La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°23/01535

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 29 mai 2024, 23/01535


ARRET







S.A.R.L. PROTRANS





C/



[U]



























































copie exécutoire

le 29 mai 2024

à

Me MAYOUFI

Me BUVRY

LDS/BT/BG





COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 29 MAI 2024



*******************

******************************************

N° RG 23/01535 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXFE



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 27 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG F 21/00359)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.R.L. PROTRANS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit sièg...

ARRET

S.A.R.L. PROTRANS

C/

[U]

copie exécutoire

le 29 mai 2024

à

Me MAYOUFI

Me BUVRY

LDS/BT/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 29 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/01535 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IXFE

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 27 FEVRIER 2023 (référence dossier N° RG F 21/00359)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. PROTRANS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et concluant par Me Naziha MAYOUFI, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [H] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et concluant par Me Marjorie BUVRY, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Stéphanie THUILLIER de la SELARL STEPHANIE THUILLIER, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 03 avril 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame [M] [V] indique que l'arrêt sera prononcé le 29 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [M] [V] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 29 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [H] [U] a été recruté par la société Protrans (la société ou l'employeur) aux termes d'un contrat à durée déterminée conclu pour la période du 17 juillet au 17 septembre 2021, en qualité de chauffeur-livreur.

Ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et contestant les conditions de sa rupture, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens le 16 décembre 2021.

Par jugement du 27 février 2023, le conseil a :

- Requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- Dit le licenciement de M. [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- En conséquence, condamné la SARL Protrans à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 1 554,62 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1 554,62 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 1 554,62 euros au titre de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,

- 153,23 euros à titre des rappels de salaires des 15 et 16 juillet 2021,

- 15,32 euros au titre des congés payés y afférent,

- 365,26 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d'août 2021,

- 36,52 euros au titre des congés payés y afférent,

- 360,39 euros au titre de la précarité,

- 9 327,72 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- Condamné la SARL Protrans à remettre à M. [U] les documents de fin de contrat conformes à la décision, et ce sous une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification du jugement.

La société Protrans, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par conclusions notifiées le 22 décembre 2023, demande à la cour de :

Déclarer son appel bien fondé,

Annuler ou sinon infirmer la décision entreprise dans les dispositions suivantes,

Statuant à nouveau,

Rejeter la demande de M. [U] d'indemnité au titre de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, de rappel de salaire pour le mois de juillet 2021, de rappel de salaire pour le mois d'août 2021, d'indemnité pour travail dissimulé,

Le débouter de son appel incident, et confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts,

Condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, M. [U] demande à la cour de :

Le déclarer tant recevable que bien fondé en son appel incident et en l'ensemble de ses demandes,

Y faisant droit,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il :

- A condamné la société Protrans à lui verser la somme de 1 554,62 euros au titre de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ;

- L'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et financier subi et de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamner la société, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes suivantes :

1 291,50 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 25 août 2021 au 17 septembre 2021 ;

126,15 euros au titre des congés payés afférents ;

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi du fait de la résistance abusive de la société ;

Ordonner à l'employeur à lui remettre sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir de l'ensemble des documents de fin de contrat et des bulletins de paie conformes à ladite décision ;

Condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.

EXPOSE DES MOTIFS :

La requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ne fait plus débat.

1/ Sur l'indemnité de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée :

L'employeur soutient que l'indemnité de l'article L.1243-4 du code du travail ne se cumule pas avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du contrat à durée indéterminée.

Le salarié, au chapitre de la discussion de ses conclusions, se place sur le terrain du cumul entre l'indemnité de requalification de l'article L.1245-2 du code du travail et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui n'est pas l'objet du débat.

Mais il sollicite au dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer 1 554,62 euros au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée, rejoignant ainsi la demande de l'appelante.

L'article L.1243-4 du code du travail dispose que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.

Cette indemnité ne se cumule pas avec les dommages-intérêts dus en cas de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, les deux indemnités ayant vocation à réparer le même préjudice.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une somme sur le fondement de l'article L.1243-4.

2/ Sur la demande de rappel de salaire :

Par application combinée des articles 1353 du code civil et L.1221-1 du code du travail, la charge de la preuve du paiement du salaire repose sur l'employeur lorsqu'il est attrait en justice par son salarié pour une demande de paiement de rémunération.

-Au titre du mois de juillet 2021:

L'employeur soutient que la somme de 900 euros qu'il a virée à M. [U] le 4 août 2021 l'a complétement rémunéré de sa prestation de travail pour le mois de juillet.

Le salarié fait valoir qu'il a commencé sa prestation de travail le 15 juillet et que les journées des 15 et 16 juillet ne lui ont pas été payées et ne figurent d'ailleurs pas sur le bulletin de paie.

Il rapporte la preuve par une attestation et des textos de l'employeur de ce qu'il a commencé à effectuer des livraisons le 15 juillet 2021, il incombe donc à la société de rapporter la preuve du paiement du salaire à compter de cette date.

Or, le bulletin de salaire indique une période de paie du 17 au 31 juillet de sorte que le montant qui y figure n'a pu rémunérer le salarié pour les 15 et 16 juillet.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme, non spécifiquement contestée dans son quantum, de 153,23 euros outre les congés payés afférents.

-Au titre de la période du 24 août au 17 septembre 2021 :

L'employeur fait valoir que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a retenu le 24 août comme dernier jour travaillé et que son virement de 605,78 euros correspond à l'ensemble des jours travaillés pour le mois d'août.

Il ne dit rien concernant la période postérieure.

M. [U] affirme que l'employeur lui a retiré le véhicule de livraison l'empêchant de travailler entre le 24 août et le 17 septembre 2021, date de fin de contrat selon la mention portée par l'employeur sur l'attestation Pôle emploi, de sorte que, tenu d'une obligation de lui fournir du travail, l'employeur ne pouvait lui déduire des heures d'absence pour cette période. Il distingue la période du 1er au 24 août sur laquelle le conseil de prud'hommes a statué et celle du 25 août au 17 septembre sur laquelle il n'a pas statué.

A défaut pour la société de justifier avoir réglé le salaire dû pour la période du 1er au 24 août, elle sera condamnée au paiement des sommes justifiées en leur principe et non spécifiquement contestées dans leur montant, de 365,26 euros outre les congés payés afférents.

En revanche, s'agissant de la période postérieure, dès lors que le contrat de travail a été définitivement jugé rompu par anticipation au 24 août 2021 ce qui a justifié la condamnation de l'employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse après requalification de la relation de travail, le salarié ne peut cumuler les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le salaire pour la période courant jusqu'à la fin prévue pour le contrat à durée déterminée sauf à créer une situation d'enrichissement sans cause.

Il n'y a pas lieu d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié l'ensemble des documents de fin de contrat et des bulletins de paie conformes au présent arrêt dès lors que ce dernier confirme le jugement s'agissant du salaire et que le motif de la rupture n'est pas remis en cause devant la cour.

 

3/ Sur le travail dissimulé :

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé.

Selon l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, c'est à juste titre que M. [U] fait valoir que la preuve de l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi résulte de la mention d'un début de contrat au 17 juillet 2021 sur la déclaration préalable à l'embauche et sur les bulletins de paie alors qu'il est établi qu'il a commencé à travailler le 15 juillet, l'employeur ne pouvant utilement se retrancher derrière un non-respect de sa consigne par son comptable lequel n'est pas établi.

Il importe peu que cette omission n'ait concerné que deux jours dès lors qu'elle est délibérée.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a alloué une indemnité égale à six mois de salaire.

4/ Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier :

M. [U] affirme que le retard de paiement du salaire lui a causé un préjudice financier et moral en ce qu'il a dû emprunter de l'argent à sa famille pour faire face à ses charges.

L'employeur soutient que les difficultés financières de M. [U] préexistaient à la rupture du contrat de travail et en veut pour preuve le montant de la somme prétendument empruntée. Il qualifie de complaisance les attestations produites par le salarié.

L'article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

En l'espèce, le salaire du mois de juillet n'a pas été intégralement réglé, celui du mois d'août n'a été réglé partiellement qu'en février 2022.

La mauvaise foi de la société est caractérisée par la dissimulation d'emploi.

Néanmoins, M. [U] ne justifie d'aucun préjudice financier engendré par le retard dans le paiement de son salaire tels que des agios bancaires, des intérêts dus à ses prêteurs ou des pénalités de retard.

En revanche, l'obligation de s'endetter auprès de proches pour faire face à ses charges, dont il justifie par la production de deux attestations, est avérée, elle constitue un préjudice moral.

Il y a donc lieu de condamner l'employeur au paiement de la somme de 300 euros de ce chef.

5/ Sur les frais du procès :

La société, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement, dans la limite des dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société Protrans au paiement d'une somme au titre de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, rejeté les demandes de M. [U] au titre du préjudice moral et de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande présentée par M. [U] au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée et du rappel de salaire pour la période du 25 août au 17 septembre 2021,

Condamne la société Protrans à payer à M. [H] [U] les sommes suivantes :

-300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

-2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et en appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Protrans aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01535
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;23.01535 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award