La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°22/05478

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 18 juin 2024, 22/05478


ARRET







Société [5]





C/



CPAM LILLE DOUAI













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 18 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/05478 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUFT - N° registre 1ère instance : 22/00141



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES (POLE SOCIAL) EN DATE DU 04 NOVEMBRE 2022





PARTIES EN CAUSE

:





APPELANTE





Société [5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Espace Mercure

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée et plaidant par Me Julien TSOUDEROS, ...

ARRET

Société [5]

C/

CPAM LILLE DOUAI

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 18 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/05478 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUFT - N° registre 1ère instance : 22/00141

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES (POLE SOCIAL) EN DATE DU 04 NOVEMBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Société [5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Espace Mercure

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

CPAM LILLE DOUAI

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

CS 20821

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [G] [H], munie d'un pouvoir régulier

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Avril 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, président de chambre,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Le 13 juillet 2018, Madame [D] [T], salariée de la société [5] en qualité d'agent de service, a été victime d'un accident du travail pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident du travail le 16 juillet suivant indiquant que « Mme [T] était entrain d'aspirer la mezzanine lorsqu'elle est tombée des escaliers en se prenant le fil dans l'aspirateur », sur la base d'un certificat médical initial du 13 juillet 2018 faisant état d'une « entorse du ligament latéral externe de la cheville droite ».

Par décision du 24 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai (ci-après la CPAM) a pris en charge l'accident du travail au titre de la législation professionnelle.

L'état de santé de l'assurée a été déclaré consolidé à la date du 7 février 2021 et son incapacité permanente partielle a été fixée à 12 % par le médecin-conseil.

Contestant cette décision, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes qui, par jugement en date du 4 novembre 2022, a :

débouté la société [5] de ses demandes,

maintenu le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [T] à la date du 7 février 2021, date de consolidation de son accident du travail du 13 juillet 2018, opposable à la société à 12 %,

condamné la société [5] aux dépens,

rappelé que les frais de consultation sont à la charge de la CNAM en application de l'article L.142-11 du code de la sécurité sociale.

La société [5] a relevé appel de cette décision le 2 décembre 2022, suivant notification intervenue le 25 novembre précédent.

La présente cour a désigné le docteur [L] comme médecin consultant, lequel a rendu un rapport le 13 juillet 2023.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 18 avril 2024.

Par conclusions visées par le greffe le 9 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :

la recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,

infirmer le jugement entrepris,

ramener à 8 % le taux d'incapacité octroyé à Mme [T] par la CPAM de Lille Douai à la suite de l'accident du travail du 13 juillet 2018,

débouter la CPAM de Lille Douai de l'ensemble de ses demandes.

Elle fait essentiellement valoir qu'il existe un état antérieur majeur au niveau de la cheville droite, que l'assurée présentait une instabilité de la cheville à l'origine d'entorses à répétition, l'un des épisodes d'entorses étant notamment survenu en 2003 au temps et au lieu de travail, qu'une guérison a été prononcée et qu'une ligamentoplastie a été réalisée, laquelle laisse persister des séquelles. Elle ajoute que le médecin désigné par la présente cour a tenu compte de cet état antérieur.

Par conclusions visées par le greffe le 18 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de Lille Douai demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

écarter le rapport du docteur [L],

ce faisant, juger que le taux d'incapacité de 12 % retenu au titre des séquelles indemnisables de l'accident du travail du 13 juillet 2018 a été parfaitement évalué,

confirmer sa décision du 13 mars 2021 fixant à 12 % le taux d'incapacité en lien avec l'accident du travail du 13 juillet 2018 de Mme [T],

débouter en conséquence la société de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société aux dépens.

Elle soutient que le médecin-conseil a retenu un taux de 12 % en tenant compte des donnés de l'examen clinique et des préconisations du barème, que la gravité de l'entorse a été confirmée par le médecin désigné par les premiers juges tout comme l'importante limitation des amplitudes articulaires et que l'assurée a présenté une complication à type de douleur d'allure neuropathique.

Elle indique qu'il ne persiste aucune douleur d'un précédent accident du travail de 2003, ce qui a été confirmé par le docteur [L], que tous les mouvements sont limités, qu'il existe une gêne fonctionnelle importante, des douleurs neuropathiques ainsi que des troubles trophiques ce qui ne saurait justifier d'un taux inférieur à 10 %.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

En vertu des articles L. 434-1, L. 434-2 et R. 434-22 du code de la sécurité sociale, l'assuré social bénéficie, au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, d'une indemnisation de son incapacité permanente en fonction du taux d'incapacité qui lui est reconnu.

L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Aux termes du barème d'invalidité, il est constant que l'estimation médicale du taux d'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à la maladie professionnelle, étant précisé que seules les séquelles rattachables à la maladie sont en principe indemnisables.

Le chapitre 4.2.6 du barème indicatif, relatif aux séquelles portant sur le système nerveux végétatif et les syndromes algoneurodystrophiques explique que les algodystrophies se manifestent :

1° Par des douleurs diffusent, plus ou moins prononcées, à prédominance distale ;

2° Par des troubles trophiques ('),

3° Par des troubles articulaires, avec blocage plus ou moins prononcé des articulations, principalement de l'épaule au membre supérieur et de la cheville au membre inférieur.

Ce même chapitre prévoit, pour les algodystrophies du membre inférieur, un taux compris entre 10 et 30 % en fonction de l'intensité des douleurs, des troubles trophiques et de la gêne à la marche et un taux compris entre 10 et 20 % en cas de forme mineure sans trouble trophique important et sans trouble neurologique ni impotence.

Le chapitre 2.2.5 de ce même barème, relatif aux articulations du pied, indique que l'articulation de la cheville forme la jonction entre la jambe et le pied, qu'elle comprend l'articulation tibio-tarsienne, responsable de la mobilité du pied surtout dans le plan sagittal et indique que l'extension du pied (flexion plantaire) est de 40° par rapport à la position anatomique et que la flexion dorsale est de 20°.

Ce chapitre préconise un taux de 5 % en cas de limitation des mouvements de la cheville dans le sens antéro-postérieur, lorsque le pied conserve un angle de mobilité favorable (15° de part et d'autre de l'angle droit) et un taux de 15 % en cas de blocage de la cheville en bonne position (angle droit), avec une mobilité conservée des autres articulations du pied.

En l'espèce, le médecin-conseil de la caisse a retenu un taux d'incapacité de 12 % pour un état séquellaire décrit comme suit : « séquelles fonctionnelles indemnisables d'un AT du 13.07.18 (entorse cheville drte) à type de douleurs chroniques et gêne à la marche ».

Le médecin désigné par les premiers juges, le docteur [S], a formulé l'avis suivant : « Madame [T] (') a présenté une entorse grave de la cheville droite, les constatations aux urgences notent un 'dème +++, ce qui montre l'intensité du traumatisme d'entorse. Dans les antécédents, on relève effectivement une instabilité ancienne avec une ligamentoplastie le 04 février 2004, reconnue imputable en accident de travail dans les suites d'entorses à répétition mais apparemment l'évolution fonctionnelle avait été favorable permettant la guérison le 20 septembre 2004 et une activité professionnelle.

Le rapport du médecin conseil nous informe qu'elle a été suivie en consultation de la douleur depuis 2019 soit donc un an après ce traumatisme. A de nombreuses reprises, des douleurs de type neuropathique ont été identifiées justifiant l'application à plusieurs reprises de patch de qutenza. Au 18 juin 2021 il était encore noté une zone très douloureuse, latéro-malléolaire de sept centimètres de haut et de 3,5 centimètres de large.

A la date de consolidation, le médecin-conseil nous rappelle qu'elle prend des antalgiques de niveau II, cette application de patch antalgique une fois par an en hospitalisation de jour, qui persiste dans un contexte de surcharge pondérale et même d'obésité une gêne à la marche avec instabilité, un appui pathologique c'est-à-dire qu'elle marche sur le bord externe du pied. Il est noté un 'dème ce qui est en faveur de la persistance d'une limitation fonctionnelle majeure. Les points douloureux mentionnés par le centre anti-douleur sont retrouvés avec cette zone hyperesthésique de latéro-malléolaire latérale, une mobilisation qui apparaît très limitée.

Les mobilités de la cheville sont limitées tant en flexion plantaire qu'en flexion dorsale et sans les mouvements d'abduction et d'adduction, la conséquence est une marche avec boiterie, une difficulté à se mettre sur la pointe des pieds et sur les talons.

Au vu de ces éléments le barème retient généralement un taux d'IPP de 10 % mais au vu de la composante neuropathique qui est décrite à de nombreuses reprises et toujours présente au moment de la consolidation, le taux d'IPP de 12 % apparaît correctement apprécié ».

Le médecin mandaté par la présente cour, le docteur [L] a indiqué, en substance, ce qui suit : « (') Certes, nous n'avons pas connaissance de l'état antérieur de la cheville droite de Mme [D] [T] avant l'accident du travail du 13/07/2018, mais si Mme [D] [T] avait pu reprendre son activité d'agent de service c'est qu'elle pouvait à la fois se déplacer et mais aussi rester en station debout et monter descendre les escaliers, en faveur d'une gêne fonctionnelle moindre de la cheville.

De même, ce n'est que depuis l'accident du 13/07/2018 que le suivi à la consultation de la douleur a débuté.

A la date de consolidation, l'examen du médecin conseil retrouvait une limitation de tous les mouvements de la cheville droite avec boiterie à la marche associée et 'dème malléolaire.

(') Mme [D] [T] ne présente pas de blocage de la cheville mais une limitation des mouvements à la fois dans le sens antéropostérieur mais également lors des mouvements d'enroulement interne et externe, associé à des douleurs décrites d'allure neuropathique, mais sans notion de modification de la chaleur locale. Il convient donc de se référer au chapitre 2.2.5 et de retenir au titre de l'accident de travail, des séquelles à type de limitation des amplitudes articulaires de la cheville droite, avec boiterie et douleurs à la marche, en tenant compte effectivement d'un état antérieur sous-jacent incontestable, justifiant d'un taux de 8 % ».

A l'aune de ces éléments, la cour constate que le médecin désigné par les premiers juges, s'il évoque l'existence d'antécédents d'entorse à répétition, explique également qu'il y a eu une guérison le 20 septembre 2004 et que l'assurée a pu reprendre le travail.

Le docteur [L] mentionne qu'elle n'a pas connaissance d'antécédents, mais que ces derniers étaient forcément moindres dès lors que l'assurée a repris le travail sans difficulté. Toutefois, le médecin consultant tient compte de cet état antérieur dans l'évaluation du taux d'incapacité.

Or, s'il n'est pas contesté par les parties l'existence d'un état pathologique antérieur à l'accident en cause caractérisé par des entorses à répétitions, il apparaît néanmoins que cet état antérieur n'avait pas donné lieu à une quelconque exploration médicale ou restriction d'activité et a été déclaré guéri.

Ainsi, si cet état antérieur était connu, il n'engendrait aucune séquelle, de sorte que la totalité du déficit constaté à la date de consolidation du 7 février 2021 doit être indemnisé au titre de l'accident du travail du 13 juillet 2018.

Partant, eu égard aux éléments ci-dessus développés, il est constant que Mme [T] présentait une entorse pouvant être qualifiée de grave et ayant nécessité un suivi en consultation de la douleur une année après l'accident mais également des traitements anti-douleurs, avec des mobilités de la cheville limitées et une marche avec boiterie.

Lors de l'examen réalisé par le médecin-conseil, il avait été noté que Mme [T] présentait une marche avec une instabilité et un appui pathologique, des douleurs en regard de la malléole externe droite à la palpation, avec 'dème, une mobilisation très limitée par la douleur à droite avec une flexion plantaire à 20° contre 40° à gauche, une flexion dorsale à 5° contre 25° à gauche, un enroulement externe à 5° contre 15° à gauche et en enroulement interne à 10° contre 30° à gauche.

En considération du barème qui préconise un taux de 5 % en cas de limitation des mouvements de la cheville en son chapitre 2.2.5, et un taux compris entre 10 et 30 % en fonction de l'intensité des douleurs, des troubles trophiques et de la gêne à la marche et en tenant compte de l'absence de blocage de la cheville de l'assurée mais de limitations importantes, de douleurs et de gêne à la marche, le taux de 12% qui a été retenu par le médecin-conseil de la caisse et qui a été confirmé par le médecin désigné par les premiers juges apparaît conforme aux séquelles décrites et au barème.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a maintenu le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [T], à la date du 7 février 2021, à 12 %.

Sur les dépens

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société [5], appelante qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05478
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.05478 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award