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30/05/2024 | FRANCE | N°24/00031

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 30 mai 2024, 24/00031


ORDONNANCE

N° 59

















COUR D'APPEL D'AMIENS



RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 30 MAI 2024



*************************************************************



A l'audience publique des référés tenue le 26 Avril 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 09 Avril 2024,



Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON,

Greffier.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00031 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JAYS du rôle général.





ENTRE :





La société NOUMEA FLUVIAL (SAS), agissant poursuites et dilige...

ORDONNANCE

N° 59

COUR D'APPEL D'AMIENS

RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 30 MAI 2024

*************************************************************

A l'audience publique des référés tenue le 26 Avril 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 09 Avril 2024,

Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00031 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JAYS du rôle général.

ENTRE :

La société NOUMEA FLUVIAL (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Virginie CANU-RENAHY de la SELAS CANU-RENAHY ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 42

et ayant pour avocat Me Jean-Michel VANCRAEYENEST, avocat au barreau D'AVIGNON

Assignant en référé suivant exploit de la SELARL SG BAENA, Commissaires de Justice Associés à MORET SUR LOING en date du 22 Mars 2024, d'un jugement rendu par le tribunal de Commerce de COMPIEGNE, en date du 23 Janvier 2024, enregistré sous le n° 2022F0041.

ET :

La société [D] TRANSPORT FLUVIAL (SARL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS, postulant et plaidant par Me Nasser MERABET de la SELARL CCBS, avocat au barreau de ROUEN

DÉFENDERESSE au référé.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Canu-Renahy, conseil de la société Nouméa Fluvial

- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Mérabet, conseil de la société [D] Transport Fluvial

L'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2024 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.

Vu le jugement en date 23 janvier 2024 du tribunal de commerce de Compiègne, saisi à la requête de la société [D] Transport Fluvial, qui a :

- dit la société [D] Transport Fluvial recevable et bien fondée en ses demandes ;

- condamné la société Noumea Fluvial à verser à la société [D] Transport Fluvial la somme de 53.428,24 euros TTC avec intérêts aux taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 16 juillet 2021 ;

- condamné la société Noumea Fluvial à verser à la société [D] Transport Fluvial la somme de 7.095,02 euros TTC au titre des frais d'expertise avec intérêt aux taux légal à compter du 16 juillet 2021 ;

- condamné la société Noumea Fluvial à verser à la société [D] Transport Fluvial la somme de 4.871,96 euros TTC au titre des frais de stationnement selon le décompte arrêté au 31 décembre 2022 ;

- condamné la société Noumea Fluvial à payer à la société [D] Transport Fluvial les frais de stationnement ultérieurs à compter du 1er janvier 2023 jusqu'à la date du jugement ;

- dit la société [D] Transport Fluvial recevable mais mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'a déboutée de ce chef ;

- dit la société Noumea Fluvial recevable mais mal fondée en ses demandes reconventionnelles d'indemnité au titre de restitution des loyers versés et des dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation et l'a déboutée de ce chef ;

- dit la société Noumea Fluvial recevable mais mal fondée en sa demande reconventionnelle et subsidiaire au titre de la désignation d'un expert judiciaire et l'a débouté de ce chef ;

- condamné la société Noumea Fluvial aux dépens et à verser à la société [D] Transport Fluvial la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- liquidé les dépens du greffe à la somme de 69,59 euros TTC dont TVA à 20%, comprenant les frais de mise au rôle de la présente instance.

La société Noumea Fluvial a formé appel de ce jugement par déclaration reçue le 21 février 2024 au greffe de la cour.

Par acte de commissaire de justice en date 22 mars 2024 actualisée par conclusions transmises les 24 et 25 avril 2024, la société Noumea Fluvial a fait assigner la société [D] Transport Fluvial à comparaître à l'audience du 26 avril 2024 devant Madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens et demande, au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile de :

- constater qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

- arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu le 23 janvier 2024 par le tribunal de commerce de Compiègne ;

- condamner la société [D] Transport Fluvial à payer à la société Noumea Fluvial la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société [D] Transport Fluvial aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Noumea Fluvial fait valoir pour l'essentiel que c'est par une appréciation erronée qu'elle a été condamnée à supporter le coût exorbitant de remise en état du bateau loué en vertu des dispositions conventionnelles, le bateau étant impropre à sa destination dès sa mise en location, la société [D] Transport Fluvial, bailleur ayant manqué à son obligation de délivrance, d'entretien et de réparation (articles 1719 et suivants du Code civil).

Elle estime en outre que le jugement entrepris entraînerait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où il est à craindre en cas de réformation ou d'infirmation de la décision à intervenir, l'impossibilité pour la demanderesse de restituer les indemnités perçues. Par ailleurs, elle se trouve actuellement dans une situation financière particulièrement difficile et l'exécution de cette décision obérerait sa situation de façon certaine et irrévocable, conduisant ainsi à une déclaration de cessation des paiements.

Par conclusions transmises le 22 avril 2024, la société [D] Transport Fluvial s'oppose à la demande de la société Noumea Fluvial et demande de:

A titre principal,

- débouter la société Noumea Fluvial de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

- condamner la société Noumea Fluvial au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Noumea Fluvial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- ordonner l'aménagement de l'exécution provisoire sous forme de consignation des condamnations sur le compte CARPA du Bâtonnier de l'ordre des avocats du Barreau d'Amiens ;

- juger qu'à défaut de consignation, dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir, l'exécution provisoire reprendra purement et simplement sans aménagement ;

En tout état de cause,

- condamner la société Noumea Fluvial au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience, les conseils des parties ont développé oralement leurs écritures auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de fait et de droit invoqués au soutien de leurs prétentions.

SUR CE

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose: 'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'

Il y a lieu de donner acte à la société Noumea Fluvial, appelante du jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 23 janvier 2024, de ce qu'elle a demandé expressément au tribunal d'écarter l'exécution provisoire suivant conclusions produites en pièces n°3 de telle sorte que la demande fondée sur l'article 514-3 du code de procédure civile est recevable.

Il ressort des pièces produites et des débats que la Sarl [D] Transport Fluvial, enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Melun sous le numéro 829 240 852 a donné en location ' coque nue' à la société par actions simplifiée dénommée Noumea Fluvial immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Compiègne sous le numéro 841 888 233, en vue de son exploitation commerciale, le bateau 'LAURIANE' moyennant le versement d'un loyer mensuel de 1.000 euros HT, soit 1.200 euros TTC.

Il n'a pas été prévu de dépôt de garantie.

La location commerciale a été consentie pour une durée de 15 mois à compter du 15 octobre 2019 expirant le 14 janvier 2021, période à l'issue de laquelle, sauf reconduction du contrat, soit à compter du 15 janvier 2021, le bailleur s'engageait à céder au locataire le bateau et ses équipements et accessoires, dans l'état où il se trouvera, la locataire déclarant accepter cette promesse, sans prendre l'engagement d'acquérir le bateau, le prix de vente HT étant fixé à 40.000 euros en cas de levée de l'option par le locataire, la vente ayant lieu aux conditions ordinaires de droit en pareille matière.

Par courrier en date du 3 août 2020, le conseil de la société Noumea Fluvial a informé la société [D] Transport Fluvial de défauts effectant la navigabilité et fait parvenir un devis de la société Navire en Cale en date du 12 janvier 2020 d'un montant de 17.220 euros TTC que la société [D] Transport Fluvial a refusé de prendre en charge au motif que ces travaux visent à atténuer l'usure normale, s'agissant de travaux d'entretien à la charge du locataire.

Les parties n'ayant pu parvenir à un accord, M. [L] [D], gérant de la société [D] Transport Fluvial a fait appel à Monsieur [V] [K], expert, lui exposant que les dispositions du contrat de location-vente prévoient que le locataire est tenu de restituer l'automoteur au bailleur dans l'état où il en a pris l'usage, ledit expert étant requis pour constater l'état de l'automoteur et de dresser la liste des éventuelles anomalies et/ou dommages apparus pendant la période de location.

Il ressort des constats établis par M. [K] contradictoirement avec M.et Mme [X] [C] pour la société Noumea Fluvial, qu'il a procédé à plusieurs visites entre le 14 janvier 2021 et le 15 avril 2021.

Dans une note de synthèse en date du 18 mai 2023 en réponse aux conclusions du conseil de la société Noumea Fluvial, M. [K] précise que, hormis le remplacement du moteur de propulsion mécanique par un moteur SCANDA 350 CV et la bordaille de fond de coque, le bateau n'a subi aucune réparation qui remette en cause sa solidité, sa stabilité ou sa manoeuvrabilité depuis l'établissement du certificat de navigabilité valable jusqu'au 14 avril 2020, le contrat de location ayant été conclu sans réserve particulière de la part des parties à l'issue des essais en navigation fluviale, attestant du bon état général du bateau dont la construction remonte à 1958, du bon fonctionnement du moteur et de la giration et des systèmes électroniques du bord.

Or, l'examen qui a donné lieu à l'établissement du dernier certificat de navigabilité remontant au 4 décembre 2015 pour un bateau construit en 1958, les constatations de M. [K] ne permettent pas d'établir précisément l'état du bateau au jour de sa mise en location-vente par acte du 12 octobre 2019, le locataire ayant eu connaissance quelques mois seulement après de la nécessité de procéder à des travaux pour un montant de 17.220 euros s'agissant de la pose d'une bande de bordail tribord et babord sur un longueur totale de 65 mètres.

En outre, il est établi par les propres pièces produites par la société [D] Transport Fluvial que l'expert fluvial agréé, [G] [S], a indiqué dans une attestation du 28 janvier 2020 , soit quelques mois seulement après la mise en location-vente, que l'automoteur 'LAURIANE' n'est pas conforme à l'arrêté du 5 novembre 2018 relatifs aux prescriptions techniques de sécurité applicable aux bateaux et engins flottants navigant sur les eaux intérieures, ainsi qu'aux prescriptions techniques définies au standard européen (ES-TRIN).

Pour condamner la société Noumea Fluvial, le tribunal a retenu qu'à la suite de la mise en cale du bateau en janvier 2020, il lui appartenait d'appliquer les clauses du contrat et en particulier l'article 6-3 qui prévoit à sa charge la remise en conformité du bateau loué conformément au rapport établi le 28 janvier 2020 par VNDF (Voies Navigables Formation de Deulémont)

Or, l'article 6-3 du contrat de location prévoit, après la montée en cale, que le locataire prendra en charge le coût de l'expertise et les travaux d'entretien et de remise en conformité du bateau loué alors que l'article 6-2 dispose que le locataire prend en charge le bateau dans l'état où il se trouve et devra l'entretenir en bon état en prenant en charge les réparations d'entretien et rendues nécessaires par l'usure normale y compris le remplacement de pièce d'usure, ces dispositions n'étant dans tous les cas pas exonératoires de l'obligation faite au bailleur de mettre à disposition du locataire un bateau en état de naviguer .

La société [D] Transport Fluvial rappelle à juste titre que l'article 1730 du code civil institue une présomption en faveur du bailleur en l'absence d'état des lieux d'entrée.

Toutefois, cette présomption peut être combattue par la preuve contraire, notamment au travers d'une mesure d'expertise qui a été refusée par le tribunal alors que les éléments de l'espèce et notamment l'absence de dépôt de garantie et le montant attractif du loyer qui ont normalement été fixés au regard de l'état de la chose louée, militaient en faveur d'une telle mesure.

Enfin, la société Noumea Fluvial fait valoir qu'elle a été privée de la possibilité d'exploiter le bateau en l'absence de certificat de navigabilité qui n'a été prorogé que pour des raisons purement administratives et peut espérer sur ce point démontrer un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Ainsi, il existe de moyens sérieux de réformation du jugement.

En outre l'obligation pour la société Noumea Fluvial de régler la somme de 53.428,24 euros et diverses sommes complémentaires soit au total 65.395,22 euros dans le cadre de l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives en ce qu'il est établi que malgré un chiffre d'affaires de 86.970 euros réalisé de septembre 2023 à janvier 2024 inclus contre 96.517 euros pendant la même période en 2022, sa trésorerie telle qu'elle ressort du solde de son compte bancaire attesté par son expert comptable ne lui permet pas de faire face au règlement des sommes mises à sa charge par le jugement.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 23 janvier 2024.

Il n'y pas lieu de faire droit à la demande de consignation formée par la société [D] Transport Fluvial qui n'est pas justifiée au regard de la suspension de l'exécution provisoire qui est ordonnée.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la demande de suspension de l'exécution provisoire étant formée dans l'intérêt de la société Noumea Fluvial, il y a lieu de dire qu'elle supportera la charge des dépens de l'instance en référé.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons la demande de la société Noumea Fluvial recevable et bien fondée,

En conséquence,

Ordonnons la suspension de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 23 janvier 2024,

Déboutons la société [D] Transport Fluvial de sa demande de consignation,

Disons n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens à la charge de la société Noumea Fluvial.

A l'audience du 30 Mai 2024, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme CHAPON, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 24/00031
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;24.00031 ?
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