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11/06/2024 | FRANCE | N°23/01399

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 juin 2024, 23/01399


ARRET







[K]





C/



S.A. AGCO



























































copie exécutoire

le 11 juin 2024

à

Me Durimel

Me Piat

CB/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 JUIN 2024



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N° RG 23/01399 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IW5G



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 31 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00172)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [V] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me François HERMEND, avocat au barreau d'AMIENS, postulant

Con...

ARRET

[K]

C/

S.A. AGCO

copie exécutoire

le 11 juin 2024

à

Me Durimel

Me Piat

CB/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/01399 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IW5G

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 31 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00172)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [V] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me François HERMEND, avocat au barreau d'AMIENS, postulant

Concluant par Me Jean-claude DURIMEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ET :

INTIMEE

S.A. AGCO agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et concluant par Me Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l'audience publique du 11 avril 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 11 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 juin 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [K], né le 26 août 1976, a été embauché à compter du 3 juillet 2017 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société AGCO, ci-après dénommée la société ou l'employeur, en qualité de cariste après avoir exercé en intérim pendant 7 ans.

La société AGCO emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle de la métallurgie de l'Oise.

Le 20 juillet 2020, M. [K] a été reçu par le médecin du travail, qui a préconisé les restrictions suivantes : « pas de conduite de chariot ; limitation du port de charge à 12 kg ». Ces dernières ont été confirmées le 29 septembre 2020.

Par courrier du 6 octobre 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 14 octobre 2020.

Le 26 octobre 2020, la société AGCO a prononcé une mise à pied disciplinaire à l'encontre de M. [K].

Par courrier du 19 février 2021, l'employeur a convoqué le salarié en vue d'envisager une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 3 mars 2021.

Le 17 mars 2021, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, par lettre ainsi libellée :

Monsieur,

Nous vous avons convoqué le 3 mars 2021 pour un entretien préalable avant une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. L'entretien s'est tenu normalement et vous étiez assisté de M. [O] [D], représentant du personnel. M. [M] [H] - [N], votre supérieur hiérarchique était présent.

Nous vous avons exposé les faits suivants :

Ainsi que nous vous l'écrivions dans la lettre de convocation à entretien, malgré nos alertes répétées, votre attitude vis-à-vis de l'exécution de votre activité professionnelle et du respect des règles de l'entreprise (notamment les temps de pause) ne s'est pas améliorée loin de là. Ainsi depuis le 12 janvier 2021, votre activité est en moyenne de 50% de moins que celle de votre binôme. De plus, nous notons une prise de pause sauvage à hauteur de 50 minutes à 1h45 par demi-journée en lieu et place des 10 minutes prévues et ce, tous les jours.

Nous avons dû vous rappeler notre entretien du 14 octobre 2020, pendant lequel nous vous avions déjà alerté fermement sur la dégradation de votre prestation de travail.

Nous avions dû vous notifier à cette occasion une mise à pied disciplinaire de 5 jours notamment pour

« ...Vous niez à votre responsable la possibilité de vous reprocher un retard de plus de 25 minutes (vous disiez bonjour à vos collègues !) à la prise de poste, vous ne l'autorisez pas non plus à vous demander d'exercer vos fonctions à une cadence normale. Vous prenez régulièrement des pauses rallongées sans aucune explication. Nous avons dû vous expliquer que vos collègues sont excédés par votre attitude et en ont assez de faire votre travail à votre place. A ces éléments, vous semblez tout d'abord en désaccord et ensuite surpris. Vous expliquez avoir le sentiment d'être épié et vivez cette relation hiérarchique comme un harcèlement quotidien... »

Depuis, et comme convenu en octobre 2020, nous avons fait le point sur votre activité professionnelle sur la base de faits objectifs et non contestables.

Nous avons donc procédé à des extractions informatiques de notre ERP pour mesurer si vous aviez suivi nos demandes expresses. Le suivi informatique montre que la situation ne s'est pas améliorée, loin de là. Vous occupez un poste de cariste à 50% de votre temps. Sur cette partie de votre activité du 12 janvier au 12 février 2021, vous mouvementez en moyenne par jour 39.48 palettes alors que votre binôme en mouvemente 92.4

Nous notons des temps non travaillés (aucun mouvement enregistré par nos outils) sur la demi-journée entre 50 minutes et 1h45 alors que vous bénéficiez d'une pause de 10 minutes.

Nous vous avons également fait état des plaintes de vos collègues de travail quand à vos carences. Ces derniers refusent désormais de faire votre travail à votre place et pour l'un d'entre eux a même sollicité un entretien à M. [M] [H] - [N] pour lui demander d'agir. Espérant vous faire prendre conscience de la situation, nous vous avons informé qu'il s'agissait d'un nouvel embauché n'ayant aucun historique au sein de votre équipe.

Lors de l'entretien du 3 mars 2021, nous vous avons montré les documents, vous demandant des explications. Vous contestez l'ensemble des faits et vous contentez de nous indiquer que vous faites ce que la hiérarchie vous demande. Sur les temps non travaillés, vous mettez en cause les outils ou indiquez être occupé à des tâches qui ne font pas l'objet d'un suivi.

Lorsque M .[H] vous indique que stopper régulièrement le chariot sous ses fenêtres de bureau pour discuter longuement n'est pas malin de votre part, vous répondez « je ne discute pas, j'échange sur des problèmes professionnels ». Vous indiquez aider vos collègues de la distribution et ne prenez pas conscience que vous êtes affecté à la réception c'est-à-dire dans un autre service.

Tout dans votre discours démontre que vous n'entendez pas modifier votre prestation de travail et votre comportement. Vous n'admettez toujours pas que l'on puisse vous expliquer que vous ne pouvez pas choisir votre activité, vous ne pouvez pas vous arrêter de travailler soit pour discuter soit pour utiliser longuement votre téléphone mobile personnel.

L'ensemble des commentaires et observations faits lors de l'entretien préalable, ne permet pas de modifier l'appréciation que nous sommes amenés à faire de la situation.

En conséquence, et après respect du délai légal de réflexion, nous vous notifions la rupture de votre contrat de travail pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis de 2 mois démarrera le lundi 22 mars 2021 pour se terminer le 21 mai 2021 date de fin de votre contrat de travail.

Compte tenu de la situation et pour éviter tout incident vous êtes dispensé de toute activité pendant cette période. Votre dernier jour travaillé est donc fixé au vendredi 19 mars 2021.

Vous serez payé normalement et aux échéances habituelles pendant la période préavis non exécuté

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.

Enfin et sous réserve de votre inscription en tant que demandeur d'emploi, vous avez la possibilité de conserver le bénéfice du contrat de Prévoyance/Frais de santé de la société (risques décès, incapacité, invalidité, frais de santé) dans des conditions équivalentes au régime actuel. Cette mesure s'appliquera au maximum pendant 12 mois selon la réglementation en la matière, à la date de cessation du contrat de travail. Vous devrez nous en informer expressément au moyen des documents joints à la présente (Guide Portabilité du salarié, fiche de renseignements individuels, enveloppe affranchie pour le retour).

Le 21 mai 2021 (le matin), vous voudrez bien vous présenter à la Direction des Ressources Humaines. Il vous sera remis un formulaire de circuit départ à faire compléter et signer par votre supérieur hiérarchique, le restaurant d'entreprise et le CSE ainsi que par la DRH (Badge d'accès).

Au 21 mai 2021, nous tiendrons également, à votre disposition les documents relatifs à la rupture de votre contrat (certificat de travail, attestation Pole Emploi, solde de tout compte).

Dans l'attente, veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées ».

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais, le 8 juillet 2021.

Par jugement du 31 janvier 2023, le conseil a :

dit que les demandes de M. [K] étaient recevables mais mal fondées ;

débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

condamné M. [K] aux entiers dépens ;

débouté la société AGCO de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 novembre 2023, demande à la cour de :

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que ses demandes étaient recevables mais mal fondées ;

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné aux entiers dépens ;

Statuant de nouveau, il est demandé à la présente juridiction de,

dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

condamner la société AGCO à lui verser la somme de 11 940 euros à titre d'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

condamner la société AGCO à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société AGCO, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 septembre 2023, demande à la cour de :

juger M. [K] recevable mais mal fondé en son appel ;

confirmer le jugement ;

juger que le licenciement dont M. [K] a fait l'objet repose sur une cause réelle et sérieuse ;

en conséquence, juger la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [K] mal fondée ; la rejeter.

très subsidiairement, réduire ses prétentions à de plus justes proportions ;

débouter M. [K] de sa demande de versement d'une indemnité au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que ses demandes relatives au taux d'intérêts légaux et de leur capitalisation ;

débouter M. [K] du surplus de l'intégralité de ses prétentions ;

condamner M. [K] au contraire à lui verser la somme de 3000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée le 11 avril 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

M. [K] expose que ce n'est que lorsqu'il a vu son état de santé se dégrader que l'employeur a changé d'attitude à son égard, qu'il avait alerté la médecine du travail et l'inspection du travail sur la détérioration de ses conditions de travail en particulier en raison de M. [E] qui s'est acharné sur lui le considérant comme plus assez performant du fait des restrictions imposées médicalement.

Il fait valoir que les préconisations de la médecine du travail contraignaient son travail afin de limiter son activité de cariste à la matinée et réservant l'après-midi à la préparation de commandes, que l'employeur est de mauvaise foi en lui reprochant une activité de 50% moindre que son binôme qui lui est à 100% cariste, qu'il ne lui avait pas été reproché de n'avoir pas mouvementé l'intégralité de la liste confiée par la société chaque matin, que sa situation est différente de celle de ses collègues car les tâches à réaliser sont différentes alors qu'une nouvelle organisation du travail avait eu pour effet de réduire sa charge de travail, ce qui ne l'empêchait pas d'aider son collègue affecté sur « [Localité 3] 1 » ce qui contredit le reproche de lenteur alors que certaines tâches n'étant pas traçables informatiquement et que les relevés informatiques manquaient de fiabilité, c'est de mauvaise foi que la société présente ces temps de travail comme des pauses sauvages.

Enfin il soutient que le reproche d'insubordination n'est corroboré par aucune pièce et que les prétendues plaintes de ses collègues ne sont pas plus établies alors que le prêt des users sont habituels dans l'entreprise.

La société réplique que la lenteur reprochée est justifiée car la comparaison avec son binôme tient compte qu'il n'exerce son activité de cariste que le matin, la comparaison étant faite sur la même durée, qu'elle justifie que le salarié prend des pauses intempestives quotidiennement et que les autres salariés se plaignent en demandant à rencontrer un supérieur hiérarchique. La société ajoute que l'extraction du logiciel établit la réalité des pauses en reprenant les mouvements informatiques enregistrés du chariot élévateur, précisant que le travail ne peut se faire sans laisser de trace informatique ; rétorquant que le témoignage de M. [S] n'est pas probant car son poste est le seul qui ne soit pas informatisé, que celui de M. [F] n'est pas sérieux car les users ne se prêtent pas car ils permettent la traçabilité pour ne pas affecter un dysfonctionnement à un salarié qui n'y est pour rien.

L'employeur indique verser des témoignages sur les plaintes des collègues, que le document qui aurait été adressé à la responsable RH apparait avoir été créé pour les besoins de la cause, que les accusations de harcèlement l'ont été à réception de la convocation à l'entretien préalable mais jamais auparavant.

Sur ce

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. C'est à cette condition que le licenciement est justifié.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; que toutefois, le doute devant bénéficier au salarié avec pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

En l'espèce l'employeur forme 4 griefs à l'encontre du salarié à savoir :

- une faible activité inférieure de 50% par rapport à celle de son binôme

- une prise de pauses sauvages entre 50 minutes et 1h45 par demi-journée au lieu des 10 minutes de pause par demi-journée prévue par le contrat de travail

- refus de ses collègues de faire dorénavant son travail

- Discussion pendant le temps de travail sous les fenêtres du bureau du responsable.

Avec la précision que le salarié a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de mise à pied de 5 jours suite à un entretien du 14 octobre 2020 pour insubordination, retards, pauses à rallonge, non-respect d'une cadence normale de travail.

M. [K] du fait des restrictions médicales était affecté le matin sur un poste de cariste et l'après-midi à la préparation des commandes appelé « picking » par la société.

L'employeur fonde les griefs en versant aux débats des tableaux de relevés informatique des mouvements effectués entre le 12 janvier et le 25 février 2021 par M. [K] avec le chariot élévateur. Ces relevés ne sont pas chronologiques et les explications fournies par la société ne sont pas cohérentes alors que le salarié conteste la véracité de ces documents. En outre les extractions sur les « pauses sauvages » ont été rédigées sur un tableau Excel dépourvu de toute force probante.

Les tableaux comparatifs en pièces 18 et 19 sur le nombre de mouvements effectués de M. [K] et ceux de son binôme M. [I] portent bien tous les deux sur la journée du 12 février mais ne correspondent pas aux relevés sur toute la période du 12 janvier et le 25 février 2021 de la pièce 10 pour cette même journée.

Ainsi il ne peut être considéré que les tableaux de relevés informatiques soient probants.

Le grief de discussion pendant le temps de travail sous les fenêtres du bureau du responsable n'est pas établi, aucune pièce produite ne s'y rapportant.

Les reproches repris par la directrice des ressources humaines dans son témoignage visent des faits qui ne sont pas repris dans la lettre de licenciement alors que la cour est tenue d'examiner les griefs qui y sont indiqués circonscrivent le litige.

L'employeur produit des courriels échangés entre le group leader M. [E] avec M. [H] [N] et [C] chef d'équipe sur le manque de productivité du salarié et sur le fait que M. [E] a reçu deux opératrices picking qui se plaignent du manque de productivité de M. [K] qui se cache dans les racks pour être sur son téléphone, qui passe son temps à discuter avec les autres opérateurs et se cache derrière la coursive pour être sur son téléphone.

Toutefois l'employeur ne verse aucun témoignage de collègues et notamment des deux salariées affectées au picking qui se seraient plaintes de la lenteur de M. [K], pas plus que de ceux du group leader ou de M. [C] qui apparaît distribuer le travail aux deux caristes.

Si l'employeur indique sur un mail du15 février 2021 que sur la zone picking, M. [K] préfère sortir les marchandises (pas de mouvement informatique) cette circonstance ne concerne que l'activité de l'après-midi alors que l'employeur concentre ses griefs sur l'activité de cariste du matin. Cependant il s'en déduit que certains tâches ne sont pas comptabilisées de façon informatique, ce qu'affirme le salarié contestant l'ensemble des griefs.

Il résulte de ces développements, que les griefs « refus de ses collègues de faire dorénavant son travail et discussion pendant le temps de travail sous les fenêtres du bureau du responsable « ne sont pas établis et que les deux autres griefs de faible activité par rapport aux collègues et de prises de pauses sauvages ne peuvent être établis avec certitude, en sorte que, le doute devant profiter au salarié comme prévu à l'article L.1235-1 du code du travail, l'existence d'une cause et sérieuse de licenciement doit être écartée.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la cour jugera que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande indemnitaire

M. [K] sollicite la condamnation de la société à lui verser de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société s'y oppose.

Sur ce

Le licenciement étant injustifié, le salarié peut par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés et indemnité de licenciement) mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le salarié ayant été embauché le 3 juillet 2017 et licencié le 17 mars 2021 il avait 3 années d'ancienneté.

Il est constant que l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail qui fixe le barème d'indemnisation applicable, conduira à limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimum de 3 mois de salaire et un montant maximum à 4 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [K], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice du salarié doit être évaluée à la somme de 7194 euros soit 3 mois de salaire sur la base d'un salaire moyen retenu par l'employeur à 2397 euros non contesté par le salarié.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Agco à payer à M. [K] la somme de 7194 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement à Pôle emploi

L'article L.1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Ces dispositions sont applicables à l'espèce, la société Agco sera condamnée à verser à France travail tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. La cour fixe à 4 mois le montant des indemnités chômage auxquelles la société est condamnée à rembourser à France travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement entrepris sera infirmé sauf en ce qu'il a débouté la société de sa demande sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [K] les frais irrépétibles exposés par lui. La société Agco sera condamnée à lui verser une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Succombant, la société Agco sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Succombant, la société Agco sera condamnée aux dépens de l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par jugement contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Beauvais du 31 janvier 2023 sauf en ce qu'il a débouté la société Agco de sa demande sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit que le licenciement de M. [V] [K] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Agco à verser à M. [V] [K] la somme de 7194 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Agco à verser à France travail 4 mois d'indemnités chômage dont a bénéficié le salarié ;

Condamne la société Agco à verser à M. [V] [K] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Agco de sa demande d'indemnité de procédure ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne la société Agco aux dépens de l'ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01399
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;23.01399 ?
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