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03/06/2024 | FRANCE | N°22/05203

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 03 juin 2024, 22/05203


ARRET

N° 497





Caisse CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D'ASS URANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V.)





C/



[V]











COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 03 JUIN 2024



*************************************************************



N° RG 22/05203 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITUA - N° registre 1ère instance : 21/00326



Jugement du tribunal judiciaire de douai en date du 07 novembre 2022r>




PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV), agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité au...

ARRET

N° 497

Caisse CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D'ASS URANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V.)

C/

[V]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 03 JUIN 2024

*************************************************************

N° RG 22/05203 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITUA - N° registre 1ère instance : 21/00326

Jugement du tribunal judiciaire de douai en date du 07 novembre 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV), agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Malaury Ripert de la SCP Lecat et Associes, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Pascal Perdu, avocat au barreau d'Amiens

ET :

INTIMEE

Madame [E] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparante

Représentée par Me Dimitri Pincent, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Alexis David, avocat au barreau d'Amiens

DEBATS :

A l'audience publique du 20 février 2024 devant Monsieur Renaud Deloffre, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 juin 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud Deloffre en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseiller,

et Monsieur Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 03 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Blanche Tharaud, greffier.

*

* *

DECISION

Mme [E] [V] est affiliée à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (ci-après la CIPAV) depuis le 1er août 2016, au titre d'une activité professionnelle libérale, en qualité d'auto-entrepreneur.

Le 12 août 2021, elle s'est procuré un relevé de carrière depuis le site internet « info retraite ».

En désaccord avec les informations figurant sur ledit relevé, Mme [E] [V] a, le 25 août 2021, saisi la commission de recours amiable (ci-après la CRA) de la CIPAV d'une contestation.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 29 octobre 2021 et reçue au greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Douai le 2 novembre 2021, Mme [E] [V] a saisi ce dernier d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet prise par la CRA.

Par jugement en date du 7 novembre 2022, le tribunal a décidé ce qui suit':

«'Le tribunal, statuant publiquement, au fond, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

DECLARE recevable le recours de Mme [E] [V] ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [E] [V] sur la période 2016-2019, selon le détail suivant :

36 points en 2016 ;

36 points en 2017 ;

36 points en 2018 ;

36 points en 2019 ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [E] [V] sur la période 2016-2019, selon le détail suivant :

58,6 points en 2016 ;

49,3 points en 2017 ;

116,2 points en 2018 ;

108,5 points en 2019 ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à transmettre à Mme [E] [V] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme aux points jugés ci-dessus, ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

DEBOUTE Mme [E] [V] de sa demande d'astreinte ;

DEBOUTE Mme [E] [V] de sa demande en paiement de la somme de 3.000,00 € au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à payer à Mme [E] [V] la somme de 1.000,00 € (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et vieillesse (CIPAV) de sa demande en paiement de la somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et vieillesse (CIPAV) aux dépens'».

Appel limité de ce jugement a été interjeté par la CIPAV par déclaration d'appel électronique de son avocat en date du 29 novembre 2022.

Cet appel porte sur les dispositions suivantes du jugement déféré':

«'DECLARE recevable le recours de Mme [E] [V] ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [E] [V] sur la période 2016-2019, selon le détail suivant :

36 points en 2016 ;

36 points en 2017 ;

36 points en 2018 ;

36 points en 2019 ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [E] [V] sur la période 2016-2019, selon le détail suivant:

58,6 points en 2016 ;

49,3 points en 2017 ;

116,2 points en 2018 ;

108,5 points en 2019 ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à transmettre à Mme [E] [V] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme aux points jugés ci-dessus, ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision'».

Par conclusions reçues le 18 janvier 2024 et enregistrées par le greffe à la date du 31 janvier 2024, la CIPAV demande à la cour de':

INFIRMER le jugement dont appel et statuant à nouveau de :

A TITRE PRINCIPAL :

- DÉCLARER irrecevable le recours formé par Madame [E] [V].

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- JUGER du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Madame [E] [V].

- ATTRIBUER à Mme [E] [V] les points de retraite de base suivants :

40,7 points de retraite de base en 2016, 33,7 points de retraite de base en 2017, 77,5 points de retraite de base en 2018, 72,5 points de retraite de base en 2019,

- ATTRIBUER à Mme [E] [V] les points de retraite complémentaire suivants :

6 points de retraite complémentaire en 2016, 5 points de retraite complémentaire en 2017, 10 points de retraite complémentaire en 2018, 10 points de retraite complémentaire en 2019,

DÉBOUTER Mme [E] [V] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Mme [E] [V] à verser à la CIPAV la somme de 600 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.

Elle fait pour l'essentiel valoir ce qui suit':

En ce qui concerne l'irrecevabilité du recours de Mme [V]

Le relevé de situation individuelle que s'est procuré Mme [V] n'est pas une décision de la caisse, élément nécessaire à la saisine de la CRA et la demande portée directement devant cette dernière sans avoir été formée préalablement devant l'organisme concerné est irrecevable.

Il sera ajouté qu'étant purement indicatif et provisoire le relevé de situation individuelle ne constitue pas une décision de la CIPAV.

Sur le bon calcul des points de retraite de Mme [V].

Les points de retraite de base et complémentaire de Mme [V] ont été exactement calculés selon les modalités indiquées aux conclusions et compte tenu notamment de la valeur des points fixée par le conseil d'administration de la CIPAV.

Sur l'absence de préjudice causé à Mme [V].

La divergence d'interprétation sur les textes ne saurait être à l'origine d'une faute de la CIPAV engageant sa responsabilité envers Mme [V].

Par conclusions reçues par le greffe le 21 août 2023 et soutenues oralement par avocat, Mme [V] demande à la cour de':

CONFIRMER le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Douai du 7 novembre 2022, sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] [V] de sa demande en réparation du préjudice moral ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNER la CIPAV à verser à Mme [E] [V] la somme de 3.000 € en réparation du préjudice moral,

Y ajoutant,

CONDAMNER la CIPAV à verser à Mme [E] [V] la somme de 5.000 € en réparation de l'appel abusif,

CONDAMNER la CIPAV à verser à Mme [E] [V] la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles.

Elle fait pour l'essentiel valoir ce qui suit':

S'agissant de la recevabilité de son action.

En téléchargeant le document sur le site dédié du groupement d'intérêt économique info retraite, auquel la CIPAV renvoie elle-même, l'adhérent obtient la décision individuelle prise par la CIPAV, laquelle fait à l'évidence grief et pouvait donc être contestée directement devant la CRA puis devant le tribunal.

S'agissant de la revalorisation des points de retraite complémentaire et des points de retraite de base.

L'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979, comme l'a jugé'la Cour de cassation dans son arrêt du 23 janvier 2020, est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l'autoentrepreneur inscrit à la CIPAV et apparaît sans fondement textuel ou jurisprudentiel l'invocation d'une règle de proportionnalité par la CIPAV.

Il résulte par ailleurs des textes applicables que le revenu de référence est le chiffre d'affaires et non le bénéfice s'agissant de la période 2009 à 2015, comme le retient la CIPAV sans justification.

S'agissant des points de la retraite de base, les parties s'opposent sur l'assiette de calcul du revenu puisque la CIPAV pratique à tort un abattement de 34 %.

S'agissant de son préjudice moral.

Mme [V] doit être indemnisée du préjudice moral généré par la minoration de ses droits à retraite.

Sur les dommages et intérêts pour appel abusif.

La CIPAV n'ignore pas le caractère illicite de son attitude qui est uniquement dilatoire ou destinée à décourager l'intimée dans ses démarches.

MOTIFS DE L'ARRET.

SUR L'ETENDUE DE LA SAISINE DE LA COUR.

Aux termes de l'article 561 du code de procédure civile l'effet dévolutif de l'appel permet à un plaideur de soumettre son litige à la cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

L'article 562 du même code apporte une limite à cet effet dévolutif en disposant que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, dispose que la déclaration d'appel comporte les mentions prescrites par l'article 58, qu'elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour et est accompagnée de la copie de la décision.

Il résulte des textes précités que la portée de l'appel est déterminée par l'acte d'appel et non par les dernières conclusions et que la Cour est saisie de l'intégralité des dispositions faisant l'objet de la déclaration d'appel même si l'appelant décide dans ses écritures ne faire porter ses critiques que sur certains chefs du jugement faisant l'objet de son appel, ce dernier étant alors non soutenu à l'égard des chefs non contestés qui doivent être en conséquence confirmés (en ce sens l'ouvrage «'guide du procès civil en appel'» Lexis Nexis 2018 n° 774 et suivants qui estime que la portée de l'appel est déterminée par l'acte d'appel et non par les conclusions et que la cour est saisie de l'intégralité des dispositions appelées mais ne peut que considérer que l'appel n'est pas soutenu à l'égard des chefs non contestés et confirmer en conséquence ces derniers/ A noter dans ce sens': Civ. 2ème, 4 novembre 1987, Bull. II, n° 218, pourvoi n° 86-17001'; Soc. 20 janvier 1993 : Bull. V, n° 20, pourvoi n° 90-42345';' 2e Civ., 24 juin 2004, pourvoi n° 02-11.160, Bull., 2004, II, n° 309 retenant que «'la déclaration d'appel ne contenait aucune limitation de sorte que l'appel ne pouvait pas être limité par les conclusions, la cour d'appel, même si elle ne devait examiner que les seules critiques contenues dans ces conclusions et ne pouvait, pour le surplus, que confirmer la décision attaquée, a violé les textes susvisés'»/ A rapprocher : 3e Civ., 13 juin 2007, pourvoi n° 06-11.784, Bull. 2007, III, n° 103 qui retient que le tribunal ayant fixé la créance de la SCI à l'égard des époux [F] et ordonné une mesure d'instruction, la cour d'appel, qui a relevé que la SCI avait formé appel général dans sa déclaration, et en a exactement déduit que la dévolution s'était opérée pour le tout, même si par la suite elle n'avait critiqué que certains chefs de la décision attaquée, a justement déclaré l'appel de la SCI recevable. En sens contraire 2e Civ., 10 février 2000, pourvoi n° 98-10.713'qui approuve les juges du fond d'avoir considéré l'appel d'une expertise irrecevable au vu des conclusions de l'appelant limitant l'appel d'un jugement mixte aux dispositions de ce dernier ordonnant une expertise et un sursis à statuer).

Il résulte enfin des textes précités que l'appel limité ne peut être étendu par les conclusions de l'appelant (en ce sens 2e Civ.'; 4 mars 2021 pourvoi n° 19-25.291'; 1e Civ., 22 juin 1999, pourvoi n° 97-15.225, Bull. 1999, I, n° 206'; 3e Civ., 7 juin 1989, pourvoi n° 87-18.527, Bulletin 1989 III N° 127 ) et que la dévolution résultant de l'appel limité ne peut être élargie que par un appel incident ou un appel provoqué (en ce sens 2e Civ., 13 octobre 2016, pourvoi n° 15-21.973, Bull. 2016, II, n° 223'; Doc., 28 novembre 2000, n° 98-42.999 ; Civ 3ème 15 mai 2002 pourvoi n° 99-10.507 P' Soc., 4 mars 2008, n° 06-45.221 ; Soc., 5 juillet 2005, pourvoi n° 03-44.366). 2e civ., 29 mai 1979, pourvoi n° 78-10.263, Bull. 1979, II, n° 160).

En l'espèce, l'appel de la CIPAV est limité aux dispositions suivantes du jugement déféré':

«'DECLARE recevable le recours de Mme [E] [V] ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [E] [V] sur la période 2016-2019, selon le détail suivant :

36 points en 2016 ;

36 points en 2017 ;

36 points en 2018 ;

36 points en 2019 ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [E] [V] sur la période 2016-2019, selon le détail suivant :

58,6 points en 2016 ;

49,3 points en 2017 ;

116,2 points en 2018 ;

108,5 points en 2019 ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à transmettre à Mme [E] [V] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme aux points jugés ci-dessus, ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision'».

Cet appel limité ne porte donc pas sur les dispositions suivantes du jugement déféré':

«'DEBOUTE Mme [E] [V] de sa demande d'astreinte ;

DEBOUTE Mme [E] [V] de sa demande en paiement de la somme de 3.000,00 € au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à payer à Mme [E] [V] la somme de 1.000,00 € (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et vieillesse (CIPAV) de sa demande en paiement de la somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et vieillesse (CIPAV) aux dépens'».

Mme [V] pour sa part conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en réparation de son préjudice moral et forme donc appel incident uniquement sur ce point.

Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie des dispositions suivantes du jugement déféré':

«'DEBOUTE Mme [E] [V] de sa demande d'astreinte ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à payer à Mme [E] [V] la somme de 1.000,00 € (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et vieillesse (CIPAV) de sa demande en paiement de la somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et vieillesse (CIPAV) aux dépens'».

SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION DE MME [V].

Selon les dispositions combinées des articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension et il résulte de ces textes que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale le report des durées d'affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé (en ce sens 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.542 approuvant les juges d'appel d'avoir déclaré le recours irrecevable au motif que le relevé ne comportait aucune information et ne matérialisait donc aucune décision de la CIPAV / Egalement 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956 publié au bulletin et au BICC).

En l'espèce, l'action de Mme [V] est dirigée contre un relevé de situation individuelle la concernant qui fait apparaître ses points de retraite de base et complémentaire sur les années 2016 à 2019 et qui constitue une décision de la CIPAV lui faisant grief.

Il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement déféré déclarant recevable le recours de la demanderesse.

SUR LA CONTESTATION PAR MME [V] DES MENTIONS FIGURANT SUR SON RELEVE DE SITUATION INDIVIDUELLE.

Sur la contestation des mentions relatives aux points de retraite de base.

Aux termes de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale dans ses rédactions successives applicables au litige, les cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont recevables les travailleurs indépendants relevant notamment de la CIPAV et bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts (statut de la micro-entreprise ou régime micro-social simplifié) sont calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisées le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret.

Ce taux global a fait l'objet d'une fixation par les versions successives de l'article D. 131-6-1 du code de la sécurité sociale puis par l'article D. 131-5-1 .

Aux termes de L. 643-3 'du code de la sécurité sociale, applicable à l'assurance vieillesse et invalidité décès de professions libérales applicable notamment aux personnes relevant du régime géré par la CIPAV et relevant du régime relevant du régime fiscal de la micro-entreprise (CGI, art. 50-0 et 102 ter)'le montant de la pension de retraite est égal au produit de la valeur du point par le nombre de points acquis.

Aux termes de l'article D. 643-1'du même code dans ses rédactions successives le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1° de l'article D. 642-3 (plafond annuel de la sécurité sociale) et le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de la tranche des revenus définis au 2° de l'article D. 642-3 (cinq fois le montant du PASS) ouvrait droit au titre des années d'activité de 2004 à 2014 respectivement à l'attribution à l'attribution de 450 points et 100 points de retraite et à compter de 2015 respectivement à 525 et 25 points de retraite, le nombre de points étant calculé au prorata des cotisations acquittées sur chacune des deux tranches, arrondi à la décimale la plus proche.

Il résulte de la combinaison des textes précités que pour le calcul des points de retraite de base revenant au cotisant la notion de revenu correspond au chiffre d'affaires ou aux recettes.

Si Mme [V] ne présente aucun détail du calcul des points dont elle revendique l'octroi et renvoie le juge à effectuer ces calculs en appliquant les données figurant sur un tableau produit en pièce n° 1-2, il résulte de ses conclusions qu'elle marque son accord avec la formule de calcul retenue par la CIPAV et le montant du chiffre d'affaires retenu par cette dernière dans ses conclusions et que le seul point de désaccord entre les parties porterait selon elle sur l'abattement de 34% pratiqué par cette dernière sur son chiffre d'affaires.

En réalité, et contrairement à ce qu'indique Mme [V], il résulte de la pièce n° 1-2 de cette dernière et des conclusions de la CIPAV que les parties sont en accord, parfois à un euro près, sur le montant du revenu constituant l'assiette de calcul des cotisations mais qu'elles sont en opposition frontale sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs puisque Mme [V] calcule le nombre de points selon la formule T1 (tranche 1) = revenu / (PASS /525) et T2 (tranche 2) = revenu / (5 PASS /25) ce qui revient à calculer d'abord la valeur du point en divisant le PASS ou 5 PASS par le nombre de points de la tranche et en divisant ensuite pour chaque tranche le revenu par la valeur du point ainsi obtenue, tandis que la CIPAV calcule le nombre de points à partir d'une formule qui fait intervenir en premier lieu le calcul du point de base en fonction du montant de la cotisation maximale de la tranche puis, en second lieu, le calcul du montant des cotisations versées sur le chiffre d'affaires total (ce calcul étant effectué par application au chiffre d'affaires total du montant du forfait social et d'un pourcentage de réduction de la cotisation due qui s'établit soit à 75 % soit à 95 % et dont il résulte respectivement que la cotisation due s'établit à 25 % et à 5% de celle résultant du forfait social), puis, en troisième lieu, le calcul du nombre de points de base revenant à l'intéressé par division de la cotisation effectivement due par le montant du point de base.

Force est de constater que la formule de calcul de ses points de retraite de base par Mme [V] est erronée puisqu'il résulte des textes précités que le nombre de points doit se calculer en application des dispositions de l'article D. 643-1 au prorata des cotisations acquittées sur chacune des deux tranches tandis que la formule appliquée par la CIPAV semble à première vue conforme au texte.

Cependant, si les calculs de la CIPAV semblent aller dans le bon sens en ce qu'ils sont effectués en fonction des cotisations acquittées, il s'avère que les modalités de ce calcul apparaissent incompréhensibles voire erronées.

Ainsi la CIPAV calcule-t-elle pour chaque année le montant des points de la tranche n° 1 à partir des cotisations acquittées en application d'un forfait social parfois erroné (22,90 % pour 2016 alors que ce forfait s'établit à 23,1 %) mais surtout elle applique, sans aucune explication, au montant ainsi obtenu un abattement de 75 % voire de 95 % puis elle recommence cette opération pour la tranche n° 2 alors que le PASS s'établit à des montants très supérieurs au montant des revenus pris en compte (par exemple 38616 € pour 2013 alors que le chiffre d'affaires de Mme [V] est de 4270 €) ce dont il résulte qu'elle n'a acquitté aucune cotisation au titre de la deuxième tranche et qu'il n'y a donc pas lieu de calculer à ce titre des points de retraite de base.

Les calculs des parties étant manifestement erronés s'agissant de ceux de Mme [V] ou incompréhensibles s'agissant de ceux de la CIPAV et la cour étant surtout dans l'incapacité de déterminer avec certitude le montant des cotisations effectivement versées par Mme [V] et donc de calculer le montant de ses points de base, il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la réouverture des débats selon les modalités indiquées au dispositif du présent arrêt.

Sur la contestation des mentions relatives aux points de retraite complémentaire.

Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité (en ce sens 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.542) et qu'il n'y a aucunement lieu à calculer le nombre de points attribués de manière proportionnelle aux cotisations effectivement réglées.

Dans sa version en vigueur du 21 juin 1985 au 30 décembre 2012, ce texte prévoit ce qui suit':

«'Le régime d'assurance vieillesse complémentaire institué par l'article 1er comporte six classes de cotisation :

Classe 1 portant attribution de quatre points de retraite ;

Classe 2 portant attribution de huit points de retraite ;

Classe 3 portant attribution de douze points de retraite ;

Classe 5 portant attribution de vingt points de retraite ;

Classe 7 portant attribution de vingt-huit points de retraite ;

Classe 10 portant attribution de quarante points de retraite.

Les montants des cotisations des classes 2, 3, 5, 7 et 10 sont respectivement égaux à deux, trois, cinq, sept et dix fois le montant de la cotisation de la classe 1.

La cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu professionnel net provenant de l'activité libérale et pour les architectes et agréés en architecture visés à l'article 35 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, le revenu net salarié provenant de l'activité exercée en qualité d'associé d'une société d'architecture. A titre transitoire, les classes 5, 7 et 10 ne deviennent obligatoires en fonction du revenu professionnel qu'à compter du 1er janvier 1980 pour la classe 5, du 1er janvier 1981 pour la classe 7 et du 1er janvier 1982 pour la classe 10.

Les adhérents peuvent toutefois opter dans les conditions prévues auxdits statuts pour la classe immédiatement supérieure à celle qui correspond à leur revenu.

Le montant des cotisations est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de la section professionnelle mentionnée à l'article 1er. La cotisation ainsi fixée peut faire l'objet d'un appel réduit dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5. Le taux d'appel, qui ne peut être inférieur à 80 p. 100 de la cotisation ci-dessus prévue, est proposé par le conseil d'administration de la section professionnelle susmentionnée, lors de l'élaboration du budget prévisionnel du régime.

A la cotisation ainsi fixée peut s'ajouter, à la demande des intéressés, une cotisation égale à 25 p. 100 du montant de la cotisation à laquelle correspond leur revenu professionnel ou, le cas échéant, de leur classe d'option. Cette cotisation facultative ouvre droit à une prestation supplémentaire au profit du conjoint survivant dans les conditions prévues par les statuts'».

Dans sa version en vigueur du 01 janvier 2013 au 01 janvier 2023 cet article prévoit ce qui suit':

«'Le régime d'assurance vieillesse complémentaire institué par l'article 1er comporte huit classes de cotisation :

- la classe A portant attribution annuelle de 36 points ;

- la classe B portant attribution annuelle de 72 points ;

- la classe C portant attribution annuelle de 108 points ;

- la classe D portant attribution annuelle de 180 points ;

- la classe E portant attribution annuelle de 252 points ;

- la classe F portant attribution annuelle de 396 points ;

- la classe G portant attribution annuelle de 432 points ;

- la classe H portant attribution annuelle de 468 points.

Les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2, 3, 5, 7, 11, 12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A.

La cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article'L. 131-6'du code de la sécurité sociale et pour les architectes et agréés en architecture visés à'l'article 35 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, le revenu net salarié provenant de l'activité exercée en qualité d'associé d'une société d'architecture.

Les adhérents peuvent toutefois opter dans les conditions prévues auxdits statuts pour la classe immédiatement supérieure à celle qui correspond à leur revenu.

Le montant des cotisations est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de la section professionnelle mentionnée à l'article 1er. La cotisation ainsi fixée peut faire l'objet d'un appel réduit dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5. Le taux d'appel, qui ne peut être inférieur à 80 % de la cotisation ci-dessus prévue, est proposé par le conseil d'administration de la section professionnelle susmentionnée, lors de l'élaboration du budget prévisionnel du régime.

A la cotisation ainsi fixée peut s'ajouter, à la demande des intéressés, une cotisation égale à 25 p. 100 du montant de la cotisation à laquelle correspond leur revenu professionnel ou, le cas échéant, de leur classe d'option. Cette cotisation facultative ouvre droit à une prestation supplémentaire au profit du conjoint survivant dans les conditions prévues par les statuts'».

Il résulte du renvoi effectué par le décret aux dispositions de l'article L.131-6 du code de la sécurité sociale dans ses versions successives que le revenu à prendre à considération est le revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, lequel est fixé par l'article 102 ter du code général des impôts en ce qui concerne les entreprises relevant du statut de micro-entrepreneur au montant brut des recettes annuelles diminué d'un abattement forfaitaire de 34%.

Aux termes de l'article 3.4 des statuts de la CIPAV, auxquels renvoie l'article 2 du décret précité pour la détermination du revenu d'activité correspondant à chaque classe':

Les tranches de revenu d'activité non salarié correspondant aux différentes classes de cotisations visées à l'article 3.3 sont fixées chaque année par une délibération du conseil d'administration soumise à l'approbation du ministre chargé de la sécurité sociale.

En l'espèce, les parties n'ont pas produit les délibérations du conseil d'administration de la CIPAV fixant les tranches de revenu d'activité, rendant ainsi impossible le calcul par la cour du nombre de points revenant à Mme [V].

Il convient dans ces conditions d'ordonner la réouverture des débats selon les modalités indiquées au dispositif du présent arrêt.

SUR LA DEMANDE INDEMNITAIRE DE MME [V] AU TITRE DU PREJUDICE MORAL QUI LUI AURAIT ETE OCCASIONNE PAR LA MINORATION DE SES DROITS A RETRAITE ET SUR SA DEMANDE EN DOMMAGES ET INTERETS POUR APPEL ABUSIF.

L'existence d'une minoration des droits à retraite de l'intéressé par son relevé de situation individuelle n'étant pas connue puisqu'elle est subordonnée à l'issue de la réouverture des débats tant sur les points de base que sur les points de retraite complémentaire lui revenant, il convient de réserver jusqu'à la solution de la demande de Mme [V] en rectification de ses points le sort de la demande indemnitaire de cette dernière au titre du préjudice moral qui lui aurait été occasionné par la minoration de ses droits à retraite.

De même, le litige n'étant pas intégralement tranché, il convient également de réserver le sort de la demande de Mme [V] au titre du caractère abusif de l'appel de la CIPAV.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON REPETIBLES D'APPEL.

La cour n'étant pas dessaisie de la cause, il convient de réserver le sort des dépens d'appel et des prétentions au titre des frais non-répétibles d'appel jusqu'à la solution de l'entier litige.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Confirme les dispositions du jugement déféré déclarant recevable le recours de Mme [V].

Et sur les questions restant à juger,

Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 6 janvier 2025 à 13h30 à laquelle les parties sont invitées à justifier du montant des cotisations acquittées par Mme [V] au titre des années litigieuses et à produire pour ces mêmes années les délibérations du conseil d'administration de la CIPAV fixant les tranches de revenu d'activité.

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l'audience de réouverture des débats.

Réserve les dépens d'appel et le sort des prétentions au titre des frais non répétibles d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05203
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;22.05203 ?
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