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29/05/2024 | FRANCE | N°23/01548

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 29 mai 2024, 23/01548


ARRET







S.A.S. ACTION FRANCE





C/



[D]



























































copie exécutoire

le 29 mai 2024

à

Me LEMOINE

Me THIEFFINE

LDS/BT/MR



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 29 MAI 2024



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N° RG 23/01548 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXF5



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ABBEVILLE DU 28 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG F 21/00019)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. ACTION FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité...

ARRET

S.A.S. ACTION FRANCE

C/

[D]

copie exécutoire

le 29 mai 2024

à

Me LEMOINE

Me THIEFFINE

LDS/BT/MR

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 29 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/01548 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXF5

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ABBEVILLE DU 28 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG F 21/00019)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. ACTION FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Eugénie LEMOINE de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE substituée par Me Alix BAILLEUL de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE

Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D'AMIENS, postulant

ET :

INTIMEE

Madame [E] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Nathalie THIEFFINE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Mickael DUFOUR de la SELAS FIDAL, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 03 avril 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 29 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 29 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [D] a été embauchée à compter du 6 juillet 2015, par la société Action France, en qualité d'adjointe de magasin niveau IV de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaire.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle était affectée au magasin de [Localité 5] dont le responsable est M. [Y].

La société compte plus de dix salariés.

Une altercation a eu lieu le 6 septembre 2019 entre Mme [D] et une de ses collègues, Mme [S], au sein du magasin.

La salariée a été placée en arrêt maladie le 9 septembre 2019 dont l'origine professionnelle, en lien avec les faits du 6 septembre 2019, a été reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie le 15 avril 2020 à la suite d'une enquête.

Elle a été convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire du 19 septembre 2019, auquel elle ne s'est pas rendue et qui n'a pas connu de suite.

Mme [S] a, quant à elle, reçu un avertissement.

A l'occasion de la visite de reprise du 26 mai 2020, Mme [D] a été déclarée inapte par le médecin du travail avec la mention « tout maintien de salarié dans un emploi serait préjudiciable à sa santé ».

Elle a été licenciée le 1er octobre 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Abbeville le 18 mars 2021.

Le conseil, par jugement du 28 février 2023, a :

Dit que l'inaptitude de Mme [D] était due à la faute de la société Action France,

Dit son licenciement abusif,

Condamné la société à lui payer les sommes de :

8 610 euros net à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

6 450 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel,

1 700 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive de documents

1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la société de sa demande reconventionnelle,

Condamné celle-ci aux dépens.

La société Action France, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées le 27 mars 2024, demande à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu'il a :

Dit et jugé que l'inaptitude de Mme [D] est due à sa faute,

Dit que le licenciement était abusif,

L'a condamnée à verser à celle-ci les sommes suivantes :

- 8 610 euros net au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 6 450 euros net au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel,

- 1 700 euros net au titre de dommages et intérêts pour remise tardive de documents,

- 1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'a déboutée de sa demande reconventionnelle ;

L'a condamnée aux dépens ;

Débouter Mme [D] de son appel incident et de sa demande de sommation de communiquer ;

Statuant à nouveau sur les points dont il est demandé la réformation,

À titre principal :

- Sur le bien-fondé du licenciement :

Juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;

En conséquence, débouter Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Sur la demande de dommages et intérêts pour une prétendue attitude dilatoire de sa part ;

Juger qu'elle n'a pas adopté de comportement dilatoire à l'encontre de Mme [D], en conséquence,

Débouter Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

Juger que, compte tenu du décalage de paie, elle n'a pas remis tardivement les documents de fin de contrat à Mme [D], en conséquence ;

Débouter Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Débouter Mme [D] de sa demande ;

A titre infiniment subsidiaire :

Dans l'hypothèse où le licenciement serait jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Limiter le montant des dommages et intérêts à un montant égal à trois mois de salaire brut, soit 6 457,50 euros brut ;

Dans l'hypothèse où il serait retenu une attitude dilatoire de sa part ;

Débouter Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

Dans l'hypothèse où il serait retenu une remise tardive des documents de fin de contrat ;

Débouter la salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

A titre reconventionnel :

Condamner Mme [D] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Condamner Mme [D] aux entiers dépens tant en première instance qu'en cause d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions utiles, notifiées le 19 mars 2024, Mme [D] demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son inaptitude était due à la faute de la société Action France et en ce qu'il a dit son licenciement abusif,

Constater que la société a violé son obligation de sécurité et a adopté une attitude manifestement dilatoire tant dans la procédure de licenciement que dans la remise des documents de fin de contrat,

Dire et juger son licenciement abusif,

Infirmer le jugement sur le quantum des condamnations au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive, pour le préjudice moral et matériel, pour remise tardive des documents de fin de contrat et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Revoir les condamnations et les fixer à :

12 915 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

12 915 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et moral,

2 152,50 euros de dommages-intérêts pour remise tardive de documents,

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2024, notifiée aux parties à 14h57.

Mme [D] a notifié des conclusions le même jour à 15h31.

Par conclusions de procédure du 2 avril 2024, l'appelante a sollicité du conseiller de la mise en état le rejet des conclusions notifiées par Mme [D] le 2 avril 2024, après l'ordonnance de clôture en l'absence de cause grave.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.

EXPOSE DES MOTIFS :

A titre liminaire, il y a lieu de déclarer irrecevables les conclusions de Mme [D] déposées postérieurement à la clôture.

1/ Sur le licenciement :

1-1/ Sur la cause du licenciement :

La société soutient, en substance, qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité, alors qu'elle n'a jamais été informée de difficultés qui auraient été susceptibles d'entraîner une dégradation des conditions de travail au sein du magasin en l'absence d'alerte de la part de Mme [D] et qu'elle a immédiatement réagi lorsqu'elle a eu connaissance de l'altercation entre ses deux collaboratrices, le responsable du magasin établissant un rapport et apportant son soutien à Mme [D] et en sanctionnant Mme [S].

Cette dernière fait valoir, en substance, que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à défaut de politique de prévention des risques et d'actions mises en 'uvre face au risque psychosocial subi par elle dont il avait connaissance et spécifiquement à l'occasion de l'agression verbale dont elle a été victime le 6 septembre 2019, est à l'origine de son inaptitude.

Sur ce,

En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration de situations existantes.

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoqué.

Il appartient à l'employeur dont le salarié, victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.

En l'espèce, la société Action France se défend d'avoir commis une faute à l'origine de l'inaptitude que ce soit en termes de prévention ou de réaction, toutefois à aucun moment elle n'établit que l'inaptitude de Mme [D], victime d'un accident dont l'origine professionnelle a été reconnue par l'organisme social même si elle est contestée devant le pôle social, a une cause étrangère à son comportement.

Dès lors, l'inaptitude étant la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement de Mme [D] apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

1-2/ Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement étant abusif et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Mme [D] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 3 et 6 mois de salaire.

En considération de la situation particulière de la salariée et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services (5 ans), à ses capacités à retrouver un nouvel emploi au regard de la dégradation importante de son état de santé ainsi qu'il en est justifié par plusieurs documents médicaux et de son salaire (2 152,50 euros), la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui lui est due à la somme de 12 500 euros.

2/ Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral et pour remise tardive des documents de fin de contrat :

La société soutient que les délais observés entre l'avis d'inaptitude et le licenciement ne sont dus qu'à sa volonté de respecter strictement ses obligations légales et conteste tout préjudice justifiant l'octroi de dommages-intérêts. Elle affirme avoir réglé l'intégralité du salaire de Mme [D] pendant la procédure de licenciement au terme du délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude et explique la date de remise des documents de fin de contrat par sa pratique du décalage de paie.

La salariée invoque une attitude dilatoire de l'employeur, relevant le délai écoulé entre l'avis d'inaptitude et son licenciement et le délai écoulé entre son licenciement et la remise des documents de fin de contrat qu'elle juge excessifs et injustifiés et le manquement de l'employeur à son obligation de rétablir le paiement du salaire. Elle affirme que ce comportement délibéré lui a causé préjudice.

L'article L.1226-11 du code du travail dispose que lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En l'espèce, la société n'a pas repris le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois mais a procédé à une régularisation avec le solde de tout compte.

Par ailleurs, elle a laissé s'écouler un délai de quatre mois avant de licencier la salariée, procédant à une consultation du comité économique et sociale inutile puisque le médecin du travail l'avait dispensée de reclassement.

Elle a enfin tardé à remettre à la salariée les documents de fin de contrat pour un motif d'organisation interne (décalage de paie) qui n'est pas opposable à la salariée qui n'a pas à en subir les conséquences.

Néanmoins, la salariée ne produit aucun élément de nature à établir le préjudice qu'elle invoque, tant s'agissant de l'attitude dilatoire de la société que de la remise tardive des documents de fin de contrat.

Il y a donc lieu, infirmant en cela le jugement, de rejeter sa demande de dommages-intérêts.

3/ Sur les frais du procès :

L'issue du litige conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, qui perd le procès devant la cour pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à Mme [D] la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par Mme [D] le 2 avril 2024,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que l'inaptitude de Mme [D] était due à la faute de la société Action France et que le licenciement était abusif et en ce qu'il a condamné la société Action France à payer à Mme [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

L'infirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Action France à payer à Mme [E] [D] les sommes de :

12 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Action France aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01548
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;23.01548 ?
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