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30/05/2024 | FRANCE | N°23/02193

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 30 mai 2024, 23/02193


ARRET







[O]





C/



S.A.S. ATRIOM DU BEAUVAISIS TRANSDEV TRIO 1



























































copie exécutoire

le 30 mai 2024

à

M. [P]

Me LEROY

CPW/IL/MR



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 30 MAI 2024



*****

********************************************************

N° RG 23/02193 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYPA



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 21 MARS 2023 (référence dossier N° RG 22/00122)





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [R] [O] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]



comparante en personne,

assistée et c...

ARRET

[O]

C/

S.A.S. ATRIOM DU BEAUVAISIS TRANSDEV TRIO 1

copie exécutoire

le 30 mai 2024

à

M. [P]

Me LEROY

CPW/IL/MR

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 30 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/02193 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYPA

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 21 MARS 2023 (référence dossier N° RG 22/00122)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [R] [O] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne,

assistée et concluant par M. [J] [P] (Délégué syndical ouvrier)

ET :

INTIMEE

S.A.S. ATRIOM DU BEAUVAISIS TRANSDEV TRIO 1, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Nathalie LEROY de la SELARL 25RUEGOUNOD, avocat au barreau de LILLE substituée par Me Marie GIL ROSADO, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 30 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 30 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [O] épouse [C] a été embauchée à compter du 13 mars 2000 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel par la société Cabaro, en qualité de conducteur de car. A compter du 4 septembre 2017, elle a été mutée au sein de la société Atriom du beauvaisis, filiale de la société Cabaro, dans le cadre d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec reprise intégrale d'ancienneté, en qualité d'agent de contrôle. Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait la fonction d'agent de contrôle.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Mme [C] a été placée en arrêt de travail à compter du 2 mars 2020.

Par courrier du 16 juillet 2021, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 27 juillet 2021. Son licenciement lui a été notifié le 30 juillet 2021, au motif de la désorganisation de l'entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif, par lettre ainsi libellée :

« Madame,

Par courrier recommandé en date du 16 juillet 2021, nous vous avons adressé une convocation en vue d'un entretien préalable à licenciement, fixé le 27 juillet 2021.

Lors de cet entretien au cours duquel vous vous êtes fait assister par un conseiller du salarié, Madame [F] [V], nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager cette mesure à votre égard et nous avons entendu vos explications sur les faits qui vous sont reprochés Nous vous rappelons que les raisons qui nous conduisent à prendre cette mesure sont les suivantes :

Nous vous rappelons que vous avez été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée le 13 mars 2000 au sein de Transdev Oise Cabaro, puis mutée au sein d'ATRIOM du Beauvaisis le 4 septembre 2017.

Vous occupez actuellement le poste d'agent de contrôle sur tout le Réseau Oise de transport interurbain de la Région Hauts-de-France en effectuant principalement un contrôle des droits d'accès des voyageurs et en mettant en place des mesures correctives en cas d'irrégularité selon la règlementation dans un objectif de sécurité des passagers et de sauvegarde des recettes et biens de l'entreprise.

Force est de constater que vous êtes en arrêt de travail pour maladie depuis le 2 mars 2020 soit plus de 16 mois, nous obligeant à palier continuellement à votre absence prolongée.

Par la présente vous devez comprendre que cette longue absence perturbe le bon fonctionnement de notre entreprise et désorganise notamment le service contrôle auquel vous appartenez.

Cette perturbation de l'entreprise est d'autant plus importante que nous sommes dans une petite structure de 5 salariés à l'effectif réduit. Nous avons donc peu de flexibilité dans notre organisation où les missions de chacun sont bien définies.

De ce fait, nous avons dû effectivement palier à votre absence en répartissant une partie importante de vos missions sur vos autres collègues. Cette solution de remplacement entraine une réorganisation continuelle de l'entreprise qui porte préjudice à ses intérêts en cette période d'activité difficile où nous nous sommes engagés vis-à-vis de nos clients et usagers à leur garantir un travail de qualité, ce qui implique de notre part une parfaite organisation, planification et réalisations de nos missions.

Comme vous le savez, nous sommes tenus à travers notre unique contrat nous liant à la Région Hauts-de-France, de satisfaire à leurs demandes et aux clauses insérées.

La répartition de vos missions sur les quatre contrôleurs actuels ne peut perdurer, d'une part, car elle créée un déséquilibre dans l'entreprise et une couverture insuffisante du secteur d'intervention de notre contrat. D'autre part, cette réorganisation temporaire, a entrainé une surcharge de travail pour les collaborateurs impactant la qualité du travail délivré ainsi qu'un non-respect de nos obligations et objectifs contractuels. En effet, il nous faut souligner que les transporteurs du contrat pour lequel nous sommes missionnés, nous interpellent de manière récurrente pour intervenir sur le réseau. Par manque de moyens humains, nous ne pouvons pas toujours répondre favorablement.

Dans ce cadre, l'entreprise s'expose à des pénalités financières non-négligeables en cas de non-respect de ces engagements contractuels ainsi qu'à une dégradation de son image. Aussi, votre absence prolongée perturbe le fonctionnement de l'entreprise notamment par la menace qu'elle fait courir sur son équilibre financier.

Également, votre absence prolongée désorganise d'autant plus l'entreprise et le service contrôle dans la mesure où nous ne pouvons pas palier à l'absence ponctuelle des autres contrôleurs et ni réaliser les contrôles en binôme. Or, ce fonctionnement est improductif et n'est pas recommandé en cas notamment de conflit avec un usager.

Par ailleurs, la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif et donc la présence d'un cinquième contrôleur sur le terrain est encore une fois indispensable pour permettre l'affichage des horaires sur tous les points d'arrêts. Cette mission à réaliser dans un délai court, demande une connaissance accrue du territoire ainsi qu'un temps très important pour couvrir son ensemble.

De plus, dans le cadre de la nouvelle délégation de service publique (DSP), le périmètre affecté à ATRIOM du Beauvaisis (futur TRI01) et ATRIOM du Compiégnois (futur TRIO3) sur le Réseau Oise s'est élargi avec notamment l'intégration du secteur du Clermontois avec plus de 50 cars, de 5 nouvelles lignes structurantes express commerciales à hauts niveaux de services et une multiplication des points d'arrêts; induisant davantage de fiches horaires à afficher sur ces derniers et de contrôles de conformité. Les exigences du client se sont donc accrues tendant vers un fort développement des objectifs de contrôle avec la mise en place de bonus / malus selon les résultats obtenus. Nous sommes désormais tenus d'assurer un haut niveau de service à compter de la rentrée de Septembre 2021.

Compte tenu de cette étendue du territoire, il n'est pas possible d'atteindre les engagements contractuels avec un effectif de quatre contrôleurs. En effet, le nouveau contrat nous oblige à contrôler chaque élève au moins une à deux fois par année scolaire et d'assurer le contrôle de différents critères liés à la qualité de service (ponctualité, information voyageur, équipement des véhicules, accueil client ...) sur l'ensemble du réseau.

Ces missions sont complétées par la lutte contre la fraude avec des contrôles qui porteront sur un échantillonnage représentatif de voyageurs permettant de disposer d'un taux de fraude de + ou - 5% de la clientèle voyageant sur nos lignes.

Comme vous le savez, nous sommes chargés d'un service public de transport en commun et nous devons nous assurer de transporter dans les meilleures conditions nos clients : enfants et usagers, ce qui nécessite de leur apporter sécurité et confiance. Votre absence prolongée ne nous permet donc plus de remplir correctement notre mission de service public.

La spécificité de votre poste rend le recrutement en externe sous contrat de travail à durée déterminée difficile, du fait de la nécessité d'une connaissance accrue du réseau et de la détention d'une assermentation au contrôle, et nous oblige à recourir en interne à une répartition de vos missions.

Cette situation que nous avons instaurée temporairement dans l'attente de votre retour à votre poste de travail ne peut hélas plus perdurer aujourd'hui compte tenu de la spécificité des missions confiées dans ce poste, des difficultés rencontrées pour recruter et de la qualité de service que nous devons apporter à notre client. 

C'est la raison pour laquelle nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin à votre contrat de travail vous liant à notre société pour cette désorganisation de l'entreprise qui rend nécessaire votre remplacement définitif par l'embauche en contrat de travail à durée indéterminée d'un agent de contrôle de même qualification et niveau que les vôtres et permettra un fonctionnement normal de l'activité. Nous vous notifions donc par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse et ce conformément à l'article 6 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport, lequel prévoit par ailleurs en ce qui vous concerne une priorité à l'embauchage pendant un délai de 5 ans à compter du début de votre maladie.

En application de l'article L.1243-3 du code du travail, la première présentation de cette lettre fixe le point de départ de votre délai congé d'une durée de deux mois que nous vous dispensons.

Une indemnité compensatrice de préavis vous sera néanmoins versée.

Nous portons à votre connaissance qu'en application de l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, les couvertures complémentaires santé garantissant les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité et les couvertures complémentaires prévoyance garantissant le risque de décès ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité dont vous bénéficiez au sein de l'entreprise vous seront maintenues à titre gratuit dès lors que la rupture de votre contrat de travail ouvrira droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage. Ces garanties peuvent être maintenues à compter de la date de cessation de votre contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage dans la limite de la durée de votre contrat de travail, appréciée en mois entiers, sans pouvoir excéder douze mois de couverture.

Nous vous rappelons que vous êtes tenu de prévenir le ou les organismes assureurs concernés de tout retour à l'emploi lors de la période de maintien de ces garanties

Au terme de votre contrat de travail, nous tiendrons à votre disposition votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi.

Nous vous prions d'agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées ».

Contestant la légitimité de son licenciement, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 22 juillet 2022.

Depuis le 6 décembre 2022, la société Atriom du beauvaisis a cessé son activité et a été radiée au registre du commerce et des sociétés. L'entité juridique lui succédant est la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 (la société ou l'employeur), ainsi que la société Transdev trio 3.

Par jugement du 21 mars 2023, la juridiction prud'homale a :

débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

débouté la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 de sa demande reconventionnelle ;

condamné aux entiers dépens Mme [C].

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2023 dans lesquelles Mme [C], qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour d'infirmer le jugement en ses dispositions suivantes : « n'étant pas fondée à réclamer un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a été convenu de la débouter de l'ensemble de ses demandes », et de :

dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 à lui verser les sommes suivantes :

- 32 656 euros à titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 041 euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis manquante et la régulariser administrativement ;

- 2 041 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- la capitalisation des intérêts au taux légal pour la période du 1er octobre 2021 au jour effectif du paiement ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2023, dans lesquelles la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 demande à la cour de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle, et :

en conséquence, de juger que le licenciement de Mme [C] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

y ajoutant, de condamner Mme [C] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le licenciement

L'article L. 1232-6 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, prévoit que « lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. (...).»

L'article L. 1132-1 du même code en sa rédaction applicable au litige, dispose : « (...) aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »

En vertu du premier de ces textes, l'employeur est tenu d'énoncer le motif du licenciement dans la lettre de licenciement. Le second texte, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, ce qui est repris dans les dispositions conventionnelles ci-dessus énoncées. Le salarié ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

Il en résulte que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent dont le caractère définitif doit être vérifié par le juge.

Selon l'article 16.2 de la convention collective applicable : « L'absence dont la durée excède les 6 ou 12 mois visés aux alinéas 1 et 2 du paragraphe ci-dessus et justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident autre qu'accident du travail, reconnue par la sécurité sociale, peut avoir une durée de 5 ans au maximum. Lorsque l'absence impose le remplacement effectif de l'intéressé, l'employeur doit aviser, par lettre recommandée, le salarié malade de l'obligation où il se trouve de le remplacer et peut constater la rupture du contrat de travail sous réserve du respect des formalités prévues par les articles L.122-14 à L.122-14-2 du code du travail. Toutefois, le salarié malade conserve jusqu'à l'expiration du délai de 5 ans à compter du début de sa maladie un droit de priorité d'embauchage pour reprendre son ancien emploi s'il redevenait disponible, ou pour un emploi similaire correspondant à ses aptitudes. Dans ce cas, il conserve son ancienneté dans l'entreprise. Le salarié malade qui désire bénéficier de cette priorité doit avertir son employeur de la date à partir de laquelle il sera en état de reprendre son travail. »

En l'espèce, Mme [C], employée comme agent de contrôle dans une petite structure comptant au total 5 agents de contrôle, a été placée en arrêt de travail à compter de mars 2020. L'employeur a engagé la procédure de licenciement en juillet 2021, après une absence prolongée de près de 14 mois. L'article 16.2 de la convention collective susvisé trouve donc à s'appliquer.

La lettre de licenciement précise que les missions de l'intéressée ont été réparties entre ses quatre collègues présents.

Or, il n'est pas prouvé que la continuité du service ne pouvait être assurée jusqu'au retour de Mme [C] malgré la mise en 'uvre de ces mesures, comme l'affirme sans aucun commencement de preuve à l'appui l'employeur lorsqu'il indique dans la lettre de licenciement que la réorganisation temporaire « a entrainé une surcharge de travail pour les collaborateurs impactant la qualité du travail délivré ainsi qu'un non-respect de nos obligations et objectifs contractuels. ». En effet, la société ne verse pas aux débats la moindre attestation ni la moindre fiche de paie, ni encore le moindre élément permettant à la cour de prendre la mesure de la charge de travail supplémentaire résultant, pour les quatre contrôleurs présents, de la répartition des missions confiées à l'origine à Mme [C]. Pourtant, la salariée souligne précisément dans ses conclusions, et à juste titre, l'absence de toute preuve d'une désorganisation du service mais aussi de toute preuve d'heures supplémentaires payées aux collègues qui auraient été occasionnées par son absence pour maladie. Aucune charge excessive ni aucune anormalité de nature à rendre la mesure intenable au jour du licenciement ne saurait donc être retenue.

L'employeur ne communique pas non plus le moindre document de nature à démontrer une insatisfaction de ses clients, ou encore que la société n'aurait pu répondre favorablement à certaines demandes d'intervention sur le réseau.

De la même manière, la société affirme, à nouveau sans aucun document à l'appui, que l'absence de la salariée empêchait de palier à l'absence ponctuelle des autres contrôleurs ou de réaliser les contrôles en binôme. Alors que le service était encore composé de 4 contrôleurs en l'absence de Mme [C], qui souligne sans être utilement contredite que parmi toutes les tâches incombant aux contrôleurs (telles que l'affichage des horaires dans les abris bus) seule la fonction de verbalisation nécessite une assermentation et peut être faite en binôme, rappelant, pièce à l'appui, qu'elle-même n'avait été assermentée que le 19 mars 2018 alors qu'elle avait été transférée le 4 septembre 2017, la société ne justifie pas pour autant avoir concrètement rencontré la moindre difficulté durant le temps d'absence de la salariée, et ne produit pas même d'élément de nature à justifier la légitimité de l'inquiétude ainsi exprimée.

Il s'ajoute que la société ne prouve pas non plus avoir tenté de recruter en contrat à durée déterminée sur la période d'absence.

Rien au dossier ne justifie que, comme l'indique l'employeur, « la spécificité de votre poste rend le recrutement en externe sous contrat de travail à durée déterminée difficile ». La lettre de licenciement évoque précisément « des difficultés pour recruter » sans cependant justifier de la moindre tentatives de recrutement avant d'engager la procédure de licenciement, étant souligné que la salariée chargée de remplacer Mme [C] à son poste de travail qui a été embauchée le 1er octobre 2021, à la date à laquelle la relation de travail de l'appelante a pris fin, l'a pourtant bien été en contrat à durée déterminée, et ce même si elle a ensuite poursuivi la relation de travail dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté à compter de décembre 2021. Si dans les faits le contrat temporaire a duré deux mois, l'employeur ne communique néanmoins pas le contrat à durée déterminée afin de permettre à la cour de vérifier la durée initialement prévue. En tout état de cause, cet argument de la courte durée du contrat à durée déterminée est inopérant. Ce contrat démontre suffisamment qu'il existait bien une possibilité de remplacement temporaire de la salariée. Il sera enfin observé, au vu des développements qui précèdent, que la société ne démontre pas que cette nouvelle salariée était assermentée dès le 1er octobre 2021, voire même en décembre 2021, alors que Mme [C] affirme qu'elle ne l'a été que de nombreux mois après.

Aucun autre document que le courrier de réponse de l'employeur lui-même au courrier de contestation du licenciement de la salariée, n'est versé aux débats pour prouver l'ensemble des points mentionnés dans la lettre de licenciement pour justifier la réalité d'une perturbation de l'entreprise, et aucun document objectif n'est ainsi produit à l'appui de ses multiples allégations.

En conséquence, il résulte de ces développements que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé et en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la salariée.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

En vertu de l'article L.1234-5 du code du travail, «lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.»

En l'espèce, dans la lettre de licenciement, la société a dispensé Mme [C] d'exécuter son préavis de deux mois.

Il convient de constater que contrairement aux allégations de la salariée, le bulletin de salaire d'octobre 2021 mentionne le paiement d'une somme de 2 041,43 euros au titre du préavis non effectué après annulation des sommes mentionnées en positif puis en négatif, et l'employeur justifie avoir payé à la salariée les deux mois de l'indemnité compensatrice de préavis réclamée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de régularisation.

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Pour une ancienneté de 21 années pleines dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 3 et 16 mois de salaire.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge (pour être née le 4 février 1969), à l'ancienneté de ses services, à sa rémunération, et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation adéquate qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt.

Sur le licenciement vexatoire

Mme [C] ne caractérise ni ne justifie de circonstances de fait brutales et vexatoires qui auraient entouré son licenciement, de sorte que la preuve d'une attitude fautive à cet égard fait défaut autant que celle d'un préjudice. Le sentiment outrageant dont elle fait état en se basant uniquement sur la mention générique figurant dans la lettre de licenciement « Lors de cet entretien (') nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager cette mesure à votre égard et nous avons entendu vos explications sur les faits qui vous sont reprochés. » ne relève que d'une appréciation subjective et cette mention ne peut donc suffire à démontrer un abus caractérisé de procédure dépassant le cadre normalement difficile d'une procédure de licenciement. La demande sera donc rejetée, et le jugement de ce chef confirmé.

Sur les intérêts judiciaires et la capitalisation des intérêts

Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir du présent arrêt qui les prononce.

Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La décision entreprise sera infirmée en ses dispositions sur les dépens et confirmée sur le rejet de la demande de frais irrépétibles.

La société, qui succombe au principal, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. L'équité commande de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme précisée au dispositif au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ses dispositions sur le reliquat d'indemnité compensatrice de préavis, le préjudice moral distinct et le rejet de la demande reconventionnelle de l'employeur,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 à payer à Mme [C] 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir du présent arrêt qui les prononce ;

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 à payer à Mme [C] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Atriom du beauvaisis transdev trio 1 aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02193
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.02193 ?
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