration de maladie professionnelle ; ce qui parait évidemment impossible, sauf à ce que l'organisme évoque une règle spécifique.

A titre superfétatoire, la Société [4] expose qu'elle avait contesté son taux devant la C.A.R.S.A.T. à titre conservatoire directement devant l'organisme de sécurité sociale, de sorte qu'aucune forclusion ne saurait être opposée à l'employeur.

Qui plus est, ce dernier joignait à sa contestation la liste des sinistres impactés par ledit taux et figurant sur le compte-employeur concerné, sans que le dossier « [S] [R] » ne soit reporté parmi les éléments de tarification pris en compte en 2020.

(Cf. Pièce n°11 : Courrier de contestation à titre conservatoire du taux de cotisation AT/MP 2020)

De ce fait, aucune forclusion ne saurait être opposée à la société [4] sur un taux étranger au sinistre concerné.

Sur le caractère prétendument définitif du taux de cotisation pour l'année 2021

Concernant le caractère prétendument définitif du taux de cotisation pour l'année 2021, la société [4] entend faire valoir qu'il n'existe aucune date de réception certaine de la notification du taux concerné, de sorte que le délai de forclusion n'a jamais valablement couru l'encontre de l'employeur.

En effet, ce taux était notifié par voie électronique avant que ce mode de notification ne devienne obligatoire pour les entreprises au 1 er janvier 2022.

Du reste, la Société [4] a contesté son taux devant la C.A.R.S.A.T. à titre conservatoire directement devant l'organisme de sécurité sociale, de sorte que la C.A.R.S.A.T. est mal fondée en son argumentation.

(Cf. Pièce n°12 : Courrier de contestation à titre conservatoire du taux de cotisation AT/MP 2021)

2.1.2. Sur l'irrecevabilité fondée sur le principe de l'estoppel

La C.A.R.S.A.T. des [Localité 9] invoque le principe de l'estoppel, lequel est défini comme l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui. En droit français, « la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir », s'il n'existe pas un comportement procédural constitutif d'un changement de position de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions.

(Cf. Pièce n°7 : Cass. 2e civ. 27 févr. 2009, n°07-19.841)

En l'espèce, la C.A.R.S.A.T. déduit de la demande initiale d'inscription sur le compte spécial le fait que la société [4] aurait implicitement reconnu avoir exposé Monsieur [S] [R] aux risques susceptibles d'avoir causé sa maladie avant de présenter une demande additionnelle portant sur l'absence d'exposition aux risques de l'assuré social par la société [4]

Or, il s'agit d'une appréciation erronée dans la mesure où la société [4] avait saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de LILLE du litige relatif à l'imputabilité de la maladie contestée dans le cadre d'une instance radiée du rôle par une ordonnance du 6 avril 2023.

La cour observera en effet que devant ledit Tribunal, l'employeur contestait déjà toute exposition de Monsieur [S] [R] aux risques ayant causé sa maladie lorsqu'il travaillait à son service.

Il s'en suit que l'employeur n'a jamais changé de position.

(Cf. Pièce n°8 : Requête valant conclusion devant le TJ de Lille)
(Cf. Pièce n°9 : Ordonnance de radiation du 6 avril 2023)

En outre, le simple fait pour l'employeur de solliciter l'inscription sur le compte spécial est motivé par l'exposition aux risques de l'assuré social lorsqu'il travaillait au service d'autres employeurs, et non par une reconnaissance implicite de cette exposition lorsqu'il travaillait à son service, même s'il s'agit d'une condition de fond nécessaire, de sorte qu'on ne saurait en déduire un comportement fautif de l'employeur.

De plus, la charge de la preuve des conditions d'inscription sur le compte spécial incombe à l'employeur, alors qu'elle incombe à l'organisme défendeur sur l'exposition aux risques ; il s'en suit qu'il n'existe donc aucun risque de contradiction au détriment de l'organisme, d'autant que cette preuve porte sur des faits différents.

Au total, l'employeur estime tout bonnement que la maladie professionnelle en cause n'est pas de son fait et présente des demandes différentes à cet égard.

S'il fallait convaincre la cour davantage, elle observera que l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation à compter du 1er décembre 2023 a malheureusement contraint l'employeur à présenter ce moyen devant la juridiction en charge de la tarification, sauf à s'exposer à une décision d'incompétence matérielle à [Localité 10] qui aurait emporté la transmission de l'affaire à la Cour de céans ; en conséquence, l'anticipation de l'employeur requérant participe d'une bonne administration de la justice.

(Cf. Pièce n°6 : Cass. 2e civ. 1e' déc. 2022, n°21-11.252, Publié)

En tout état de cause, la Cour étant déjà saisie d'une demande d'inscription sur le compte spécial, la société [4] pouvait sans difficulté présenter une demande additionnelle comme le prévoit le code de procédure civile.

En effet, la juridiction chargée du contentieux de la tarification statuant en 1er et dernier ressort dans une matière où aucun recours préalable n'est obligatoire, la C.A.R.S.A.T. ne saurait valablement se prévaloir du principe de l'interdiction des demandes nouvelles en cause d'appel.

La Cour observera utilement que la Cour de cassation a sanctionné une cour d'appel d'avoir retenu le principe de l'estoppel à l'encontre d'une partie qui avait présenté un moyen nouveau en cause d'appel, mais contradictoire à la position tenue en 1 ère instance, dans la mesure le Code de procédure civile autorise les moyens nouveaux.

Sur sa demande de retrait pour défaut d'exposition.

Il ne résulte d'aucune des pièces de la CARSAT que le salarié ait été exposé aux risques alors qu'il était délégué auprès d'entreprises utilisatrices par elle-même ou [6].

Sur sa demande subsidiaire d'inscription des dépenses de la maladie au compte spécial.

-Sur l'exposition antérieure de Monsieur [R] aux risques.

Selon la C.A.R.S.A.T. des [Localité 9], Monsieur [S] [R] contractait sa maladie lorsqu'il travaillait au service de la Société [11] entre 1985 et 1996, soit pendant 11 ans au cours desquels elle n'indique pas qu'il aurait été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante au cours de ladite période d'emploi.

Pour autant, la maladie de Monsieur [S] [R] est datée du 3 janvier 2018.

Et pour rappel, le délai de prise en charge visé par le Tableau n°30 est de 35 ans, de sorte que la maladie résulte vraisemblablement d'une exposition aux risques depuis 1983, si ce n'est antérieure en fonction du cadre dans lequel la maladie a été prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 8] (avec ou sans l'avis d'un CRRMP).

Par conséquent, l'exposition est antérieure

- Sur l'impossibilité d'identifier l'employeur ayant provoqué la maladie

En conjuguant le délai de prise en charge de 35 ans, la durée d'exposition (inconnue, faute d'éléments produits par la C.A.R.S.A.T.) et la constatation médicale de la maladie intervenue le 3 janvier 2018, il s'avère que la maladie de l'assuré social a vraisemblablement été provoquée par ses conditions de travail antérieures à son embauche par la Société [11].

La multitude d'employeurs au cours de la durée d'exposition exigée conjuguée au caractère discontinu et toujours changeant des missions d'intérim de l'assuré social rend impossible de déterminer la période d'emploi ayant causé la maladie.

Pour l'ensemble de ces raisons, la cour affectera les frais exposés au titre de la maladie professionnelle contractée par Monsieur [S] [R] sur le compte spécial.

Par conclusions n° 2 enregistrées par le greffe à la date du 26 octobre 2023 et soutenues oralement par son représentant, la CARSAT [Localité 9] demande à la cour de :

L'irrecevabilité de l'action en contestation des taux 2020 et 2021

- Constater que la société [4] est forclose à contester la prise en compte dans ses taux de cotisations des armées 2020 et 2021 des conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [S] [R] ;

- Dire qu'elle n'est pas recevable à contester ses taux de cotisations des aimées 2020 et 2021 ;

L'irrecevabilité de la contestation de l'exposition au risque :

Constater que la société [4] sollicitait l'inscription sur le compte spécial de la maladie professionnelle de Monsieur [R] dans son assignation du 31 décembre 2021 ;

- Juger irrecevable la contestation nouvelle de l'exposition au risque ;

L'absence de preuve des conditions d'inscription sur le compte spécial

- Constater que la société [4] n'apporte pas la preuve que Monsieur [S] [R] a été exposé au risque de la maladie professionnelle dans plusieurs établissements d'entreprises différentes ;

- Débouter la société [4] de sa demande d'inscription sur le compte spécial fondée sur les dispositions de l'article 2-4° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

Et par conséquent :

- rejeter le recours formé par la société [4].

Elle fait en substance valoir que :

Compte tenu de la date de notification électronique des taux 2020 et 2021, la société avait jusqu'au 3 septembre 2020 et jusqu'au 12 mars 2021 pour contester respectivement ses taux.

Or, l'imputation a été contestée pour la première fois par courrier du 21 septembre 2021.

La contestation des deux taux est donc atteinte de forclusion.

S'agissant de la contestation de l'exposition au risque, il convient de relever que dans son assignation du 31 décembre 2021, la société [4] sollicitait exclusivement l'inscription sur le compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [R].

Ce faisant, elle reconnaissant implicitement mais nécessairement avoir exposé le salarié au risque, car la qualité de dernier employeur exposant est le fondement nécessaire du droit d'agir en vue de la mutualisation du sinistre entre plusieurs employeurs.

Par conséquent, la Cour d'appel d'Amiens jugera en application de la règle de l'estoppel, aussi connue sous le nom d'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, que la société [4] n'est plus recevable à contester avoir exposé Monsieur [R] au risque de sa maladie professionnelle.

S'agissant de la demande d'inscription au compte spécial, la preuve des conditions de cette inscription n'est pas rapportée.

En effet, la société [4] ne propose aucune preuve de l'existence matérielle d'une exposition de Monsieur [R] dans plusieurs établissements d'entreprises différentes.

Elle se borne à affirmer que les maladies professionnelles dont le délai de prise en charge est particulièrement long seraient généralement associées à une durée d'exposition nettement supérieure à 2 ans et soutient, sans offre de preuve, que la société [5] n'aurait existé que durant deux années.

Or contrairement à ce que soutient la société [4], la société [5] ([6]) n'a pas été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés pendant seulement deux années, mais l'a été du 17 mars 1987 au 1er janvier 1996.

(Pièce n°10 : Site officiel INFOGREFFE- société [5])

Monsieur [R] y a travaillé de 1985 à 1996, selon les informations en possession de la CARSAT.

(Pièce n°1 : Relevé de carrière de Monsieur [S] [R])

En outre, la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [R] le 27 janvier 2019 n'est pas indéterminée comme semble le penser la société [4] mais correspond à une asbestose avec fibrose pulmonaire.

(Pièce n°2 : Déclaration de maladie professionnelle)

La CPAM compétente a constaté que la maladie était désignée dans le tableau n°30 et que les conditions de ce tableau étaient réunies pour la reconnaissance de son origine professionnelle.

Elle a fixé la date de première constatation de la maladie au 3 août 2018.

(Pièce n°3 : Colloque médico-administratif)

Or le tableau n°30 des maladies professionnelles pose, s'agissant de l'asbestose, une condition de durée d'exposition de deux années qui est remplie au regard de la seule activité exercée pour la société [5].

De sorte que la réunion de cette condition ne permet pas de présupposer l'existence d'une pluralité d'expositions.

La réunion du délai de prise en charge de 35 années fixée par le tableau n'est quant à elle jamais susceptible d'établir la moindre présomption en faveur d'une pluralité d'expositions.

Car en effet, le délai de prise en charge suivant une jurisprudence constante de la Cour de cassation « détermine la période au cours de laquelle, après cessation de l'exposition au risque, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée.

En d'autres termes, cette condition peut toujours être remplie à l'égard d'un seul emploi exercé par le salarié et l'est en l'occurrence à l'égard de la société [5] prédécesseur de la société [4], puisque la CPAM a fixé la date de première constatation médicale au 3 août 2018.

(Pièce n°3 : Colloque médico-administratif)

Dans ces conditions, la cour d'appel d'Amiens ne pourra que rejeter la demande d'inscription sur le compte spécial de la société [4], qui n'est pas du tout justifiée.

MOTIFS DE L'ARRET.

SUR LE DESISTEMENT DE LA SOCIETE [4] DE SA CONTESTATION DU TAUX 2020.

Aux termes de l'article 385 du code de procédure civile :

L'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la péremption, du désistement d'instance ou de la caducité de la citation.

Dans ces cas, la constatation de l'extinction de l'instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance, si l'action n'est pas éteinte par ailleurs.

Aux termes de l'article 394 du même code :

Le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance.

Aux termes de l'article 395 du même code :

Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur.

Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.

Aux termes de l'article 398 :

Le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance.

Il résulte de ces textes que le désistement d'instance peut n'être que partiel et n'éteindre l'instance que relativement à la demande ou à la prétention faisant l'objet du désistement

(en ce sens 2e Civ., 24 juin 2004, pourvoi n° 02-16.461, Bull., 2004, II, n° 318/ dans le sens que le désistement d'une demande ou d'une prétention serait un désistement « d'action » relativement à la prétention ou au moyen qui en est l'objet, Madame la Professeure [G] [U]. unique : Désistement JurisClasseur Encyclopédie des Huissiers de Justice Date du fascicule : 28 Mai 2022 n° 10).

En l'espèce, l'interprétation nécessaire des conclusions de la société [4], en ce compris celle n° 3 déposées à l'audience du 17 novembre 2023 qui ont saisi la cour, fait apparaître que si elle estime que le taux 2020 est étranger au sinistre, elle n'en a pas moins présenté une contestation de ce taux puisqu'il découle des pièces qu'elle a elle-même produites aux débats que la CARSAT a inscrit sur son compte 2018 un coût d'incapacité temporaire n° 1 et qu'elle sollicite le recalcul des taux déjà notifiés après retrait des conséquences financières de la maladie ce dont il résulte qu'elle conteste bien le taux 2020.

Il s'ensuit qu'avant de se désister elle a saisi la cour d'une contestation de son taux 2020 et qu'elle peut donc se désister de cette contestation.

La CARSAT ne s'opposant pas à ce désistement partiel, il convient de le constater.

SUR L'ORDRE D'EXAMEN DES PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

Aux termes de l'article 53 du code de procédure civile la demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

On rappellera que sans attendre la notification des taux applicables au risque d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur est en droit de contester l'imputation des conséquences d'une maladie professionnelle à son compte employeur (2e Civ., 13 janvier 2011, pourvoi n° 10-13.975) et que les demandes d'inscription au compte spécial et de retrait de coûts du compte employeur relèvent de la compétence exclusive du juge de la tarification même avant notification du taux de cotisation (2e Civ 28 septembre 2023 pourvoi n° 21-25.719 Publié au Bulletin).

La demande de retrait d'un coût du compte employeur et la demande d'inscription au compte spécial peuvent donc être formées indépendamment et de manière parfaitement distinctes de la contestation des taux et ce n'est que lorsque les trois taux de cotisation dans la base de calcul entrent un coût sont forclos que le recours portant sur le coût ou sur la demande de son inscription au compte spécial est lui-même forclos (en ce sens, semble-t-il, 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-18.310 qui pose en toute hypothèse la distinction entre la contestation du coût, qui peut être engagée sans qu'il y ait pour l'employeur à attendre la notification des taux à venir, et la contestation des taux).

Le juge de la tarification étant saisi par l'employeur, il s'ensuit qu'il lui appartient d'examiner en premier lieu la demande de retrait d'un coût ou la demande d'inscription de ce coût au compte spécial, sauf dans l'hypothèse où la CARSAT opposerait au demandeur la forclusion de son recours pour non-respect du délai de recours contentieux dirigé contre une décision de la CARSAT sur son recours gracieux ou la forclusion de sa demande pour le motif tiré du caractère définitif des trois taux impactés par le coût litigieux.

Il appartient dans ces cas de figure et uniquement dans ces cas de figure à la juridiction de la tarification d'examiner la fin de non-recevoir présentée par l'organisme tirée de la forclusion du recours ou de la forclusion du ou des coûts avant d'examiner, dans un second temps, le bien-fondé de la demande portant sur le coût, si cette fin de non-recevoir est rejetée.

Il s'ensuit que, sauf dans l'hypothèse dans laquelle la CARSAT entend faire valoir la forclusion du recours pour tardiveté de la saisine de la cour soit la forclusion de la contestation du coût à raison à raison du caractère définitif des trois taux impactés par ce coût soit tout autre fin de non-recevoir s'opposant à la contestation du coût ou des coûts litigieux, il appartient au juge de la tarification d'examiner en premier lieu la demande de retrait du coût ou la demande de son inscription au compte spécial et d'y statuer.

Une fois rendue sa décision sur le coût ou sur son inscription au compte spécial, la juridiction de la tarification doit statuer ensuite sur la demande accessoire de l'employeur en rectification des taux impactés, si elle est saisie d'une telle demande, sauf à statuer préalablement sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion d'un ou de plusieurs des taux impactés qui serait opposée par l'organisme à l'employeur .

En l'espèce, la CARSAT n'oppose pas à la société demanderesse la forclusion de sa contestation des coûts litigieux en lui opposant la forclusion des taux impactés par ces coûts pas plus qu'elle ne lui oppose la forclusion de son recours pour tardiveté de la saisine de la cour.

Elle lui oppose cependant l'irrecevabilité de sa contestation des coûts litigieux pour le motif tiré du principe de non-contradiction ou estoppel.

Il appartient donc en l'espèce à la cour de statuer en premier lieu sur cette dernière fin de non-recevoir, puis, si elle s'avérait non-fondée, de statuer sur la demande de retrait des coûts litigieux du compte employeur de la société [4] puis, avant de statuer éventuellement sur la contestation de ces taux, de se prononcer au préalable sur la demande de la CARSAT en reconnaissance de la forclusion du taux 2020 de l'établissement de la demanderesse et sur fin de non-recevoir opposée par la CARSAT à la contestation par la demanderesse du taux 2021 de cet établissement.

SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR TIREE DE L'ESTOPPEL OPPOSEEE PAR LA CARSAT [Localité 9] A LA CONTESTATION PAR LA SOCIETE [4] DE L'EXPOSITION DU SALARIE AU RISQUE A SON SERVICE.

Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;

Il résulte de ce principe et de ce texte que constitue une fin de non-recevoir le comportement procédural d'une partie consistant à se contredire au dépens d'autrui lorsqu'il est constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions (en ce sens l'arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 3 février 2010 pourvoi n° 08-21.288, Bull n° 25/ Egalement en ce sens l'arrêt de l'Assemblée plénière du 27 février 2009 au Bull.2009, Ass Plén n° 1, pourvoi n° 07-19.841dont il résulte que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir / Egalement 1ère Civ. ; 24 septembre 2014 pourvoi n° 13-14.534, bull. n°154)

Aux termes des dispositions dans leur rédaction applicable de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 relatif à la tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles pris pour l'application de l'article D.242-6-5 précité sont inscrites au compte spécial les maladies professionnelles dans les cas suivants :

1° La maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau de maladies professionnelles la concernant ;

2° La maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie professionnelle qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau, ou la maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée postérieurement au 29 mars 1993, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie professionnelle qu'antérieurement au 30 mars 1993 ;

3° La maladie professionnelle a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque mais ladite maladie a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale ;

4° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

5° La maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée entre le 1er juillet 1973 et le 29 mars 1993.

6° La maladie est reconnue d'origine professionnelle en lien avec une infection par le SARS-CoV2, sur la base du tableau n° 100 ' Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-CoV2 ' ou en application de l'alinéa 7 de l'article L. 461

En l'espèce, la CARSAT soutient qu'en sollicitant dans son assignation l'inscription au compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [R], la société [4] reconnaissait implicitement mais nécessairement avoir exposé le salarié au risque dans la mesure où la qualité de dernier employeur exposant serait le fondement nécessaire du droit d'agir en vue de la mutualisation du sinistre entre plusieurs employeurs et elle en déduit que la demanderesse se contredit à son détriment en contestant désormais avoir exposé le salarié au risque.

En premier lieu , il ne résulte aucunement du texte du 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 que son bénéfice soit réservé aux employeurs ayant exposé le salarié au risque, les seules conditions de recevabilité de la demande en inscription au compte spécial sur le fondement de ce texte résultant des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile qui prévoit les fins de non-recevoir relatives au défaut de droit d'agir tels que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

Le moyen tiré de ce que l'exposition au risque du salarié chez l'employeur revendiquant le bénéfice du 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 serait impliquée par sa demande d'inscription au compte spécial sur le fondement de ce texte manque donc en droit.

En second lieu, il ne résulte aucunement de l'assignation du 31 décembre 2021 que la société [4], comme l'affirme la CARSAT, ait reconnu implicitement qu'elle ait exposé le salarié au risque.

Il n'est en effet à aucun moment indiqué dans cette assignation que la société [4] reconnaisse qu'elle ait exposé au risque le salarié puisqu'elle y rappelle que ce dernier n'a vraisemblablement jamais travaillé à son service ni même qu'elle reconnaisse de manière implicite mais certaine que la société [11] présentée par la CARSAT comme son prédécesseur sur le plan tarifaire ait exposé le salarié.

En effet, la société [4] indique qu'il lui appartient dans le cadre de sa revendication de l'inscription des coûts au compte spécial de justifier que Monsieur [R] a été exposé aux risques visés par le tableau dont la caisse invoque l'application lorsqu'il travaillait pour le compte d'autres employeurs, ce dont il résulte qu'elle n'invoque que l'exposition au risque chez ces derniers et non chez la société [11] et encore moins chez elle-même.

Le moyen selon lequel la société [4] aurait reconnu implicitement mais de manière certaine qu'elle aurait exposé au risque manque donc en fait.

La fin de non-recevoir de la CARSAT manquant en droit et en fait, il convient de l'en débouter.

SUR LA CONTESTATION DE L'IMPUTATION DES COUTS LITIGIEUX.

Il résulte de l'article 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale sauf à cet employeur à rapporter la preuve dans les conditions prévues à l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, que la victime a également été exposée au risque chez d'autres employeurs (2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447, Bull. Civ., II, no 302 ; 2e Civ., 23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18.986; Civ.2ème, 8 octobre 2009, pourvoi n°08-19.273 Civ. 2ème, 21 juin 2012, pourvoi no 11-17.824; 2e Civ. 3 juin 2021, pourvoi n° 19-24.864; 2e Civ, 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi no 20-13.690, publié/ et très récemment les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779).

Il résulte de ces textes et de l'article D.242-6-17 du code de la sécurité sociale qu'un employeur autre que le dernier employeur exposant peut également se voir imputer la présomption précitée et mettre à sa charge les coûts correspondant s'il est le successeur de ce dernier au sens tarifaire lorsqu'il exerce une activité similaire avec les mêmes moyens de production et a repris au moins la moitié du personnel du précédent établissement (dans le sens que l'établissement exposant et son successeur au sens tarifaire du terme ne sont pas des établissements différents  Civ., 18 juin 2015, pourvoi n° 14-17.154 et, dans le même sens, 2e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-14.156 et dans le sens que lorsqu'une ou à fortiori plusieurs des trois conditions cumulatives liée à la reprise de l'activité, des moyens de production et de la moitié au moins du personnel ne sont pas remplies l'établissement ne peut être considéré comme successeur de celui à l'origine du risque 2e Civ., 24 janvier 2013, pourvoi n° 11-27.389, Bull. 2013, II, n° 13).

C'est sur le fondement de cette présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant ou à son successeur au sens tarifaire prévue par les textes précités et sous le contrôle du juge de la tarification que les CARSAT et la [7] inscrivent les coûts des maladies professionnelles aux comptes des employeurs.

Il convient de bien distinguer les deux problématiques tout à fait distinctes des conditions d'application de la présomption, qui suppose que l'employeur soit le dernier employeur ayant exposé le salarié au risque avant la constatation médicale de la maladie ou qu'il soit le successeur de ce dernier employeur , de la preuve contraire à cette dernière, qui suppose lorsqu'est invoqué le 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 que la multi-exposition du salarié soit établie et qu'il soit impossible de déterminer dans quelle entreprise l'affection a été contractée (posant très clairement cette distinction les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 indiquant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service »). 

L'employeur peut contester devant le juge l'application même qui lui est faite de la présomption légale en contestant que ses conditions d'application soient remplies.

Il peut également, sans contester que la présomption lui soit applicable, tenter d'en renverser les effets en établissant qu'il est fondé à obtenir l'inscription des coûts litigieux au compte spécial.

Il peut également à la fois, comme tel est le cas en l'espèce, contester l'application qui lui est faite de la présomption et s'attacher à y apporter la preuve contraire.

Par ailleurs, les règles de droit substantiel concernant les conditions d'application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 doivent s'articuler avec les charges processuelles résultant des articles 6 et 9 du code de procédure civile dont il résulte qu'il appartient à l'auteur d'une prétention d'alléguer les faits concluants propres à la fonder puis de les prouver (sur la charge de l'allégation et de la preuve qui constituent les charges processuelles et qui, selon ces auteurs « déterminent le plaideur qui perdra le procès si l'édifice de fait apparaît comme insuffisant » Messieurs [T] et [F] [Y] au Dalloz Action droit et pratique de la procédure civile n° 321-101 et 321-82 et suivants édition 2021-2022), sauf à réserver l'hypothèse où la loi fait supporter tout ou partie de la preuve au défendeur à l'action.

Ainsi, s'il résulte des article 6 et 9 du code de procédure civile et 1315 devenu 1356 du code civil qu'en matière de tarification la charge de l'allégation et de la preuve incombe en principe au demandeur, il résulte par exception de ces textes qu'il appartient à l'organisme tarificateur, lorsque l'employeur conteste que la présomption d'imputabilité au dernier employeur ayant exposé le salarié au risque lui soit applicable, de prouver l'existence de cette exposition fondant l'imputation des coûts litigieux au compte de l'employeur (en ce sens les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 décidant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci ») tandis que l'employeur doit pour sa part, si la caisse rapporte la preuve de l'exposition, alléguer et prouver les faits autres que l'absence d'exposition de nature à faire obstacle à l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité (notamment l'absence de statut de dernier exposant de l'employeur impacté et, en cas d'imputation des coûts à l'employeur en sa qualité de successeur de l'établissement exposant, le caractère d'établissement nouveau de l'établissement impacté) et que lorsque l'employeur prétend apporter la preuve contraire à la présomption d'imputabilité en sollicitant l'inscription des coûts litigieux au compte spécial, il appartient également à la caisse d'établir l'exposition du salarié chez l'employeur demandeur lorsque l'absence d'une telle exposition constitue une des conditions d'application de la règle (en ce sens l'arrêt du 1er décembre 2022 sur pourvoi 20-22.760 publié indiquant que lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements et que dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale), à charge pour l'employeur, sous peine de rejet de sa demande, d'alléguer et de prouver les autres conditions posées à l'inscription du ou des coûts au compte spécial.

S'agissant de faits juridiques dans les rapports entre l'employeur en cause et la CARSAT, la preuve impartie à chacune des parties peut être apportée par tous moyens.

Les déclarations du salarié peuvent être retenues à titre d'éléments de preuve mais à condition d'être corroborées par d'autres éléments du débat et notamment des présomptions graves précises et concordantes en application de l'article 1383 du code civil (en ce sens s'agissant d'accidents du travail 2e Civ., 16 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.672 2e Civ., 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-17.276; 2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.372 ;2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-16.968 et en ce sens s'agissant d'une maladie professionnelle 2e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724).

En l'espèce, il résulte des éléments du débat et en particulier du courrier de la CARSAT du 14 octobre 2021 et de ses conclusions soutenues à l'audience où elle fait référence en page 9 au fait que Monsieur [R] a travaillé pour la société [5] ([6]) de 1985 à 1996 que la CARSAT [Localité 9] a inscrit les coûts litigieux sur le compte de la société [4] en sa qualité de successeur d'une société [5] également dénommée [6] considérée par elle comme dernier employeur exposant du salarié.

La société [4] ne conteste aucunement être le successeur de cette société [5] également dénommée [6] mais soutient uniquement que le salarié n'a été exposé ni chez elle ni chez [6] (page 12 de ses conclusions soutenues à l'audience).

L'affirmation de la société [4] selon laquelle elle n'aurait pas exposé manque en droit puisque les coûts litigieux ne lui ont pas été imputés en sa qualité de dernier exposant du salarié avant la constatation médicale de sa maladie mais en sa qualité de successeur tarifaire d'une société [5] également dénommé Central Intérim 2000.

La seule question pertinente consiste donc à déterminer si la CARSAT rapporte la preuve de l'exposition du salarié au service de cette dernière société .

Or, sur ce point, la CARSAT n'a pas conclu et n'a donc pas effectué la moindre démonstration de l'existence d'une telle exposition.

La seule pièce qu'elle produit au titre d'une exposition du salarié au service de la société [5] également dénommée [6] 2000 est la déclaration de maladie professionnelle dans laquelle le salarié fait figurer cette dernière société, sous sa dénomination Central Intérim 2000, dans la rubrique « emplois antérieurs ayant exposé la victime au risque de sa maladie »

Or, si le salarié estime avoir été exposé au risque par cette société, ses conditions de travail au service de cette dernière sont totalement inconnues et il n'est pas possible de déterminer dans ces conditions s'il a été exposé au risque.

Au surplus, les déclarations insuffisamment précises du salarié figurant dans la rubrique précitée ne sont corroborées par aucun élément objectif des débats qui leur soit extrinsèque.

Il s'ensuit que l'exposition du salarié au risque au service de la société [5] devenue [6] n'est pas établie ce qui justifie que soit ordonné le retrait des dépenses de la maladie, conformément à la demande de la société [4], à savoir (pièces 1 et 2 de la demanderesse) un coût d'incapacité temporaire n° 1 inscrit sur le compte employeur 2018 et un coût d'incapacité permanente n° 2 inscrit sur le compte 2019.

SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR OPPOSEE PAR LA CARSAT A LA CONTESTATION PAR LA DEMANDERESSE DES TAUX 2020 ET 2021 DE SON ETABLISSEMENT.

Bien que la demanderesse se soit désistée d'instance de sa contestation de son taux 2020, elle ne s'est pour autant pas désistée de son action de ce chef ce dont il résulte que la CARSAT a intérêt à faire juger qu'elle n'est plus recevable à contester ce taux.

Il résulte des « preuves de notification de la décision du taux de cotisation prévue à l'article D.242-6-22 du code de la sécurité sociale dans les conditions requises par l'article 5 de l'arrêté du 17 octobre 1995 » produites en pièces 4 et 5 de la CARSAT que la décision portant sur le taux de cotisations 2020 de l'établissement de la demanderesse lui a été notifiée le 1er juillet 2020 et que la décision portant sur le taux de cotisations 2021 de l'établissement de la demanderesse lui a été notifié le 12 janvier 2021.

S'agissant de son taux 2020, la société soutient d'abord, pour s'opposer à la forclusion revendiquée par l'organisme, que ce dernier ne justifie pas que le sinistre serait « entré en tarification à compter de l'année 2020 » et elle fait valoir qu'il serait impossible que le sinistre soit reporté sur son compte employeur 2018 antérieurement à la déclaration de maladie professionnelle.

Cependant, il n'existe aucun lien logique entre ces deux dernières affirmations et la contestation de la forclusion du taux 2020 par la demanderesse.

Faute pour cette dernière de tirer la moindre conséquence juridique des deux moyens en question, ces derniers doivent être requalifiée en simples arguments.

La société invoque ensuite, pour s'opposer à la forclusion de son taux 2020, son courrier de contestation de ce taux qu'elle produit en pièce n° 11.

Force est de constater que si effectivement la société a contesté le taux de son établissement de Coudekerque par courrier du 20 février 2020, cette contestation porte de toute évidence sur une première notification du taux de cet établissement mais non sur la notification ultérieure consécutive à une décision de justice et intervenue en date du 1er juillet 2020.

Or, si un recours gracieux est intervenu par courrier du 21 septembre 2021, ce recours est non seulement tardif, comme le soutient la CARSAT en page 6 de ses écritures, mais il ne peut au surplus avoir aucunement interrompu la forclusion du taux 2020 puisqu'il ne portait pas sur ce taux mais tout au plus sur le taux 2021, étant d'ailleurs souligné que le recours est uniquement dirigé contre le coût d'incapacité permanente même s'il fait référence à la réception par la société de ses taux AT/MP du 1er janvier 2021.

La preuve de la notification du taux produite par la CARSAT à la date du 1er juillet 2020 n'étant aucunement contestée par la demanderesse, il s'ensuit qu'à la date de l'assignation du 31 décembre 2021 la forclusion du taux 2020 était donc largement acquise.

En ce qui concerne le taux 2021, la demanderesse commence par indiquer qu'il n'existerait aucune date de notification certaine du taux contesté par elle et ce au motif que « ce taux était notifié par voie électronique avant que ce mode de notification ne devienne obligatoire pour les entreprises au 1er janvier 2022 ».

Or, si l'on comprend que la société puisse contester la valeur probante de la notification qui lui est opposée, on ne comprend par contre pas le lien qu'elle fait entre cette absence de notification certaine du taux et l'affirmation inintelligible concernant la notification électronique et son caractère obligatoire au 1er janvier 2022, laquelle doit être disqualifiée en simple argument n'appelant pas et ne pouvant appeler de réponse.

La CARSAT a produit en pièce 5 une « preuve de notification de la décision du taux de cotisation prévue à l'article D.242-6-22 du code de la sécurité sociale dans les conditions requises par l'article 5 de l'arrêté du 17 octobre 1995 ».

Il en résulte que deux personnes, à savoir Mesdames [D] et [W] ont reçu l'avis de mise à disposition de la décision de taux le 12 janvier 2021 et que la date réputée de notification de cette décision est le 12 janvier 2021.

Ce document est cohérent car l'on en comprend qu'aucune de ceux deux personnes habilitées n'a téléchargé la décision dans le délai de 15 jours imparti par les textes et que cette dernière est donc réputée notifiée à la date de réception de l'avis de mise à disposition.

En l'absence de toute contestation argumentée de cette preuve de notification par la demanderesse, la cour entend considérer qu'elle fait suffisamment preuve de la notification alléguée.

En supposant même qu'il soit considéré que le recours gracieux du 21 septembre 2021 portait sur le taux 2021 , ce recours serait de toute façon tout à fait tardif et à plus forte raison l'assignation du 31 décembre 2021.

Il résulte de tout ce qui précède que la contestation par la demanderesse de son taux 2021 est atteinte de forclusion et qu'il convient en conséquence de la déclarer irrecevable.

SUR LA CONTESTATION PAR LA DEMANDERESSE DES TAUX 2022 ET 2023 DE SON ETABLISSEMENT.

La cour ayant ordonné le retrait du coût d'incapacité temporaire n° 1 inscrit sur le compte employeur 2018 et du coût d'incapacité permanente n° 2 inscrit sur le compte 2019, il convient d'ordonner par voie de conséquence le recalcul des taux 2022 et 2023 de l'établissement de la demanderesse et, s'il y a lieu aux termes de ce recalcul, leur rectification.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON REPETIBLES.

Les parties succombant toutes deux partiellement en leurs prétentions respectives, il convient de laisser à leur charge les dépens qu'elles ont exposés.

L'équité ne justifiant pas que la CARSAT [Localité 9] soit condamnée à supporter la charge de tout ou partie des frais non répétibles engagés par la demanderesse, il convient de débouter cette dernière de es prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Constate le désistement de la société [4] de sa contestation du taux 2020 de son établissement de Coudekerque portant le numéro de SIRET [N° SIREN/SIRET 3].

Déboute la CARSAT [Localité 9] de sa fin de non-recevoir tirée de l'estoppel opposée par elle à la contestation par la société [4] de l'exposition du salarié au risque chez elle.

Ordonne le retrait du coût d'incapacité temporaire n° 1 et du coût d'incapacité permanente n° 2 respectivement inscrits sur le compte employeur 2018 et le compte employeur 2019 de l'établissement précité de la demanderesse et ordonne le recalcul des taux 2022 et 2023 de l'établissement de la demanderesse et, s'il y a lieu aux termes de ce recalcul, leur rectification.

Dit que le taux 2020 de l'établissement de la demanderesse est atteint de forclusion et que la contestation par cette dernière du taux 2021 de son établissement est également forclose et la déclare irrecevable.

Déboute la société [4] de ses prétentions au titre des frais non-répétibles.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Tarification
Numéro d'arrêt : 23/00878
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;23.00878 ?
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