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17/06/2024 | FRANCE | N°23/00076

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 17 juin 2024, 23/00076


ARRET







[C]

[B]





C/



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU PAS-DE-CALAIS













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 17 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 23/00076 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUL2 - N° registre 1ère instance : 21/00278



Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social) en date du 25 novembre 2022r>




PARTIES EN CAUSE :





APPELANTS





Madame [U] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]





représentés par Me William Mac Kenna, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer







e...

ARRET

[C]

[B]

C/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU PAS-DE-CALAIS

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 17 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/00076 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUL2 - N° registre 1ère instance : 21/00278

Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social) en date du 25 novembre 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Madame [U] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par Me William Mac Kenna, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

et :

INTIMEE

Caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Mme [Z] [J], munie d'un pouvoir régulier

DEBATS :

A l'audience publique du 12 mars 2024 devant Mme Anne Beauvais, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Anne Beauvais en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseillère,

et M. [X] Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 27 mai 2024, le délibéré a été prorogé au 17 juin 2024.

Le 17 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.

*

* *

DECISION

De la relation de couple entre Mme [U] [C] et M. [X] [B] (les consorts [C]-[B]) est issu un enfant, une fille, [E], née le 19 juillet 2020.

La caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais (la CAF ou la caisse) n'ayant pas répondu favorablement à leurs sollicitations aux fins d'obtenir le versement d'une prime de naissance et de l'allocation de base, les consorts [C]-[B] ont saisi la commission de recours amiable (la CRA) du différend qui les oppose à la CAF, lequel porte sur les modalités de calcul des revenus de M. [B] pour déterminer le droit aux prestations.

Consécutivement au rejet de leur recours par décision de la CRA en date du 18 novembre 2020, les consorts [C]-[B] ont saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer de leurs demandes aux fins de voir :

- condamner la CAF à leur verser la prime à la naissance ;

- condamner la CAF à leur reverser l'allocation de base à effet rétroactif courant à compter de la naissance de leur enfant soit le 19 juillet 2020 ;

- condamner la CAF à leur verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice consécutif au refus fautif de la CAF de leur permettre le bénéfice des aides auxquelles ils avaient droit ;

- condamner la CAF à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la CAF aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement en date du 25 novembre 2022, le tribunal les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Le 21 décembre 2022, le conseil des consorts [C]-[B] a régulièrement interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.

Sur ce les parties ont été convoquées à l'audience du 12 mars 2024, à laquelle elles ont déposé leurs dossiers.

*

Suivant conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mars 2023 déposées à l'audience, les consorts [C]-[B] demandent à la cour de :

Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par Madame [C] et Monsieur [B] contre le jugement rendu le 25 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer,

Et, statuant à nouveau,

Recevoir leur demande et la déclarée bien fondée,

Juger qu'en considération de leur situation et notamment de leurs revenus, ils auraient dû percevoir, suite à leur demande, l'allocation de base et la prime consécutivement à la naissance de leur fille,

Juger que c'est à tort que la CAF leur a refusé ce droit,

Juger que le refus fautif de la CAF leur a causé un préjudice,

En conséquence,

Condamner la CAF à leur verser :

- la prime à la naissance,

- l'allocation de base à effet rétroactif courant à compter de la naissance de leur enfant, soit le 19 juillet 2020,

- la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice consécutif au refus fautif de la CAF de leur permettre le bénéfice des aides auxquels ils avaient droit,

- la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

Condamner la CAF aux entiers dépens de première instance,

En tout état de cause,

Condamner la CAF à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,

Condamner la CAF aux entiers dépens de l'intance d'appel.

En réponse et par conclusions visées par le greffe le 5 mars 2024, la CAF du Pas-de-Calais demande à la cour d'appel de :

Rejeter le recours ;

Rejeter la demande de dommages-intérêts ;

Rejeter la demande de paiement des sommes de 2 000 et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des demandes des parties et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur les demandes d'attribution de la prime à la naissance et de l'allocation de base

Selon les dispositions de l'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale :

'Ouvrent droit à la prestation d'accueil du jeune enfant l'enfant à naître et l'enfant né dont l'âge est inférieur à un âge limite.

Cette prestation comprend :

1° Une prime à la naissance ou à l'adoption, versée dans les conditions définies à l'article L. 531-2 ;

2° Une allocation de base, versée dans les conditions définies à l'article L. 531-3, visant à compenser le coût lié à l'entretien de l'enfant (...).'

Et selon les dispositions de l'article L. 531-2 dudit code, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2018 au 16 décembre 2020, applicable aux prestations dues au titre des enfants nés à compter du 1er avril 2018, mentionnées aux articles L. 531-2 et L. 531-3 du code de la sécurité sociale :

'La prime à la naissance (...) est attribuée au ménage (...) dont les ressources ne dépassent pas un plafond, pour chaque enfant à naître, avant la naissance de l'enfant (...).

Le plafond de ressources varie selon le nombre d'enfants nés ou à naître. Il est majoré lorsque la charge du ou des enfants est assumée soit par un couple dont chaque membre dispose d'un revenu professionnel minimal (...).'

L'article L. 531-3 vient préciser :

'L'allocation de base est versée à taux partiel aux ménages ou aux personnes dont les ressources ne dépassent pas le plafond défini à l'article L. 531-2. Elle est versée à taux plein lorsque les ressources ne dépassent pas un plafond qui varie selon le nombre d'enfants nés ou à naître et qui est majoré lorsque la charge du ou des enfants est assumée soit par un couple dont chaque membre dispose d'un revenu professionnel minimal, soit par une personne seule. (...)'

Puis, l'article R. 531-3 modifié par le décret n°2018-331 du 3 mai 2018, en vigueur du 1er avril 2018 au 2 avril 2021, en vigueur à compter du 1er avril 2018 pour les enfants nés à compter de cette date, prévoit :

' Pour l'attribution de la prime à la naissance (...) et de l'allocation de base (...), les ressources annuelles du ménage (...) s'apprécient dans les conditions prévues à l'article R. 532-1.

Les plafonds annuels respectifs de ces prestations sont majorés dans les conditions définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article R. 522-2. (...).

Pour l'ouverture des droits à la prime à la naissance (...), la situation de la famille est appréciée le premier jour du mois civil suivant le cinquième mois de la grossesse. (...)'

Et l'article R. 532-1 modifié par le décret n°2014-421 du 24 avril 2014, en vigueur du 27 avril 2014 au 31 janvier 2022, fixe les conditions d'évaluation des ressources annuelles du ménage pour l'attribution de la prime à la naissance et de l'allocation de base, de la manière suivante :

' Pour l'ouverture du droit à la prime et à l'allocation prévues aux articles L. 531-2 et L. 531-3, la condition de ressources est appréciée pour chaque période de douze mois débutant le 1er janvier, en fonction des revenus de l'année civile de référence tels que définis aux articles R. 532-3 à R. 532-8. (...)'

L'article R. 532-2 y ajoute :

'Il est procédé, dans les conditions prévues à l'article R. 532-1, à une appréciation spécifique des ressources perçues au cours de l'année civile de référence en cas de modification de la situation familiale ou professionnelle pendant la période de paiement, due notamment au chômage, à l'invalidité, à l'admission à la retraite ou à l'exercice d'une première activité professionnelle en France.'

L'article R. 532-3 précise encore que :

'Les ressources retenues sont celles perçues pendant l'année civile de référence. L'année civile de référence est l'avant-dernière année précédant la période de paiement.

Sous réserve des dispositions des articles R. 532-4 à R. 532-8 et des alinéas suivants du présent article, les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu d'après le barème des revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu, ainsi que les revenus perçus hors de France ou versés par une organisation internationale, à l'exclusion des revenus des enfants ayant fait l'objet d'une imposition commune et après : [divers déductions et abattements].'

L'article R. 532-4 prévoit également :

' Il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle ni des indemnités de chômage perçus pendant l'année civile de référence par le conjoint ou concubin :

1°) soit cessant toute activité professionnelle pour se consacrer à un enfant de moins de trois ans ou à plusieurs enfants ;

2°) soit détenu, à moins que l'intéressé ne soit placé sous le régime de semi-liberté.

(...).'

L'article R. 532-7 prescrit encore :

' Lorsque, depuis deux mois consécutifs, (...) l'un des conjoints ou concubins se trouve en chômage total et perçoit l'allocation d'assurance prévue à l'article L. 5422-1 du code du travail(...), les revenus d'activité professionnelle perçus par l'intéressé pendant l'année civile de référence sont affectés d'un abattement de 30 %.

(...)

Cette mesure s'applique à compter du premier jour du deuxième mois civil suivant celui au cours duquel est intervenu le changement de situation et jusqu'au dernier jour du mois civil précédant celui au cours duquel l'intéressé reprend une activité professionnelle lui faisant perdre le bénéfice des allocations ou rémunération prévues aux alinéas précédents.'

Enfin, selon l'article R. 522-2 modifié par le décret n°2011-1278 du 11 octobre 2011, en vigueur du 1er novembre 2011 au 29 octobre 2022, auquel renvoient les dispositions de l'article R. 531-3 pour l'attribuation de la prime à la naissance et de l'allocation chômage :

'(...) le montant des ressources du ménage (...) assumant la charge des enfants (...) ne doit pas dépasser un plafond annuel.

Ce plafond est majoré de 25 % par enfant à charge à partir du premier et de 30 % par enfant à charge à partir du troisième.

Il est également majoré lorsque les deux membres du couple ont retiré chacun de leur activité professionnelle pendant l'année de référence un revenu au moins égal à 13,6 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de la même année. Sont pris en compte les revenus d'origine professionnelle compris dans les ressources définies à l'article R. 532-3. (...).'

*

Il résulte, notamment, de ces différents textes, et il n'est pas discuté, que :

- la prime à la naissance et l'allocation de base ne sont pas attribués à toutes les couples, mais uniquement à ceux d'entre eux qui assumant la charge des enfants, disposent de ressources ne dépassant pas un certain plafond ;

- pour l'ouverture du droit à la prime à la naissance, la situation de la famille est appréciée le premier jour du mois civil suivant le cinquième mois de la grossesse ,

- pour l'ouverture du droit à la prime à la naissance et à l'allocation de base, la condition de ressources est appréciée pour chaque période de douze mois débutant le 1er janvier, en fonction des ressources de l'année civile de référence qui est l'avant-dernière année précédant la période de paiement ;

- le plafond de ressources est susceptible d'être majoré :

o en fonction du nombre d'enfants à charge ;

o en fonction du revenu retiré par chacun des membres du couple de son activité professionnelle, pendant l'année de référence ;

- pour la prime à la naissance, le montant du plafond comme celui de la majoration sont fixés par référence au plafond applicable à l'allocation de base versée à taux plein ; cette dernière étant susceptible d'être versée à taux plein ou à taux partiel ;

- il est procédé à une appréciation spécifique des ressources perçues au cours de l'année civile de référence en cas de modification de la situation familiale ou professionnelle pendant la période de paiement, due notamment au chômage.

En l'espèce, conformément aux textes précités, les parties conviennent que pour la prise en compte des ressources du ménage dans l'appréciation du droit à la prime à la naissance ainsi qu'à l'allocation de base, du fait de la naissance de l'enfant [E], le 19 juillet 2020, l'année civile de référence est l'année 2018.

Il est également acquis aux débats que pour la détermination de l'ouverture du droit à la prime à la naissance, la situation du couple devait être étudiée au premier jour du mois civil suivant le 5ème mois de la grossesse, soit, en l'occurrence, le mois d'avril 2020.

Les ressources de chacun des membres du couple retenus par la CAF au titre des revenus de l'année 2018, qui ne font pas débat, sont les suivants :

- Mme [U] [C] :

o salaires : 24 872 euros ;

o déduction : 10 % ou frais réels : 5 195 euros.

- M. [X] [B] :

o salaires : 4 865 euros ;

o allocations chômage : 12 764 euros.

Les parties s'accordent également sur le fait que du montant total des ressources de M. [B] au titre de l'année 2018, il convient de déduire, dans la base ressources au 1er avril 2020, la somme de 1 763 euros correspondant à 10 % de frais réels.

Les parties divergent en revanche dans leurs appréciations relatives à l'application d'un abattement préalable de 30 % sur les salaire de M. [B] - soit la somme de 4 865 euros - en application des dispositions de l'article R. 532-7 du code de la sécurité sociale selon lesquelles 'lorsque, depuis deux mois consécutifs, (...) l'un des conjoints ou concubins se trouve en chômage total et perçoit l'allocation (...), les revenus d'activité professionnelle perçus par l'intéressé pendant l'année civile de référence sont affectés d'un abattement de 30 %.'

Le tribunal a appliqué ledit abattement aux constats :

- qu'il existait une contradiction dans les écritures de la CAF en ce qu'elle affirmait d'abord que M. [B] n'avait pas été au chômage deux mois consécutifs, avant de venir indiquer plus loin dans ses écritures que l'intéressé avait été au chômage pendant deux mois consécutifs au moins ;

- que les pièces produites à l'instance ne permettaient pas de trancher ;

- qu'au demeurant il allait être démontré que la question de l'abattement de 30 % était sans incidence sur la décision.

Devant la présente juridiction, dans le cadre de ses conclusions, la CAF maintient des écritures en apparence tout aussi contradictoires, sur ce point, que devant les premiers juges, sans fournir aucune explication en réponse à leurs motifs ; au demeurant, il semblerait qu'elle se cantonne à une posture de maintien de son argumentation initiale, qui tient essentiellement de la simple assertion, sans chercher à entrer dans le débat juridique à l'origine de l'appel.

Au soutien de ses motifs réitérés relatifs à l'absence de situation de chômage rémunéré de M. [B], deux mois consécutifs, elle a néanmoins inséré dans ses conclusions une capture d'écran correspondant à une situation de chômage à compter du 7 mars 2020.

A retenir ce point de départ de sa période de chômage, M. [B] ne se trouvait effectivement pas, à la date du 1er avril, en situation de chômage total depuis deux mois consécutifs, ce délai n'étant pas acquis avant le 1er mai 2020.

Sur ce point, les consorts [C]-[B] indiquent que l'abattement de 30 % doit être appliqué au motif que M. [B] a 'changé de situation professionnelle', ce qui ne constitue pas une réponse pertinente à la problématique de condition du délai de deux mois consécutifs que leur objecte la caisse, et qui était déjà, évoquée devant les premiers juges, sauf à ce qu'ils ne soient pas en mesure de justifier d'un tel délai.

Ils ne contestent par ailleurs pas, la réalité d'une situation de chômage de l'époux relatée par la CAF, telle qu'illustrée par la capture d'écran.

Il s'en suit qu'ils ne rapportent pas la preuve de leur droit à l'abattement de 30 % supplémentaire, sur les salaires perçus par M. [B] en 2018.

Cet abattement ne peut en conséquence être appliqué.

Le décompte des ressources des consorts [C]-[B] au titre de l'année 2018 doit donc être calculé de la manière suivante :

Au 1er avril 2020 :

Ressources du ménage au titre des revenus de l'année 2018 :

- Mme [U] [C] :

o salaires : 24 872 euros ;

o déduction : frais réels : 5 195 euros.

- M. [X] [B] :

o salaires : 4 865 euros ;

o allocations chômage : 12 764 euros ;

o déduction : abattement 10 % : 1 763 euros.

Total ménage après déduction des abattement et frais réels : 35 543 euros.

En outre, il ressort du tableau des plafonds de ressources à compter d'avril 2018, produit aux débats par la caisse et qui fonde la discussion entre les parties :

- que le plafond des revenus du ménage avec un enfant, sans majoration du plafond, est égal à 32 165 euros ;

- que le plafond des revenus du ménage avec un enfant, avec majoration du plafond, s'élève à 42 509 euros ;

- que pour la détermination de l'accès au plafond majoré, les 'revenus nets d'activité de chaque conjoint' doivent être égaux ou supérieurs à un montant minimal de 5 404 euros.

Il ressort de ces différentes données que la prise en compte du plafond non majoré des revenus de ce ménage (32 165 euros), conduirait à son exclusion du bénéfice de la prime à la naissance et de l'allocation de base, en ce qu'il a perçu des ressources au titre de l'année 2018, année civile de référence, d'un montant supérieur (35 543 euors), alors que la prise en compte du plafond majoré des revenus de ce ménage (42 509 euros) conduirait à lui reconnaître le bénéfice de la prime à la naissance et de l'allocation de base à taux partiel.

Afin de répondre aux demandes présentées par le couple, il convient donc d'établir si celui-ci relève de la prise en compte du plafond majoré de ses revenus au titre de l'année 2018.

*

Pour la détermination de l'accès du ménage au plafond majoré, la caisse considère que les allocations de chômage ne doivent pas être prises en compte dans le cadre de l'appréciation du montant de ressources retirées de son activité professionnelle par M. [B]. Il en résulte que M. [B] ayant perçu à titre de salaires, la somme de 4 865 euros en 2018, n'atteindrait pas le seuil de 5 404 euros permettant au ménage d'accéder au plafond majoré de 42 509 euros.

Les consorts [C]-[B] font valoir pour leur part que les allocations de chômage perçues par l'époux, intermittent du spectacle, en 2018, entrent dans les 'revenus d'origine professionnelle'. Au soutien de cette appréciation, ils font valoir que les dispositions de l'article R. 522-2 du code de la sécurité sociale renvoient aux dispositions de l'article R. 532-3 dudit code lesquelles renvoient encore aux dispositions des articles R. 532-4 à R. 532-8 ; ils soulignent que l'article R. 532-4 prévoit deux motifs d'exclusion des allocations chômage, dont aucun n'est applicable à la situation de M. [B]. Ils en déduisent que la CAF exclut à tort les allocations chômage de l'assiette des revenus d'origine professionnelle de chacun des membres du couple, pour l'accès au plafond majoré, et se prévalent à cet égard d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 16 mai 2019.

Il convient de rappeler que l'article R. 522-2 du code de la sécurité sociale précité, auquel renvoient les dispositions de l'article R. 532-3 pour l'attribution de la prime à la naissance et de l'allocation de base, prévoit que ' Ce plafond (...) est également majoré lorsque les deux membres du couple ont retiré chacun de leur activité professionnelle pendant l'année de référence un revenu au moins égal à 13,6 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de la même année. Sont pris en compte les revenus d'origine professionnelle compris dans les ressources définies à l'article R. 532-3. (...)'

Etant rappelé que selon l'article R. 532-3 précité : ' (...) Sous réserve des dispositions des articles R. 532-4 à R. 532-8 et des alinéas suivants du présent article, les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...)'.

Enfin, l'article R. 532-4 prévoit : ' Il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle ni des indemnités de chômage perçus pendant l'année civile de référence par le conjoint ou concubin :

1°) soit cessant toute activité professionnelle pour se consacrer à un enfant de moins de trois ans ou à plusieurs enfants ;

2°) soit détenu, à moins que l'intéressé ne soit placé sous le régime de semi-liberté.(...)'

L'allocation dite 'chômage' - actuellement désignée sous la dénomination 'aide au retour à l'emploi' (ARE) - étant un revenu de remplacement versé sous certaines conditions et pendant une période déterminée en fonction de la durée de l'activité professionnelle antérieure de l'assuré, dont le montant brut journalier comprend une partie fixe et une partie variable proprotionnelle au salaire journalier de référence, est susceptible de répondre, compte tenu de ses conditons d'attribution et modalités de versement directement déterminées par l'exercice d'une activité professionnelle antérieure, à l'exigence de ressources 'retirées de l'activité professionnelle', encore désignées comme étant les 'revenus d'origine professionnelle', de chacun des membres du couple au sens des dispositions de l'article R. 522-2 du code de la sécurité sociale.

Aussi les parties ne s'entendent-elles pas sur les modalités d'application de ce dernier texte.

Il ressort pourtant des textes précités que les revenus 'retirés de l'activité professionnelle', encore désignés comme étant les 'revenus d'origine professionnelle', qui déterminent le calcul des ressources ouvrant doit à la majoration du plafond, sont ceux, d'origine professionnelle, compris dans les ressources définies à l'article R. 532-3, soit le total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu.

S'agissant de M. [B], il est acquis aux débats que les revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu sont les suivants :

- salaires : 4 865 euros ;

- allocations chômage : 12 764 euros.

En outre, pour la détermination des revenus de l'année civile de référence tels que définis aux articles R. 532-3 à R. 532-8 du code de la sécutité sociale, est expressément mentionnée auxdits textes une exclusion, et une seule, relative aux indemnités de chômage, prévue à l'article R. 534-2, dans deux situations précisément ciconscrites, lesquelles ne sont ni l'une, ni l'autre applicables à la situation de M. [B].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les allocations chômages perçues par M. [B] au titre de l'année civile 2018 doivent être prises en compte dans la détermination de ses ressources pour le calcul de l'assiette de ses revenus nets d'origine professionnelle.

Le 16 mai 2019, la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux, section B, dont l'arrêt N° de RG 17/03646 est produit aux débats par les appelants n'en a pas décidé autrement dans une espère identique :

' (...) l'allocation de base est conditionnée par un plafond de ressources, majoré lorsque les membres du couple ont retiré chacun de leur activité professionnelle pendant l'année de référence un revenu au mois égal à 13,6% du plafond annuel de la sécurité sociale.

Le calcul du plafond de ressources majoré est effectué sur la base du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu.

Il est par ailleurs établi que le revenu net catégoriel prend en compte l'allocation chômage.

(...)

Contrairement à ce qu'affirme la caisse, aucun texte ne permet d'exclure du calcul des ressources à prendre en compte les allocations chômage. Ainsi, la circulaire du 1er décembre 2011 citée pour la première fois devant la cour intègre dans les revenus professionnels certaines indemnités journalières mais reste taisante sur les allocations chômage. Ainsi, seul l'article R. 532-4 du code de la sécurité sociale exclut dans des cas limitativement énumérés les allocations chômage mais les hypothèses visées sont étrangères à la situation de Mme plus, il est fait référence comme ressources retenues aux revenus nets catégoriels qui comprennent bien les allocations chômage.

Ainsi, Mme peut prétendre à bénéficier de l'allocation de base et le jugement de première instance doit être confirmé sur ce point.'

Afin d'être complète, la cour relève, à titre surabondant uniquement - les parties n'en faisant pas état - que la Cour de cassation a eu l'occasion de trancher cette question dans un cadre juridique comparable, si ce n'est identique, à celui qui encadre le présent litige.

L'article L. 522-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable à la détermination du droit au complément familial, prévoyait : 'Le plafond de ressources déterminant le droit au complément familial varie selon le rang et le nombre des enfants à charge. Il est majoré lorsque chaque membre du couple dispose d'un revenu professionnel ou lorsque la charge des enfants est assumée soit par un couple dont chaque membre dispose d'un revenu professionnel, soit par une personne seule. (...)'

Ce texte, bien qu'il porte sur une prestation distincte de la primes à la naissance et l'allocation de base, n'en a pas moins un objectif identique à celui qui guide la rédaction de l'article R. 522-2 du code de la sécurité sociale, de fixer les conditions de prise en compte d'un plafond majoré, selon le 'revenu profesionnel' de chacun des membres du couple. Cette notion de 'revenu professionnel' retenue par l'article L. 522-2 est totalement assimilable à celle de 'revenus d'origine professionnelle' prévue à l'article R. 522-2 du code de la sécurité sociale précité, voire même, en apparence, plus précis et donc plus restrictif, que la notion plus vage de 'revenus d'origine professionnelle'.

Or, pour l'application de l'article L. 522-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, et R. 532-3 du même code, il y a lieu d'inclure les indemnités de chômage perçues par l'allocataire dans les ressources prises en compte pour le calcul de la majoration du plafond de ressources qui détermine l'ouverture des droits au complément familial (Civ. 2e 18 mars 2021, Pourvoi n° 19-23.547, publié au bulletin).

A l'inverse et en parfaite cohérence avec cette lecture des textes, pour le calcul du droit à l'allocation pour jeune enfant, l'article R. 531-9 du code de la sécurité sociale, aujourd'hui abrogé, prévoyait de manière non équivoque que 'le montant des ressources dont le ménage (...) assumant la charge des enfants a disposé durant l'année civile précédant le début de la période au cours de laquelle le droit à l'allocation pour jeune enfant est ouvert ou maintenu ou le montant des ressources appréciées dans les conditions prévues à l'article R. 531-14 ne doit pas dépasser un plafond annuel.

Ce plafond (...) est également majoré lorsque les deux conjoints ou concubins exercent une activité professionnelle productrice de revenus'.

La notation d'exercice d'une activité professionnelle ne laissant aucune place à l'interprétation, il a ainsi été jugé que les indemnités journalières versées à l'occasion de la maladie ou de la maternité constituant un revenu de remplacement, ne peuvent être pris en compte au titre des revenus d'activité professionnelle pour le calcul du plafond de ressources (Soc. 15 juin 2000, Pourvoi n° 98-21.873).

Ainsi, les revenus de M. [B] au titre de l'année 2018 à prendre au compte pour la détermination du bénéfice du plafond majorés étant les suivants : salaires : 4 865 euros +allocations chômage : 12 764 euros, ces revenus excèdent la somme de 5 404 euros de sorte que chacun des membres du couple, en l'espèce, justifie de revenus supérieurs à 5 404 euros au titre de l'année 2018.

Le couple relève donc, avec un enfant à charge, du plafond de ressources majoré égal à 42 509 euros, de sorte qu' il prétend à bon droit à l'octroi de la prime à la naissance et à l'allocation de base à temps partiel.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes aux fins de voir condamner la caisse à lui verser la prime à la naissance et l'allocation de base, et de condamner la CAF à lui verser :

- la prime à la naissance, au titre de la naissance de [E], le 19 juillet 2020 ;

- l'allocation de base à taux partiel, à effet rétroactif courant à compter de la naissance de [E], le 19 juillet 2020.

Sur la demande de dommages et intérêts

Les consorts [C]-[B] font état d'une situation de précarité induite par la privation de la prime à la naissance et de l'allocation de base jusqu'au mois précédant le troisième anniversaire de leur fille [E], sans justifier de la situation financière du ménage (ressources et charges, situation éventuelle d'endettement) au titre des années 2020, jusqu'en juin 2023 (soit avant et après la naissance de l'enfant).

La cour d'appel n'est donc pas en mesure d'apprécier la rélité du préjudice invoqué.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [C]-[B] de ce chef de demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la CAF, partie succombante, à payer aux appelants la somme de 1 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, non compris dans les dépens de première instance ; le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Il convient pour le même motif de la condamner à leur payer la somme de 1 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, non compris dans les dépens de l'instance d'appel.

En outre, succombant, la CAF sera condamnée aux entiers dépens de première instance, le jugement déféré étant également infirmé sur ce points ; elle sera de même condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [U] [C] et M. [X] [B] de leurs demandes aux fins de voir :

- condamner la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à leur verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice consécutif à son refus de leur permettre le bénéfice des aides auxquelles ils avaient droit ;

L'infirme en ce qu'il a débouté Mme [U] [C] et M. [X] [B] de leurs demandes aux fins de voir :

- condamner la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à leur verser la prime à la naissance ;

- condamner la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à leur reverser l'allocation de base à effet rétroactif courant à compter de la naissance de leur enfant soit le 19 juillet 2020 ;

- condamner la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais aux entiers dépens de l'instance ;

Y substituant,

Condamne la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à leur verser :

- la prime à la naissance, au titre de la naissance de leur fille [E], le 19 juillet 2020 ;

- l'allocation de base à taux partiel, à effet rétroactif courant à compter de la naissance de leur fille [E], le 19 juillet 2020 ;

Condamne la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à payer à Mme [U] [C] et M. [X] [B], ensemble, la somme de 1 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, non compris dans les dépens de première instance ;

Condamne la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais aux entiers dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais à payer à Mme [U] [C] et M. [X] [B], ensemble, la somme de 1 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, non compris dans les dépens de l'instance d'appel ;

Déboute Mme [U] [C] et M. [X] [B] du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et dans le cadre de l'instance d'appel ;

Condamne la caisse d'allocations familiales du Pas-de-Calais aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00076
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;23.00076 ?
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