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13/06/2024 | FRANCE | N°22/05335

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 13 juin 2024, 22/05335


ARRET







Caisse LA CIPAV





C/



[O]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 13 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/05335 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IT4A - N° registre 1ère instance : 21/00307



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (POLE SOCIAL) EN DATE DU 21 NOVEMBRE 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





La CIPAV

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]





Représentée par Me Pascal PERDU, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Malaur...

ARRET

Caisse LA CIPAV

C/

[O]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 13 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/05335 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IT4A - N° registre 1ère instance : 21/00307

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (POLE SOCIAL) EN DATE DU 21 NOVEMBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La CIPAV

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascal PERDU, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [N] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Mars 2024 devant M. Pascal HAMON, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

M. [O] a été affilié à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV) sous le statut d'auto-entrepreneur à compter de l'année 2009 en raison de son activité de formateur.

Il a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV d'une contestation du relevé de situation individuelle qui lui avait été communiqué s'agissant des points de retraite attribués, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Douai, lequel a, par jugement en date du 21 novembre 2022 :

- déclaré recevable le recours de M. [N] [O],

- condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par M. [N] [O] sur la période 2009 à 2020, selon le détail suivant :

- 40 points en 2009 ;

- 40 points en 2010 ;

- 40 points en 2011 ;

- 40 points en 2012 ;

- 36 points en 2013 ;

- 72 points en 2014 ;

- 72 points en 2015 ;

- 72 points en 2016 ;

- 72 points en 2017 ;

- 72 points en 2018 ;

- 72 points en 2019 ;

- 72 points en 2020 ;

- condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par M. [N] [O] sur la période 2009-2020, selon le détail suivant :

- 164,6 points en 2009 ;

- 410,3 points en 2010 ;

- 408,9 points en 2011 ;

- 445,3 points en 2012 ;

- 448,8 points en 2013 ;

- 446,2 points en 2014 ;

- 426,5 points en 2015 ;

- 449,5 points en 2016 ;

- 445,4 points en 2017 ;

- 456,1 points en 2018 ;

- 424,5 points en 2019 ;

- 417,3 points en 2020 ;

- condamné la CIPAV à transmettre à M. [N] [O] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme aux points jugés ci-dessus dans le délai d'un mois à compter de la notification de cette décision,

- débouté M. [O] de sa demande d'astreinte,

- débouté M. [O] de sa demande en paiement de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamné la CIPAV à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la CIPAV de sa demande en paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la CIPAV aux dépens.

Cette décision a été notifiée à la CIPAV le 30 novembre 2022, qui en a relevé appel le 6 décembre 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 mars 2024.

Par conclusions, visées le 14 février 2024 et auxquelles elle s'est rapportée à l'audience, la CIPAV demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 21 novembre 2022,

A titre principal,

- déclarer irrecevable le recours formé par M. [N] [O],

A titre subsidiaire,

- juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de M. [N] [O],

- attribuer à M. [N] [O] les points de retraite de base suivants :

- 108,7 points de retraite de base en 2009 ;

- 270,8 points de retraite de base en 2010 ;

- 269,9 points de retraite de base en 2011 ;

- 293,9 points de retraite de base en 2012 ;

- 296,3 points de retraite de base en 2013 ;

- 294,5 points de retraite de base en 2014 ;

- 281,5 points de retraite de base en 2015 ;

- 312,5 points de retraite de base en 2016 ;

- 304 points de retraite de base en 2017 ;

- 304,4 points de retraite de base en 2018 ;

- 283,5 points de retraite de base en 2019 ;

- 278,5 points de retraite de base en 2020 ;

- attribuer à M. [N] [O] les points de retraite complémentaire suivants :

- 10 points de retraite complémentaire en 2009 ;

- 10 points de retraite complémentaire en 2010 ;

- 10 points de retraite complémentaire en 2011 ;

- 10 points de retraite complémentaire en 2012 ;

- 18 points de retraite complémentaire en 2013 ;

- 27 points de retraite complémentaire en 2014 ;

- 27 points de retraite complémentaire en 2015 ;

- 44 points de retraite complémentaire en 2016 ;

- 42 points de retraite complémentaire en 2017 ;

- 41 points de retraite complémentaire en 2018 ;

- 38 points de retraite complémentaire en 2019 ;

- 37 points de retraite complémentaire en 2020 ;

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [O] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.

S'agissant de l'irrecevabilité du recours formée par M. [O], elle fait valoir que le relevé de situation individuelle dont ce dernier se prévaut n'est pas une décision de la caisse et qu'aucune demande préalable n'a été formée auprès d'elle avant la saisine de la commission de recours amiable puis du tribunal judiciaire. Elle ajoute que le relevé de situation contesté mentionne son caractère indicatif et provisoire, de sorte qu'il ne cause aucun grief.

Concernant l'assiette des revenus à prendre en compte pour le calcul des points retraite, elle soutient qu'avant 2016 le bénéfice non commercial constituait l'assiette de cotisations.

Elle détaille ensuite le calcul des points retraite de base et complémentaire pour les années 2009 à 2020, avant de préciser que ses statuts, qui s'appliquent à tous ses assurés, ainsi que la compensation du régime par l'Etat avant 2016 justifient que soit appliqué un principe de proportionnalité pour s'assurer que le cotisant s'acquitte de cotisations au moins égales à la plus faible cotisation non nulle dont ils pourraient être redevables.

Enfin, elle soulève que M. [O] n'apporte pas la preuve ni d'une faute, ni d'un dommage qu'aurait causé le refus de procéder à un recalcul des points retraites.

Par conclusions, parvenues au greffe le 21 août 2023 et auxquelles il s'est rapporté à l'audience, M. [N] [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Douai du 21 novembre 2022, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande en réparation du préjudice moral,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de l'appel abusif,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il fait valoir que la recevabilité d'une contestation du contenu du relevé de situation individuelle à une date antérieure à la liquidation des droits est reconnue par le Cour de cassation. La CIPAV ne peut valablement reprocher à ses adhérents de contester devant la commission de recours amiable le relevé de situation individuelle téléchargé sur le site « info retraite », dès lors qu'elle les oriente elle-même vers ce site. Il dispose d'un intérêt à agir sur la comptabilisation de ses droits à la retraite, puisqu'il a réglé ses cotisations.

Il expose également que la CIPAV, membre du groupement d'intérêt public Info Retraite, participe à la décision que constitue le relevé de situation individuelle.

S'agissant de la revalorisation des points de retraite complémentaire, il soulève que la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux prévues par les différentes classes viole les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979, qui prime sur les statuts de la CIPAV.

De plus, il indique que le revenu de référence à retenir pour le calcul des points retraite de base et complémentaire est le chiffre d'affaires, sans qu'il y ait lieu de procéder à un battement fiscal.

Il note ensuite que si les parties s'accordent sur la formule de calcul de point de retraite de base, l'abattement de 34% opéré sur le chiffre d'affaires par la CIPAV conduit à une minoration des points de retraite de base attribués.

Enfin, il soutient que le stress provoqué par le sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits et l'appel abusif de la CIPAV justifie l'indemnisation de son préjudice moral.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Sur la recevabilité du recours

Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisine de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l'intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.

Il est constant que le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants des cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l'assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé.

En l'espèce, le relevé de situation individuelle de M. [O] édité le 4 juin 2021 fait mention de points acquis au titre du régime de retraite de base et du régime de retraite complémentaire pour les années 2009 à 2020. Le cotisant contestant le nombre de points attribué a saisi, à cet effet, la commission de recours amiable de la caisse le 9 août 2021 puis le tribunal judiciaire de Douai.

Il s'ensuit que les mentions figurant sur le relevé de situation individuelle procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite de l'assuré et que M. [O] était donc recevable à les contester, devant la commission de recours amiable de l'organisme, puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale.

En outre, il importe peu que les données se trouvant sur le relevé de situation individuelle présentent « un caractère indicatif et provisoire », lequel a pour seule conséquence de préserver la faculté pour l'organisme de sécurité sociale de rectifier les indications y figurant.

Ainsi le recours de M. [O] est donc recevable et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le fond

Sur le calcul des points retraite de base

Il résulte de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale précité (devenu l'article L. 613-7), dans ses rédactions successivement applicables au litige, que les cotisations et contributions de sécurité sociale des auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent, un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles.

En l'espèce, les parties ne s'opposent pas sur la formule de calcul pour les années 2009 à 2015 mais sur l'assiette de revenu à prendre à compte.

En effet, la CIPAV pratique sur le chiffre d'affaires un abattement de 34 % et le cotisant soutenant qu'elle devait retenir le chiffre d'affaires déclaré.

Les dispositions précitées se réfèrent expressément au chiffre d'affaires ou aux recettes effectivement réalisées, soit aux recettes brutes. L'assiette prise en compte par la CIPAV, qui procède à un abattement de 34 % sur le chiffre d'affaires, conduit à minorer le revenu d'activité, et par conséquent, le nombre de points susceptibles d'être fixés au titre du régime d'assurance vieillesse de base.

Le calcul doit tenir compte de la valeur du point :

- en 2009 un point pour 64,80 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 423,78 euros de revenus en tranche II,

- en 2010 un point pour 65,39 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 436,73 euros de revenus en tranche II,

- en 2011 un point pour 66,77 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 467,11 euros de revenus en tranche II,

- en 2012 un point pour 68,70 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 509,44 euros de revenus en tranche II,

- en 2013 un point pour 69,94 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 536,83 euros de revenus en tranche II,

- en 2014 un point pour 70,92 euros de revenus en tranche I et un point pour 1 558,25 euros de revenus en tranche II,

- en 2015 un point pour 72,45 euros de revenus en tranche I et un point pour 7 608 euros de revenus en tranche II.

Par conséquent, l'assiette des droits à retraite de base doit être le chiffre d'affaires déclaré par l'assuré et non un bénéfice non commercial reconstitué après déduction de 34 %.

Il ressort de ces considérations que la CIPAV n'était pas fondée à faire application d'un abattement forfaitaire de 34 % sur ces périodes.

S'agissant des années 2016 à 2020, les parties ne se réfèrent plus la même valeur du point puisque M. [O] retient :

- en 2016 un point pour 73, 55 euros de revenus en tranche I et un point pour 7 723,20 euros de revenus en tranche II ;

- en 2017 : un point pour 74,72 euros de revenus en tranche I et un point pour 7 845,60 euros de revenus en tranche II ;

- en 2018 : un point pour 75,68 euros de revenus en tranche I et un point pour 7 946,40 euros de revenus en tranche II ;

- en 2019 : un point pour 77,18 euros de revenus en tranche I et un point pour 8 104,80 euros de revenus en tranche II ;

- en 2020 : un point pour 78,35 euros de revenus en tranche I et un point pour 8 227,20 euros de revenus en tranche II.

Alors que la CIPAV retient :

- en 2016 un point pour 6, 05 euros de cotisation en tranche I et un point pour 144,42 euros de cotisation en tranche II ;

- en 2017 : un point pour 6, 15 euros de cotisation en tranche I et un point pour 146,72 euros de cotisation en tranche II ;

- en 2018 : un point pour 6, 23 euros de cotisation en tranche I et un point pour 148,60 euros de cotisation en tranche II ;

- en 2019 : un point pour 6,35 euros de revenus en tranche I et un point pour 151,56 euros de revenus en tranche II ;

- en 2020 : un point pour 6,45 euros de revenus en tranche I et un point pour 153,85 euros de revenus en tranche II.

En effet, à compter de 2016 la CIPAV n'opère plus d'abattement de 34 % sur le chiffre d'affaires de l'auto-entrepreneur mais change de mode de calcul du nombre de points, en prenant pour base le montant des cotisations qui lui ont été effectivement versées par application du forfait social.

Elle n'en a pas explicité dans ses écritures les motifs mais se fonde implicitement sur les dispositions de l'article D. 643-1 du code de la sécurité sociale applicable à l'assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales selon lequel :

« Le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1° de l'article D. 642-3 (plafond annuel de la sécurité sociale au 1er janvier de l'année considérée) ouvre droit à l'attribution de 525 points de retraite.

Le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de la tranche des revenus définie au 2° de l'article D. 642-3 ( cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale) ouvre droit à l'attribution de 25 points de retraite.

Le nombre de points acquis est calculé au prorata des cotisations acquittées sur chacune des tranches de revenus définies à l'article D. 642-3, arrondi à la décimale la plus proche. »

L'article D. 642-3 du même code précisant que :

« Le taux de cotisation prévu au sixième alinéa de l'article L. 642-1 est égal :

1° A 8,23 % sur les revenus définis aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 pour la part de ces revenus n'excédant pas le plafond annuel prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3 ;

2° A 1,87 % sur les revenus définis aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 pour la part de ces revenus n'excédant pas cinq fois le plafond annuel prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3. »

Appliqué à l'année 2016 pour lequel le plafond annuel de la sécurité sociale était de 38 616 euros, le montant maximum de la cotisation en tranche I s'établit à 38 616 euros x 8,23 % = 3 178 euros donnant droit à 525 points de retraite de base.

Le calcul est similaire pour la tranche II du régime de retraite de base correspondant à 5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (38 616 euros x 5 = 193 080 euros) pour laquelle la cotisation maximale s'établit à 193 080 euros x 1,87 % = 3 611 euros correspondant à 25 points.

La CIPAV considère qu'un point de retraite de base en tranche I correspond à 3 178 euros/525 soit 6,05 euros de cotisations versées et en tranche II à 3 611 euros/25 = 144,42 euros de cotisations versées.

Elle estime donc que les points de retraite de base d'un auto-entrepreneur doivent être attribués au prorata des cotisations versées à la CIPAV découlant du forfait social.

Ainsi pour l'année 2016, M. [O] a déclaré un chiffre d'affaires de 32 753euros soit un montant forfaitaire de cotisations de 22,90 % x 32 753 euros = 7 500,44 euros réparti entre les divers organismes sociaux dont relève l'auto-entrepreneur et, pour ce qui concerne la CIPAV :

- à concurrence de 25 % pour la cotisation d'assurance vieillesse de base tranche 1 soit 7 500,44 euros x 25 % = 1 875,11 euros ;

- à concurrence de 5 % pour la cotisation d'assurance vieillesse de base tranche 2 soit 7 500,44 euros x 5 % = 375,02 euros.

Rapporté à la valeur du point selon son calcul et aux cotisations qu'elle a effectivement perçues, la CIPAV soutient donc que pour l'année 2016, il doit être attribué à M. [O] au titre de la retraite de base :

- en tranche I : 1 875,11 euros (cotisations perçues) / 6,05 euros (valeur du point) = 309,9 points;

- en tranche II : 375,02 euros (cotisations perçues) / 144,42 euros (valeur du point) = 2,6 points.

La méthodologie adoptée par la CIPAV est la même pour les années suivantes.

Elle est cependant contraire aux dispositions de l'article L. 133-6-8 devenu L. 613-7 du code de la sécurité sociale selon lesquelles :

« Les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles, de manière à garantir, pour des montants de chiffre d'affaires ou de recettes déterminés par décret pour chacune de ces catégories, un niveau équivalent entre le taux effectif global des cotisations et des contributions sociales versées, d'une part, par ces travailleurs indépendants et, d'autre part, par ceux ne relevant pas des dispositions du présent article (...). »

M. [O] soutient donc à bon droit que pour garantir aux auto-entrepreneurs un niveau de droits équivalents aux autres travailleurs indépendants, le nombre de points retraite qui leur est attribué au titre du régime de base doit être calculé à partir de leur chiffre d'affaires et non du montant du forfait social prélevé sur ce chiffre d'affaires, soit pour l'année 2016 un montant de 32 753 euros de chiffre d'affaires.

Dès lors comme indiqué précédemment 38 616 euros de chiffre d'affaires (montant du plafond annuel de la sécurité sociale 2016) correspondent à 525 points de retraite de base en tranche I et 193 080 euros (cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale) à 25 points en tranche II, la valeur du point rapporté au chiffre d'affaires en 2016 s'établit à :

- 38 616 euros / 525 = 73,55 euros pour le point de retraite de base tranche I ;

- 193 080 euros / 25 = 7 723,20 euros pour le point de retraite de base tranche II.

Appliqué au chiffre d'affaires 2016 réalisé par M. [O], il est en droit de se voir reconnaître :

- 32 753 euros / 73,55 euros = 445,3 points de retraite de base tranche I ;

- 32 753 euros / 7 723,20 euros = 4,2 points de retraite de base tranche II ;

- total (arrondi au dixième de point) : 449,5 points.

Le calcul étant identique pour les années suivantes.

Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur le calcul des points retraite complémentaire

La pension de retraite complémentaire est une pension en points versée à l'affilié qui est à jour de ses cotisations obligatoires auprès de sa section. Le montant de la pension est égal au nombre de points porté au compte de l'affilié, multiplié par la valeur du point, fixé chaque année par le conseil d'administration de chaque section.

Aux termes des dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979, le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l'article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations déterminées en fonction du revenu d'activité de l'intéressé, auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de l'organisme.

Le nombre de classes a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013. A chaque classe de cotisation, correspond un montant de cotisations et un nombre de points de retraite. Ce nombre est fixé pour la première des classes (classe A) à 40 points par année pour les années 2009 à 2012 et à 36 points par année à compter de 2013.

Il est constant que les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV.

Il en découle que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié en fonction de son revenu d'activité, étant précisé que la cotisation s'exprime sous la forme d'un montant fixe (et non d'un pourcentage) dû par l'assuré dont le revenu, déterminé selon les règles d'assiette appropriées, est compris entre les bornes de la classe de cotisation dont celui-ci le fait relever.

S'agissant de l'assiette des cotisations, il résulte de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, précédemment cité, dans ses rédactions successivement applicables au litige, que les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent, un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable pour les points de retraite acquis au titre des années 2013 à 2015, l'article L. 133-6-8 indique que ce taux est fixé de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.

Il découle des dispositions qui précèdent que la CIPAV n'est pas fondée à s'appuyer comme elle le fait sur le mécanisme de la compensation financière de l'Etat pour calculer les droits de l'assuré. Elle se prévaut à tort des articles L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale fixant les modalités de la compensation par l'Etat du manque à recouvrer par les organismes sociaux et prévoyant que le montant de cette compensation est égal à la différence entre d'une part le montant des cotisations et contributions dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l'année civile, d'autre part, le montant des cotisations et contributions calculées en application de l'article L. 133-6-8 versées par les intéressés. Elle vise également le dernier alinéa de l'article R. 133-10-10 selon lequel cette compensation doit garantir au régime une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont les travailleurs indépendants affiliés à la CIPAV pourraient être redevables en fonction de leur activité.

Toutefois, ces règles de compensation n'intéressent que les rapports entre l'Etat et l'organisme et sont étrangères aux relations organisme/affiliés. Elles sont donc sans incidence sur la détermination des droits à pension des assurés régie par le seul article 2 du décret du 21 mars 1979 susvisé.

La CIPAV ne peut davantage se référer au bénéfice non commercial déclaré par l'auto-entrepreneur correspondant au bénéfice imposable de l'article 102 ter du code général des impôts après application d'un abattement forfaitaire de 34 %, au lieu du chiffre d'affaires, pour déterminer, à la baisse, le revenu d'activité, et par conséquent, la classe de cotisation de l'affilié dont dépend l'attribution des points de retraite.

M. [O] revendique donc à juste titre qu'il soit tenu compte de son chiffre d'affaires pour déterminer la classe de cotisation, sans appliquer d'abattement.

Entre 2009 et 2012, le seuil de la classe 1 était compris entre 40 605 euros et 40 050 euros. Le revenu de M. [O] étant inférieur à ces seuils sur cette période, il relevait donc de la classe 1 des revenus et il devait donc lui être attribué au titre de la retraite complémentaire 40 points par année.

En 2013, le seuil de la classe A sera fixé à 41 050 euros, et le revenu de M. [O] étant inférieur à celui-ci, il devait donc lui être attribué 36 points supplémentaires.

Puis à partir de 2014, le seuil sera fixé à 26 580 euros pour la classe A, la classe B étant comprise entre 26 580 et 49 280. Dès lors, il devait lui être attribué au titre de la retraite complémentaire, en considération de ses revenus, 72 points en 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour être accordée, la réparation suppose que soit démontrés une faute, un préjudice et un lien entre ces derniers, étant précisé que le préjudice doit être certain et non hypothétique.

En l'espèce, il ne résulte pas de la procédure que la CIPAV ait commis une faute de nature à justifier une indemnisation au profit de M. [O].

En tout état de cause, M. [O] ne démontre ni la réalité de son préjudice, qu'il chiffre à 3 000 euros, ni le lien direct entre son supposé préjudice et la faute alléguée de l'organisme.

Dès lors, M. [O] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

De plus, la demande en appel de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant d'un appel abusif, préjudice non démontré, sera également rejetée.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La CIPAV, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Sur les frais irrépétibles

La CIPAV, qui succombe, sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de M. [O] à lui payer les frais irrépétibles qu'elle a exposés et sera condamnée à lui payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [O] de sa demande en paiement de la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice,

Déboute M. [O] de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros en réparation de l'appel abusif,

Condamne la CIPAV aux dépens,

Déboute la CIPAV de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne la CIPAV à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05335
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.05335 ?
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