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18/06/2024 | FRANCE | N°22/05470

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 18 juin 2024, 22/05470


ARRET







CPAM INDRE ET LOIRE





C/



S.A.S. [5]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 18 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/05470 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUFA - N° registre 1ère instance : 22/684



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 31 OCTOBRE 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





CPAM Indre et Loire

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

élisant domicile à la CPAM de l'Indre

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée et plaidant pa...

ARRET

CPAM INDRE ET LOIRE

C/

S.A.S. [5]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 18 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/05470 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUFA - N° registre 1ère instance : 22/684

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 31 OCTOBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM Indre et Loire

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

élisant domicile à la CPAM de l'Indre

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Mme [R] [C], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

S.A.S. [5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Me Maria BEKMEZCIOGLU, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Avril 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [F] [Y] en a rendu compte à la cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, président de chambre,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN,greffier.

*

* *

DECISION

Le 19 janvier 2021, Mme [D] [W], salariée de la société [5], a établi une déclaration de maladie professionnelle pour une « tendinopathie coiffe gauche », sur la base d'un certificat médical initial du 30 septembre 2020 mentionnant les éléments suivants : « tendinopathie coiffe épaule G. Avis chir ».

La caisse primaire d'assurance maladie (ci-après la CPAM) d'Indre et Loire a pris en charge la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels. La consolidation de l'état de santé de Mme [W] a été fixée au 3 novembre 2021 et par décision du 1er décembre 2021, la CPAM a fixé son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à 10 %.

Saisi par la société [5] d'un recours contre la décision rendue le 22 février 2022 par la commission de recours amiable de la CPAM rejetant sa contestation du taux d'IPP, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, par jugement du 31 octobre 2022, a :

- déclaré recevable la demande de la société [5],

- fixé le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [D] [W] à 8% à compter du 4 novembre 2021 pour « tendinopathie »,

- condamné la CPAM d'Indre et Loire aux dépens,

- dit que les frais de consultation sont pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie.

Le 30 novembre 2022, la CPAM d'Indre et Loire a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 19 janvier 2023, le magistrat chargé de l'instruction du dossier a ordonné une mesure de consultation sur pièces et commis le docteur [E], expert près la cour d'appel d'Amiens, pour y procéder.

Le docteur [E] a déposé son rapport au greffe de la cour le 21 juillet 2023, aux termes duquel elle a conclu que le taux d'incapacité s'établissait à 8 % à la date de consolidation.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 18 avril 2024.

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 18 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM d'Indre et Loire demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 31 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur à 8%,

- rejeter les conclusions d'expertise du docteur [E],

- dire que le taux d'incapacité a été correctement évalué à 10%,

- débouter la société [5] de ses demandes.

La CPAM fait essentiellement valoir que l'analyse du docteur [E] est imprécise et ne décrit pas la réalité des mesures du médecin conseil quand elle écrit que « les limitations d'amplitudes rapportées en rétropulsion et en rotation interne sont non significativement diminuées » ; que trois des six mouvements sont objectivement limités de façon légère et deux mouvements sont limités de façon moyenne ; que le taux de 10% est justifié au vu de ces limitations et de l'amyotrophie observée qui atteste de l'impotence de l'épaule ; que ce taux a été confirmé par la commission médicale de recours amiable.

La société [5], aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, demande à la cour de :

- juger son recours recevable et bien-fondé,

- homologuer les avis rendus par les docteurs [U], [T] et [E],

- dire que les séquelles de la maladie professionnelle du 1er juillet 2020 présentées par Mme [D] [W] justifient à l'égard de l'employeur l'opposabilité d'un taux d'IPP de 8 %,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- condamner la CPAM d'Indre et Loire aux dépens.

Elle se prévaut des avis des deux médecins consultants et de celui du docteur [U] qui démontrent que le taux de 10% est surévalué et observe qu'au terme de son analyse, le médecin conseil de la caisse de la CMRA parvenait d'ailleurs à un taux de 9,5%, soit pour la limitation légère de 3 mouvements sur 6 : 4,5% (3/6 x 9) et pour la limitation moyenne de 2 mouvements : 5% (2/6 x 15 %).

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

En application de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d'invalidité, relatif à l'atteinte des fonctions articulaires, indique que la mobilité de l'épaule est considérée comme normale lorsque l'élévation latérale est de 170°, l'adduction de 20°, l'antépulsion de 180°, la rétropulsion de 40°, la rotation interne de 80° et la rotation externe de 60°.

Il est ajouté : 'La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.

Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxiliaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.'

Ce même chapitre préconise un taux compris entre 8 et 10% en cas de limitation légère de tous les mouvements de l'épaule non dominante (entre 10 et 15% pour le côté dominant) et un taux de 15% en cas de limitation moyenne de tous les mouvements côté non dominant (20% pour le côté dominant).

En l'espèce, le médecin conseil du service médical de la CPAM a évalué le taux d'incapacité permanente partielle à 10% pour des séquelles d'une tendinopathie non opérée de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche chez une droitière consistant en : une limitation légère de 3 mouvements sur 6 en rotations et retro pulsion ' une limitation moyenne de 2 mouvements sur 6 en antépulsion et abduction.

La commission médicale de recours amiable a confirmé ce taux.

Aux termes du jugement entrepris, le docteur [T], médecin consultant désigné en première instance, a indiqué :

'En résumé, c'est effectivement une tendinite de l'épaule gauche chez une droitière mais tendinite compliquée de capsulite qui a été traitée de manière médicale effectivement avec des arthro distensions. Donc avec un examen qui pour une déclaration de maladie professionnelle le 30 septembre 2020 a été fait le 24 novembre 2021 soit une grosse année après.

On note chez cette personne qu'en réalité les deux mouvements principaux qui ont été atteints sont les mouvements d'abduction puisqu'on ne dépasse pas 120° ou 90° normalement c'est droite 120°, gauche 90°, l'antépulsion pareil 120° à droite, 90° à gauche, on est dans ce secteur qui est la frontière dans l'appréciation des barèmes en dessous de 90° ça vaut beaucoup plus puisque l'on a du mal à travailler (')

Pour ce qui est de la limitation très légère des autres mouvements, en fait elle fait référence à la norme habituelle chez les personnes qui sont sans pathologie, la rétropulsion à 40° si vous avez un peu de souplesse vous dépassez les 40° donc pour moi je dirais que c'est une limitation très légère des quelques mouvements comme la rétropulsion, abduction, la rotation interne, la rotation externe et encore comme l'a dit le docteur [U], 40° en rotation externe c'est pas si mal, au-delà c'est vraiment ce qu'on appelle le luxe. Donc je suis d'accord avec le médecin conseil de l'employeur pour dire que ça ne vaut pas les 10% ; il n'y a pas non plus d'antalgiques qui sont pris au quotidien puisque dans les doléances, on note : se plaint de douleurs à l'épaule à la mobilisation mais n'est pas obligée d'utiliser des médicaments autrement dit, c'est une gêne supportable donc on est à ' 10% et les 8% demandés ne me paraissent pas être scandaleux. »

Le docteur [E], médecin consultant désigné en cause d'appel, a émis l'avis suivant : « (') L'examen clinique du médecin conseil de la CPAM en date du 24/11/2021 notait une amyotrophie axillaire gauche sans amyotrophie bicipitale, une limitation moyenne des mouvements de l'épaule gauche en élévation latérale et en élévation antérieure, les autres limitations d'amplitude rapportée en rétropulsion et en rotation interne étant non significativement diminuées.

Le chapitre 1.1.2 du barème indicatif des invalidités et accident du travail prévoit comme repris ci-dessus, un taux de 8 à 10% pour une limitation légère de tous les mouvements et de 15% pour une limitation moyenne de tous les mouvements.

Dans le cas présent, nous sommes en faveur d'une limitation moyenne de certains mouvements de l'épaule non dominante, avec une très discrète limitation des autres mouvements et des douleurs ne nécessitant pas la prise systématique d'antalgiques.

Devant l'atteinte essentiellement de 2 mouvements sur 6 de l'épaule non dominante, qualifiée de limitation moyenne, il semble donc plus adapté de retenir un taux de 8% tel que retenu par le tribunal judiciaire de Lille le 31/10/2022 ;

Conclusion : A la date du 03/11/2021, le taux d'incapacité permanente était de 8%. »

La cour relève que contrairement à ce que soutient la CPAM, le docteur [E] reprend dans son rapport les mesures effectuées lors de l'examen clinique de l'épaule gauche par son médecin conseil, à savoir une abduction à 90°, une antépulsion à 90°, une rétropulsion à 30°, une adduction à 20°, une rotation interne à 60° et une rotation externe à 40°, des mouvements complexes de l'épaule gauche difficilement réalisables. Il ne peut donc lui être reproché d'être imprécise, étant relevé que dans la discussion, elle a pris en considération l'amyotrophie axillaire gauche sans amyotrophie bicipitale notée par le médecin conseil.

Tous les mouvements de l'épaule ne sont pas atteints. Au vu du barème indicatif rappelé précédemment, la limitation moyenne de deux mouvements sur six est effectivement caractérisée, à savoir l'abduction et l'antépulsion, tandis que l'adduction est normale et les rotations quasiment normales de sorte que le docteur [E] a pu légitimement mentionner qu'elles n'étaient pas significativement diminuées. Il sera observé que l'assurée était âgée de 60 ans lors de l'examen clinique comme étant née le 21 octobre 1961.

En considération de ces éléments, le taux d'incapacité permanente fixé à 8 % de façon concordante par les médecins consultants désignés en première instance et en appel, apparaît conforme au barème et à l'état séquellaire de l'assurée.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré.

La CPAM qui succombe en ses demandes sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire de ses demandes,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 31 octobre 2022,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05470
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.05470 ?
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