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13/06/2024 | FRANCE | N°22/05359

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 13 juin 2024, 22/05359


ARRET







S.A.S. [5] FRANCE





C/



CPAM DU VAL D'OISE













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 13 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/05359 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IT5N - N° registre 1ère instance : 21/01546



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 14 NOVEMBRE 2022





PARTIES EN CAUSE

:





APPELANTE





S.A.S. [5] FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Me Agathe BEAUCHEMIN-KRZYKAL...

ARRET

S.A.S. [5] FRANCE

C/

CPAM DU VAL D'OISE

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 13 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/05359 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IT5N - N° registre 1ère instance : 21/01546

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 14 NOVEMBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. [5] FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Agathe BEAUCHEMIN-KRZYKALA, avocat au barreau de LILLE, substituant Me Louis VANEECLOO de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEE

CPAM du Val d'Oise

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme [C] [R], munie d'un pouvoir régulier

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Mars 2024 devant M. Pascal HAMON, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

Le 2 novembre 2020, Mme [Y] [J], salariée de la société [5] en qualité d'esthéticienne, a établi une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'un syndrome du canal carpien bilatéral documentée par un certificat médical initial en date du 15 octobre 2020.

Après instruction de la demande concernant le syndrome du canal carpien droit au titre du tableau 57C des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie (la CPAM ou la caisse) du Val d'Oise, a notifié à la société [5] par courrier du 2 mars 2021 une décision de prise en charge de la maladie de Mme [J] au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société [5] France a exercé un recours contre cette décision devant la commission de recours amiable, puis suite au rejet implicite de sa contestation, devant le tribunal judiciaire de Lille, pôle social.

Par jugement en date du 14 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré opposable à la société [5] France la décision de la CPAM du Val d'Oise du 2 mars 2021 relative à la prise en charge de la maladie professionnelle (canal carpien droit) déclarée le 9 novembre 2020 par Mme [Y] [J],

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [5] France aux dépens de l'instance.

Cette décision a été notifiée à la société [5] France le 18 novembre 2022, qui en a relevé appel le 7 décembre 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 mars 2024.

Par conclusions, parvenues au greffe le 3 mars 2023 et soutenues oralement à l'audience, la société [5] France demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 14 novembre 2022,

- déclarer inopposable la décision de la CPAM du Val d'Oise à son égard,

- condamner la CPAM du Val d'Oise au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant du respect du contradictoire, elle fait valoir que la CPAM ne lui a pas transmis de courrier l'informant de la transmission par Mme [J] d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour un syndrome du canal carpien droit et qu'il en est de même pour les codes d'accès lui permettant de compléter le questionnaire employeur et de consulter les pièces du dossier constitué par la caisse et ce, malgré une relance par courrier le 24 décembre 2020.

S'agissant de l'exposition au risque, la société [5] France soutient que si elle ne conteste pas la présence des mouvements mentionnées au tableau 57C dans les fonctions de Mme [J], ces mouvements n'étaient ni répétés, ni prolongés.

Enfin, elle ajoute que l'exposition au risque est particulièrement atténuée par la polyvalence des missions confiées à la salariée du fait de l'intégration des fonctions de vendeuses dans ses tâches depuis le 2 mars 2020.

Par conclusions, visées le 4 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM du Val d'Oise demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 14 novembre 2022,

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses conclusions, fins et demandes.

S'agissant du respect du principe du contradictoire, elle soulève avoir informé l'employeur par le biais du courrier du 23 novembre 2020 réceptionné par l'employeur le 25 novembre 2020, de la mise à disposition du questionnaire employeur, de la possibilité de consulter les pièces des dossiers, des dates pour ce faire ainsi que de la possibilité de se rendre en point d'accueil en cas de difficulté pour créer son compte.

Elle indique également avoir informé la société [5] de la prise en charge de la maladie déclarée le 2 mars 2021 et ajoute que le changement du numéro de sinistre en cours d'instance a un caractère purement administratif sans incidence sur le respect du contradictoire.

S'agissant de l'exposition au risque, la caisse soutient que la salariée effectuait des mouvements répétés de flexion-extension du poignet lors de travaux de massage et d'épilation durant de nombreuses années avant son aménagement de poste.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

*Sur le respect du principe du contradictoire

Sur l'absence de transmission du courrier informant l'employeur du début des investigations

L'article R. 461-9 du code de la sécurité sociale dispose « I.-La caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L. 461-1.

Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l'article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.

La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu'au médecin du travail compétent.

II.-La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.

La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.

III.-A l'issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l'article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l'employeur disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

En l'espèce, l'employeur soutient que la caisse ne l'aurait pas informé du début des investigations concernant le syndrome du canal carpien droit et conteste avoir réceptionné le courrier du 23 novembre 2020.

Toutefois, la CPAM produit un accusé de réception signé par la société [5] France Distribution le 25 novembre 2020 et portant la référence 2C 165 245 6799 8, identique à celle figurant sur le courrier de transmission de la déclaration de maladie professionnelle du 23 novembre 2020.

Ce courrier indique clairement « cette déclaration nous est parvenue, accompagnée du certificat médical indiquant canal carpien droit, le 9 novembre 2020 ».

Ainsi, la cour constate que l'employeur a parfaitement été informé d'une part, du début des investigations concernant cette pathologie et, d'autre part, des délais qui lui étaient laissés pour compléter le questionnaire et compléter les pièces du dossier.

La société [5] France sera donc déboutée de sa demande d'inopposabilité de ce chef.

Sur l'impossibilité d'accéder au questionnaire et au dossier d'instruction

L'employeur soutient avoir informé par courrier du 24 décembre 2020 la CPAM de la non réception du code de déblocage lui permettant de se connecter à l'applicatif QRP et ne pas avoir reçu de réponse concernant cette difficulté.

Pour justifier de cette transmission, la société [5] France produit une preuve de dépôt daté du 24 décembre 2020.

Toutefois, cette pièce ne permet pas de démontrer que la CPAM a bien accusé réception de cette demande de sorte qu'il n'est pas démontré que la caisse aurait été informé des supposées difficultés rencontrées par l'employeur.

Ainsi la caisse qui a informé l'employeur par le biais du courrier du 23 novembre 2020 de la mise à disposition du questionnaire employeur, ainsi que de la possibilité de consulter les pièces des dossiers et des dates pour ce faire a mené la procédure d'instruction dans le respect du principe du contradictoire.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée

En application des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

L'article L. 461-2 du même code dispose : « A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau. »

Aux termes de l'article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.

En l'espèce, la pathologie déclarée par M. [J] a été instruite par la caisse au titre du tableau 57C des maladies professionnelles.

Au jour de la déclaration de cette maladie professionnelle, ce tableau prévoit les conditions cumulatives suivantes :

- une désignation de la maladie suivante : poignet ' main et doigt : « syndrome du canal carpien » ;

- un délai de prise en charge de la maladie (délai maximal entre la cessation de l'exposition au risque, et la première constatation médicale) : trente jours ;

- une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : « Travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main. »

Seule la condition tenant à la liste limitative des travaux est discutée par les parties.

La société [5] indique ne pas contester que Mme [J] effectuait les mouvements mentionnés au tableau 57C dans le cadre de son activité d'esthéticienne mais soutient qu'ils n'étaient ni répétés, ni prolongés. Elle ajoute que la pluralité des missions confiées à la salariée du fait de son statut de vendeuse/esthéticienne était de nature à atténuer les risques de développer un syndrome du canal carpien.

La cour constate toutefois, comme l'ont rappelé les premiers juges, que la date de première constatation médicale est intervenue antérieurement à l'aménagement du poste de Mme [J] en date du 2 mars 2020, période à laquelle l'assurée exerçait exclusivement des tâches d'esthéticienne.

En outre, le médecin du travail a rendu le 27 février 2020 un avis d'aptitude avec les restrictions suivantes : « reprise du poste en n'effectuant plus de massage et en ne travaillant pas plus de 4 heures par jour en cabine. »

Il convient également de constater que l'agent enquêteur de la caisse, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire, retient dans la synthèse de son enquête que Mme [J] exerçait des « travaux comportant des mouvements répétés de flexion/extension du poignet lors de travaux de massage, épilation, etc' »

Enfin, la fiche de poste produite par l'employeur n'apporte aucune précision quant à l'intensité ou la récurrence de l'utilisation du poignet ou de la main dans le cadre des fonctions d'esthéticienne.

Dès lors, les éléments portés à la connaissance de la cour sont de nature à démontrer que Mme [J] a bien été exposée à des mouvements répétés d'extension du poignet et de pression répétée sur le talon de main.

Ainsi, les conditions requises par le tableau 57C des maladies professionnelles sont donc remplies et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société [5] France, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société [5] France aux dépens,

Déboute la société [5] France de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05359
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.05359 ?
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