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04/06/2024 | FRANCE | N°22/02451

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 04 juin 2024, 22/02451


ARRET

N°505





[H]





C/



Etablissement MDPH DU NORD













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 04 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/02451 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOLJ - N° registre 1ère instance : 21/01990



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 02 MAI 2022





PARTIES EN CAUSE :
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APPELANT





Monsieur [W] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]





Représenté et plaidant par Me Emilie YVART, avocat au barreau de LILLE,substituant Me Amandine MOREELS de l'AARPI MY AVOCAT, avocat au barreau de LILLE





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ARRET

N°505

[H]

C/

Etablissement MDPH DU NORD

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 04 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/02451 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOLJ - N° registre 1ère instance : 21/01990

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 02 MAI 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [W] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté et plaidant par Me Emilie YVART, avocat au barreau de LILLE,substituant Me Amandine MOREELS de l'AARPI MY AVOCAT, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEE

MDPH du Nord

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [G], munie d'un pouvoir régulier

DEBATS :

A l'audience publique du 25 Mars 2024 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Christine DELMOTTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, Greffier.

*

* *

DECISION

M. [H] a sollicité l'obtention de l'allocation aux adultes handicapés au taux de 80 %.

Par décision du 3 août 2021, la maison départementale des personnes handicapées du Nord (ci-après la MDPH) a fait droit à sa demande mais au titre d'une incapacité supérieure ou égale à 50 % et inférieure à 80 %.

Après rejet de son recours administratif préalable obligatoire M. [H] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille qui par jugement prononcé le 2 mai 2022 a :

- déclaré le recours recevable,

- débouté M. [H] de sa demande,

- dit que les frais de consultation seront pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie,

- condamné M. [H] aux dépens.

Par courrier recommandé du 17 mai 2022, M. [H] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée dont il avait accusé réception le 4 mai 2022.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro de répertoire général 22/02451.

Par ordonnance du 20 septembre 2022, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné une consultation sur pièces, commettant pour y procéder le docteur [D].

Le rapport de consultation a été déposé le 13 avril 2023 et par courrier du 4 mai 2023, le greffe a convoqué les parties à l'audience du 25 mars 2024.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 30 mai 2023, auxquelles il s'est rapporté à l'audience, M. [H] demande à la cour de :

- dire son recours recevable et bien fondé,

- lui accorder un taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 80 % et ce avec rétroactivité depuis la date de sa demande, soit le 29 juillet 2021,

- lui accorder ce taux à vie.

La MDPH du Nord, régulièrement convoquée, n'était ni présente ni représentée et n'a pas fait connaître de motif d'excuse.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures de l'appelant pour un plus ample exposé de ses demandes et les moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la demande d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés au taux de 80 %

M. [H] s'est vu diagnostiquer une infection VIH en 1991.

Le 9 mars 2005, M. [H] a sollicité l'obtention d'une allocation aux adultes handicapés puisque outre l'infection précitée, il souffrait d'une toxoplasmose cérébrale avec crise convulsive séquellaire, une encéphalopathie, un mutisme et une dépression.

Le 21 septembre 2007, il a bénéficié de l'AAH pour la période du 1er avril 2008 au 1er août 2010 avec reconnaissance d'un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 %.

Le même jour, lui était reconnue la qualité de travailleur handicapé et la carte d'invalidité ou de priorité pour personne handicapée lui était refusée.

Par décision du 17 octobre 2008, une carte d'invalidité lui était délivrée pour la période du 1er août 2008 au 1er août 2010 en considération d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %.

Le 20 avril 2010, la MDPH du Nord lui accordait l'allocation aux adultes handicapés pour une durée de 2 ans avec un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, la carte d'invalidité pour une durée de 2 ans et quatre mois.

Le 22 février 2012, la carte d'invalidité lui était accordée au 13 mars 2012 au 12 mars 2017 avec un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %.

Par décision du 13 avril 2017, la MDPH lui accordait l'allocation aux adultes handicapés pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2022 pour un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %.

Est contestée la décision prise par la MDPH le 3 août 2021 ayant accordé l'allocation aux adultes handicapés mais pour un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 %.

En vertu des dispositions de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles, constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.

Il résulte de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale que l'allocation aux adultes handicapés est due à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est supérieur à 80 %, ou dont le taux est inférieur à 80 % et supérieur ou égal à 50 %, et qui, compte tenu de son handicap, présente une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

Le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.

Ce guide barème définit la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 80 % comme étant une incapacité sévère entravant de façon majeure la vie quotidienne et entraînant une perte d'autonomie pour les actes de la vie courante.

Seules les pièces médicales contemporaines de la décision contestée peuvent être prises en considération pour l'évaluation du taux d'incapacité de la personne.

Pour fixer le taux d'incapacité à un taux égal ou supérieur à 50 % et inférieur à 80 %, la MDPH a retenu que M. [H] a des difficultés entraînant une gêne notable dans sa vie sociale mais que son autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne, avec une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi liée à sa situation de handicap.

Il résulte des pièces médicales produites par l'appelant et notamment du certificat médical établi au soutien de la demande d'allocation aux adultes handicapés que M. [H] présente une infection VIH connue depuis 1991 qui s'est compliquée de nombreuses infections, dont une toxoplasmose cérébrale ayant laissé persister une épilepsie.

Cette toxoplasmose s'est compliquée en 2005 d'une choriorétinite ayant nécessité une énucléation avec pose d'une prothèse oculaire droite.

Depuis mars 2008, M. [H] souffre d'une dépression donnant lieu à un traitement médicamenteux et à un suivi au CMP.

Les crises d'épilepsie ont été majorées en 2019 et une IRM cérébrale a montré des lésions hémorragiques thalamiques droites.

Pour retenir un taux d'incapacité de 80 %, le médecin consultant désigné par le magistrat chargé d'instruire l'affaire a retenu les éléments suivants :

- un taux de 25 % au titre de la cécité totale de l''il droit,

- un taux de 50 % au titre de l'infection au VIH, retenant un traitement par bithérapie avec un suivi chez les spécialistes et en hôpital de jour de manière régulière associé à une fatigabilité pouvant entraver la vie professionnelle,

- un taux de 5 % pour les crises d'épilepsie nécessitant un traitement matin et soir, avec recrudescence des crises en 2019.

Le consultant désigné par le tribunal avait retenu un taux compris entre 50 et 79 pour cent, mais sans détailler le taux attribué à chacune des pathologies dont souffre M. [H], et en retenant que la marche est normale, ainsi que la préhension, que la communication et la cognition sont normales, qu'un retentissement sur la vie sociale et familiale était signalé comme présent mais non précisé et qu'il existait un retentissement sur la recherche d'un emploi.

Il résulte du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant en annexe 2-4 au code de l'action sociale et des familles les éléments suivants :

S'agissant de la déficience de la vision :

Les déficiences de l'acuité visuelle s'apprécient après correction. Ainsi, un trouble de la réfraction, qui peut être entièrement corrigé par un moyen optique, ne sera pas considéré comme une déficience oculaire. Le degré de vision sera estimé en tenant compte de la correction optique supportable en vision binoculaire.

La mesure de l'acuité visuelle doit tenir compte de l'acuité visuelle de loin (échelle de Monoyer à 5 mètres) et de l'acuité visuelle de près (échelle de Parinaud lue à 40 cm.)

Plusieurs définitions de la cécité sont actuellement employées :

- cécité complète : sont atteints de cécité complète ceux dont la vision est abolie (v = 0) au sens absolu du terme avec abolition de la perception de la lumière ;

Le tableau de l'acuité visuelle de loin proposé par les experts tient compte des définitions utilisées habituellement ainsi que de la réglementation en vigueur.

Au titre de l'acuité visuelle de loin, il propose un taux de 25 % pour une cécité totale.

La consultante désignée par la cour a retenu un taux de 25 %, par conséquent conforme au barème.

S'agissant des déficiences liées à l'épilepsie :

Toutes les épilepsies ne sont pas des handicaps. Les épilepsies dont les crises sont bien contrôlées par le traitement et sans trouble associé ne constituent pas un handicap. À l'opposé, toute épilepsie active constitue un handicap. Ce handicap est en rapport avec :

1. les crises (caractérisées par leur fréquence et leur gravité), le retentissement du traitement, dont les effets secondaires peuvent être majeurs.

2. les déficiences pouvant être associées aux épilepsies : retard mental, déficience du psychisme, déficience de l'appareil locomoteur, déficience du langage et de la parole, déficience viscérale et générale.

La présente section ne prend en compte que le facteur crise. Les déficiences en rapport avec les troubles associés seront appréciées en fonction des sections ou chapitres spécifiques à chaque déficience. Ils donneront lieu, le cas échéant, à une majoration des taux d'incapacité.

Niveau I : déficience légère, 0 à 15 p. 100 :

crise avec chute et/ ou perte de connaissance rare (de une à onze par an) ou absences mensuelles sans retentissement scolaire et professionnel.

La consultante a retenu un taux de 5 % qui paraît conforme aux constatations médicales, soit une épilepsie nécessitant un traitement quotidien, qui a entraîné des lésions hémorragiques thalamiques droite avec stabilisation des lésions depuis 2020.

Déficiences des fonctions immunitaires

Le guide barème prévoit les éléments suivants : Quelle qu'en soit l'origine, elles induisent une fatigue quasi constante, des incapacités révélées par certaines situations, notamment la vulnérabilité accrue aux agents infectieux, et des contraintes médicales, en général de longue durée, imposées par les traitements.

Ces déficiences obligent à des aménagements notables de la vie quotidienne et nécessitent des aides ou efforts particuliers pour l'insertion ou le maintien dans une vie sociale, scolaire ou professionnelle dans les limites de la normale. L'autonomie est cependant conservée pour les actes relevant de l'autonomie individuelle : le seuil de 50 % est ainsi atteint au titre des contraintes liées à la nécessité de traitements, les rééducations, l'utilisation d'appareillage ou de machines permettant, au prix d'aménagements, le maintien d'une activité sociale et familiale, mais se révélant un obstacle à la vie professionnelle en milieu ordinaire non aménagé ou à l'intégration scolaire en classe ordinaire.

Au vu de ces éléments, la consultante a retenu un taux de 50 % au titre de l'infection VIH

Il résulte des éléments produits que M. [H] prend un traitement médicamenteux, qu'il souffre d'une fatigue chronique qui impacte son quotidien, qu'il subit des contraintes dans son quotidien par la nécessité d'hospitalisations, éventuellement à domicile, en fonction de l'évolution de son état de santé et il a une prothèse justifiant un suivi.

Il convient dès lors de retenir un taux d'incapacité de 50 % au titre de l'infection au VIH.

Dès lors, le taux d'incapacité de M. [H] doit être fixé à 80 %.

Il y a lieu de relever que le consultant désigné par le tribunal a affirmé un taux compris entre 50 et 79 %, indiquant que les troubles impactant la vie sociale ou familiale n'étaient pas précisés, étant observé que la fatigue chronique qu'induit une affection au VIH et son traitement sont des données médicales acquises et qu'aucun élément de la décision de la MDPH ne fait état d'une amélioration de l'état de santé de M. [H] expliquant une diminution de son taux d'incapacité.

Il y a lieu au regard de ces éléments d'infirmer le jugement.

Sur la durée d'attribution de l'allocation adulte handicapée

En vertu des dispositions de l'article R.821-5 du code de la sécurité sociale, L'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 821-1 et le complément de ressources prévu à l'article L. 821-1-1sont accordés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour une période au moins égale à un an et au plus égale à dix ans. Toutefois, l'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale est attribuée sans limitation de durée à toute personne qui présente un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % et dont les limitations d'activité ne sont pas susceptibles d'évolution favorable, compte tenu des données de la science. Un arrêté du ministre chargé des personnes handicapées fixe les modalités d'appréciation de ces situations.

En l'espèce, si l'atteinte visuelle de M. [H] ainsi que les conséquences de son infection au VIH ne paraissent pas susceptibles d'évolution, tel n'est pas le cas de l'épilepsie, aucun élément ne justifiant de ce qu'en l'état des données actuelles de la science, aucune évolution favorable n'est envisageable.

Il y a en effet lieu de retenir que M. [H] a souffert de crises d'épilepsie après avoir subi une toxoplasmose cérébrale en 2001, que les crises ont été majorées à partir de 2019 mais sont stabilisées selon les pièces médicales.

Dès lors, il ne peut être retenu que les limitations d'activité ne sont pas susceptibles d'évolution favorable.

M. [H] produit un certificat médical rédigé par son médecin traitant, le docteur [C] à la date du 7 juillet 2021, mais rédigé en des termes trop généraux pour constituer la preuve nécessaire puisqu'il indique simplement que M. [H] est inapte au travail et relève de l'AAH à vie.

En conséquence, et compte tenu de ces éléments, l'allocation aux adultes handicapés sera accordée à M. [H] pour une durée de 10 ans.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la MDPH du Nord est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, réputé contradictoire, en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que les frais de consultation seraient supportés par la caisse nationale d'assurance maladie,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [H] présente un taux d'incapacité de 80 %,

Dit qu'il bénéficiera pour une durée de 10 ans de l'allocation aux adultes handicapés au taux de 80 %,

Condamne la maison départementale des personnes handicapées du Nord aux dépens de première instance et d'appel,

Dit que la caisse nationale d'assurance maladie supportera la charge des frais de consultation.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/02451
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;22.02451 ?
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