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28/05/2024 | FRANCE | N°23/02017

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 28 mai 2024, 23/02017


ARRET







[I]





C/



Association PARTAGE



























































copie exécutoire

le 28 mai 2024

à

Me Gilles

Me Lecareux

CB/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 28 MAI 2024



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N° RG 23/02017 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYDS



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 14 AVRIL 2023 (référence dossier N° RG 21/00292)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [J] [I]

née le 12 Janvier 1962 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



Repr...

ARRET

[I]

C/

Association PARTAGE

copie exécutoire

le 28 mai 2024

à

Me Gilles

Me Lecareux

CB/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 28 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/02017 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYDS

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 14 AVRIL 2023 (référence dossier N° RG 21/00292)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [J] [I]

née le 12 Janvier 1962 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et concluant par Me Jean-Marie GILLES de la SELEURL CABINET GILLES, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

Association PARTAGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et concluant par Me Alexandra LECAREUX, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l'audience publique du 28 mars 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 28 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 28 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [J] [I], née le 12 janvier 1962, a été embauchée à compter du 18 février 2002 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein par l'association Partage, ci-après dénommée l'association ou l'employeur, en qualité d'assistante encaissement.

L'association Partage emploie plus de 11 salariés.

Son contrat n'est régi par aucune convention collective.

La relation de travail s'est poursuivie vers un poste d'aide-comptable encaissement à compter du 1er janvier 2008 puis aide comptable à partir du 1er juin 2017.

Un contrat de prévoyance collectif a été souscrit par l'employeur auprès de la société Swisslife.

La durée du travail de Mme [I] a été réduite à 17,30 heures par semaine dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à partir du 4 décembre 2017 puis 17,50 heures par semaine dés le 1er mai 2018.

Elle s'est vue reconnaître le statut de travailleur handicapé pour la période comprise entre le 8 juillet 2016 au 30 juin 2021 et a été admise au statut d'invalidité 1ere catégorie à effet du 1er mai 2018.

Mme [I] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 10 juin 2019 ininterrompu jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Le 27 avril 2021 Mme [I] a été placée en invalidité 2ème catégorie et le 19 juillet 2021 le médecin du travail l'a déclarée inapte « l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

Par courrier du 22 juillet 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à licenciement, fixé au 2 août 2021.

Par lettre du 5 août 2021, elle a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne par requête du 17 décembre 2021.

Par jugement du 14 avril 2023, le conseil a :

Dit et jugé que les demandes de Mme [I] sont recevables mais non fondées ;

Débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demande et prétentions ;

Condamné Mme [I] à verser à l'association Partage la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamné Mme [I] aux éventuels dépens.

Mme [I], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 mars 2024 demande à la cour de :

Il est demandé à la Cour d'appel d'Amiens d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et jugé que ses demandes recevables mais non fondées ;

Débouté de l'ensemble de ses demande et prétentions ;

Condamné à verser à l'association Partage la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamné aux éventuels dépens.

Et statuant à nouveau :

Fixer le salaire moyen à 1075,75 euros ;

Condamner l'association Partage à lui verser les dommages-intérêts suivants :

- Au titre du harcèlement moral 8 000 euros

- Au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité 8000 euros

- Au titre du licenciement nul à titre principal, sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire 20 000 euros

Condamner en sus l'association Partage à lui verser les sommes suivantes :

- Au titre du préavis 3227,25 euros

- Au titre des congés payés afférents 322,72 euros

- Au titre des 20,78 heures de RTT 294,79 euros

Juger que toutes les condamnations porteront intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Compiègne ;

Ordonner la remise par l'employeur à la salariée des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

Débouter l'association Partage de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner l'association Partage à lui verser la somme de 2500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'association Partage aux éventuels dépens de première instance et d'appel.

L'association Partage, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er février 2024, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 14 avril 2023 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions

Condamner Mme [I] aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 28 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la demande de paiement des jours de RTT

Mme [I] sollicite le paiement des 20,78 heures au titre des RTT qui ne lui ont été payées au moment du licenciement.

L'association s'y oppose répliquant que les jours non pris dans l'année sont perdus en application de l'accord de réduction du temps de travail.

Sur ce

L'avenant à l'accord de réduction de temps de travail conclu le 18 avril 2011 stipule pour les salariés avec RTT que les jours de RTT sont plafonnés à 15 jours annuels avec remise au compteur 0 au 31décembre ce dont il s'induit qu'ils doivent être pris dans l'année et qu'à défaut ils sont perdus.

Malgré cela Mme [I] a bénéficié du report de RTT de l'année 2019 sur l'année 2020 selon courrier de l'employeur du 6 décembre 2019 qui ajoute qu'il lui demande de planifier dés son retour au plus tôt la récupération de ces heures.

Il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir par la suite supprimé ces RTT, le report n'ayant plus été demandé et ayant disparu par la survenance de l'année 2021 alors que l'employeur n'a fait qu'appliquer l'accord collectif.

La salariée, par confirmation du jugement sera déboutée de cette demande.

Sur le harcèlement moral

Mme [I] soutient que l'employeur a tardé pour lui verser le complément de la prévoyance dans le cadre de la garantie du salaire en complément des indemnités journalières de la sécurité sociale alors que le contrat de prévoyance Swisslife le prévoyait, que cette situation a provoqué une dépression nécessitant la prescription d'anti-dépresseurs et une hospitalisation en janvier-février 2021 et au final l'inaptitude. Elle argue produire diverses pièces à l'appui de ses affirmations démontrant pris en leur ensemble une présomption de harcèlement moral alors que d'autres salariés ont aussi été victimes de harcèlement moral.

L'association conteste le paiement tardif des compléments de la prévoyance répliquant que le contrat avec Swisslife stipule une garantie en cas d'arrêt de travail par complément d'indemnités journalières et de rente de la Cpam, qu'elle devait relancer la salariée pour obtenir le décompte de versements de la sécurité sociale pour l'adresser à la prévoyance afin qu'elle calcule la somme due et ce chaque mois, qu'elle a versé plusieurs avances pour éviter de pénaliser Mme [I]. Elle souligne que les échanges de courriels ne démontrent pas de relation tendue, que le témoignage de l'ancien directeur administratif et financier n'est pas probant car il a engagé une action prud'homale toujours en cours, qu'elle justifie avoir adressé tous les mois les relevés d'indemnités journalières de la Cpam à Swisslife qui mettait un certain temps pour répondre la mettant elle-même dans l'incapacité de verser la somme due à la salariée, qu'elle a même remboursé un trop-perçu de Swisslife à la charge de la salariée dont elle n'a pu elle-même obtenir restitution que lors du solde de tout compte. Enfin elle argue que la salariée n'établit ni de lien entre le retard de versement et son état de santé puisque l'arrêt de travail de juin 2019 était justifié par une intervention chirurgicale au genou ni une dégradation de ses conditions de travail, la dépression ayant plutôt un rapport avec les conséquences d'un cancer qu'elle a développé et dont la société était restée dans l'ignorance jusqu'à la présente procédure.

Sur ce

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il en résulte que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période mais un fait isolé, faute de répétition, ne peut caractériser un harcèlement moral.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les retards pris dans le paiement des compléments de revenu de la prévoyance, dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par la salariée figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.

Selon l'article L.1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [I] s'estime victime de harcèlement moral de la part de l'association qui a tardé à lui verser les compléments de la prévoyance en cas d'arrêts maladie. Elle verse aux débats des échanges de courriels avec l'employeur notamment des 7 novembre 2019, 5 avril 2020, 2 décembre 2020, et 29 mars 2021 par lesquels il apparaît qu'elle sollicitait le paiement des sommes versées par la prévoyance au titre du revenu de remplacement suite à l'arrêt maladie.

Elle justifie avoir été en arrêt maladie continu entre le 10 juin 2019 et le 5 août 2021, ce qui démontre la réalité d'une dégradation de son état de santé et un certificat médical d'un médecin généraliste attestant qu'elle lui a déclaré une souffrance au travail et qu'elle constate une dépression ayant nécessité une hospitalisation en janvier-février 2020.

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient, dès lors, à l'employeur de combattre cette présomption en prouvant qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur conteste la sincérité du témoignage de M. [F] alors directeur administratif et financier de l'association. Si en matière prud'homale la preuve est libre, il appartient au juge saisi de cette contestation d'en apprécier souverainement la valeur et la portée. En l'espèce M. [F] a engagé une procédure devant la juridiction prud'homale et l'affaire fait l'objet d'un pourvoi en cassation, la procédure étant pendante devant cette cour. L'acuité du litige avec l'employeur induit que son attestation est en tout état de cause à prendre avec précaution. Outre que ce témoignage fait état de ce qu'il invoque des faits qui ne concernent pas la salariée, il ne fait que rapporter les dires de celle-ci sur les retards de versement de la prévoyance dont il a aussi été responsable en sa qualité de directeur administratif et financier, que si dès qu'un retard était résolu pour une période, il s'en présentait un nouveau, ceci étant inévitable puisque le montant de la prévoyance variait chaque mois dépendant des indemnités journalières de la Cpam, ce que M. [F] ne pouvait ignorer en sa qualité de directeur administratif et financier.

L'employeur a produit le courrier d'information sur les modalités de prise en charge par la prévoyance dont il ressort qu'en cas d'arrêt de travail il est prévu que le salarié percevra pendant les 30 premiers jours 100% de son salaire brut sans délai de carence puis les 2/3 de cette rémunération ces durées étant augmentées de 10 jours par période entière de 5 ans d'ancienneté en sus de la durée d'un an sans que chacune d'elles ne puisse dépasser 90 jours ; qu'à compter du 31ème jour d'arrêt total et continu le salarié peut percevoir 90% de sa rémunération brute par un complément aux indemnités journalières de sécurité sociale au plus tard jusqu'au 1095eme d'arrêt de travail mais sans jamais dépassé le salaire de référence, étant précisé que l'employeur n'est pas tenu, sauf accord particulier, de faire l'avance au salarié des prestations de sécurité sociale. Ainsi la salariée devait percevoir pendant son arrêt maladie des indemnités de sécurité sociale et une rente invalidité 1ere catégorie de la Cpam, et des indemnités journalières et un complément de rente versés par Swisslife. Il s'en déduit que d'une part le montant versé par la prévoyance variait chaque mois en fonction du montant des indemnités journalières versées par la Cpam et d'autre part qu'il appartenait à la salariée de communiquer à l'association ses relevés de versements indemnités journalières versées par la Cpam pour que l'employeur les communique à son tour à Swisslife afin qu'elle calcule les sommes dues.

L'association verse aux débats les très nombreux courriels adressés à la prévoyance démontrant que dès le 2 juillet 2019 elle avait communiqué le bulletin de salaire et le relevé de la pension d'invalidité de Mme [I] à Swisslife pour créer le dossier la concernant et faciliter les versements ; en outre les nombreuses relances auprès de la salariée par la direction des ressources humaines établissent qu'elle n'était pas diligente dans la transmission des relevés d'indemnités journalières de la Cpam ce qui a nécessairement entrainé un retard dans le versement des indemnités de prévoyance alors que la salariée savait que l'employeur ne versait que les sommes calculées par Swisslife, ce qui prenait nécessairement un délai administratif.

Par ailleurs l'employeur justifie avoir fait des avances à la salariée pour éviter qu'elle ne se trouve sans revenu avant le premier retour de Swisslife puis par la suite lors de retards dont elle pouvait être à l'origine faute d'envoi en temps utile des relevés d'indemnités journalières de la Cpam.

L'association justifie encore avoir payé le trop-perçu encaissé par Mme [I] du fait d'une erreur de calcul de Swisslife et ce afin que les versements ultérieurs ne soient pas bloqués et pénalisent la salariée, ne s'étant fait elle même remboursée que lors du solde de tout compte.

S'il est indéniable que la salariée ait souffert de dépression ayant nécessité à la fois un traitement médicamenteux et une hospitalisation, aucun élément à la procédure ne permet de relier cet état de santé à un quelconque harcèlement moral, puisque l'arrêt de travail de juin 2019 a été justifié par une intervention chirurgicale au genou et que le médecin n'a fait que reprendre les dires de Mme [I] dans le certificat médical faisant état de dépression, n'ayant en tout état de cause pu être témoin de quelconque fait de harcèlement supposé de l'employeur.

Ainsi les éléments produits par la salariée sont utilement contredits, et il est démontré que ces agissements qu'elle dénonce étaient, justifiés objectivement, et non constitutifs de harcèlement moral, pour retenir que la salariée a, comme elle le prétend, fait l'objet d'un tel harcèlement de la part de son employeur.

Pour ces motifs, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a débouté Mme [I] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral et de sa demande de réparation subséquente.

 

Sur la violation de l'obligation de sécurité

Mme [I] argue que son état s'est dégradé du fait du manquement de l'employeur dans son obligation de la préserver de tout harcèlement, qu'elle a été contrainte de réclamer tous les mois le versement de la prévoyance qui lui était versé en retard pendant parfois plusieurs mois ce qui a altéré son psychisme, que l'association n'établit pas qu'elle ait tout mis en oeuvre pour que son assureur s'exécute dans les délais.

L'association dénie tout manquement et réplique que les retards étaient le fait de la salariée qui n'était pas assi due dans ses envois de relevés d'indemnités journalières de la Cpam et qu'elle a malgré cela aidé Mme [I] en lui consentant des avances et en avançant le remboursement de l'indu qui bloquait tout nouveau versement.

Sur ce

L'article L.4121-1 du code du travail dispose :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

La cour a précédemment jugé que le harcèlement moral n'était pas caractérisé et l'a débouté de sa demande à ce titre. La cour a retenu que s'il a pu y avoir des retards dans le versement de la prévoyance, la salariée avait tardé à transmettre les relevés d'indemnités journalières de la Cpam pour lui permettre de la communiquer à Swisslife aux fins de calculer les sommes dues. En outre l'employeur a consenti des avances à la salariée pour qu'elle ne se trouve pas démunie de ressources et qu'il a remboursé l'indu perçu par Mme [I] pour permettre le paiement des indemnités journalières complémentaires de la prévoyance.

Dans ces conditions la cour retient, par confirmation du jugement que l'association n'a pas manqué à son obligation de sécurité et a débouté Mme [I] de sa demande de reconnaissance de manquement à ce titre et de sa demande de réparation subséquente.

 

Sur le licenciement

Mme [I] soutient que le licenciement pour inaptitude est nul pour cause de harcèlement moral et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il est en lien avec le comportement fautif de l'employeur quant au manquement à l'obligation de sécurité.

La société réplique que la cause du licenciement, fondée sur l'inaptitude de la salariée est réelle et sérieuse, alors qu'il n'existe pas d'autre motif pour l'expliquer.

Sur ce

Il résulte des développements qui précèdent que la cour a débouté Mme [I] de ses demandes au titre du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité. Le licenciement est fondé sur l'avis d'inaptitude rendu par la médecine du travail, n'est donc ni nul pour cause de harcèlement moral ni sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers la salariée.

La cour confirmera le débouté de Mme [I] de ses demandes en ce sens et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées.

Mme [I] succombant intégralement en cause d'appel, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'association les frais qu'elle a exposés pour la présente procédure d'appel. Mme [I] sera condamnée à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et sera condamnée aux dépens d'appel.

Sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Condamne Mme [J] [I] à payer à l'association Partage la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute Mme [J] [I] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt

Condamne Mme [J] [I] à supporter les dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02017
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;23.02017 ?
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