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11/06/2024 | FRANCE | N°22/04074

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 juin 2024, 22/04074


ARRET







Organisme URSSAF DE PICARDIE





C/



Association [8]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/04074 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IROR - N° registre 1ère instance : 21/00244



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE Laon EN DATE DU 21 juin 2022





PARTIES EN CAUSE :

r>


APPELANTE





Organisme URSSAF DE PICARDIE ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représentée par Me Laetitia BEREZIG de la SCP...

ARRET

Organisme URSSAF DE PICARDIE

C/

Association [8]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/04074 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IROR - N° registre 1ère instance : 21/00244

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE Laon EN DATE DU 21 juin 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Organisme URSSAF DE PICARDIE ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 09

ET :

INTIMEE

Association [8]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 15 Avril 2024 devant Madame Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Madame Charlotte RODRIGUES, Greffier.

*

* *

DECISION

L'Urssaf de Picardie a effectué un contrôle d'assiette de l'association [8] portant sur les années 2016, 2017 et 2018 à l'issue duquel elle a, le 10 décembre 2019, établi une lettre d'observations aux termes de laquelle elle notifiait un redressement d'un montant de 54 709 euros.

En réponse à la contestation de la cotisante, l'Urssaf maintenait le redressement et mettait en demeure par courrier du 20 janvier 2021 l'Union sportive de lui régler la somme de 60 694 euros dont 5 986 euros au titre des majorations.

Saisi par l'Union sportive d'une contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable en date du 15 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Laon, par jugement prononcé le 21 juin 2022 a :

- reçu l'[8] prise en la personne de son représentant légal en son recours,

- accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription des années 2016 et 2017,

- rejeté la demande de remises de majorations,

- rejeté comme mal fondées les contestations des chefs de redressement relatives à l'année 2018,

- condamné l'[8] prise en la personne de son représentant légal au paiement des cotisations et majorations de retard afférentes au redressement de l'année 2018 soit au titre du chef relatif aux frais professionnels non justifiés pour un montant de 6 471 euros, au titre du chef relatif à la fixation forfaitaire de l'assiette : absence ou insuffisance de comptabilité pour 17 999 euros, au titre du chef relatif à la dissimulation d'emploi salarié sans verbalisation, assiette réelle pour un montant de 1201 euros,soit au total la somme de 25 671 euros,

- rejeté les demandes indemnitaires formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

L'Urssaf de Picardie a par déclaration du 25 août 2022 relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée dont elle avait accusé réception le 26 juillet 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 novembre 2023.

L'Urssaf de Picardie demandait à la cour de constater qu'elle limitait son appel à la prescription des années 2016 et 2017, d'infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Laon de ce chef et de condamner l'association [8] au paiement de la somme de 36 269 euros de ces chefs, soit au total la somme de 60 194 euros.

L'association [8] demandait à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré prescrites les cotisations des années 2016 et 2017, et de l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à payer les cotisations de l'année 2018.

Par arrêt avant dire droit prononcé le 8 janvier 2024, la cour a invité les parties à s'expliquer sur la période de suspension de la prescription qui doit être retenue au vu de l'arrêt du 2 avril 2021 du Conseil d'État déclarant le quatrième alinéa du IV de l'article R. 243-59, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, entaché d'illégalité.

L'affaire a ainsi été renvoyée au 15 avril 2024.

Aux termes de ses écritures transmises par RPVA le 28 mars 2024, auxquelles elle s'est rapportée, l'Urssaf de Picardie demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel limité à la prescription de l'année 2017,

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Laon le 21 juin 2022 en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant de l'année 2017,

- valider le chef de redressement n° 2: frais professionnels non justifiés- principes généraux pour un montant de 10 576 euros,

- valider le chef de redressement n° 3: fixation forfaitaire de l'assiette: absence ou insuffisance de comptabilité pour un montant de 36 269 euros,

- valider le chef de redressement n°4 : dissimulation d'emploi salarié sans verbalisation : assiette réelle pour 2 178 euros,

- condamner l'[8] au paiement desdites sommes soit 49 023 euros, outre les majorations de retard,

- condamner l'[8] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures additionnelles visées par le greffe le 10 avril 2024, auxquelles elle s'est rapportée à l'audience, l'[8] demande à la cour de :

- considérer le redressement intervenu comme dénué de fondement et injustifié et de l'annuler en conséquence dans son entier montant,

- annuler, en tout état de cause, à titre gracieux, les pénalités de retard en raison de sa bonne foi évidente,

- condamner l'Urssaf au paiement d'une indemnité de 2 000 euros à valoir sur les frais et honoraires non compris dans les dépens en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé prescrites les années 2016 et 2017,

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée au paiement des cotisations et majorations de retard afférentes au redressement de l'année 2018

" au titre du chef relatif aux frais professionnels non justifiés pour un montant de 6 471 euros

" au titre du chef relatif à la fixation forfaitaire de l'assiette : absence et insuffisance de comptabilité pour un montant de 17 999 euros,

" au titre du chef relatif à la dissimulation d'emploi salarié sans verbalisation : assiette réelle pour un montant de 1 201 euros,

soit un total de 25 671 euros

- l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.

Motifs

Sur la prescription des cotisations des années 2016 et 2017

Les premiers juges ont dit prescrites les cotisations réclamées au titre des années 2016 et 2017, considérant que la mise en demeure décernée le 20 janvier 2021 était tardive, la suspension de la prescription ayant joué jusqu'à la fin de la période contradictoire.

L'Urssaf convient désormais que son action était prescrite pour l'année 2016.

L'Urssaf sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action au titre de l'année 2017, indiquant qu'en application des dispositions combinées des articles L 243-7-1A et R 243-59 dans leur version applicable au litige, la prescription est suspendue jusqu'à la délivrance de la mise en demeure.

A la date de la lettre d'observations, étaient réclamées des cotisations non prescrites, et dès lors, peu importe la date d'envoi de la mise en demeure.

L'association [8] conclut à la confirmation du jugement au motif qu'en vertu des articles L.224-3 et L.244-11 du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions se prescrivent par 3 années civiles ainsi que l'année en cours, appréciée rétroactivement à la date de la mise en demeure.

Selon l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicable au litige, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues.

Dans le cas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard est suspendu pendant la période contradictoire mentionnée à l'article L. 243-7-1 A.

Il résulte de l'article R. 243-59, III et IV, du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, applicable au litige, que la période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée et qu'elle prend fin à la date de l'envoi de la mise en demeure.

Le tribunal n'a pas appliqué ce texte qui l'aurait conduit à considérer que la prescription des cotisations avait été suspendue depuis la lettre d'observations jusqu'à la mise en demeure.

Dans un arrêt du 2 avril 2021 (n° 444731), le Conseil d'État a déclaré que le quatrième alinéa du IV de l'article R. 243-59, dans sa rédaction issue du décret susvisé, en ce qu'il dispose que la période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A prend fin à la date de l'envoi de la mise en demeure ou de l'avertissement mentionnés à l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, est entaché d'illégalité en ce que les dispositions concernées ont pour effet de permettre aux organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales de prolonger, sans limitation de durée, la suspension de la prescription des cotisations et contributions sociales attachée au déroulement de la période contradictoire, aussi longtemps qu'une mise en demeure ou un avertissement n'est pas adressé à la personne contrôlée.

La suspension du délai de prescription étant prévue par la loi, il convient de considérer que son principe est maintenu. Le point de départ de la suspension, à compter de la notification de la lettre d'observations, ne pose pas de difficulté. Seule est en cause la fixation du dies ad quem de la période de suspension.

L'annulation par le Conseil d'État du quatrième alinéa du IV de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 25 septembre 2017, conduit à écarter comme terme de cette période la date d'envoi de la mise en demeure. Dans le silence des dispositions applicables ratione temporis au litige, l'interprétation de ces dernières conduit à retenir que la période contradictoire, qui commence avec la lettre d'observations, s'achève avec la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux observations formulées par la société.

En l'espèce, les cotisations dues au titre de l'année 2016 se prescrivant par trois ans à compter de la fin de l'année civile en question, la prescription était donc encourue au 1er janvier 2020.

La prescription des cotisations de l'année 2017 était encourue au 1er janvier 2021.

La lettre d'observations a été émise le 12 décembre 2019, et réceptionnée le 16 décembre suivant.

L'association a contesté celle-ci par courrier du 7 janvier 2020 auquel l'Urssaf a répondu le 15 janvier 2020.

La mise en demeure a été décernée le 20 janvier 2021.

La période de suspension de la prescription s'étend par conséquent du 16 décembre 2019 au 15 janvier 2020, soit 31 jours.

En conséquence, les cotisations réclamées au titre de l'année 2016 sont prescrites.

Tel n'est pas le cas de celles réclamées au titre de l'année 2017, la mise en demeure ayant été envoyée 20 jours après le 1er janvier 2021.

Sur le bien-fondé du redressement

Sur le chef de redressement n°2 : frais professionnels non justifiés-principes généraux (15 868 euros)

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose :

Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Il résulte en outre de l'arrêté du 20 décembre 2020 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi que le salarié supporte au titre de l'accomplissement de sa mission. Ils sont indemnisés soit sous la forme d'un remboursement des dépenses réellement engagées et sous réserve de justificatifs soit sur la base d'allocations forfaitaires que l'employeur est autorisé à déduire dans les limites fixées par l'arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.

Il appartient à l'employeur qui exclut de l'assiette des cotisations les indemnités de transport versées à ses salariés de démontrer leur caractère professionnel.

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté que l'association rembourse aux joueurs, aux entraîneurs et aux dirigeants des frais de déplacement et a pendant le contrôle, demandé que soient produits les états justificatifs reprenant mensuellement et par personne les dates, lieu de départ et lieu d'arrivée, le motif du déplacement, les personnes conduites, le nombre de kilomètres parcourus, le montant du remboursement, la puissance fiscale du véhicule (avec présentation de la carte grise) et l'attestation du bénéficiaire indiquant qu'il a effectivement engagé les frais.

Ces documents n'ont pas été produits pendant le contrôle.

Par courrier du 7 janvier 2020, l'association a indiqué répondre à la demande en produisant un état des justificatifs.

L'inspecteur répondait le 15 janvier que ce courrier ne contenait aucun tableau justificatif.

L'association a produit des pièces devant la commission de recours amiable laquelle a estimé qu'elles n'étaient pas probantes.

En effet, les justificatifs avaient été établis en fonction des écritures enregistrées en comptabilité, alors que les frais ne devraient être inscrits en comptabilité après production des pièces.

Par ailleurs, certains états n'étaient pas signés par les bénéficiaires des remboursements, certaines cartes grises n'étaient pas jointes et enfin, les états fournis par trois personnes, MM. [H], [L] et [A] indiquaient qu'ils renonçaient au remboursement de leurs frais.

La société conteste le jugement qui a maintenu le redressement faisant valoir qu'il ne pouvait pas rejeter les attestations produites et les pièces au motif qu'elles seraient incomplètes, mais qu'il devait tenir compte des éléments justifiés.

Il résulte de la lettre d'observations que des frais de déplacement ont été réglés, mais que l'association n'était pas en mesure de produire les justificatifs.

Ils ont été produits a posteriori et ne présentent aucune fiabilité.

Ainsi, s'agissant des pièces produites au nom de M. [Y] et de M. [G] , les attestations sont datées de 2020 et 2021, tout en mentionnant que les frais ont été réglés en 2018.

Les dates de la période indemnisées sur plusieurs des attestations de frais de déplacement sont raturées en ce qui concerne l'année.

Il apparaît également que les mentions manuscrites figurant sur les différentes attestations de frais de déplacement et les fiches de remboursement sont du même scripteur, bien que les demandes de remboursement concernent des bénéficiaires différents, et la mention attribuée à l'association soit la date du paiement, et le moyen de paiement, soit un chèque sont de la même main.

Il en résulte qu'un membre de l'association, chargé de son administration, a établi a posteriori les justificatifs, soumis ensuite à la signature de ceux qui étaient supposés établir ces justificatifs, préalablement à leur paiement.

En outre, il doit être relevé que certaines pièces ne comportent pas la signature de celui qui demanderait le remboursement (fiches de remboursement au nom de [U], [O], [N], [X], [V]) de telle sorte que ces pièces sont dépourvues de la moindre valeur.

Certaines fiches de remboursement ne sont pas datées.

Enfin, l'association produit des relevés de frais au nom de [L], [H], [A] comportant la mention selon laquelle le bénéficiaire déclare renoncer expressément au remboursement des frais, mais qui comportent la mention d'un paiement par chèque.

Il résulte clairement de ces éléments que l'association réglait des frais de déplacement sans le moindre justificatif et qu'elle a tenté de les établir a posteriori, lorsque l'inspecteur du recouvrement a constaté cette irrégularité.

Il s'en déduit que les sommes versées ont été exclues de l'assiette des cotisations dans des conditions contraires aux textes.

De plus, les irrégularités relevées, les incohérences des informations que ces pièces contiennent leur ôtent tout caractère probant.

En conséquence, le jugement mérite confirmation en ce qu'il a maintenu le redressement pour l'année 2018 et de valider pour les mêmes motifs le redressement pour l'année 2017, soit la somme totale de 10 576 euros.

Sur le chef de redressement n° 3 : fixation forfaitaire de l'assiette-absence ou insuffisance de comptabilité (36 269 euros)

En vertu des dispositions de l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, " Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants :

1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base au calcul des cotisations dues ;

2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.

Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve... "

L'Urssaf conclut à la confirmation du jugement qui a validé le redressement, rappelant que la comptabilité complète n'a jamais été produite pendant le contrôle.

L'association rappelle qu'il appartient à l'Urssaf de prouver l'absence ou l'insuffisance de comptabilité, et que tel n'est pas le cas en l'espèce. Elle se prévaut d'une attestation établie par M. [R] selon laquelle les bulletins de salaires et contrats de travail ont bien été produits. Elle ajoute qu'elle n'employait que deux salariés, tandis que l'Urssaf en a compté 4.

Il résulte de la lettre d'observations que l'inspecteur du recouvrement a débuté la vérification de comptabilité le 30 octobre 2019.

L'avis de passage précisait que devraient lui être présentés le bilan, le compte de résultat, le grand livre, le livre de recette ou de dépense.

Le 30 octobre 2019, l'agent de contrôle a constaté que le président par intérim n'était pas en mesure de produire l'ensemble des pièces et un rendez-vous était convenu pour permettre la remise de ces éléments.

Le 4 novembre suivant, le livre de dépense et de recette était remis par le président par intérim qui indiquait que la comptabilité était détenue par M. [R], animateur sportif.

L'agent de contrôle demandait alors par mail à M. [R] de fournir l'ensemble des pièces.

Le 19 novembre 2019, les pièces comptables 2015/2016 étaient remises, ainsi que la balance définitive de l'exercice du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 ainsi qu'un budget prévisionnel pour la saison 2018/2019.

L'inspecteur du recouvrement organisait un rendez-vous pour le 4 décembre pour consulter l'ensemble des pièces comptables, et s'y présentaient M. [Z], président par intérim et M. [R] qui expliquaient ne pas avoir de comptabilité pour les exercices 2016/2017 et 2017/2018.

Il effectuait alors une taxation forfaitaire, estimant être dans l'impossibilité de vérifier l'exactitude des bases déclarées.

La preuve du caractère incomplet de la comptabilité résulte des termes mêmes de la lettre d'observations qui fait état du constat du caractère incomplet de la comptabilité, des différentes demandes de l'agent du recouvrement, qui a sollicité le président par intérim, le trésorier aussi bien par écrit que lors de rendez-vous.

Lors du dernier de ceux-ci, organisé le 4 décembre 2019, le président par intérim a indiqué ne pas avoir de comptabilité 2016/2017 et 2018/2019.

L'association n'a pas contesté cette indication. Dans sa lettre de contestation de lettre d'observations, elle indiquait au contraire qu'une partie de la comptabilité qu'elle estimait non utile au contrôle se trouvait chez le trésorier.

Elle arguait également dans sa lettre de saisine de la commission de recours amiable qu'une comptabilité reconstituée était recevable selon la jurisprudence. Par conséquent, si elle a été reconstituée, c'est bien qu'elle n'existait pas lors du contrôle.

L'association se prévaut d'une attestation de M. [R], datée du 9 février 2021, affirmant que les bulletins de salaire et les contrats de travail ont bien été produits lors du contrôle.

Selon l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés.

Elle mentionne les noms, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.

L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

En l'espèce, l'attestation n'indique pas l'identité complète du témoin, elle ne contient pas l'indication selon laquelle le rédacteur sait qu'elle sera produite en justice, et qu'une fausse attestation l'expose à des sanctions pénales, elle est dactylographiée, elle comporte une signature scannée, et enfin, elle n'est pas accompagnée d'une pièce d'identité.

Elle est donc dépourvue de valeur.

Enfin, il y a lieu de relever que même devant la commission de recours amiable, l'association n'a pas été en mesure de produire l'intégralité des pièces comptables, la commission ayant relevé que si l'association produisait a posteriori un grand livre comptable pour 2016/2017 et 2018/2019, la taxation forfaitaire ne pouvait être annulée dès lors que les comptes de charges et les justificatifs de frais n'étaient produits.

L'association est donc particulièrement mal fondée à soutenir qu'elle a produit les pièces comptables requises.

La taxation forfaitaire est donc justifiée sur la base de deux salariés à temps plein par année, l'association procédant par voie d'affirmation sans apporter le moindre élément de nature à la remettre en cause.

Ainsi, le redressement est validé pour la somme de 36 269 euros au titre des années 2017 et 2018.

Sur le chef de redressement n° 4 : dissimulation d'emploi salarié sans verbalisation-assiette réelle (2178 euros).

Lors du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a constaté que le compte 622600 (honoraires) de l'exercice du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 mentionnait des factures [4] pour 1 900 euros en 2017 et 2 400 euros en 2018, pour lesquelles M. [Z] et M. [R] avaient été dans l'incapacité de produire les pièces justificatives.

L'association conteste ce redressement en indiquant qu'elle produit désormais la facture, de telle sorte que les montants concernés ne doivent pas être réintégrés dans l'assiette des cotisations.

La facture est émise par l'association [6], est datée du 22 août 2017 pour un montant total de 4 300 euros, et correspond selon son libellé à des prestations de comptabilité, de sponsoring et de manifestation.

Elle précise que le règlement est mensuel à raison de 400 euros, après un premier versement en août 2017 d'un montant de 700 euros.

Cette facture n'a jamais été produite pendant le contrôle, ni devant la commission de recours amiable.

L'association avait contesté la lettre d'observations en écrivant le 7 janvier 2020 que les factures correspondaient à des avance et remboursement de frais de déplacement pour les joueurs et les entraîneurs.

L'inspecteur du recouvrement, dans sa réponse, notait que lors du contrôle, M. [Z] et M. [R] avaient indiqué n'avoir aucune facture.

La comptabilité doit contenir les pièces justificatives des écritures et la production a posteriori de pièces n'a pas de valeur probante.

La cour ne peut manquer d'observer que l'association a fourni des explications totalement contraires à ce qu'elle soutient désormais, puisqu'elle prétendait qu'il s'agissait non pas du paiement d'une prestation, mais du remboursement de frais.

Enfin, il doit également être relevé que cette facturation correspondait à hauteur de 3 100 euros des prestations comptables alors que pendant le contrôle, et la procédure, y compris dans ses écritures d'appel, l'association a toujours expliqué que la comptabilité était tenue par des bénévoles.

Le redressement est par conséquent fondé et le jugement doit être confirmé de ce chef pour la somme de 2 178 euros au titre des années 2017 et 2018.

Sur la demande de condamnation au paiement

Il sera fait droit à la demande en ce qu'elle porte sur les redressements opérés au titre des années 2017 et 2018, soit les sommes suivantes :

- au titre des frais professionnels non justifiés pour les années, 10 576 euros

- fixation forfaitaire de l'assiette 36 269 euros

- dissimulation d'emploi salarié sans verbalisation 2 178 euros

soit en principal la somme de 49 023 euros, outre les majorations de retard.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, l'association est condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef.

Demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'association qui succombe en ses demandes doit être déboutée de celle qu'elle formule au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense.

En conséquence, l'association est condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, après débats contradictoires, en dernier ressort,

Dit prescrites les cotisations redressées au titre de l'année 2016,

Dit non prescrites les cotisations redressées au titre de l'année 2017,

En conséquence, confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit les cotisations au titre de l'année 2016 prescrites, et l'infirme en ce qu'il a dit les cotisations de l'année 2017 prescrites,

Statuant à nouveau,

Dit non prescrites les cotisations redressées au titre de l'année 2017 et déboute l'association [8] de ce chef,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne l'association [8] à payer à l'Urssaf de Picardie la somme de 49 023 euros en principal, outre les majorations de retard,

Condamne l'association [8] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

La déboute de la demande qu'elle formule au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne à payer à l'Urssaf la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/04074
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;22.04074 ?
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