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30/05/2024 | FRANCE | N°23/02855

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 30 mai 2024, 23/02855


ARRET







[W]





C/



[C]



























































copie exécutoire

le 30 mai 2024

à

Me SIMON

Me SELEGNY

CPW/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 30 MAI 2024



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N° RG 23/02855 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZZ5



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 13 JUIN 2023 (référence dossier N° RG F22/00069)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [P] [W]

née le 06 Mai 1969 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]



concluant par Me Murielle ...

ARRET

[W]

C/

[C]

copie exécutoire

le 30 mai 2024

à

Me SIMON

Me SELEGNY

CPW/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 30 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/02855 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZZ5

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 13 JUIN 2023 (référence dossier N° RG F22/00069)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [P] [W]

née le 06 Mai 1969 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

concluant par Me Murielle SIMON, avocat au barreau de BEAUVAIS

ET :

INTIMEE

Madame [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de ROUEN

DEBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus l'avocat en ses conclusions et plaidoirie

Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 30 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 30 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [C] (l'employeur), qui exerce en qualité d'auto entrepreneur dans le domaine de la restauration rapide, sous l'enseigne « L'atelier gourmand », a embauché Mme [W] en qualité de serveuse pour la période du 15 juin au 30 septembre en 2019, puis en 2020, et enfin le 1er juin 2021 dans le cadre du dispositif Titre Emploi Service Entreprise (TESE).

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la restauration rapide.

Revendiquant la requalification de son dernier contrat du 1er juin 2021 en un contrat à durée indéterminée et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution de la relation de travail, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 7 avril 2022, qui par jugement du 13 juin 2023, a :

débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes ;

débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

dit ne pas faire droit à l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les parties conservaient leurs propres dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 août 2023 dans lesquelles Mme [W], qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de la dire et juger recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer la décision, et en conséquence, de :

requalifier le contrat en un contrat de travail à durée indéterminée ;

condamner Mme [C] à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête :

- 2 585 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 8 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- 2 585 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 258,50 euros au titre des congés payés afférents ;

- 3 500,54 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'octobre et novembre 2022 outre 350,05 euros à titre des congés payés afférents ;

- 719,52 euros à titre de majoration des heures complémentaires des mois de juin, juillet et septembre 2022, outre 71,95 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonner à Mme [C] d'établir et de remettre, sous astreinte journalière de 50 euros, des bulletins de paie pour les mois d'octobre et novembre 2022, un certificat de travail rectifié et une attestation pôle emploi rectifiée ;

condamner Mme [C] aux entiers dépens y compris ceux, éventuels, d'exécution.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mars 2024 dans lesquelles Mme [C] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] de l'ensemble de ses prétentions, mais de l'infirmer pour le surplus, et y ajoutant, de condamner Mme [W] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée

L'utilisation du dispositif TESE prévu aux articles L.1273-1 à L.1273-7 du code du travail dispense l'employeur d'établir un contrat de travail et les bulletin de paie. L'employeur n'est pas pour autant dispensé de respecter les règles de droit commun relatives contrat de travail à durée déterminée lorsque la relation de travail prévue dans ce cadre est de courte durée.

Les cas de recours au contrat à durée déterminée sont limitativement énumérés à l'article L.1242-2 du même code, qui prévoit à ce titre notamment le remplacement d'un salarié absent, l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, les emplois à caractère saisonnier, les contrats dits d'usage.

Aux termes de l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour une tâche précise et temporaire mais, quel que soit son motif, il ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Un contrat à durée déterminée peut par conséquent être conclu pour des emplois saisonniers dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Pour pouvoir être qualifiées de saisonnières, les variations d'activité doivent être régulières, prévisibles, cycliques, ce qui les distingue du simple accroissement d'activité, et indépendantes de la volonté des employeurs ou des salariés.

L'article L.1245-1 du code du travail précise que la méconnaissance des dispositions susvisées aboutit à dire le contrat de travail réputé contrat à durée indéterminée.

En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.

En cas de requalification judiciaire du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'article L.1245-2 du code du travail prévoit que le salarié a droit à une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, selon le montant perçu avant la saisine de la juridiction prud'homale. Le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois.

En outre, le terme du contrat à durée déterminée produit alors les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit.

En l'espèce, l'employeur a eu recours au titre emploi service entreprise prévu aux articles L.1273-1 à L.1273-7 du code du travail. Les relations entre les parties, débutées le 1er juin 2021, ont cessé le 30 septembre 2021.

Mme [W] sollicite la requalification de son contrat saisonnier en contrat de travail à durée indéterminée aux motifs de :

la transmission tardive le 21 juin 2021 du volet d'identification au centre URSSAF alors qu'elle avait commencé à travailler le 1er juin, ce qui selon elle équivaut à une absence d'écrit,

l'absence de preuve que les tâches qui lui étaient confiées étaient liées à l'accroissement cyclique saisonnier, alors que le motif de recours indiqué sur le volet d'identification salarié était « emploi saisonnier ».

Consécutivement à cette requalification, elle sollicite une indemnité et forme plusieurs demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Or, elle produit le certificat d'enregistrement du volet identification du salarié signé par les deux parties dans le cadre du dispositif Titre Emploi Service Entreprise le 1er juin 2021. Y figurent notamment l'identité de la salariée, l'emploi occupé de serveuse, la classification de la salariée, le motif du recours « emploi saisonnier », le salaire, la convention collective applicable (celle de la restauration rapide), et la durée du travail.

Selon l'article D.1242-1 du code du travail, le secteur de la restauration fait bien partie des secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Il est établi notamment par les attestations concordantes, photographies produites par Mme [C] que l'activité de l'établissement L'atelier gourmand exploité à [Localité 4] est centrée sur la restauration en extérieur, exclusivement en terrasse (trois terrasses extérieures), et est ainsi ouvert chaque année du printemps à l'automne, entre début mai et fin septembre. Cette activité présente par conséquent en elle-même un caractère saisonnier dès lors qu'elle dépend indiscutablement, comme le souligne l'employeur sans être utilement contredit, de la météo et du rythme des saisons.

Il ressort en particulier de l'attestation du maire de la commune de [Localité 4] que le flux touristique saisonnier commence début avril pour se terminer mi-octobre mais avec une fréquentation touristique si faible à compter de cette date « qu'on ne peut plus exercer une activité commerciale », étant souligné que Mme [C] produit un extrait du site de la commune dont il ressort que même le musée, attraction touristique qui s'y trouve, n'est ouvert que jusqu'au 1er octobre. La directrice de l'office du tourisme indique dans son attestation que la saison touristique se déroule de mai à septembre et que l'atelier gourmand est ouvert en saison estivale, ce que confirme l'ancienne maire Mme [Z]. M. [U] quant à lui, commerçant dans la commune de [Localité 4], confirme la fermeture du restaurant à partir du 30 septembre, ce qui est encore corroboré par les contrats de Mme [W] en 2019 et 2020 portant sur la période du 15 juin au 30 septembre et le contrat d'une saisonnière embauchée en 2023 pour la période de mai à fin septembre.

Compte tenu de ces éléments et de son cycle d'activité (quelques mois dans l'année entre début mai et fin septembre), la nature saisonnière de l'activité ne peut être sérieusement contestée, et aucun des documents produits par l'appelante ni aucune de ses allégations contraires ne sont opérants.

Elle ne justifie aucunement qu'elle aurait, dans le cadre de son embauche du 1er juin 2021, travaillé au-delà du 30 septembre 2021. L'attestation signée par Mme [I] et M. [O] le 16 août 2023, extrêmement sommaire, dans laquelle ils indiquent avoir été servis par Mme [W] le 13 novembre 2021 non dans l'établissement L'atelier gourmand, mais dans un autre établissement géré par Mme [C], sans aucune contextualisation (expliquant notamment de quelle manière ces personnes se disant clientes du restaurant connaissent l'identité exacte de leur serveuse et de quelle manière elle les a retrouvés plusieurs années après pour les faire attester), ne permet pas notamment d'exclure tout lien de parenté et ne présente pas les garanties suffisantes pour permettre à la cour de se forger une conviction sur la valeur et la portée des éléments qu'elle contient. Les mêmes observations valent pour l'attestation de M. [Y] rédigée le 18 décembre 2023. En outre, les attestations de Mme [I] et M. [O] d'une part et de M. [Y] d'autre part sont d'autant plus douteuses qu'elles concernent, la première la date du 13 novembre 2021 et la seconde celle du 6 novembre 2021, et donc une période postérieure à celle visée par la salariée qui ne soutient pas avoir travaillé au-delà du 4 novembre 2021. Les SMS versés aux débats portent également sur la période postérieure au 4 novembre et il n'est pas établi que les messages auraient un lien quelconque avec l'activité de restauration.

L'attestation de Mme [N] n'est quant à elle pas même accompagnée d'une pièce justifiant de l'identité de l'auteur de l'attestation et ne présente donc pas les garanties suffisantes permettant de l'admettre dans le débat contradictoire, alors qu'en tout état de cause elle n'est aucunement circonstanciée, ne visant aucun fait précisé et daté.

Par ailleurs, les affirmations d'ordre général de la salariée quant au fait qu'il n'est pas rare de connaitre un beau mois d'octobre voire un beau mois de novembre, qui ne sont appuyées par aucun élément précis et concret permettant de retenir que les mois d'octobre et novembre 2021 ont précisément bénéficié d'une météo clémente, sont inopérantes.

La circonstance que les documents de fin de contrat, en particulier l'attestation destinée à Pôle emploi (qui mentionne bien une période travaillée du 1er juin au 30 septembre 2021), aient été établis le 4 novembre 2021, n'est pas susceptible d'établir que Mme [W] a effectivement travaillé pour le compte de Mme [C] au-delà du 30 septembre 2021.

S'agissant de la transmission tardive du volet d'identification à l'URSSAF, l'article L.1273-5 du code du travail prévoit que l'employeur qui utilise le « Titre Emploi-Service Entreprise » est réputé satisfaire, par la remise au salarié et l'envoi à l'organisme habilité des éléments du titre emploi qui leur sont respectivement destinés, aux formalités suivantes :

1° Les règles d'établissement du contrat de travail, dans les conditions prévues par l'article L.1221-1 ;

2° La déclaration préalable à l'embauche prévue par l'article L.1221-10 ;

3° La délivrance d'un certificat de travail prévue à l'article L.1234-19 ;

4° L'établissement d'un contrat de travail écrit, l'inscription des mentions obligatoires et la transmission du contrat au salarié, prévus aux articles L.1242-12 et L.1242-13 pour les contrats de travail à durée déterminée ;

5° L'établissement d'un contrat de travail écrit et l'inscription des mentions obligatoires, prévus à l'article L.3123-6, pour les contrats de travail à temps partiel.

L'article D.1272-2 du même code, en sa version en vigueur depuis le 18 mars 2019, qui remplace les articles abrogés D.1273-3 et D.1273-4 visés par la salariée, dispose qu'une copie du volet d'identification du salarié est transmise par l'employeur au salarié dans les délais prévus par le présent code sans prévoir aucun délai particulier pour l'envoi destiné à l'URSSAF.

Seule la transmission tardive au salarié du volet d'identification du TESE, qui n'est pas invoquée et n'est en tout état de cause pas établie par les éléments de procédure, équivaut à une absence d'écrit entraînant la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée. Tel n'est pas le cas d'une remise tardive à l'URSSAF, qui est à ce titre indifférente.

En conséquence, le premier juge a débouté à juste titre Mme [W] de sa demande de requalification et de l'ensemble de ses demandes subséquentes, en ce compris celles concernant la rupture de son contrat de travail, le jugement querellé étant confirmé de ces chefs.

2. Sur la demande de rappel de salaire sur la base d'un horaire à temps partiel

En application de l'article L.1273-5 du code du travail, l'employeur qui utilise le titre emploi-entreprise est réputé satisfaire aux obligations prévues par l'article L.3123-6 relatif aux mentions que doit contenir le contrat de travail à temps partiel. En vertu de l'article L.133-11 du code de la sécurité sociale, le titre emploi service doit porter mention de la durée du travail.

Aux termes de l'article L.3123-6, le contrat du salarié à temps partiel mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Sous le régime du temps partiel, les heures de travail effectuées au-delà de celles prévues au contrat constituent des heures complémentaires.

En application de l'article L.3123-29 du code du travail, à défaut de stipulation conventionnelle prévue à l'article L.3123-21, le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail. La convention collective applicable ne dit pas autre chose.

Aux termes de l'article L.3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'un convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, il ressort des bulletins de paie que Mme [W], qui soutient avoir été embauchée en temps partiel sur la base de 135 heures par mois, a chaque mois été rémunérée pour des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale de travail de 151,67 heures par semaine, à l'exception cependant du mois d'août pour lequel le bulletin de paie mentionne une durée accomplie et payée de 134,30 heures. Ainsi, elle a été rémunérée pour 258,50 heures accomplies en juin 2021, 230,50 heures en juillet, et 219,30 heures en septembre.

Mme [W] produit le certificat d'enregistrement et ses bulletins de paie, éléments qui sont suffisants pour permettre à l'employeur d'apporter une réponse.

Or, l'employeur, chargé du contrôle du temps de travail de sa salariée, ne conteste pas utilement le nombre d'heures de travail mentionné dans les bulletins de paie en affirmant sans aucun commencement de preuve que Mme [W], dont il n'est pas contesté qu'elle déclarait elle-même ses heures de travail accomplies ni qu'elle bénéficiait d'une grande autonomie, a « sans doute été payée bien au-delà des heures supplémentaires qu'elle pourrait avoir réalisées ».

Mme [C] soutient par ailleurs que Mme [W] a été embauchée à temps plein sur la base de 169 heures par mois et produit un certificat d'enregistrement d'un volet d'identification du salarié non signé par les parties mentionnant cette durée de travail.

Les volets d'identification du salarié produits par Mme [C] et Mme [W], tous deux transmis à l'URSSAF sous le même numéro le 21 juin 2021 à 9h33, mentionnent ainsi une durée de travail différente.

Pour autant, le volet identification du salarié produit par Mme [W] a cependant été signé par les deux parties à la relation de travail contrairement à celui présente par Mme [C], qui n'apporte pas la preuve d'une erreur sur les éléments essentiels du contrat mentionnés dans l'exemplaire de la salariée, l'assertion selon laquelle la durée de travail y figurant est une simple erreur matérielle n'étant justifiée par aucune pièce pertinente.

Le volet produit par l'employeur, non daté et non signé, dont il n'est pas même prouvé qu'il aurait été porté à la connaissance de Mme [W], modifie ainsi la durée du travail prévue, élément essentiel du contrat accepté par la saisonnière. Il ne saurait constituer un avenant ou une modification contractuelle à effet du 1er juin 2021, alors qu'il n'est pas non plus justifié d'une volonté commune des parties de porter la durée du travail à 169 heures. Ni l'absence de revendication par la salariée durant la relation de travail, ni la majoration opérée par l'URSSAF dans les bulletins de salaire, sur la base du volet d'identification transmis par l'employeur, à compter de 151,67 heures et non de 135 heures, ne sont suffisants, même pris ensemble, pour démontrer la réalité de cette commune volonté alléguée par l'employeur.

D'ailleurs, il sera observé qu'en août 2021, alors même qu'aucune absence injustifiée n'est mentionnée ou justifiée, la salariée a été payée à hauteur des 134,30 heures accomplies, et non à hauteur d'un temps plein.

Il sera en outre relevé l'absence d'une anormalité évidente de l'embauche à temps partiel pour 135 heures par mois pour la période saisonnière en 2021 au regard des précédentes embauches de Mme [W] par Mme [C], celle-ci ayant travaillé comme saisonnière en 2019 pour une durée mensuelle similaire de 140 heures, alors qu'elle avait également été embauchée à temps partiel en 2019.

En conséquence, Mme [W] peut prétendre à être rémunérée sur la base d'un horaire contractuel de travail de 135 heures et est fondée à réclamer que les heures accomplies au-delà soient considérées comme des heures complémentaires et rémunérées comme telles.

Il apparaît que les heures réalisées au-delà de la durée légale ont été régulièrement payées en étant majorées de 25% pour les 32 premières heures puis de 50% au-delà, aucune revendication n'étant formulée à ce titre, mais que les heures réalisées et payées de 135 à 151,67 heures n'ont pas fait l'objet d'une majoration quelconque.

Mme [W] réclame la majoration due pour ces heures, qui correspond à un montant total de 719,52 euros pour les mois de juin, juillet et septembre 2021. La mention de l'année 2022 dans le dispositif résulte de manière évidente d'une erreur de plume dès lors que son action concerne exclusivement la relation de travail en 2021 qui n'a pas été renouvelée en 2022. L'employeur, qui ne conteste pas spécifiquement à titre subsidiaire ce montant exactement calculé par la salariée sera, par voie d'infirmation, condamné au paiement du rappel réclamé et des congés payés afférents.

3. Sur la période d'octobre et novembre 2021

Au vu des développements qui précèdent, Mme [W] ne justifie aucunement qu'elle aurait travaillé au-delà du 30 septembre 2021 au titre de son embauche à L'atelier gourmand dans le cadre du dispositif TESE, et surabondamment ne démontre pas non plus avoir travaillé pour Mme [C] sans contrat de travail ou hors de ce dispositif TESE en octobre et jusqu'au 4 novembre 2021 dans l'autre établissement qu'elle dirige.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

4. Sur la remise de documents

Il convient d'ordonner à Mme [C] de délivrer à Mme [W] une attestation destinée à France travail (anciennement Pôle emploi), sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte que rien ne justifie. Les autres demandes seront rejetées, par confirmation du jugement déféré.

5. Sur les intérêts

La créance de nature salariale allouée portera intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

6. Sur la procédure abusive

La cour ayant partiellement accueilli les demandes de Mme [W], la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par Mme [C] ne peut qu'être rejetée.

7. Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'issue du litige conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'employeur, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles. Il ne saurait être inclus dans les dépens de cette procédure les frais d'exécution, hypothétiques et futurs du présent arrêt, de sorte que la demande présentée en ce sens sera rejetée. L'équité commande de débouter également Mme [W] de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire pour les mois de juin, juillet et septembre 2021, la demande de remise d'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée, et en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles,

L'infirme de ces seuls chefs,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la durée de travail contractuellement prévue le 1er juin 2021 dans le cadre du dispositif TESE liant Mme [W] et Mme [C], était de 135 heures par mois,

Condamne Mme [C] à payer à Mme [W] la somme de 719,52 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de juin, juillet et septembre 2021, outre 71,95 euros au titre des congés payés afférents,

Dit que cette créance de nature salariale allouée portera intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

Ordonne à Mme [C] de délivrer à Mme [W] une attestation destinée à France travail (anciennement Pôle emploi) conforme à la présente décision,

Rejette la demande d'astreinte,

Rejette la demande formée par Mme [C] au titre d'une procédure abusive,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles,

Déboute Mme [W] de sa demande portant sur les frais d'exécution,

Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02855
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.02855 ?
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