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30/05/2024 | FRANCE | N°23/02315

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 30 mai 2024, 23/02315


ARRET







[F]





C/



S.A.S.U. MP LA FRINGALE



























































copie exécutoire

le 30 mai 2024

à

Me GALLAND

Me DA RE

CPW/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 30 MAI 2024



*********************

****************************************

N° RG 23/02315 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYXH



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 24 AVRIL 2023 (référence dossier N° RG 22/00037)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [T] [F]

né le 06 Novembre 1984 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]



concl...

ARRET

[F]

C/

S.A.S.U. MP LA FRINGALE

copie exécutoire

le 30 mai 2024

à

Me GALLAND

Me DA RE

CPW/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 30 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/02315 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYXH

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 24 AVRIL 2023 (référence dossier N° RG 22/00037)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [T] [F]

né le 06 Novembre 1984 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

concluant par Me Aude GALLAND de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/1898 du 31/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)

ET :

INTIMEE

S.A.S.U. MP LA FRINGALE

[Adresse 2]

[Localité 1]

concluant par Me Jonathan DA RE de la SELARL S.E.L.A.R.L. GRILLET - DARE -COULON, avocat au barreau de VALENCIENNES

DEBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 30 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 30 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [F] a été embauché à compter du 1er juin 2021 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (40 heures par mois), par la SASU MP la fringale (la société ou l'employeur), en qualité d'employé polyvalent.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la restauration rapide.

Le 30 septembre 2021, M. [F] a démissionné.

Sollicitant la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon le 14 mars 2022, qui par jugement du 24 avril 2023, a :

dit et jugé que le contrat de travail à temps partiel de M. [F] était valide ;

dit et jugé que la démission de M. [F] était valide et qu'il n'y avait pas lieu de requalifier son départ de la société MP la fringale en licenciement aux torts de son employeur ;

débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;

débouté la société MP la fringale de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 février 2024, dans lesquelles M. [F], qui est régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de :

- requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et en conséquence, condamner la société MP la fringale à lui verser les sommes de 4 576,40 euros à titre de rappel de salaire outre 457,64 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société MP la fringale à lui verser les sommes de :

- 9 327,70 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 2 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail (frais de déplacement) ;

- requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamner la société MP la fringale à lui verser les sommes de :

- 1 554,61 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 155,46 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- en tout état de cause, condamner la société MP la fringale à lui verser la somme de 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 février 2024, dans lesquelles la société MP la fringale demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et y ajoutant, de condamner M. [F] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la requalification du travail à temps partiel en temps plein

Le contrat de travail à temps partiel doit, selon l'article L.3123-6 du code du travail (ces dispositions étant d'ordre public), être établi par écrit et préciser la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les intervalles du mois. Il n'impose toutefois pas à l'employeur de mentionner dans le contrat de travail les horaires de travail

Les exigences découlant de ce texte s'appliquent non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.

L'absence de la mention dans le contrat de travail de la durée de travail et de sa répartition n'entraîne pas une requalification de plein droit du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, mais pose une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur peut renverser en démontrant les deux points distincts suivants qui sont cumulatifs :

- d'une part la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail convenue,

- et d'autre part le fait que le salarié avait connaissance des rythmes de travail et n'avait donc pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Ainsi, la requalification est encourue lorsque l'information sur les horaires de travail est insuffisante et l'employeur doit démontrer les éléments portés à la connaissance du salarié, sans pouvoir se fonder sur des fiches d'horaires ou des bulletins de paie établis après l'exécution du travail. Les variations d'horaires du salarié caractérisaient l'impossibilité de prévoir le rythme de travail ainsi que la tenue à la disposition constante de l'employeur.

Si l'organisation de l'entreprise peut nécessiter la modification des horaires de travail des salariés à temps partiel, toute modification de la répartition de la durée du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois doit être notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance en application de l'article L.3123-11 du code du travail (dispositions d'ordre public).

Aux termes de l'article L.3123-9 du code du travail, d'ordre public, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail. Par conséquent, le salarié qui serait amené à effectuer des heures complémentaires portant sa durée totale mensuelle de travail au niveau de la durée légale ou conventionnelle de travail, est en droit, quand bien même ces heures complémentaires auraient donné lieu à la conclusion d'un avenant, de demander la requalification de son contrat en un contrat de travail à temps plein.

Il en est de même lorsque la durée hebdomadaire du travail est portée au-delà de 35 heures, durée légale hebdomadaire fixée par l'article L.3121-10 du code du travail, quand bien même le contrat de travail stipulerait une durée mensuelle de travail.

S'agissant des salariés à temps partiel modulé le dépassement de la durée de travail fixée au contrat, tout comme le non-respect au cours de la période de modulation de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise, ne justifient pas en eux-mêmes la requalification du contrat en un contrat à temps complet, dès lors qu'il n'est pas démontré que la durée du travail du salarié avait été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement ou que les salariés démontrent qu'ils n'avaient pas eu connaissance de leurs horaires de travail, si bien que n'ayant pas pu prévoir ces horaires, ils ont dû se tenir constamment à la disposition de leur employeur.

En revanche, dès lors que l'accomplissement d'heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail accomplie, sur une semaine, à un niveau égal ou supérieur à la durée légale, le juge doit requalifier, à compter de ce dépassement, le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, et ce même si la durée de travail a été fixée contractuellement sur une base mensuelle.

L'avenant n°24 de la convention collective applicable, relatif au travail à temps partiel, prévoit en son article 4.2 que la faculté de travailler à temps partiel est librement négociée par les parties ou contrat, au moment de l'embauche. Le contrat de travail à temps partiel doit obligatoirement faire l'objet d'un écrit. Il est établi, au plus tard, au moment de la prise de fonction du salarié. Outre les clauses prévues pour les salariés à temps plein, il mentionne notamment la durée contractuelle hebdomadaire de travail (temps partiel hebdomadaire) ou mensuelle (temps partiel mensuel), les plages de planification possible, c'est-à-dire les périodes à l'intérieur desquelles les horaires de travail peuvent être planifiés, la répartition de la durée du travail sur les jours de la semaine (temps partiel hebdomadaire) ou les semaines du mois (temps partiel mensuel), les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée de travail sont communiquées par écrit aux salariés, les conditions de la modification éventuelle de cette répartition et de la fixation des horaires, ainsi que de leur notification, la faculté de recourir aux heures complémentaires telle qu'elle résulte du présent avenant et les conditions de leur mise en 'uvre au plan individuel, le taux horaire et le salaire mensuel correspondant à la durée de travail fixée au contrat, ainsi que des autres éléments de la rémunération. Toute modification des dispositions contractuelles nécessite un avenant.

L'article 4.4 prévoit que, conformément à l'article L.3123-14-1 du code du travail, à compter du 1er janvier 2014, la durée minimale de travail des salariés à temps partiel recrutés à compter de cette date est portée à 24 heures pour un contrat hebdomadaire ou à 103 h 55 pour un contrat mensuel, l'article L.3123-14-1 du code du travail abrogé par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ayant été remplacé par l'article L.3123-27 du code du travail en vigueur depuis le 10 août 2016.

L'article 4.6 précise que pour les contrats de travail à temps partiel mensuel, la répartition de la durée contractuelle de travail est effectuée sur les semaines du mois. La répartition consiste à indiquer dans le contrat le nombre d'heures que le salarié, comme convenu au moment de l'embauche, sera amené à effectuer pour chacune des semaines du mois. La répartition de la durée contractuelle de travail, quelle que soit la nature du contrat (hebdomadaire ou mensuel), peut faire l'objet d'une modification dans les limites et conditions prévues aux articles 4.8 et 4.9.

L'article 4.7 indique que les horaires de travail, c'est-à-dire les heures de début et de fin de service, quelle que soit la nature du contrat de travail considéré (hebdomadaire ou mensuel), sont fixés et notifiés chaque semaine suivant les modalités et délais prévus à l'article 4.9.

Il ressort de l'article 4.9 que la fixation des horaires d'une semaine donnée ainsi que la modification éventuelle de la répartition de la durée du travail sont notifiées au salarié au moins 10 jours calendaires avant le début de la semaine concernée. La notification est opérée par affichage du programme de travail. Cet affichage précise chaque jour l'horaire de travail (heures de début et de fin de service) pour chaque salarié ou pour l'équipe avec, dans ce dernier cas, la composition nominative de l'équipe. Lorsque le salarié est absent, quel qu'en soit le motif, l'employeur porte à sa connaissance par tout moyen écrit le programme de travail. Ce programme ne peut être modifié qu'avec l'accord du salarié au plus tard 3 jours calendaires avant le début de la semaine de travail.

En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 40 heures par mois régularisé le 2 juin 2021 mentionne la durée exacte du travail, et que le nombre d'heures pourra être adapté en fonction des besoins de l'activité « avec un délai de prévenance suffisant.», la rédaction de l'article 4 relatif à la durée de travail étant à l'évidence incomplète, puisqu'à la suite de la précision sur la durée de travail figure la mention « se décomposant de la manière suivante » non suivie de la moindre indication.

Le contrat de travail ne respecte notamment pas les articles L.3123-27 du code du travail et 4.4 de l'avenant n°24 de la convention collective dès lors qu'il prévoit une durée de travail très inférieure à l'équivalent mensuel de 24 heures par semaine sans que l'employeur ne l'explique ni ne justifie d'un accord tel que prévu à l'article L.3123-19.

Les irrégularités ainsi établies n'entraînent pas une requalification de plein droit du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, mais posent une présomption simple de travail à temps complet qu'il appartient à la SASU MP la fringale de renverser.

Or, l'employeur justifie suffisamment par le contrat lui-même que les parties avaient prévu une durée de travail de 40 heures par mois, mais ne démontre pas les éléments qu'il aurait porté à la connaissance de [F] pour lui permettre de connaître suffisamment à l'avance son rythme de travail sur l'ensemble de la semaine, étant souligné qu'il ne peut à ce titre se fonder sur des fiches d'horaires (au demeurant non produites) ou des bulletins de paie établis après l'exécution du travail.

Alors qu'il souligne lui-même que le défaut de fixité et de récurrence est courant en restauration, ses développements sur les plages de planification des horaires qui suivent cet aveu dans ses conclusions sont tout à fait inopérants en l'absence de toute mention dans le contrat de travail des plages de planification possible, c'est-à-dire des périodes à l'intérieur desquelles les horaires de travail peuvent être planifiés. Le contrat de travail ne précise pas la répartition de la durée du travail sur les semaines du mois, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée de travail sont communiquées par écrit au salarié.

L'employeur ne justifie d'ailleurs pas du respect de l'article 4.9 de l'avenant n°24 de la convention collective qui prévoit que la fixation des horaires d'une semaine donnée ainsi que la modification éventuelle de la répartition de la durée du travail sont notifiées au salarié au moins 10 jours calendaires avant le début de la semaine concernée, et ne prouve pas même que les plannings comportant le nombre d'heures était transmis dans un délai « suffisant » au salarié, ce qu'il conteste.

M. [F] produit quant à lui des plannings sur la période de la relation de travail, qui portent uniquement la mention du début de service sans aucune précision sur l'heure de fin de service et l'attestation de M. [L] [J] du 20 décembre 2021, qui est certes le frère de sa compagne, mais qui est également salarié de la société, rien au dossier de l'employeur ne permettant de douter de la sincérité de ce témoignage factuel dont il ressort que les plannings de la semaine étaient remis le mercredi pour la semaine en cours et que les horaires étaient différents chaque semaine. L'employeur, qui ne conteste pas l'absence d'une constance du rythme de travail, ne conteste pas utilement ces éléments en l'absence de toute pièce contraire.

La société produit en effet les attestations de salariés affirmant qu'ils ont toujours travaillé dans la limite de la durée contractuellement prévue et ont toujours été payés de leurs heures ou ont bénéficié de récupérations lorsqu'ils dépassaient l'horaire contractuel, ou encore indiquant que les gérants sont gentils et arrangeants, ainsi que des attestations portant sur le cas de Mme [J] (pour exemple : attestations de Mmes [W] et [G]), qui ne permettent pas d'établir la réalité des horaires effectivement travaillés par [F], alors qu'il sera retenu l'absence de mise en place au sein de l'entreprise d'un décompte des horaires de travail notamment par un système d'enregistrement automatique. Par ailleurs, le fait que la société ait régularisé plusieurs avenants pour augmenter la durée de travail dans le cadre de contrats de travail concernant d'autres salariés, est inopérant.

En conséquence, alors que les plannings et les bulletins de salaire font apparaître un rythme de travail présentant des variations importantes d'une semaine à l'autre et alors que l'existence d'une variation des heures travaillées alléguée n'est pas contestée, la société ne produit aucun document fixant les heures de travail de M. [F] ou constituant un planning établi périodiquement suffisamment à l'avance comme le précise le contrat de travail, comportant les journées travaillées, le nombre exact et la répartition des heures de travail à effectuer chaque semaine. A défaut de ces pièces qui auraient permis au salarié de prévoir ses heures de travail et en conséquence de ne pas rester constamment à disposition de l'employeur, le contrat de travail doit être requalifié à temps complet. Par suite, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents qui n'est d'ailleurs pas spécifiquement contestée en son montant à titre subsidiaire par l'employeur.

Le jugement est de ce chef infirmé.

2. Sur le travail dissimulé

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, sont notamment réputés travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et ouvre droit pour le salarié à l'indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire prévue à l'article L.8223-1 du même code, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités relatives à la délivrance d'un bulletin de paie ou le fait de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle, alors que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, M. [F] produit la copie d'une photographie non datée et non contextualisée de billets et d'enveloppes étalés sur un canapé et un message de l'employeur indiquant à Mme [J] (compagne de M. [F] qui ne conteste pas produire les mêmes pièces) à la suite d'une photographie d'un relevé d'heures « c noté ma chérie ! merci à vous deux demain l'enveloppe sera prête » et la salariée répondant « ok merci à vous deux bisous bonne soirée » sans preuve que M. [F] serait concerné par cette photographie et ces messages. S'agissant de l'attestation de Mme [M] [Y], elle est rédigée sans la mesure et l'impartialité crédibilisant ce type de témoignage, et sur fond de règlements de compte. L'attestation de la mère de cette salariée, non seulement n'est pas circonstanciée, mais est encore un témoignage essentiellement indirect et sans pertinence. Quant à l'attestation de Mme [K], elle ne fait état d'aucun fait précis et daté, et en tout état de cause manque en pertinence dès lors que la salariée indique avoir été employée par la société de janvier à juin 2023 et donc plusieurs années après la rupture du contrat de travail de M. [F]. Ainsi, les éléments communiqués par le salarié ne permettent aucunement de retenir que l'employeur l'aurait payé personnellement pour des heures complémentaires avec des enveloppes remplies de billets comme il le prétend.

Il s'ajoute que l'employeur produit quant à lui des attestations concordantes contraires de plusieurs salariés, qui notamment confirment n'avoir jamais été payés en argent liquide et soulignent avoir au contraire bénéficié de récupérations, ce qui est conforme à l'article 31.4 de la convention collective qui prévoit que l'entreprise peut au choix payer les heures supplémentaires ou remplacer tout ou partie de ces heures par un repos d'une durée équivalente.

La volonté délibérée de la société de dissimuler sur les bulletins de paie les heures réellement accomplies par le salarié n'est ainsi pas suffisamment caractérisée, étant au demeurant souligné l'absence de toute preuve d'une information ou d'une réclamation quelconque adressée à l'employeur durant la relation de travail.

La demande d'indemnité présentée à ce titre est donc rejetée, et la décision déférée confirmée.

3. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, M. [F] soutient que son employeur lui a imposé un remboursement forfaitaire de 5 euros le midi et 10 euros le soir pour le paiement de ses frais d'essence lors des livraisons effectuées pour le compte de la friterie, ce qui était dérisoire et lui aurait causé un préjudice.

Or, outre l'absence de preuve de la réalité du préjudice allégué, l'intéressé ne produit pas, surtout, d'élément pertinent démontrant la réalité d'une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Le salarié, qui ne justifie pas de la moindre demande de remboursement de frais professionnels au cours de la relation de travail ni d'aucune réclamation, ne produit pas le moindre document démontrant que l'employeur lui aurait concrètement imposé un remboursement forfaitaire de ses frais kilométriques ni, même à le retenir, que le remboursement ainsi imposé aurait été dérisoire au regard de ses dépenses entre juin et septembre 2021.

Il convient d'observer que notamment il ne produit pas la moindre facture, et que les seuls documents qu'il communique concernent le mois de mai 2021, antérieur au contrat de travail. Pour autant, il ne justifie aucunement avoir été lié à la société dès mai 2021 par ce même contrat de travail voire par une relation de travail quelconque.

M. [F], qui ne se prévaut d'ailleurs qu'implicitement d'une relation de travail en mai 2021, vivement contestée par la société, ne démontre pas l'existence d'un contrat de travail apparent ni celle d'un lien de subordination. Son tableau manuscrit mentionnant des horaires et des kilomètres qu'il prétend avoir accomplis sans aucun élément objectif à l'appui, et un planning sur lequel figure le prénom « [T] » qu'il surligne, alors même que l'employeur démontre qu'un autre [T] était employé et que rien ne permet de retenir que la personne visée dans le planning était M. [F], sont impropres à établir qu'il était, en mai 2021, dans un rapport de subordination vis-à-vis de la société caractérisant l'existence d'un contrat de travail. La relation de travail dont il se prévaut à cette période est fictive, de sorte que sa prétention indemnitaire fondée sur l'exécution fautive de ce contrat de travail qui s'avère inexistant, ne peut qu'être rejetée. Il en va bien évidemment de même de sa demande indistinctement formulée au titre du contrat de travail du 1er juin 2021, qui n'est quant à elle aucunement étayée.

Au demeurant, le salarié se contente de solliciter des dommages et intérêts sans fournir aucun élément prouvant la réalité d'un préjudice ou le lien de causalité entre le manquement et le préjudice allégué.

Le jugement déféré, qui a rejeté la demande indemnitaire, sera confirmé.

4. Sur la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, le 2 novembre 2019, M. [F] prétend avoir pris sa décision de démissionner dans un contexte de manquements graves de l'employeur.

Or, la lettre de démission du 30 septembre 2021 est rédigée de la façon suivante :

«Madame,

Je vous informe par la présente de ma décision de démissionner du poste d'employé polyvalent que j'occupe dans votre entreprise depuit le premier juin 2021. Je vous remercie de bien vouloir me dispenser de préavis enfin que mon départ devienne effectif le 01/10/21. Je vous saurais gré également de bien vouloir tenir à ma disposition le solde de mon compte, mon certificat de travail ainsi que mon attestation pôle emploi. Avec mes remerciements, je vous prie de bien vouloir agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées.»

Ce courrier ne comporte aucune réserve et ne fait allusion à aucun litige antérieur ou contemporain à son envoi. M. [F] ne justifie d'ailleurs pas qu'il aurait interpellé son employeur sur l'un ou l'autre des manquements allégué dans ses conclusions, à un moment quelconque de la relation de travail.

La démission n'a été suivie d'aucun courrier de remise en cause adressé à l'employeur et a, au demeurant, été précédée du message suivant, adressé le même jour par le salarié à l'un des gérants pour lui annoncer sa démission : « Bonjour manue, j'ai reçu une offre d'emploi y a 2 semaines je me posais la question si je devais accepter ou non vu que j'aime mon travail de livreur. Après réflexion j'aimerais changé de voie et c'est pour cela que je démissionne. Ma lettre est prête je la dépose demain. Bonne continuation. [T]. », auquel l'employeur a répondu de la façon suivante « Pas de soucis c'est ton choix de vie bonne continuation à toi aussi allez [Localité 4] ! ».

En conséquence, alors que le salarié ne justifie pas de l'existence d'un différend antérieur ou contemporain à sa lettre du 30 septembre 2021, le fait qu'il ait, près de six mois après sa lettre de démission, saisi le conseil de prud'hommes pour imputer la responsabilité de la rupture à son employeur, ne rend pas son départ équivoque et ne permet pas de l'analyser en une prise d'acte.

Le jugement qui a rejeté la demande de requalification et l'ensemble des demandes subséquentes, sera donc confirmé.

5. Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit à infirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'employeur, qui succombe au principal, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ses dispositions sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et ses conséquences, les dépens et les frais irrépétibles,

L'infirme de ces seuls chefs,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel liant M. [F] à la société MP la fringale en contrat de travail à temps complet,

Condamne la société MP la fringale à payer à M. [F] 4 576,40 euros à titre de rappel de salaire pour un temps plein, outre 457,64 euros au titre des congés payés afférents,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

Condamne la société MP la fringale aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02315
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.02315 ?
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