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20/06/2024 | FRANCE | N°23/03337

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Cidp, 20 juin 2024, 23/03337


DÉCISION



N° 06



















COUR D'APPEL D'AMIENS



JURIDICTION CIVILE DU PREMIER PRÉSIDENT

STATUANT EN MATIÈRE DE RÉPARATION

DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 20 JUIN 2024



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A l'audience publique du 16 Avril 2024 tenue par Madame Graziella HAUDUIN, Présidente désignée par ordonnances de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel d'Amiens en date du 2

1 décembre 2023 et du 25 janvier 2024 et saisie en application des articles 149-1 et suivants du code de procédure pénale,



Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffière,



Dans la ca...

DÉCISION

N° 06

COUR D'APPEL D'AMIENS

JURIDICTION CIVILE DU PREMIER PRÉSIDENT

STATUANT EN MATIÈRE DE RÉPARATION

DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 20 JUIN 2024

*********************************************************************

A l'audience publique du 16 Avril 2024 tenue par Madame Graziella HAUDUIN, Présidente désignée par ordonnances de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel d'Amiens en date du 21 décembre 2023 et du 25 janvier 2024 et saisie en application des articles 149-1 et suivants du code de procédure pénale,

Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffière,

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 23/03337 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2WZ du rôle général.

Après communication du dossier et avis de la date d'audience au Ministère public.

ENTRE :

Monsieur [K] [E]

né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 6]

Chez Mme [J] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant, non représenté

Ayant pour avocat Me Thierry CHAMON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

ET :

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Ministère du budget, direction des affaires juridiques

Sous Direction du droit privé

Bureau 2A,

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté et plaidant par Me Christelle VANDENDRIESSCHE, avocat au barreau d'AMIENS.

EN PRÉSENCE DE :

Mme Fanny SIALI, Substitute générale près la Cour d'Appel d'AMIENS.

Après avoir entendu :

- le Conseil de l'Agent Judiciaire de l'Etat en ses conclusions, plaidoirie et observations,

- Madame la substitute générale en ses conclusions et observations,

L'affaire a été mise en délibéré conformément à la loi et renvoyée à l'audience publique du 20 Juin 2024.

A l'audience publique du 20 Juin 2024, Madame la Présidente a rendu la décision suivante :

Mis en examen du chef de viol commis en réunion et violence commise en réunion suivie d'une incapacité n'excédant pas 8 jours par le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Amiens, M. [K] [E] a été placé en détention provisoire le 29 avril 2016. Il a été remis en liberté le 10 février 2017 et a bénéficié d'un acquittement par arrêt du 6 février 2023.

Durant cette période d'incarcération a été mise à exécution une peine, ainsi la durée de détention subie du chef de la procédure d'information ayant abouti à l'acquittement est de 149 jours.

Par requête en date du 27 juillet 2023, enregistrée au greffe le 31 juillet 2023, M. [K] [E] sollicite les sommes de 5 246,80 euros et 12 000 euros au titre de son préjudice matériel, 100 000 euros au titre de son préjudice personnel et moral et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que le préjudice matériel correspond d'une part à l'allocation temporaire d'attente qu'il aurait dû percevoir durant dix mois puisqu'il avait intégré le dispositif 'initiative pour l'emploi des jeunes' car il envisageait de suivre une formation de cariste et d'autre part aux frais engagés par son conseil dans le cadre de la détention provisoire dont il justifie par deux factures.

S'agissant du préjudice moral, il expose que les conditions de son incarcération ont été particulièrement difficiles en raison de son éloignement avec sa concubine et son très jeune enfant résidant dans le département de l'Hérault alors qu'il a été incarcéré à [Localité 5], enfant dont au surplus la naissance et les premiers mois ont été médicalement compliqués mais aussi avec sa propre mère, de sa propre déficience auditive qui n'a pu être traitée du fait de l'incarcération, de sa rupture avec sa concubine et de l'impossibilité de voir sa fille en raison de l'interdiction du contrôle judiciaire de se rendre dans les Hauts de France alors qu'elles s'y étaient installées, des mauvaises conditions d'incarcération particulièrement dans la maison d'arrêt d'[Localité 5] qui est très vétuste.

Par conclusions n°2 en date du 21 avril 2024, l'agent judiciaire de l'Etat conclut à l'indemnisation d'une période d'incarcération limitée à 149 jours, demande que le préjudice moral subi soit évalué à 13 400 euros et le préjudice matériel à 12 000 euros au titre des frais de défense justifiés, qu'en revanche le requérant soit débouté de son autre demande en réparation du préjudice matériel et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile qui subsidiairement ne pourra excéder 800 euros.

Il relève que l'intéressé, qui a connu des périodes d'incarcération antérieurement, a durant la période de détention provisoire purgé une peine d'emprisonnement de 6 mois prononcée par le tribunal de grande instance de Lille avec un crédit de réduction de peine de 42 jours, si bien que la période d'indemnisation sollicitée à hauteur de 288 jours doit être réduite à 149 jours.

Il fait valoir qu'il n'est justifié par M. [E] ni du versement de l'allocation, ni de sa postulation à un emploi d'agent de nettoyage industriel.

Par conclusions en date du 20 novembre 2023, la procureure générale demande que la requête de M. [E] soit admise dans les limites proposées par l'agent judiciaire de l'Etat.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 16 avril 2024 de la commission d'indemnisation de la détention provisoire.

CECI EXPOSÉ

1. Sur la recevabilité :

L'article 149 du code de procédure pénale dispose : ' Sans préjudice de l'application des dispositions des articles L141-2 et L141-3 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. A la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.

Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3.'

En application de l'article R 26 du même code, la requête en indemnisation doit être signée du demandeur ou d'un des mandataires mentionnés à l'article R 27, doit contenir le montant de l'indemnité demandée, doit être présenté dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif, ce délai ne courant que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de ce droit, ainsi que les dispositions de l'article 149 du code précité.

Il résulte de ces articles qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, en lien de causalité direct et certain avec la privation de liberté.

Il n'est plus discuté que l'arrêt d'acquittement de M. [E] soit définitif. Un certificat de non appel, daté du 10 avril 2024 et établi par le greffe de la cour d'assises de la Somme, a également été produit par l'intéressé le 10 avril 2024. Sa requête formée par courrier recommandé avec accusé réception enregistrée au greffe de la cour d'appel d'Amiens le 31 juillet 2023 est donc recevable.

2. Sur l'indemnisation du préjudice matériel :

S'il est constant que le coût correspondant aux frais de défense engagés dans le cadre de la détention provisoire constitue un préjudice matériel susceptible d'être indemnisé, seules les prestations qui sont en lien direct et exclusif avec le contentieux de la liberté peuvent être prises en compte.

Par ailleurs en application de l'article 12 du décret n° 2205-790 du 12 juillet 2005,un compte détaillé d'honoraires doit être délivré par l'avocat à la demande de son client.

En l'espèce, les deux factures versées au débat attestent des honoraires réclamés à hauteur de 12 000 euros.

Il n'est en revanche produit aucune pièce de nature à établir l'existence d'un préjudice matériel au-delà des frais d'avocat.

Il convient donc d'allouer à M. [K] [E] la somme de 12 000 euros au titre du préjudice matériel et de le débouter du surplus de sa demande de ce chef.

3. Sur l'indemnisation de son préjudice moral :

Le préjudice moral au sens de l'article 149 du code de procédure pénale résulte du choc carcéral ressenti, au regard des éléments relatifs à sa personnalité et à son mode de vie, par une personne injustement privée de liberté, ce choc carcéral correspondant à l'émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée dans un établissement pénitentiaire.

Ce préjudice peut en outre être aggravé, notamment par une séparation familiale et des conditions d'incarcération particulièrement difficiles en raison de la fragilité de l'intéressé et peut être minoré lorsque le l'intéressé avait déjà connu la prison auparavant.

Néanmoins le choc psychologique enduré en raison de l'importance de la peine encourue pour un crime dont elle se savait innocente n'est pas amoindri par des incarcérations antérieures à l'occasion de procédures correctionnelles.

En l'espèce M. [K] [E] qui avait déjà été incarcéré auparavant comme le révèle son casier judiciaire sur lequel figurent plusieurs condamnations à de l'emprisonnement sans sursis et l'exécution de plusieurs peines, a été mis en examen et incarcéré du chef de viol commis en réunion et violence commise en réunion suivie d'une incapacité n'excédant pas 8 jours, ce qui est de nature à aggraver un préjudice psychologique.

Il est justifié que la période d'incarcération de M. [K] [E] a débuté peu de temps après la naissance difficile de son enfant.

Il n'est produit au débat aucun élément utile sur les conditions d'incarcération.

Au regard de ces différents éléments et notamment de la durée de 149 jours de la privation de liberté subie, en considération de la peine exécutée mentionnée par l'agent judiciaire et qui ne fait l'objet d'aucune contestation, il convient de lui accorder la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre de cette détention.

4. Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité justifie l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par décision susceptible de recours devant la commission nationale de réparation des détentions,

Déclare la requête de M. [K] [E] recevable,

Alloue à M. [K] [E] les sommes de :

- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 12 000 euros en réparation de son préjudice matériel

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus de ses demandes ;

Rappelle que la présente décision est assortie, de plein droit de l'exécution provisoire,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

FAIT ET PRONONCE à l'audience publique tenue par Madame Graziella HAUDUIN, Présidente désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel d'Amiens en date du 21 décembre 2023, siégeant au Palais de Justice de ladite ville, le 20 Juin 2024, assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffière.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Cidp
Numéro d'arrêt : 23/03337
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.03337 ?
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