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05/06/2024 | FRANCE | N°23/01409

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 05 juin 2024, 23/01409


ARRET







[P]





C/



S.A.S.U. ETS OLIVIER JONNET



























































copie exécutoire

le 05 juin 2024

à

Me LAQUILLE

Me FABING

EG/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 05 JUIN 2024



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N° RG 23/01409 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IW53



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 16 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00137)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [L] [P]

né le 12 Août 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]



...

ARRET

[P]

C/

S.A.S.U. ETS OLIVIER JONNET

copie exécutoire

le 05 juin 2024

à

Me LAQUILLE

Me FABING

EG/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 05 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 23/01409 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IW53

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 16 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00137)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [L] [P]

né le 12 Août 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

concluant par Me Rudy LAQUILLE de la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

ET :

INTIMEE

S.A.S.U. ETS OLIVIER JONNET

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et concluant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 05 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 05 juin 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [P], né le 12 août 1970, a été embauché à compter du 10 septembre 2018 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée par la société ETS Olivier Jonnet (la société ou l'employeur), en qualité de dessinateur projeteur. La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 10 décembre 2018.

La société ETS Olivier Jonnet compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle du bâtiment.

Par courrier du 15 avril 2021, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique, fixé au 23 avril 2021.

Le 14 mai 2021, il a été licencié pour motif économique.

S'estimant victime de discrimination syndicale et contestant la licéité de son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon le 25 octobre 2021.

Par jugement du 16 février 2023, le conseil a :

- dit que le licenciement de M. [P], notifié le 14 mai 2021, pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- dit que M. [P] ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé ;

- condamné la société ETS Olivier Jonnet à payer à M. [P] la somme de 4 853,32 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 485,33 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société ETS Olivier Jonnet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

M. [P], régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2024, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- dit que son licenciement, notifié le 14 mai 2021, pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- dit qu'il ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé ;

- l'a débouté du surplus de ses demandes ;

- dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens ;

Et statuant à nouveau,

- juger qu'il était salarié protégé ;

- juger que l'autorisation de l'inspecteur du travail n'a pas été demandée, ni obtenue ;

juger qu'il a été victime de discrimination syndicale ;

juger son licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la société ETS Olivier Jonnet à lui verser les sommes suivantes :

- 4 853,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 485,33 euros à titre de conges payes sur préavis ;

- 14 559,96 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur outre 1 456 euros à titre de congés payés afférents ;

- 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse ;

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordres des licenciements ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi rectifiés ;

condamner Ia société ETS Olivier Jonnet aux entiers dépens.

La société ETS Olivier Jonnet, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2024, demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [P] 4 853,32 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 485,33 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- dès lors, infirmer le jugement s'agissant de cette condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents et condamner, en conséquence, M. [P] à lui reverser la somme de 3 576,62 euros net correspondant à l'exécution provisoire qui couvrait ledit préavis et les congés payés y afférents (pièce n° 26) ;

- pour le reste, confirmer le jugement en ce qu'il a dit :

- le licenciement pour motif économique de M. [P] comme reposant sur une cause réelle et sérieuse et qu'il ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé ;

- qu'elle avait respecté les critères d'ordre du licenciement et son obligation de recherche de reclassement ;

- qu'elle n'avait nullement été l'auteur d'une discrimination syndicale et débouter la partie adverse de ses demandes indemnitaires à ce titre ;

- le confirmer également en ce qu'il a débouté M. [P] du surplus de ses demandes ;

- en conséquence, débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Y ajoutant,

- condamner M. [P] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur la violation du statut protecteur et la nullité du licenciement

M. [P] soutient qu'en qualité de salarié protégé, il devait être licencié selon la procédure spéciale de licenciement prévoyant la convocation du CSE et l'autorisation de l'inspection du travail.

L'employeur conteste avoir eu connaissance de la création d'un syndicat et de l'imminence de la candidature du salarié à des élections professionnelles avant l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

L'article L.2411-6 du code du travail dispose que l'autorisation de licenciement est requise, pendant une durée de six mois, pour le salarié ayant demandé à l'employeur d'organiser les élections au comité social et économique ou d'accepter d'organiser ces élections. Cette durée court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections. Cette protection ne bénéficie qu'à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu'au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé l'organisation des élections.

Il en résulte que lorsque l'employeur engage la procédure de licenciement avant d'avoir connaissance d'une candidature ou de son imminence, le salarié ne bénéficie pas au titre de la procédure en cours du statut protecteur.

En l'espèce, si M. [P] justifie du dépôt en mairie le 15 avril 2021 des statuts d'un syndicat CGT local en qualité de secrétaire général, il ne produit aucune pièce établissant que l'employeur a été informé de cette création et de sa demande d'organisation des élections de la délégation du personnel au CSE avant le 19 avril 2021, date de réception de son courrier de candidature.

La procédure de licenciement du salarié ayant été engagée par courrier de convocation à l'entretien préalable envoyé le 15 avril 2021, au vu du cachet de la Poste sur la preuve de dépôt du recommandé, la connaissance de cette candidature ou de son imminence par l'employeur ne peut être retenue.

Dès lors, M. [P] ne peut revendiquer le statut protecteur pour obtenir la nullité du licenciement intervenu sans respect de la procédure spécifique au salarié protégé ainsi que des dommages et intérêts pour violation de ce statut.

Le jugement est donc confirmé pour l'avoir débouté de ces demandes.

2/ Sur le bien-fondé du licenciement

2-1/ sur l'existence d'un motif économique

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

« A la suite de votre entretien préalable au licenciement du 23 Avril 2021, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique.

Notre entreprise connaît actuellement d'importantes difficultés économiques nous contraignant à la suppression de votre poste de travail.

En effet, à la suite du projet de réalisation d'une zone commerciale à [Localité 4], nous avons créé votre poste de dessinateur afin d'absorber la surcharge de travail qui en découlerait.

Si ce fut au départ un succès en raison d'un carnet de commandes qui est passé du simple au double, celui-ci ne cesse désormais plus de décliner.

A ce jour, l'intégralité des travaux prévus ont été réalisés ; et le carnet de commandes est passé de 3.700.000 Euros en avril 2019 à 1.617.419 Euros en avril 2021.

Ainsi, plus de la moitié de notre chiffre de commandes a disparu et les perspectives de prises de commandes sont très minces.

En effet, les dossiers d'appels d'offres sont de plus en plus rares et la plupart des projets en cours sont annulés ou repoussés.

Nous constatons donc qu'il n'y a désormais plus assez de travail au bureau d'étude pour l'ensemble du personnel, et votre poste de travail est directement concerné car il découle de la prise de commandes qui est depuis quelques mois proche de zéro.

Par ailleurs, la situation économique de la société est en déclin. Entre le 1er Trimestre 2021 et le 4ème Trimestre 2020, la société a subi une perte de chiffre d'affaires de 23,45 %, passant ainsi de 1 167 388 € à 893 521 €. Cette baisse importante du CA impacte fortement la société et se traduit par une perte de 87 373 € au cours du 1er Trimestre 2021. »

M. [P] conteste la cause économique du licenciement au motif que l'employeur ne démontre ni l'existence de difficultés économiques ni la suppression de son poste ni l'absence d'alternatives.

L'employeur se prévaut du tableau de bord et des bilans produits montrant l'existence de difficultés économiques et d'un risque sur la compétitivité de l'entreprise nécessitant la suppression de l'emploi du salarié.

L'article L.1233-3 du code du travail dispose notamment que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

En l'espèce, pour justifier le licenciement économique, l'employeur invoque une baisse des commandes et du chiffre d'affaires mais ne produit aucun document permettant de comparer ces indicateurs économiques sur deux trimestres consécutifs précédents le licenciement avec deux trimestres consécutifs de la même période à N-1.

Il ne justifie pas plus de la pénurie de commandes invoquée ni de l'absence de perspectives dans ce domaine alors que le bilan de l'exercice 2020-2021 arrêté au 30 juin 2021 montre un excédent brut d'exploitation et un résultat largement bénéficiaire.

Quant au risque sur la compétitivité de l'entreprise, il ne saurait être examiné alors que la lettre de licenciement n'en fait aucun cas.

Au vu de ces éléments, la preuve de la cause économique du licenciement n'est pas rapportée.

Il convient donc de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement entrepris.

2-2/ sur le non-respect des critères d'ordre

La cour rappelle que le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ne peut prétendre, en plus de l'indemnité fixée pour réparer l'intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, à des dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements.

En l'espèce, le licenciement de M. [P] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient de rejeter sa demande de ce chef par confirmation du jugement entrepris.

2-3/ sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

L'employeur affirme que le salarié a été rempli de ses droits à ce titre.

M. [P] répond que la somme versée était son salaire et non l'indemnité compensatrice de préavis nonobstant son intitulé dans les bulletins de paie.

L'article L.1234-5 du code du travail dispose que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

En l'espèce, la lettre de licenciement dispensant le salarié du préavis exigible de 2 mois, l'employeur lui devait une indemnité compensatrice équivalente à 2 mois de salaire pour la période du 15 mai au 15 juillet 2021.

Or, les bulletins de salaire de mai, juin et juillet ainsi que l'attestation Pôle emploi du 17 juillet 2021 mentionnent effectivement par addition les sommes dues au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, qui ne peuvent correspondre à un salaire puisque le licenciement est intervenu le 14 mai 2021.

M. [P] ne contestant pas avoir perçu ces sommes, il convient de le débouter de sa demande à ce titre par infirmation du jugement entrepris.

La décision d'infirmation valant titre, la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement est sans objet.

2-4/ sur la demande de dommages et intérêts

L'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [P] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 3 et 3,5 mois de salaire.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté dans l'entreprise, et de l'absence d'élément sur sa situation professionnelle postérieure à la rupture, la cour fixe à 7 500 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société devra remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la solution du présent arrêt.

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

3/ Sur l'existence d'une discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de ses activités syndicales.

L'article L.2141-5 alinéa 1 du même code dispose qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

En application de ces textes, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [P] soutient qu'il n'a pas bénéficié du même traitement que les autres collaborateurs, l'employeur s'étant opposé à sa candidature à des élections professionnelles et l'ayant licencié de façon injustifiée en raison de son implication syndicale.

L'employeur conteste toute discrimination soutenant que la candidature de M. [P] n'était de toute façon pas recevable.

Il ressort des développements précédents que l'employeur a été informé par courrier reçu le 19 avril 2021 de la qualité de secrétaire de M. [P] du syndicat CGT nouvellement créé sollicitant l'organisation des élections de la délégation du personnel au CSE, ce dernier se présentant en qualité de titulaire.

Le fait que l'employeur ait opposé une fin de non-recevoir à cette candidature relève de l'entrave syndicale et non de la discrimination.

En revanche, M. [P] ayant été licencié le 14 mai 2021 alors que l'employeur n'ignorait plus son implication syndicale au sein de l'entreprise, ces éléments laissent présumer l'existence d'une situation de discrimination à raison des activités syndicales du salarié.

L'employeur opposant le bien-fondé du motif économique invoqué dans la lettre de licenciement pour démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination alors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse pour absence de cause économique, l'existence d'une discrimination à raison des activités syndicales est caractérisée.

Le préjudice qui en résulte nécessairement pour le salarié sera justement indemnisé à hauteur de 5 000 euros par infirmation du jugement entrepris.

4/ Sur les demandes accessoires

L'employeur succombant principalement, il convient d'infirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, et de mettre à sa charge les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de le condamner à payer à M. [P] 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel, et de rejeter sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande en nullité du licenciement et de ses demandes de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et non-respect des critères d'ordre des licenciements,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit que M. [P] a été victime de discrimination à raison de ses activités syndicales,

Condamne la société ETS Olivier Jonnet à payer à M. [L] [P] les sommes suivantes :

7 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,

5 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination,

2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

Ordonne à la société ETS Olivier Jonnet de remettre à M. [L] [P] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la solution du présent arrêt,

Ordonne à la société ETS Olivier Jonnet de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société ETS Olivier Jonnet aux dépens de premières instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01409
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;23.01409 ?
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