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18/06/2024 | FRANCE | N°21/05000

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 18 juin 2024, 21/05000


ARRET







CPAM DE L'OISE





C/



S.A.S. [5]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 18 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 21/05000 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IH34 - N° registre 1ère instance : 20/02287



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 15 SEPTEMBRE 2021





PARTIES EN CAUSE :

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APPELANTE





CPAM de l'Oise

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Service juridique

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée et plaidant par Mme [H] [T], munie d'un ...

ARRET

CPAM DE L'OISE

C/

S.A.S. [5]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 18 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 21/05000 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IH34 - N° registre 1ère instance : 20/02287

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 15 SEPTEMBRE 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CPAM de l'Oise

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Service juridique

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme [H] [T], munie d'un pouvoir régulier

ET :

INTIMEE

S.A.S. [5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Avril 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, président de chambre,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Le 7 février 2018, Mme [S] [K], salariée de la société [5] en qualité d'hôtesse de caisse a été victime d'un accident du travail pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident du travail le 9 février suivant indiquant les circonstances suivantes : « La salariée rejoignait son véhicule sur le parking du personnel [5] (') La salariée déclare qu'elle aurait glissé sur une plaque de verglas », et accompagnée d'un certificat médical initial de la même date mentionnant une « fracture du pilon tibial postérieur articulaire peu déplacée ».

L'état de santé de l'assurée a été déclaré consolidé à la date du 25 mars 2020, son incapacité permanente partielle a été fixée à 30 % à compter du 26 mars 2020 et la caisse a notifié ce taux à l'employeur le 2 avril suivant.

Contestant cette décision, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Lille qui, par jugement en date du 15 septembre 2021, a :

fixé à 15 %, à compter du 26 mars 2020 le taux d'incapacité permanente de Mme [K] au titre d'un accident du travail du 7 février 2018,

débouté la CPAM de l'Oise de sa demande de frais irrépétibles,

condamné la CPAM de l'Oise aux dépens.

La CPAM de l'Oise a relevé appel de cette décision le 15 octobre 2021.

La présente cour a désigné le docteur [L] comme médecin consultant, lequel a rendu un rapport le 23 janvier 2023.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 10 octobre 2023 lors de laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 18 avril 2024.

Par conclusions visées par le greffe le 18 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Oise demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu,

dire et juger opposable et bien fondé à l'égard de la société le taux d'incapacité permanente de 30 % attribué à Mme [K] pour l'indemnisation des séquelles de l'accident du travail dont elle a été victime le 7 février 2018,

subsidiairement, entériner le rapport du docteur [L],

fixer en conséquence le taux d'incapacité à 20 % à l'égard de la société,

dans tous les cas, rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société.

Elle fait essentiellement valoir que les modalités forfaitaires d'évaluation des conséquences professionnelles sont adossées aux conséquences physiques de la lésion et donc à la dimension médicale du barème d'incapacité, que l'incidence professionnelle ne constitue qu'une composante du taux d'incapacité global, que l'évaluation du taux d'incapacité par le médecin conseil intègre une dimension médicale, que l'attribution d'un coefficient professionnel n'est pas automatique, que le versement de la rente est directement lié à l'évaluation du taux sans qu'elle n'ait à rechercher si la victime a subi des pertes de gains ou une incidence professionnelle puisque c'est l'objet même de la rente. Elle indique qu'en conséquence le taux attribué à Mme [P] ne saurait être déclaré inopposable au motif qu'il n'intègre pas le déficit fonctionnel permanent.

S'agissant du taux d'incapacité, elle précise que ce dernier correspond au maximum de la fourchette prévue par le chapitre 4.2.6 du barème, qu'il est dès lors adapté, que si aucun taux professionnel n'a été attribué, il n'en demeure pas moins que les séquelles de Mme [K] ont eu une incidence professionnelle ce qui renforce la justification du taux de 30 %.

Elle soutient qu'à la date de consolidation, rien ne permet d'affirmer que la pathologie était guérie, que le barème ne fait nullement obligation de procéder à un examen comparatif, que la raideur de la partie médiane du pied et des orteils a bien été constatée et explique, avec la limitation des mouvements de la cheville de la gêne importante à la marche.

Par conclusions visées par le greffe le 9 octobre 2024 et soutenues oralement à l'audience, la SAS [5] demande à la cour de :

à titre liminaire, déclarer sa constitution recevable,

statuant à nouveau et à titre principal, infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

dire que le taux d'incapacité de Mme [K] au titre de son accident du travail du 7 février 2018 et déterminant sa rente, a été fixé par la caisse en ne tenant compte que du déficit fonctionnel permanent du salarié lequel devait pourtant en être exclu au profit du seul préjudice professionnel,

juger que le taux d'incapacité attribué à Mme [K] est inopposable à son égard ou à tout le moins le réduire à 0 %, la caisse n'étant pas en mesure de justifier de l'existence d'un préjudice professionnel,

à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris,

juger que le taux d'incapacité de Mme [K] est de 15 % maximum.

Elle soutient en substance que le déficit fonctionnel permanent étant désormais exclu de la rente incapacité, la rente versée au titre du taux d'incapacité ne couvre que le seul préjudice professionnel de sorte qu'il incombe à la caisse de démontrer la pertinence du taux qu'elle a attribué au regard du seul préjudice professionnel subi par le salarié.

S'agissant du taux d'incapacité, elle explique que son médecin conseil, le docteur [W], rappelle que le taux relatif à un blocage de cheville s'élève à 15 %, que Mme [K] se présente dans un état meilleur que celui d'un blocage de la cheville, ce qui est confirmé par le médecin désigné par le tribunal, qu'il existe des carences dans l'examen clinique et que seules des raideurs et des douleurs doivent être indemnisées.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle

L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum (10 %), la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduite ou augmentée en fonction de la gravité de celle-ci.

Aux termes de ces dispositions, il est donc prévu que les victimes d'accident de travail ou de maladie professionnelle bénéficient d'une indemnité en capital ou en rente, en fonction du taux d'incapacité qui leur est reconnu, au regard d'un barème indicatif d'invalidité.

La jurisprudence, son étude et les travaux doctrinaux donnent des indications utiles sur la manière dont il faut comprendre, interpréter et appliquer les textes sans toutefois aller jusqu'à les contredire.

Dès lors, les développements de la société [5] relatifs à l'exclusion de la rente du déficit fonctionnel permanent et à la seule prise en compte du préjudice professionnel, ne sont pas pertinents au regard des textes applicables qui sont clairs.

En conséquence, la demande principale de la société [5], tendant à voir déclarer le taux d'incapacité permanente partielle inopposable à son égard ou à voir fixer ce taux à 0% dans ses rapports avec la CPAM, doit être rejetée.

Le chapitre 4.2.6 du barème indicatif, relatif aux séquelles portant sur le système nerveux végétatif et les syndromes algoneurodystrophiques explique que les algodystrophies se manifestent :

1° Par des douleurs diffusent, plus ou moins prononcées, à prédominance distale ;

2° Par des troubles trophiques ('),

3° Par des troubles articulaires, avec blocage plus ou moins prononcé des articulations, principalement de l'épaule au membre supérieur et de la cheville au membre inférieur.

Ce même chapitre prévoit, pour les algodystrophies du membre inférieur, un taux compris entre 10 et 30 % en fonction de l'intensité des douleurs, des troubles trophiques et de la gêne à la marche.

Le chapitre 2.2.5 de ce même barème, relatif aux articulations du pied, indique que l'articulation de la cheville forme la jonction entre la jambe et le pied, qu'elle comprend l'articulation tibio-tarsienne, responsable de la mobilité du pied surtout dans le plan sagittal et indique que l'extension du pied (flexion plantaire) est de 40° par rapport à la position anatomique et que la flexion dorsale est de 20°.

Ce chapitre préconise un taux de 15 % en cas de blocage de la cheville en bonne position (angle droit) avec mobilité conservée des autres articulations, et un taux compris entre 20 et 35 % lorsqu'il y a une perte de la mobilité des autres articulations.

Le médecin-conseil de la caisse a retenu un taux d'incapacité de 30 % pour un état séquellaire décrit comme suit : « séquelles d'une fracture du pilon tibial postérieur gauche articulaire peu déplacée traitée médicalement, compliquée d'une algoneurodystrophie, à type de douleurs neuropathiques nécessitant des antalgiques de palier 2, d'une raideur de la partie médiane du pied et des orteils gênant le déroulé du pas et entraînant une boiterie à la marche ».

La commission médicale de recours amiable, au terme de sa séance du 8 décembre 2020, a confirmé cette décision.

Le médecin désigné par les premiers juges, le docteur [Z], a formulé l'avis suivant : « en matière d'algoneurodystrophie, le taux du barème est 10-30 %. Pour reprendre les termes de l'algodystrophie mentionnés dans le guide barème on parle des troubles trophiques (ici il n'y a pas de trouble trophique démontré) et de la gêne à la marche. Autrement dit, si on ne reprend que l'algodystrophie du membre inférieur on va se trouver dans le taux 10-30 %. 30 % c'est vraiment le maximum, or on ne se situe pas dans le maximum de la situation. En effet, un blocage de la cheville en bonne position c'est-à-dire au niveau de la tibio tarsienne c'est 15% ; le blocage de la partie médiane du pied c'est 15%. Le médecin conseil parle d'une raideur de la partie médiane du pied. On est donc dans le cas d'un blocage ou limitation de la partie médiane du pied. Selon moi, 15 % c'est le minimum mais on ne peut pas beaucoup aller au-delà ».

Le médecin mandaté par la présente cour, le docteur [L] a indiqué, en substance, ce qui suit : « (') L'examen clinique du médecin-conseil montrait le 17/02/2020, une marche avec béquilles, une déviation du pied en valgus lors de la marche sans déroulé du pas, une raideur importante des orteils et de la partie médiane du pied, une flexion palmaire et plantaire de 20° en actif.

S'agissant des traitements, persisterait une prise en charge en kinésithérapie trois fois par semaine et la prise d'Izalgy.

Ces éléments montrent une possible algoneurodystrophie persistante mais en phase froide, une impotence fonctionnelle à la marche nécessitant l'usage d'une canne avec réduction des mobilités articulaires tibiotaliennes et tarsométatarsiennes.

Selon le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail pour ces deux symptômes :

chap 4.2.6 pour une algoneurodystrophie du membre inférieur, un taux entre 10 et 30% selon l'atteinte fonctionnelle, les troubles trophiques et les douleurs

chap 2.2.5 pour un trouble fonctionnel en blocage de la cheville en bonne position avec mobilité conservée des autres articulations du pied un taux maximum de 15 % et pour un blocage de la cheville en bonne position mais avec perte de la mobilité des autres articulations du pied un taux de 20 à 35 %.

Il n'y a pas lieu de surajouter un taux d'enraidissement de la cheville le phénomène algodystrophique, car la pathologie est unique, il ne s'agit pas de deux pathologies distinctes.

Cependant le taux estimé à l'audience par le médecin consultant apparaît dans une fourchette trop basse d'évaluation pour une marche effectuée avec boiterie et avec raideur de plusieurs articulations du pied. Un taux de 20 % apparaît plus adapté pour prendre en compte l'ensemble de la gêne ».

Ainsi, il ressort de ces éléments, lesquels ne sont pas contestés par les médecins intervenants, que l'assurée présentait une raideur de plusieurs articulations du pied, entrainant une boiterie à la marche correspondant à des manifestations d'une algodystrophie.

Si le médecin désigné par les premiers juges ne retient pas de troubles trophiques, il mentionne toutefois une gêne à la marche et le docteur [L] précise que l'assurée doit marcher avec une canne ou une béquille.

Partant, l'atteinte fonctionnelle et la gêne sont démontrés.

En outre, le docteur [Z] comme le docteur [L] font état d'une réduction des mobilités articulaires au niveau de la cheville et d'un blocage de la partie médiane du pied, étant souligné que le docteur [Z], s'il retient un taux d'incapacité inférieur à celui proposé par le docteur [L], précise qu'il s'agit d'un minimum.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et conformément au barème indicatif d'invalidité, la cour entend faire sienne l'évaluation du docteur [L] et retient, par voie de conséquence, que le taux d'incapacité s'établissait à 20 % à la date de consolidation.

Sur les dépens

Chacune des parties étant déboutée d'une partie de ses demandes, conservera la charge de leurs propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS [5] de ses demandes,

Fixe le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [S] [K] à 20 % à compter du 26 mars 2020,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/05000
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.05000 ?
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