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17/06/2024 | FRANCE | N°22/05479

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 17 juin 2024, 22/05479


ARRET







Société [5]





C/



CPAM DE L'ARTOIS









COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 17 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/05479 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUFV - N° registre 1ère instance : 20/00860



Jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en date du 24 octobre 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Société [5], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

A.T. : Mme [S] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représentée et plaidant par Me Laurent Cruciani de la SELAR...

ARRET

Société [5]

C/

CPAM DE L'ARTOIS

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 17 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/05479 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUFV - N° registre 1ère instance : 20/00860

Jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en date du 24 octobre 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Société [5], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

A.T. : Mme [S] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Me Laurent Cruciani de la SELARL Capstan Nord Europe, avocat au barreau de Lille, vestiaire : 0053

ET :

INTIMEE

CPAM de l'Artois, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [N] [K], dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 12 mars 2024 devant Mme Anne Beauvais, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 mai 2024 puis le 17 juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Anne Beauvais en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseillère,

et M. Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Charlotte Rodrigues, greffier.

*

* *

DECISION

Le 14 octobre 2019, la société [5] (la société ou la société [5]) a déclaré un accident du travail affectant l'un de ses salariés en la personne de Mme [S] [V], conductrice de véhicules et d'engins lourds de levage et de manoeuvre.

Il ressortait de cette déclaration que l'accident était survenu sur le lieu de travail habituel de la salariée, le 10 octobre 2019, sur son temps de travail à l'occasion d'une formation, à 8h00, et qu'il était constitué par le fait que l'intéressée avait 'reçu un appel d'un collègue lui indiquant qu'un document la visant était affiché sur son dépôt de rattachement'.

La lésion occasionnée par l'accident déclaré était décrite comme étant de nature 'pyschologique'.

L'employeur émettait les réserves suivantes : 'Pas de fait accidentel, réaction sur ouï-dire, déclaration avec 24h de décalage.'

Le certificat médical initial établi par M. [Z] [R], médecin, daté du 10 octobre 2019, constate un 'trouble anxio-dépressif par conflit au travail', et le praticien a prescrit des soins ainsi qu'un arrêt de travail jusqu'au 26 octobre 2019.

L'accident du travail déclaré a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la CPAM ou la caisse) au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision du 2 janvier 2020 dont l'employeur a formé recours devant la commission de recours amiable de la CPAM de l'Artois (la CRA), laquelle, dans sa séance du 16 octobre 2020, a rejeté ledit recours aux motifs suivants :

'Au regard des éléments recueillis au cours de l'instruction, il convient de relever :

- que Mme [V] [S] déclare que sa lésion psychique a pour fait générateur l'information donnée de vive voix par son collègue sur le dessin accroché la veille ;

- que selon l'employeur ce dessin 'fait probablement référence au fait que Mme [V] est du matin très souvent et que cela peut générer des incompréhensions, voire des jalousies de ses collègues',

- que Monsieur [W] atteste avoir vu et enlevé ce dessin qu'il qualifie de 'petit',

- qu'il atteste par attestation dûment remplie et signée.

Il apparaît donc que ce dessin affiché le 9 octobre et porté à la connaissance de l'assurée le 10 octobre par Monsieur [W], par son caractère diffamatoire, déroge au cadre normal des relations de travail.

Il est donc établi, par témoignage précis et concordant, que le dessin d'un 'mignon' représentant Madame [V] présentait un caractère d'anormalité flagrant.

Force est par conséquent de constater que les circonstances invoquées par Madame [V] constituent un fait accidentel au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.'

La société [5] a alors saisi le tribunal judiciaire d'Arras, pôle social, lequel, par jugement en date du 24 octobre 2022, a statué dans les termes suivants :

'Déboute la société [5] de l'ensemble de ses demandes ;

Déclare opposable à la société [5] la décision de la caisse de mutualité sociale agricole Nord Pas-de-Calais de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont aurait été victime sa salariée [S] [V] le 10 octobre 2019 ;

Condamne la société [5] aux entiers dépens.'

La société [5] a interjeté appel, en toutes ses dispositions, de cette décision dont elle a accusé réception le 8 novembre 2022, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 2 décembre 2022.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 12 mars 2024, date à laquelle elle a été retenue.

*

Suivant conclusions notifiées par la voie électronique 8 mars 2024, soutenues oralement à l'audience, la société appelante par la voix de son conseil demande à la cour d'appel de :

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 24 octobre 2022, en ce qu'il a :

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- déclaré opposable à la société la décision de la CPAM de l'Artois de prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, l'accident dont aurait été victime sa salariéele 10 octobre 2019 ;

- condamné la société aux entiers dépens.

Par conséquent,

Juger qu'est dépourvu de caractère professionnel au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, l'accident déclaré par la salariée le 10 octobre 2019 ;

Réformer la décision implicite de rejet de la CRA du recours initié le 2 mars 2020 par la société ;

Juger que lui est inopposable la décision de la CPAM de l'Artois du 2 janvier 2020, reconnaissant le caractère professionnel de l'accident survenu à [S] [V], le 10 octobre 2019.

*

En réplique, par conclusions visées le 12 mars 2024 par le greffe, soutenues à l'audience, la caisse demande à la cour de :

Déclarer la société [5] mal fondée en son appel ;

La débouter de ses fins, moyens et conclusions ;

Ce faisant, confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Arras du 24 octobre 2022.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

A titre liminaire, la cour relève que le jugement comporte une erreur matérielle en ce qu'il a dit que la décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime Mme [S] [V] le 10 octobre 2019, émane de la caisse de mutualité sociale agricole Nord Pas-de-Calais au lieu de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.

Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge

Selon les dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Ces dispositions instaurent une présomption d'imputabilité pour tout accident survenu au temps et au lieu du travail ayant pour effet de dispenser le salarié d'établir la preuve du lien de causalité entre l'accident et le contexte professionnel.

Il en résulte qu'en cas de contestation de l'employeur, il appartient à ce dernier, pour combattre cette présomption, d'établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.

Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

En l'espèce, pour s'opposer à la prise en charge par la caisse, de l'accident du travail déclaré, l'employeur fait valoir en substance :

- l'absence de fait soudain constitutif d'un accident du travail, dans un contexte de dégradation lente et progressive de l'état de santé de la salariée liée à des difficultés relationnelles avec ses collègues de travail.

- ainsi que l'absence de lien de causalité établi entre l'affichage d'un dessin décrit à la salariée par un collègue de travail, ou encore l'affichage quelques jours plus tôt du relevé de caisse de la salariée sur son lieu de travail, et le choc psychologique allégué.

La caisse pour sa part relève :

- la coexistence de deux évènements consitutifs d'un fait accidentel à l'origine de l'écroulement physique et psychologique de la salariée le 10 octobre 2019 ;

- les constatations médicales, le jour-même, des lésions résultant dudit fait accidentel.

Il ressort des pièces et des motifs soutenus par les parties que l'accident du travail déclaré est selon les termes de la déclaration établie par l'employeur, de nature psychologique, et selon le certificat médical initial, un 'trouble anxio-dépressif par conflit au travail'.

Les déclarations de la salariée au fil de l'instruction du dossier administratif établissent sans équivoque que Mme [V], au moment de l'accident déclaré, déplorait un contexte de relations de travail tendu avec ses collègues, du fait de sa relation de couple avec un salarié de la même société soupçonné par ces derniers, de la favoriser.

L'employeur, tout en soulignant l'absence d'éléments probants sur ce point, n'en inscrit pas moins le fait accidentel allégué dans le contexte de harcèlement chronique au travail et de dégaradation ancienne de l'état de santé psychologique de la salariée décrit par cette dernière, pour faire valoir que la persistance d'une situation 'potentiellement mal vécue' par la salariée excluait le caractère de soudaineté requis pour caractériser un accident.

Enfin, dans le cadre de l'enquête administrative, une salariée, Mme [G] [Y], a indiqué par courrier avoir vu exposé à la vue de tous à côté de la machine à café, le 25 septembre 2019 au petit matin, un document personnel et confidentiel qui aurait dû se trouver dans le casier fermé de sa collègue (son relevé de caisse), ce qui coroborre l'existence d'un climat délétère au travail.

Puis il ressort des faits relatés par un autre salarié de la société, en la personne de M. [T] [W], dans un premier courrier daté du 10 octobre 2019 soit le jour de l'accident de travail déclaré, qu' 'il y avait sur la machine à café un papier sur Mme [V] [S] la dénigrant (dessin et discrimination),' puis dans une attestion de témoin établie le 29 octobre 2019, qu'il a vu 'un dessin contre Mme [V] [S]' - un 'bonhomme jeune type Mignon où c'est écrit [S] le Matin', qui l'a fait 'rigoler', et qu'il a 'enlevé'.

M. [W] atteste ensuite avoir informé Mme [V], le 10 octobre 20219, sur un temps de formation, qu'il avait vu la veille à 6h15, un dessin moqueur ou dénigrant établissant un lien entre elle et un personnage de dessin animé (un 'Minion').

Il indique que la réaction de Mme [V] à cette annonce a été de fondre en larme et de partir.

Le questionnaire employeur retourné à la caisse corrobore la description donnée par M. [T] [W], à Mme [V], du dessin affiché : 'Nous n'avons pas eu l'affichage (Sic) en main : d'après le collègue interrogé, le dessin serait un 'Minion (comme le dessin animé) et il y aurait noté son prénom et le mot 'matin'. Ce mot fait probablement référence au fait que Mme [V] est du matin très souvent et que cela peut générer des incompréhensions, voire des jalousies de ses collègues.'

Contrairement à ce que soutient la société [5], il est donc certain que Mme [V] était la salariée visée et dans tous les cas il suffit qu'il soit établi que c'est ainsi que le témoin l'a perçu, et l'a relaté à Mme [V] et à l'employeur.

Mme [V] a réagi à la nouvelle par des pleurs soudains et le même jour, a consulté son médecin, lequel a constaté l'existence d'une lésion et établi en conséquence un certificat médical initial d'accident du travail.

Il est totalement indifférent, pour caractériser l'apparition d'un touble anxio-dépressif, c'est-à-dire une pertubation dans l'accomplissement d'une fonction psychique, identifié par un médecin comme constitutif d'un accident de travail, que la salariée n'ait pas vu de ses propres yeux le dessin supposé la caricaturer, ainsi que le souligne pourtant à plusieurs reprises l'employeur au fil de ses écitures. Sur ce dernier point, il sera relevé que si M. [W] indique avoir ri en découvrant le dessin, il n'est pas anodin qu'il l'ai ôté de son support et soustrait à la vue de tous, geste qui trahit le fait qu'il avait perçu une intention malveillante derrière cet affichage.

Cette intention à elle seule pouvait largement suffire à constituer un fait soudain et choquant du point de vue de Mme [V], dans le contexte de tension ressenti sur son lieu de travail dans ses rapports avec ses collègues.

Le fait que l'employeur estime que les faits sont 'ridicules' ou encore que le dessin présentait un caractère 'anodin' voire, avait une 'surtout une connotation humoristique', constitue une appréciation relative à la perception que la salariée aurait dû avoir du dessin litigieux, c'est-à-dire un jugement de valeur, par essence subjectif, dénué de toute pertinence dans l'analyse de la matérialité de la lésion constatée.

Aussi bien, le personnage en question dont l'employeur verse une représentation aux débats, est-il susceptible d'être décrit de manière objective comme 'jaune', 'en forme de gélule', 'chauve avec huit cheveux coiffés sur le sommet du crâne','doté de lunettes épaisses et surdimensionnées' ou encore 'vêtu d'une saloppette bleue'. La connotation humoristique ne pouvait qu'échapper à la personne qu'un personnage ainsi constitué était supposé représenter.

Au contraire, le caractère 'anormal' de l'affichage relevé par la CRA dans ce contexte, loin de constituer une appréciation subjective, est le constat objectif fondé sur le constat de l'employeur selon lequel 'Mme [V] est du matin très souvent et (...) cela peut générer des incompréhensions, voire des jalousies de ses collègues', que sur un lieu de travail quel qu'il soit, la présence d'un affichage malveillant n'est pas conforme au modèle attendu d'un cadre professionnel géré avec soin en considération des risques d'atteinte à la santé mentale des salariés.

Il est en revanche exact que le contexte professionnel dans lequel évoluait Mme [V] était, selon ses déclarations de main-courante du 14 octobre 2019 soulignées par la société [5], qualifiées de difficiles, de longue date, la contraignant à prendre des anti-dépresseurs depuis trois ans, et à s'arrêter pour cause de maladie à plusieurs reprises sur cette période.

En, outre, dans le cadre de l'enquête administrative, une salariée, Mme [G] [Y], a indiqué par courrier avoir vu exposé à la vue de tous à côté de la machine à café, le 25 septembre 2019 au petit matin, un document personnel et confidentiel qui aurait dû se trouver dans le casier fermé de sa collègue (son relevé de caisse). Mme [V] avait été informée de cet incident le 2 octobre 2019.

Pour autant, l'intéressée déclarait dans son questionnaire retourné à la caisse le 23 décembre 2010, qu'au mois de septembre 2019 précédant les faits, elle était en congés d'été et avait repris le travail le 1er octobre 2019, faits impliquant qu'elle n'était pas en arrêt de travail depuis plusieurs semaines à la date du 1er octobre 2019, soit quelques jours avant l'accident de travail déclaré.

Le 2 octobre 2019, elle ne s'est pas arrêtée de travailler, mais elle a au contraire pris une initiative afin de tenter de surmonter la nouvelle difficulté qui s'imposait à elle, en écrivant à son employeur pour demander une mobilité géographique au sein de l'entreprise, signe d'une capacité à se projeter dans la poursuite d'une activité professionnelle au sein de la société ; cette initiative est exclusive d'une dégradation de son état psychologique à cette date.

D'ailleurs, le médecin psychiatre de Mme [V], que la société [5] cite dans ses écritures, corrobore cette analyse en indiquant à son confrère médecin généraliste, le 16 octobre 2019 soit quelques jours après l'accident de travail déclaré :

'J'au revu en urgence Mademoiselle [S] [V] suite à des difficultés décrites survenues dans le cadre du travail.

Comme vous le savez mademoiselle avait déjà vécu des difficultés au travail et avait été satisfaite de changer de dépôt depuis quelques mois.

Sa vie professionnelle était plus sereine. Elle aurait été alertée par des collègues sur des propos et des inscriptions désobligeantes à son égard venant réouvrir les éléments du passé avec exacerbation anxieuse [souligné par la cour].

(...)

Elle est en demande de changement de dépôt pour aller dans un autre lieu à distance de ses anciens collègues de travail. (...)'

Dans son courrier du 16 décembre 2019, le même médecin psychiatre indique à son confrère que l'évolution de sa patiente depuis son courrier du 16 octobre 2019 est 'plus défavorable' avec une 'hypersensibilité émotionnelle l'amenant à un vécu interprétatif à thématique persécutive'.

Cette dégradation de l'état de santé psychique de la salariée accompagnée des symptômes décrits par le médecin psychiatre est donc postérieure à l'accident de travail déclaré du 10 octobre 2019 ; en conséquence, rien n'établit que telle était la situation avant l'accident.

Bien au contraire, le praticien relève que sa patient était 'contente' de son changement de lieu de travail au sein de la société et vivait une vie professionnelle qualifiée de 'plus sereine'.

Dans ce contexte, la 'réouverture' des éléments du passé avec une exacerbation anxieuse présente le caractère de soudaineté et de fait extérieur attendu d'un accident, à l'instar d'un coup de lame donné dans une plaie en cours de cicatrisation.

Il n'est donc pas démontré par l'employeur que l'état de santé psychique de Mme [V] allait se dégradant à la date du 10 octobre 2019 à 8h00 et que le trouble anxio-dépressif diagnostiqué par son médecin le jour même ne constituait pas une lésion nouvelle, indépendante de la maladie pour laquelle elle avait été suivie avant son changement de dépôt par son médecin psychiaitre - lequel évoque bien ce suivi au plus-que-parfait.

La matérialité d'un accident survenu aux temps et lieu du travail est en conséquence de l'ensemble de ces éléments, suffisamment établie.

Il appartient donc à l'employeur de renverser la présomption d'imputabilité de l'acccident à l'activité professionnelle de la salariée en rapportant la preuve qu'il n'a pas été causé par cette activité.

S'agissant de démontrer une absence de lien entre l'accident dont la matérialité est démontrée et l'exercice par la salariée de sa profession, la durée de l'arrêt de travail global postérieurement à l'accident, pourtant soulignée par la société [5], est dénuée de portée.

Des explications de l'employeur lui-même, il ressort clairement qu'en inscrivant l'accident de travail déclaré dans un contexte de harcèlement chronique au travail et de dégradation sur la durée de l'état de santé psychologique de la salariée allégués, il ne fait valoir aucune autre cause à la lésion constatée que celle imputable au contexte professionnel dans lequel exerçait Mme [V].

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident de travail déclaré.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la sociétéTransdev succombant, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné celle-ci aux dépens de première instance, et pour le même mofif, de la condamner aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 24 octobre 2022, sauf à dire que la décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime Mme [S] [V] le 10 octobre 2019, émane de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et non de la caisse de mutualité sociale agricole Nord Pas-de-Calais ;

Y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05479
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;22.05479 ?
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