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29/05/2024 | FRANCE | N°23/01124

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 29 mai 2024, 23/01124


ARRET







[S]





C/



S.A.S. SAMSHIELD















































copie exécutoire

le 29 mai 2024

à

Me Seck

Me Vienne

LDS/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 29 MAI 2024



*************************************************************

N° RG 23

/01124 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWMX



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 22 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 20/00226 )



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [A] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée, concluant et plaidant par Me Alexandre SECK de l'AARPI MSL AVOCATS, avo...

ARRET

[S]

C/

S.A.S. SAMSHIELD

copie exécutoire

le 29 mai 2024

à

Me Seck

Me Vienne

LDS/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 29 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/01124 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWMX

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 22 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 20/00226 )

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [A] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Alexandre SECK de l'AARPI MSL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. SAMSHIELD agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Baptiste VIENNE de la SELEURL BRIENNE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 03 avril 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 29 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 29 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [S] a été embauchée à compter du 2 octobre 2012, par la société Samshield (la société ou l'employeur), par contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable communication, d'abord à temps partiel, puis à temps complet. Elle a été promue cadre le 1er mars 2017.

Elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 27 juillet 2020.

Elle a accepté le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle et la rupture du contrat de travail est intervenue le 5 août 2020.

La société emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective du commerce de gros.

Contestant la légitimité et la régularité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 5 octobre 2020.

Par jugement du 22 décembre 2022, le conseil :

A dit les demandes de Mme [S] recevables et partiellement fondées,

A fixé son salaire de référence à 3 691,24 euros,

A dit que Mme [S] n'avait pas eu à subir des faits de harcèlement moral,

A condamné la société à lui payer les sommes de 14 369,25 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et 1 436,92 euros au titre des congés payés afférents,

A condamné la société à payer à Mme [S] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'a déboutée de ses autres demandes,

A débouté la société de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Mme [S], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2023, demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Fixé son salaire de référence à la somme de 3 691,24 euros

- Condamné la société à lui payer la somme de 14 369,25 euros au titre de rappel de salaire des heures supplémentaires et 1 436,92 euros au titre des congés payés y afférents

Réformer la décision querellée en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau :

Dire et juger que les manquements imputables à l'employeur et la dégradation de ses conditions de travail sont constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail et d'un harcèlement moral aux torts de l'employeur ;

Dire et juger que son licenciement du 5 août 2020 motivé pour motif prétendument économique n'est pas bien fondé en ce que :

- il ne repose pas sur des difficultés économiques telles que prévues par l'article L 1233-8 du code du travail,

- il ne repose pas sur la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité,

- l'employeur a commis des fautes, et agi avec une légèreté blâmable, lesdits comportements fautifs de l'employeur invalidant son licenciement prétendument justifié par les difficultés économiques, et son licenciement étant par voie subséquente sans cause réelle et sérieuse ;

Dire et juger qu'elle a accompli des heures supplémentaires non réglées sur la période écoulée depuis le 30 septembre 2017 ;

En conséquence,

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

- 22 147,44 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

- 44 294,88 euros au titre de l'indemnisation des préjudices résultant du harcèlement moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail imputables à l'employeur

- 29 529,92 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 11 073,72 euros au titre de l'indemnité de préavis

- 1 107,37 euros au titre des congés payés sur le préavis

- 1 000 euros au titre de la prime Covid-19 sur l'année 2020

- 2 000 euros au titre des dommages et intérêts de première instance au titre de l'article 700 du CPC

- 3 000 euros au titre des dommages et intérêts en appel au titre de l'article 700 du CPC

- les entiers dépens

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 août 2023, la société Samshield demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] des demandes suivantes :

o 22 268,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

o 44 536 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquements à l'obligation de sécurité,

o 29 690,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

o 11 134,05 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

o 1 113,4 euros au titre des congés payés afférents,

o 1 000 euros au titre de la prime covid-19 sur l'année 2020,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :

o 14 369,25 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires,

o 1 436,92 euros au titre des congés payés afférents,

o 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

' Débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

' La condamner à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,

A titre subsidiaire :

' Limiter l'indemnité due à Mme [S] en application de l'article L.1235-3 du code du travail à la somme de 10 005,12 euros,

' Débouter Mme [S] du surplus de ses demandes,

' La condamner à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour la présentation de leurs moyens.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur l'exécution du contrat de travail :

1-1/ Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [S] au soutien de ses allégations selon lesquelles elle a effectué un grand nombre d'heures supplémentaires non réglées, verse aux débats un tableau Excel récapitulatif semaine par semaine, année par année avec computation des heures de travail à la semaine avec leur valorisation incluant une heure de pause méridienne, un procès-verbal de constat du 5 octobre 2021 aux termes duquel le commissaire de justice atteste avoir vérifié, par sondage, la cohérence entre les courriels envoyés par Mme [S] entre 2017 et 2020 et les dates et heures de début et de fin mentionnées dans le tableau Excel, des échanges de textos avec l'employeur montrant l'exécution d'heures de travail tôt le matin ou tard le soir, trois attestations de collaborateurs dont le représentant du personnel, selon lesquelles elle était toujours la première arrivée et partait tard le soir.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en y apportant les siens.

Celui-ci fait valoir qu'il avait expressément demandé à Mme [S] de n'effectuer que la durée contractuelle de travail pour laquelle elle était rémunérée, que pour contrôler le temps de travail des salariés l'accès aux locaux était exclusivement autorisé sur des plages horaires précises et qu'il a mis à la disposition des salariés un tableau de décompte des heures supplémentaires, leur rappelant qu'aucune heure supplémentaire ne serait payée sans validation préalable de la direction, tableau qu'il appartenait à Mme [S] de renseigner.

Il rapporte effectivement la preuve de ce que, par courriel du 17 janvier 2020, il avait expressément indiqué à l'ensemble des collaborateurs qu'aucune heure supplémentaire ne serait payée sans validation préalable de la direction et qu'après exécution des heures, chaque salarié devait compléter un tableau mis à sa disposition. De plus, par courrier électronique du 10 avril 2020, soit au moment de la crise sanitaire de la Covid19, il a instamment demandé à Mme [S] de respecter la durée de l'activité partielle limitée à 3 heures par jour, exposant dans un autre message du 16 avril, les dispositions prises pour en assurer l'effectivité.

Néanmoins, la connaissance par l'employeur de l'exécution par Mme [S] d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches à accomplir est établie par :

- Le tableau établi par Mme [S] à la demande du directeur, complété et non contesté par lui à l'époque, afin d'évaluation du temps de travail nécessaire à l'accomplissement des missions du service communication, d'où il ressort que le temps nécessaire à l'accomplissement des tâches de Mme [S], avec le concours de la graphiste à mi-temps, était de 240 heures par mois pour 169 heures contractuellement prévues,

- Un message de M. [U] du 19 février 2020 par lequel il reconnaît que les besoins du service sont de deux temps pleins,

- L'échange de février 2020 aux termes duquel la société a proposé à Mme [S] de la passer au forfait en jours, considérant notamment que la durée collective du travail n'était pas adaptée à l'exercice de ses fonctions impliquant une grande autonomie et la réponse de la salariée qui fait part de ce que cette proposition ne répondait pas à la problématique de l'accomplissement d'heures supplémentaires effectuées et non rémunérées depuis de nombreuses années,

- Les attestations précitées qui montrent que l'amplitude horaire de Mme [S] était notoire et visible,

- Le message de l'assistante de direction selon lequel elle était tellement sollicitée qu'elle ne parvenait pas à solder ses congés et qu'il lui était dû 42 jours au 25 avril 2018,

- Le fait qu'à quelques reprises, l'employeur a été amené à avancer ou retarder les horaires d'ouverture et de fermeture des locaux pour en permettre l'accès à la salariée, ainsi pour la période du 10 février au 12 février 2020, il était informé que Mme [S] arriverait à 7h15 et risquait de rentrer après 19h30.

En conséquence, la cour considère que l'employeur a implicitement accepté l'accomplissement par Mme [S] d'heures supplémentaires nonobstant l'affichage d'une interdiction.

S'agissant de la réalité et du nombre d'heures réclamées, la société critique la fiabilité du constat du commissaire de justice, conteste l'utilisation de courriels comme base d'appréciation des heures supplémentaires et fait remarquer que Mme [S] comptabilise des heures supplémentaires alors que la durée du travail a été réduite en raison de son placement en activité partielle au moment de la crise sanitaire.

Le constat du commissaire de justice, dont le statut est une garantie d'impartialité, présente un degré de précision et porte sur suffisamment de points de vérification pour en assurer la fiabilité à défaut de contestation sérieuse de l'employeur. De plus, la cour a été en mesure elle-même de vérifier les horaires mentionnés sur les tableaux produits par la salariée et constater qu'ils ne présentaient pas d'exagération.

Le nombre d'échanges de courriers électroniques et la variété d'interlocuteurs de même que la très longue période qu'ils recouvrent excluent qu'ils aient été constitués et aient fait l'objet de manipulations pour les besoins de la cause en l'absence d'élément produit par l'employeur en ce sens.

Par ailleurs, la plage d'accessibilité dans les locaux à savoir 8h/19h30 est bien trop importante pour assurer un contrôle du temps de travail des salariés ce d'autant qu'à la demande, l'accès pouvait être possible avant 8h et après 19h30 ainsi que l'illustre les textos produits par Mme [S].

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que Mme [S] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.

En effet, la société conteste l'accomplissement de ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par Mme [S], ni aucun élément permettant de contredire utilement les relevés hebdomadaires et mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu'elle a effectué des heures supplémentaires non payées.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Après réintégration des heures supplémentaires, le salaire de Mme [S] s'établit pour les douze derniers mois avant la rupture du contrat de travail à 3 691,24 euros selon décompte non spécifiquement contesté par la société.

1-2/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, l'ampleur des heures supplémentaires ne figurant pas sur les bulletins de paie entre 2017 et 2020, qui a atteint un pic à 240,18 heures en 2018, dont l'employeur avait nécessairement connaissance ainsi qu'il a été dit précédemment, manifeste l'existence d'un élément intentionnel.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement, de faire droit à la demande et de condamner la société Samshield à payer à Mme [S] la somme de 22 147,44 euros correspondant à six mois de salaire.

1-3/ Sur la demande au titre de la prime Covid 19 :

La règle « à travail égal, salaire égal » oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Mme [S] soutient que cette prime devait lui être versée dès lors qu'elle était présente au cours des mois d'avril et mai 2020 et que le refus de l'employeur constitue une discrimination salariale en ce que les autres salariés ont bénéficié de cette prime.

Elle produit la feuille de paie de M. [M] qui démontre que celui-ci a perçu en septembre 2020 une « prime exceptionnelle Covid-19 ».

La société n'apporte pas de justification objective au fait qu'à l'inverse de ce salarié, Mme [S], qui a été présente 3 heures par jour pendant toute la période de confinement de mars à mai 2020, n'ait pas bénéficié de cette prime.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

1-4/ Sur la dégradation des conditions de travail et le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par la salariée figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.

Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [S] fait valoir que ses conditions de travail se sont dégradées à compter de mi-mars 2018.

Elle présente les faits suivants :

-Les moyens humains mis à sa disposition étaient insuffisants et elle a été tenue à l'écart de la gestion du cas de l'infographiste, Mme [K], qui travaillait sous ses ordres, et à laquelle il a été fait une proposition d'embauche à temps plein au vu de l'accroissement de la charge du service communication, dans des conditions qu'elle ne pouvait que refuser.

L'employeur le conteste.

Pourtant, ainsi qu'il ressort des motifs de l'arrêt à propos des heures supplémentaires, il n'a pas, en toute connaissance de cause, mis à la disposition de Mme [S] les moyens humains suffisants pour l'accomplissement de ses missions qui auraient pu passer par l'accroissement du temps de travail de Mme [K]. Il l'a ouvertement tenue à l'écart du processus de passage à temps complet de cette dernière qu'elle appelait pourtant de ses v'ux ainsi qu'il résulte notamment d'un message de M. [U] du 19 février 2020.

- L'attitude triviale et obscène de Mme [V], responsable administratif et financier depuis octobre 2018, dont elle partageait le bureau, la mettait particulièrement mal à l'aise, ce dont elle s'est ouverte à M. [U] qui a réagi par le déni en lui disant que si le comportement de Mme [V] ne lui plaisait pas elle pouvait quitter l'entreprise et lui demandant de régler le problème elle-même.

L'employeur le conteste également.

Mme [S] établit, néanmoins, la matérialité de ces faits par la production du témoignage de Mme [K], d'un email qu'elle a adressé à deux collègues le 20 juin 2019 afin de recueillir leur avis sur la pertinence des propos qu'elle envisageait de tenir à Mme [V] pour mettre fin à cette situation, donc sans l'intervention de la direction, et de la copie de la lettre de licenciement de Mme [V] motivé notamment pour un ton et un comportement déplacés vis-à-vis de ses collaborateurs.

- La pression exercée sur elle et le climat de suspicion entretenu par Mme [V] qui a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail par la mise en place d'un forfait en jours.

L'employeur avance l'absence de preuve et de pression pour obtenir la modification du contrat de travail qui a également été proposée à un autre cadre.

Mme [S] rapporte la preuve de ce qu'elle a reçu de la part de Mme [V] une proposition de modification de son contrat de travail par le passage au forfait en jours alors que dans le même temps elle se plaignait, à raison, de l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, dévoyant ainsi le dispositif de la convention de forfait. Les autres faits imputés à Mme [V] ne sont effectivement pas suffisamment établis (espionnage, décompte du temps).

-Elle a été privée des moyens d'accès au lieu de travail en dehors des heures de travail contrairement à d'autres salariés. Elle produit une attestation de M. [M] qui déclare qu'il était en possession des codes d'accès et s'étonne que Mme [S] ne le soit pas.

L'employeur ne nie pas le contrôle d'accès mais entend le justifier ainsi qu'il sera vu plus loin.

-Elle a subi des pressions successives par le biais d'actes de contrôle pressants, d'expressions rudes et frontales de la part de Mme [Z], directrice commerciale embauchée en fin d'année 2019 et de M. [E], directeur général embauché fin février 2020.

L'employeur nie certains faits, en minimise ou en justifie d'autres.

Mme [S] rapporte la preuve de ce qu'elle a subi des relances pressantes dans la journée du 19 mars 2020 alors qu'elle était en congé l'après-midi ainsi qu'il résulte de plusieurs messages électroniques qu'elle verse aux débats, qu'il lui a été demandé à partir du mois de mars 2020, avec insistance, par le directeur général, de le mettre en copie de tous les emails qu'elle échangeait que ce soit en interne ou en externe (cf courriels des 18 mai et 26 juin 2020), que le directeur a communiqué directement avec une agence de communication extérieure, empiétant en cela sur son domaine d'activité (cf courriel du 3 avril 2020 de l'agence Comme une agence) et que M. [E] s'est moqué d'elle dans un message du 18 avril 2020, lui proposant son aide pour s'exprimer en français.

-Pendant son arrêt de travail pour anxiété réactionnelle, qui a duré du 8 juillet au 5 août 2020, elle a été sollicitée par M. [E] pour la communication d'informations professionnelles.

L'employeur reconnaît ces demandes qu'il entend légitimer.

-Des discours très contradictoires de la part de M. [E] qui lui a fait croire jusqu'au dernier moment qu'elle avait un grand avenir dans l'entreprise avant de lui annoncer son licenciement.

Ce fait est contesté par la société et ne ressort pas des pièces produites par la salariée.

Cette dernière justifie que son état psychique, qu'elle relie à la souffrance au travail qu'elle a ressentie, a nécessité un suivi psychologique.

Les faits matériellement établis par Mme [S], pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il incombe donc à la société de démontrer qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

La société démontre que la restriction d'accès aux locaux concernait l'ensemble des collaborateurs notamment pour des raisons de sécurité et que l'exception concernant M. [M] résultait d'une délégation spécifique pour armer et désarmer l'ouverture des portes en l'absence de M. [U].

Elle justifie les demandes pressantes adressées à la salariée le 19 mars 2020 par la situation générée par la crise sanitaire qui obligeait à une réaction très rapide de la part de l'entreprise.

De même, elle fait valoir, à juste titre, que certaines demandes formulées pendant le congé maladie de Mme [S] étaient justifiées par le niveau de responsabilité de celle-ci et par leur nature s'agissant des codes et identifiants indispensables à la poursuite de l'activité et de l'état d'avancement de certains dossiers urgents. Néanmoins, l'ampleur de la sollicitation excède ce qui peut être demandé à un salarié en arrêt de travail.

Pour les autres faits, elle procède par allégations ce qui est insuffisant, ou proteste de sa bonne foi et de son intention bienveillante s'agissant notamment de la demande d'être systématiquement en copie de tous les messages envoyés et reçus par Mme [S] et d'intervention d'une agence extérieure dans le domaine d'activité de la salariée, ce qui est inopérant, le harcèlement moral étant susceptible d'être constitué en dehors de toute intention de son auteur.

Ainsi, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'employeur échoue à démontrer que plusieurs des faits matériellement établis par Mme [S] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes.

Au vu du trouble psychique généré par cette situation dont la preuve est rapportée par les arrêts de travail prescrits pour anxiété réactionnelle et l'attestation de Mme [X], thérapeute, la société sera condamnée à payer à Mme [S] la somme de 6 000 euros.

2/ Sur la rupture du contrat de travail :

2-1/ Sur le motif économique :

La salariée ne conteste pas les chiffres avancés par l'entreprise en termes de baisse de chiffre d'affaires mais soutient, en substance, qu'ils ne sont pas significatifs de difficultés économiques au regard du contexte particulier de l'entreprise et du secteur d'activité dans lequel elle intervient à savoir l'équitation, peu ou pas impacté par la crise sanitaire.

La société fait valoir, en substance, qu'elle remplit les critères de l'article L.1233-3 du code du travail en ce qu'elle a connu une baisse significative de son chiffre d'affaires au cours des premier et deuxième trimestres 2020 en comparaison avec la même période de l'année 2019 et que la crise sanitaire a eu un fort impact négatif sur ses ventes ne lui laissant pas de perspective de redressement.

Sur ce,

Selon l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

(')

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés. (') ».

Il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles dès lors qu'il est satisfait à la définition du motif économique de licenciement dans tous les cas.

En l'espèce, il est acquis que la société, qui comptait 27 salariés au moment du licenciement, a enregistré une baisse significative de chiffre d'affaires entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2020 de 15,85% et entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2020 de 20,93%. Elle bénéficie donc de la présomption de l'article L.1233-3 précité.

La salariée démontre que parmi les explications possibles à ce reflux figure une erreur de M. [U] dans les commandes de casques, dont elle soupçonne qu'elle pourrait avoir été orchestrée, qui a conduit à une rupture de stock pendant les deux premiers mois de 2020 et que le secteur de l'équitation a été moins touché que d'autres par la crise sanitaire, l'équitation, hors manifestations publiques, continuant à se pratiquer pendant le confinement et le nombre de licenciés augmentant.

Néanmoins, elle ne prouve pas le caractère volontaire de l'erreur de commandes et en tout état de cause, la rupture de stock qui en est résultée n'a fait qu'entraîner un décalage de chiffre d'affaires qui a été rattrapé au mois de mars 2020 comme elle le fait remarquer et n'a donc pas impacté le résultat du premier trimestre pris en son ensemble.

Si la pratique de l'équitation n'a pas été ralentie pendant le confinement, le nombre de licenciés ayant même augmenté en octobre 2020 par rapport à octobre 2019 ainsi qu'il ressort d'un article du journal Le monde produit aux débats, il est constant que le confinement qui a affecté tant la France que le reste du monde au cours de l'année 2020 a mis fin à toutes les manifestations publiques qui constituaient l'un des canaux de distributions de la société Samshield et a ralenti la production en Chine.

Le seul fait que les pertes aient été moindres que ce qui pouvait être craint et l'embellie éphémère du mois de juin 2020 (+12%) par rapport à 2019 ne suffisent pas à priver de caractère significatif le recul du chiffre d'affaires dans les proportions retenues par le code du travail pour les entreprises de l'importance de la société Samshield.

Par ailleurs, la salariée opère des comparaisons mois par mois et calcule des moyennes de chiffre d'affaires sur plusieurs années pour minimiser les pertes, démonstrations qui sont inopérantes au regard de la définition des difficultés économiques prévues par l'article L.1233-3 du code du travail.

De même, elle invoque la santé florissante de la société en 2022 alors que la réalité des difficultés économiques doit s'apprécier au moment du licenciement.

Enfin, elle se prévaut, en vain, des recrutements auxquels a procédé la société dès lors qu'ils ont eu lieu en 2019 pour la plupart et début 2020, avant la crise sanitaire, pour M. [E].

Ainsi, au vu des pièces produites, la cour considère, à l'instar du conseil de prud'hommes, que le licenciement est motivé par les difficultés économiques de la société.

L'un des motifs étant caractérisé, il n'y a pas lieu d'examiner la sauvegarde la compétitivité.

2-2/ Sur la faute de l'employeur :

Mme [S] soutient que les fautes de gestion de l'employeur privent de validité son licenciement.

Elle invoque le financement par la société de la pratique de M. [U] et de son fils du sport automobile et l'achat de voitures de rallye, un financement conséquent illégal (292 500 euros) versé par la société dans un contexte de prétendues difficultés économiques, le développement de la marque Samshield au seul profit de son dirigeant à qui elle appartient, le caractère excessif de la rémunération du gérant et des financements somptuaires par la société.

Cette dernière répond, en substance, qu'aucune irrégularité n'a été commise, l'ensemble des décisions ayant été validé et approuvé chaque année par l'expert-comptable et le commissaire aux comptes et que, sous couvert de dénoncer des fautes, la salariée conteste ses choix de gestion.

Sur ce,

La cour rappelle que dès lors que les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement résultent d'agissements fautifs allant au-delà des seules erreurs de gestion, le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse.

-Sur le financement du sport automobile :

Le moyen repose essentiellement sur une attestation que la salariée se fait à elle-même, un email qui date de 2015 concernant une demande de strickers pour une voiture de rallye cross et quelques photographies de voitures de cross aux couleurs de la société Samshield ce qui ne permet pas d'affirmer que M. [U] faisait financer sa passion par la société, qui plus est à hauteur de plus d'1 million d'euros comme Mme [S] le prétend, ni, en tout état de cause, que cela aurait contribué significativement aux difficultés rencontrées par la société en 2019 et 2020.

-Sur le financement illégal :

Mme [S] soutient que M. [U] s'est fait consentir illégalement par la société Samshield un prêt de trésorerie au travers de la SCI Sheltershield, dont il est seul associé avec sa femme, SCI qui est propriétaire des locaux donnés à bail commercial à la société Samshield.

Il ressort d'un rapport de M. [N], expert-comptable, du 27 mai 2018, que la SCI Sheltershield, dont les époux [U], mais également la société Samshield, sont actionnaires, a investi 3 300 000 euros dans l'achat d'un terrain et la construction d'un immeuble constituant les nouveaux locaux de la société Samshield, que cette dernière a apporté 292 500 euros en compte courant d'associé et qu'elle trouve dans cette opération l'intérêt de la maîtrise permanente des conditions de son bail commercial tout comme celle de son actif immobilier et l'assurance du bon fonctionnement de l'activité immobilière afin de pouvoir réaliser une opération financière rentable.

Dès lors qu'il ne s'agissait pas pour la société de s'engager au profit de M. [U] à titre personnel mais au profit d'une SCI dont elle était elle-même associée et dans son intérêt, aucune faute n'est caractérisée.

-Sur le développement de la marque Samshield au profit de l'intérêt exclusif du dirigeant :

Mme [S] affirme qu'en faisant financer par la société la promotion de la marque Samshield qui est sa propriété, M. [U] a agi dans son seul intérêt et contre l'intérêt de la société ce qui est fautif.

Toutefois, la promotion de la marque profite nécessairement aussi à la société qui l'utilise de sorte que cet argument est sans portée.

Quant à l'utilité d'en faire de la publicité dans le cadre du sponsoring d'un autre sport que l'équitation, si elle peut être discutable compte tenu de la différence entre les deux univers, la preuve n'est pas rapportée d'un impact significativement négatif sur les finances de la société qui permettrait de caractériser une faute.

-Sur la rémunération du dirigeant :

Mme [S] considère que, dans le contexte de difficultés économiques rencontrées par la société, M. [U] s'est fait attribuer une rémunération excessive en 2020 (272 000) et que la société a recruté M. [E] à un niveau de salaire anormalement élevé (240 000 euros)

La société rétorque que le niveau de rémunération du dirigeant a toujours été approuvé par la communauté des associés et que pour 2020, M. [U], comme M. [E] ont accepté une réduction de leur rémunération et que Mme [U] a également été licenciée privant le couple d'un salaire.

Il ressort du procès-verbal de la gérance du 30 novembre 2020 que la rémunération annuelle de M. [U] était de 272 000 euros prime comprise pour l'exercice ouvert au 1er mars 2020.

Ce niveau de rémunération, qui est un choix appartenant aux associés, n'apparaît pas manifestement disproportionné au regard du chiffre d'affaires de la société dans les années précédentes. En tout état de cause, il n'est pas démontré qu'il ait appauvri la société et qu'il soit à l'origine de ses difficultés financières. De plus, la cour observe qu'aucun dividende n'a été distribué au cours des trois exercices précédent celui de 2020.

S'agissant du salaire de M. [E], il apparaît à la lecture de son bulletin de paie, qu'il n'a pas été de 240 000 euros pour l'année 2020 mais de 131 820 euros. Son recrutement est intervenu avant la période critique et il a accepté une baisse de rémunération de 4 000 euros brut par mois selon email du 30 avril 2020 « pour participer à l'effort collectif ».

Aucune faute de l'employeur ne peut donc être retenue de ce chef.

-Sur les financements de biens somptuaires par la société :

Mme [S] accuse la société d'avoir acquis des véhicules de luxe après « la crise des gilets jaunes » dont elle prétend pourtant qu'elle l'a fortement affectée et d'avoir mis à la disposition de M. [E] une voiture haut de gamme, livrée juste à la sortie du confinement.

La société plaide la transparence dans l'acquisition ou la location des véhicules de fonctions mis à disposition des collaborateurs, affirme avoir pris en location celle de M. [E] avant la crise sanitaire de sorte qu'elle ne pouvait se soustraire à son engagement quand celle-ci est survenue et n'avoir pas renouvelé un contrat venu à échéance.

Le compte de résultat pour la période du 1er mars 2019 au 29 février 2020 mentionne, au titre des achats et charges externes, une Porsche Macan en propre et dix autres véhicules en location avec option d'achat dont une BMW 918, une Porsche 911 et une Porsche Cayenne.

Ce seul élément ne suffit pas à caractériser une faute de gestion à l'origine des difficultés économiques à défaut notamment de connaître l'usage qui était fait de ces voitures et la date de signature des contrats de location.

Ainsi, Mme [S] échoue à démontrer qu'au-delà de choix de gestion qu'il ne lui appartient pas de juger, l'employeur a commis des fautes de gestions de nature à invalider son licenciement.

Le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes de ce chef.

3/ Sur les frais du procès :

L'issue du litige conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, qui perd le procès devant la cour pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à la salariée la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a fixé le salaire de référence de Mme [S] à 3 691,24 euros, a condamné la société Samshield à lui payer les sommes de 14 369,25 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et 1 436,92 euros au titre des congés payés afférents et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Mme [S] de ses demandes au titre du licenciement et la société Samshield de sa demande au titre des frais irrépétibles et a condamné celle-ci aux dépens,

L'infirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que Mme [S] a été victime de harcèlement moral,

Condamne la société Samshield à payer à Mme [A] [S] les sommes de :

-1 000 euros au titre de la prime Covid pour 2020,

-22 147,44 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

-6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

-2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Samshield aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01124
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;23.01124 ?
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