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11/06/2024 | FRANCE | N°23/05159

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 juin 2024, 23/05159


ARRET







S.A.S. VALEO EMBRAYAGES





C/



Syndicat CGT VALEO EMBRAYAGES [Localité 2]



























































copie exécutoire

le 11 juin 2024

à

Me Angotti

Me Abdesmed

CB/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 JU

IN 2024



*************************************************************

N° RG 23/05159 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I6KI



ORDONNANCE DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 07 DECEMBRE 2023 (référence dossier N° RG R 23/00060)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. VALEO EMBRAYAGES agissant poursuites et diligences de son ...

ARRET

S.A.S. VALEO EMBRAYAGES

C/

Syndicat CGT VALEO EMBRAYAGES [Localité 2]

copie exécutoire

le 11 juin 2024

à

Me Angotti

Me Abdesmed

CB/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/05159 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I6KI

ORDONNANCE DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 07 DECEMBRE 2023 (référence dossier N° RG R 23/00060)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. VALEO EMBRAYAGES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, postulant et substituée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS,

Concluant et plaidant par Me Olivier ANGOTTI de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Amandine MOULLE-BERTEAUX de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

Syndicat CGT VALEO EMBRAYAGES [Localité 2] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Sonia ABDESMED de la SELARL LAMARCK AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Nahéma KAMEL-BRIK de la SELARL LAMARCK AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 11 avril 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 11 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 juin 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

En janvier 2023, la société Valéo embrayages, ci-après dénommée la société ou l'employeur a eu communication de nombreux éléments laissant penser que de la drogue circulait au sein de l'usine.

Le 10 octobre 2023, l'employeur a mis en place une campagne de dépistage de drogue.

Le 12 octobre 2023, le CSE a averti l'employeur d'un « danger grave et imminent ». Par ailleurs, les élus du CSE ont averti la société que cette campagne de tests était devenue « généralisée et permanente » et que des tests étaient effectués « dans des conditions jugées abusives ».

Par courrier du 12 octobre 2023, le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] a également alerté l'employeur.

Par acte du 30 octobre 2023, le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes d'Amiens, afin qu'il ordonne à la société Valéo embrayages de cesser les tests de dépistage de drogue effectués auprès des salariés de la société.

Par ordonnance de référé du 7 décembre 2023, le conseil  :

- s'est déclaré compétent matériellement pour connaître du litige opposant le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] à la société Valéo embrayages ;

- a dit et jugé le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] recevable et bien fondé en ses demandes ;

- a ordonné à la société Valéo embrayages de cesser et faire cesser la campagne de dépistage mise en place depuis le 10 octobre 2023, et plus particulièrement de faire cesser les tests de dépistage de drogues sur le fondement du règlement intérieur qui n'était pas opposable et causant un trouble manifestement illicite;

- a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- a condamné la société Valéo embrayages à verser à titre de provision au syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a rejeté le surplus des demandes ;

- a laissé les dépens de la procédure à la charge de la société Valéo embrayages.

La société Valéo embrayages, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mars 2024, demande à la cour de :

* infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

-déclaré le conseil de prud'hommes statuant en référé compétent matériellement pour connaître du litige l'opposant au syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] ;

- dit et jugé le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] recevable et bien fondé en ses demandes ;

- lui a ordonné de cesser et faire cesser la campagne de dépistage mise en place depuis le 10 octobre 2023, et plus particulièrement de faire cesser les tests de dépistage de drogues sur le fondement du règlement intérieur qui n'était pas opposable et causant un trouble manifestement illicite;

- l'a condamnée à verser à titre de provision au syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens de la procédure à la charge de la société Valéo embrayages ;

* confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

- rejeté le surplus des demandes ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.

Statuant à nouveau,

In limine litis,

* déclarer incompétent le conseil de prud'hommes d'Amiens au profit du tribunal judiciaire d'Amiens.

En conséquence,

* renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire d'Amiens à qui il appartiendra de convoquer les parties ou fixer une date d'audience.

A titre subsidiaire,

* dire qu'il n'y a pas lieu à référé.

A titre infiniment subsidiaire,

* dire qu'elle n'a commis aucune erreur dans la réalisation des tests de dépistage de drogue ;

* déclarer le règlement intérieur opposable et ne causant pas un trouble manifestement illicite.

En conséquence,

* débouter le syndicat CGT Valéoembrayages [Localité 2] de l'intégralité de ses demandes ;

* condamnerle syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] aux entiers dépens.

Le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 mars 2024, demande à la cour de :

* dire et juger la société Valéo embrayages [Localité 2] mal fondée en son appel.

En conséquence,

* confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré le conseil de prud'hommes statuant en référé compétent matériellement pour connaître du litige l'opposant à la société Valéo embrayages ;

- l'a dit et jugé recevable et bien fondé en ses demandes ;

- ordonné à la société Valéo embrayages de cesser et faire cesser la campagne de dépistage mise en place depuis le 10 octobre 2023, et plus particulièrement de faire cesser les tests de dépistage de drogues sur le fondement du règlement intérieur qui n'était pas opposable et causant un trouble manifestement illicite ;

- condamné la société Valéo embrayages à lui verser à titre de provision la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Valéo embrayages aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 11 avril 2024.

MOTIFS

Sur la compétence prud'homale

La société conteste la compétence matérielle de la juridiction prud'homale au profit du tribunal judiciaire soutenant que le litige ne porte pas sur un contrat de travail de droit privé en lien avec le travail et revêtant un caractère individuel exposant que l'intérêt collectif de la profession ne se confond ni avec l'intérêt général ni avec l'intérêt du salarié, que la demande ne peut se fonder sur une action en substitution de l'action individuelle d'un salarié car ne vise que certaines hypothèses non applicables en l'espèce et que la demande ne revêt pas un caractère individuel ; qu'en l'espèce il n'est pas établi que le salarié M. [V] ait été informé de l'action engagée par le syndicat.

Le syndicat réplique qu'il exerce l'action dans le cadre du droit de substitution car le trouble est né à l'occasion du contrat de travail de M. [V] qui a été licencié et qu'il l'a mandaté pour agir, que la jurisprudence exige simplement que le droit individuel invoqué soit un de ceux que le syndicat soit habilité à défendre ; qu'en outre la défense de l'intérêt collectif de la profession peut aussi se recouper avec les litiges individuels, qu'il peut agir pour demander à mettre fin à un dispositif irrégulier, la seule limite étant de demander la régularisation dela situation individuelle de salariés.

Sur ce

L'article L. 2132-3 du code du travail édicte que les syndicats professionnels peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

L'action dans l'intérêt collectif de la profession est recevable du seul fait qu'elle repose sur une violation d'une règle d'ordre public social destinée à protéger les salariés. La circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise sont concernés par cette violation est sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.

La présence d'un intérêt individuel dans le litige n'est toutefois pas totalement exclue. Il se peut même que l'intérêt collectif ne soit lésé qu'à travers un ou plusieurs intérêts individuels ; mais alors il faut que le préjudice porté aux victimes soulève une question de principe ou de portée générale.

Un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard des dispositions légales, règlementaires ou conventionnelles et solliciter qu'il soit enjoint à l'employeur de faire cesser pour l'avenir l'irrégularité constatée. La seule limite est que le syndicat ne peut solliciter la condamnation de l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés par cette irrégularité.

Il n'est pas sollicité la suspension ou l'annulation du règlement intérieur auquel cas le tribunal judiciaire serait compétent. Le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] sollicite de faire cesser les tests de dépistage de drogues sur le fondement du règlement intérieur qu'il estime non opposable et causant un trouble manifestement illicite et constituant donc une irrégularité. La juridiction prud'homale est donc compétente pour trancher cette question.

L'ordonnance sera confirmée sur la compétence juridictionnelle.

Sur la compétence de la formation de référé

La société prétend que la formation de référés n'est pas compétente pour trancher le litige car elle est le juge de l'évidence et de l'urgence, qu'en cas de contestation sérieuse il est nécessaire qu'il n'y ait aucune discussion juridique sur le point litigieux et qu'en l'absence d'évidence du trouble illicite invoqué le référé n'est pas fondé.

Le syndicat rétorque que s'agissant d'une violation des libertés individuelles le trouble manifestement illicite est constitué si bien que la composition de référés est compétente.

Sur ce

L'article R 1455-6 édicte que « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir le dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Le fait d'imposer des tests salivaires afin de rechercher des traces de produits stupéfiants constitue une atteinte à la libre disposition du corps des salariés. Sa violation caractérise une violation de la liberté individuelle et cause un trouble manifestement illicite s'il n'est pas précisément encadré.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la compétence de la formation de référé pour trancher le litige.

Sur le fond

Le syndicat argue que le dépistage des stupéfiants est licite s'il respecte des conditions qui n'ont pas été remplies, ayant été mené sans motif permettant de justifier la proportionnalité du contrôle, de façon collective et généralisée, que ce dépistage ne doit pas être généralisé et être prévu par le règlement intérieur, que celui-ci ne liste pas les postes concernés, que les personnes qui ont réalisé les tests n'étaient pas valablement habilitées, que la confidentialité n'était pas préservée au regard des conditions de mise en 'uvre par l'employeur. Il invoque l'inopposabilité du règlement intérieur qui ne prévoit pas de liste de postes à risque susceptibles d'être l'objet de contrôles, que l'article 15-1 du règlement intérieur concerne les tests alcoolémies et que l'employeur se devait de rectifier au besoin.

La société réplique avoir décidé ces contrôles suite à la découverte de produits stupéfiants dans l'usine, qu'elle a respecté les conditions imposées par le règlement intérieur, que le contrôle préventif est prévu, que l'article 21 prévoit la liste des postes sensibles faisant référence non à l'article 15-1, par erreur de plume, mais à l'article 19-1, qu'elle n'a contrôlé que les salariés affectés aux postes de production et de structure du fait du risque élevé du danger les tests ne portant que sur 50 salariés sur les 891 en poste et réalisés par deux supérieurs hiérarchiques spécifiquement formés par l'infirmière.

Elle fait valoir qu'elle avait informé le CSE et le CSSCT de la campagne de dépistage et a respecté la confidentialité car les salariés étaient regroupés dans une pièce avant les tests, ceux-ci étant réalisés ensuite dans une autre pièce à l'abri des regards.

Sur ce

L'article L 1121-1 du code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ni disproportionnée au but recherché. »

L'article L 1321-3 du même code précise que le règlement intérieur peut apporter des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ni disproportionnée au but recherché.

Il n'est pas contesté que l'employeur a découvert en juin 2023 une pipe à crack, que la direction a été témoin d'un échange suspect sur le parking de l'entreprise en août et que début octobre il a été découvert dans les locaux une boîte de SNUS interdite à la commercialisation en France. Les contrôles ont donc été menés sur un motif de suspicions de prise de stupéfiants sur le lieu de travail.

Le règlement intérieur peut prévoir des contrôles aléatoires de consommation de produits stupéfiants pour les seuls postes dits sensibles drogue et alcool et pour lesquels l'emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour les tiers ou pour le salarié ; ce contrôle peut être effectué par un supérieur hiérarchique qui doit respecter le secret professionnel sur les résultats.

Le règlement intérieur en son article 21 édicte que « un contrôle de dépistage (test salivaire) pourra être effectué par un représentant habilité par la direction. Ce contrôle pourra intervenir avant la prise de poste ou à la fin de la journée, à titre préventif ou en raison du comportement permettant de penser que la personne qui exerce les fonctions à risque ci-dessus mentionnées à l'article 15-1 se trouve sous l'emprise de drogue ou de substance d'effet équivalent, pouvant constituer un risque pour sa sécurité ou celle d'une personne de son entourage. Ce contrôle peut être réalisé par un représentant de la direction à condition qu'il ait été préalablement formé à la réalisation du test salivaire et à l'interprétation des résultats...Une contre vérification peut être demandée avec possibilité de demander d'être assisté par une personne appartenant à l'entreprise.

Ainsi l'employeur a prévu au règlement intérieur les modalités de la mise en 'uvre des contrôles stupéfiants et alcoolémie des salariés. Les catégories de personnel susceptibles d'être soumis aux tests ont été indiquées par renvoi à l'article 15-1 alors qu'il s'agit de l'article 19-1 qui liste les travaux que l'on peut qualifier de dangereux (risque de chute, de brûlure, d'exposition aux produits chimiques, emploi de matériel dangereux, sécurité, conduite d'engins motorisés, encadrement d'une équipe de production'). Toutefois la compréhension du renvoi ne laisse aucun doute sur les catégories visées puisque les tests concernent la recherche d'alcool et de stupéfiants, la coquille est patente mais sans incidence sur la compréhension du renvoi. Le règlement intérieur est donc opposable.

Contrairement aux affirmations du syndicat il ne s'agissait pas de dépistages massifs puisqu'il a visé 50 personnes sur un effectif de plus de 800 salariés. Par ailleurs le règlement intérieur ne limite pas les contrôles aux salariés laissant supposer une prise de stupéfiants du fait de leurs comportements mais vise aussi des dépistages préventifs, ce qui en l'occurrence était justifié par la découverte dans les locaux de produits ou situations laissant présumer des prises de stupéfiants sur le lieu de travail.

En l'état la cour ne dispose que d'une lettre de licenciement pour M. [V] qui a refusé le test salivaire et dont il est mentionné qu'il occupe le poste de « team leader flux » devant s'entendre comme salarié encadrant la production, type de salariés visés spécifiquement dans le règlement intérieur comme étant une catégorie de salarié susceptible d'être soumis aux tests du fait de la nature des fonctions occupées. L'employeur affirme sans être démenti que les contrôles n'ont pas été réalisés dans une salle de façon collective mais indique que si les salariés étaient regroupés dans une salle d'attente avant tests, ceux-ci étaient réalisés dans une autre salle de façon individuelle.

La société verse aux débats les habilitations de Ms [L], directeur de production et [P], responsable HSE, pour effectuer des tests rapides pour détection simultanée d'une ou plusieurs drogues et leurs métabolites dans la salive humaine, l'infirmière indiquant que la sensibilisation et la formation leur ont été délivrées le 10 octobre 2023 de 14 à 18 heures.

Par ailleurs le règlement intérieur prévoit expressément que le contrôle devra être effectué dans la discrétion afin de préserver la dignité et l'image de la personne. Les membres du personnel réalisant les tests sont tenus au secret professionnel et le syndicat ne rapporte aucun élément sur le non-respect de cette obligation par les deux salariés ayant procédé aux tests.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la restriction à la liberté individuelle prévue par le règlement intérieur est justifiée par la nature des tâches à accomplir et n'est pas disproportionnée au but recherché. La réalisation des tests sur la prise de stupéfiants par des salariés dont les postes sont spécifiquement listés ne constitue pas un trouble illicite.

La cour infirmera l'ordonnance de référé en déboutant le syndicat CGT de sa demande aux fin d'ordonner à la société Valéo embrayages de faire cesser la campagne de dépistage mise en place depuis le 10 octobre 2023, et plus particulièrement de faire cesser les tests de dépistage de drogues sur le fondement du règlement intérieur qui n'était pas opposable et causant un trouble manifestement illicite

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront infirmées.

Le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] succombant en cause d'appel sera condamné aux dépens de l'ensemble de la procédure.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés pour la présente procédure. Elles seront déboutées de leurs demandes respectives sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort

Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce que le conseil de prud'hommes

- s'est déclaré compétent matériellement pour connaître du litige ;

- l'a dit et jugé recevable la demande en la forme de référé du syndicat aux fins de faire cesser la campagne de dépistage mise en place depuis le 10 octobre 2023, et plus particulièrement de faire cesser les tests de dépistage de drogues dans l'établissement

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déboute le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] de sa demande de faire cesser la campagne de dépistage mise en place depuis le 10 octobre 2023, et plus particulièrement de faire cesser les tests de dépistage de drogues dans l'établissement

Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure

Condamne le syndicat CGT Valéo embrayages [Localité 2] à supporter les dépens de l'ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/05159
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;23.05159 ?
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