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28/05/2024 | FRANCE | N°22/04791

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 28 mai 2024, 22/04791


ARRET







[H]





C/



S.A.R.L. ECO WORLDWIDE SOLUTIONS

















































copie exécutoire

le 28 mai 2024

à

Me Canu-Renahy

Me Dugué-Chauvin

CB/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 28 MAI 2024



****************************************

*********************

N° RG 22/04791 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IS45



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 21 SEPTEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00010)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [E] [H]

né le 25 Mai 1981 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]...

ARRET

[H]

C/

S.A.R.L. ECO WORLDWIDE SOLUTIONS

copie exécutoire

le 28 mai 2024

à

Me Canu-Renahy

Me Dugué-Chauvin

CB/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 28 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 22/04791 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IS45

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 21 SEPTEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00010)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [E] [H]

né le 25 Mai 1981 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et concluant par Me Virginie CANU-RENAHY de la SELAS CANU-RENAHY ET ASSOCIES, avocat au barreau D'AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. ECO WORLDWIDE SOLUTIONS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée, concluant et plaidant par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN

DEBATS :

A l'audience publique du 28 mars 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 28 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 28 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [E] [H], né le 25 mai 1981, a été embauché à compter du 12 novembre 2019 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel par la société Eco worldwide solutions, ci-après dénommée la société ou l'employeur en qualité de technicien atmosphérique.

La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie par la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er juin 2020.

La société Eco worldwide solutions emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle de la désinfection, de la désinsectisation et de la dératisation.

Le 16 novembre 2020, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire.

Le 3 décembre 2020, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse, par lettre ainsi libellée :

« Cher Monsieur,

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif personnel fixé au 25 novembre 2020.

Le 24 novembre 2020 à 14h00, vous nous avez indiqué que vous ne serez pas présent à l'entretien prévu le lendemain, et nous avez transmis un arrêt de travail couvrant les journées des 24 et 25 novembre 2020.

Soucieux de vous donner la possibilité de vous défendre, nous vous avons proposé de décaler la tenue de l'entretien préalable au 30 novembre 2020.

A votre demande, cet entretien a eu lieu par visio-conférence.

Nous vous avons exposé les faits qui nous ont amené à envisager une mesure de licenciement à votre encontre, à savoir des manquements dans l'exécution de vos fonctions de technicien contrôle atmosphérique.

- Non-respect des règles d'hygiène et de sécurité en vigueur au sein de notre société.

Votre superviseur, ainsi que l'auditeur interne qualité, ont constaté à plusieurs reprises des écarts sécurité :

- non port des équipements de protection individuelle fournis par l'employeur

- non-respect des règles de discipline.

Le 12 novembre 2020 vous vous êtes absenté de votre poste de travail sans y avoir était autorisé laissant seul M. [V] intérimaire pour effectuer les mesures.

Votre superviseur a été informé de votre absence par M. [V] que vous aviez laissé sans les clés du syft.

Il a tenté de vous joindre à plusieurs reprises, sans y parvenir dans la mesure téléphone portable où était éteint.

Lorsque M. [U] s'est entretenu au téléphone avec vous après avoir été à son tour informé de votre absence, vous lui avez précisé que vous étiez malade.

Un justificatif vous a été demandé que vous n'avez jamais fourni.

Après que vous soyez entretenus avec M. [U] au téléphone, nous avons découvert que vous aviez contacté Monsieur [V] pour lui indiquer que sa mission prenait fin.

Dès lors, celui-ci ne s'est pas présenté à son poste de travail le 13 novembre au matin.

En conséquence, les analyses programmées le 13 novembre matin n'ont pu être réalisées.

- Défaut de reporting auprès de votre superviseur.

Vous ne rentrez pas en contact chaque jour avec votre superviseur pour l'informer des différents problèmes rencontrés sur le terrain, comme cela est pourtant prévu par la fiche de poste à laquelle vous renvoie votre contrat travail.

En conséquence nous pouvons traiter les problèmes dès qu'ils apparaissent, ce qui engendrent des insatisfactions de notre client JJA, lequel a d'ailleurs stoppé ses commandes.

- Incapacité à travailler dans un rapport de subordination

L'ensemble des superviseurs qui ont été amenés à travailler avec vous nous ont fait part de leur difficulté à vous manager.

Votre dernier superviseur déplore une remise en cause constante de votre part de son autorité, et un dénigrement de sa personne auprès des intérimaires auxquels nous avons eu recours pour faire face à des accroissements temporaires d'activité.

Ainsi qu'il nous l'a rapporté, votre objectif est d'obtenir le plus d'avantages par tous les moyens possibles (mensonges, manipulation')

Ce comportement est néfaste pour notre entreprise, aussi bien pour notre activité, que pour nos collaborateurs. Votre réaction à la suite de l'engagement d'une procédure de licenciement à votre encontre est conforme au comportement décrit par votre superviseur . Vous n'avez pas hésité à demander à l'une de vos connaissances de se faire passer pour Monsieur [C] [O], conseiller du salarié, pour obtenir différentes informations.

Vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer de tels agissements lourdement préjudiciables aux intérêts de l'entreprise, rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Bien au contraire, vous n'avez cessé d'incriminer votre superviseur, le rendant responsables de tous les manquements que vous avez commis dans l'exécution de vos fonctions de technicien contrôle atmosphérique.

Nous avons donc pris la décision de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.

Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, prendra fin 1 mois après la date de première présentation de cette lettre à votre domicile.

Au terme de celui-ci, nous vous remettrons votre solde de tout compte ainsi que vos documents de fin de contrat. Quant à vous, il conviendra que vous nous remettiez l'intégralité du matériel que nous avons mis à votre disposition (téléphone, EPI).

Nous vous précisons que la période de mise à titre conservatoire qui a débuté le 17 novembre sera rémunérée ».

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 8 janvier 2021.

Par jugement du 21 septembre 2022, le conseil a :

- dit et jugé que le licenciement entrepris par la société Eco worldwide solutions à l'encontre de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [H] de sa demande formulée au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- constaté que la société Eco worldwide solutions n'apporte pas la preuve du paiement de l'indemnité de préavis et congés payés afférents ;

- condamné la société Eco worldwide solutions au paiement de la somme de 1 665 euros à titre de l'indemnité de préavis et de la somme de 166,50 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis en deniers et quittances ;

- débouté M. [H] de sa demande fixée sur l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Eco worldwide solutions au paiement de la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Eco worldwide solutions aux entiers dépens ;

- débouté la société Eco worldwide solutions de sa demande formulée à titre reconventionnelle.

Le 27 octobre 2022 M. [H] a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de fond qui ne sont pas discutées.

M. [H], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 avril 2023, demande à la cour de :

- le juger recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer le jugement rendu le 21 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Amiens en ce qu'il a :

jugé que le licenciement entrepris reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

l'a débouté de sa demande formulée au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

l'a débouté de sa demande fixée sur l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- le confirmer en ce que l'employeur a été condamné à lui payer la somme de 1 665 euros au titre de l'indemnité de préavis et 166,50 euros au titre de l'indemnité de congés payé sur préavis et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

Pour le surplus, en conséquence et statuant à nouveau,

- juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'employeur à lui payer la somme de l 665 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- juger qu'il a effectué des heures supplémentaires ;

- condamner la société Eco worldwide solutions à lui payer la somme de 3 300 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 330 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire ;

- condamner la société Eco worldwide solutions à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Eco worldwide solutions par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 juillet 2023, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Amiens en ce qu'il a :

dit et jugé que le licenciement de M. [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

débouté M. [H] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

débouté M. [H] de sa demande de paiement de l'indemnité légale de licenciement ;

- infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de l'indemnité de préavis et congés payés afférents, et l'a condamnée au paiement de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

- débouter M. [H] de sa demande de paiement de l'indemnité de préavis et congés payés afférents déjà réglée ;

En tout état de cause,

- débouter M. [H] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

- condamner M. [H] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2024 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 28 mars 2024.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

M. [H] soutient ne pas avoir été en mesure de produire des plannings mais qu'il a inévitablement réalisé des heures supplémentaires comme en attestent les messages et appels échangés tardivement avec l'employeur ou même le 1er novembre 2020 qui est un jour férié. La société réplique que le salarié n'a effectué aucune heure supplémentaire comme le démontrent les relevés de géolocalisation de son véhicule et qui servaient notamment à contrôler les temps de travail.

Sur ce

Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [H] verse à l'appui de sa demande une liste d'appels provenant de son téléphone portable du 21 octobre au 13 novembre 2020 dont il s'évince qu'il a émis un certain nombre d'appels afin de s'entretenir avec M. [F], son supérieur hiérarchique, sans pour autant qu'il ne puisse être déduit qu'ils ont été émis en dehors des heures de travail contractuellement prévues.

Il en est de même des messages adressés à M. [F] du 15 octobre au 12 novembre 2020, y compris celui du 1er novembre 2020 qui concerne en réalité une annonce publiée sur le site cpasperdu.com dont le lien avec son activité professionnelle n'est pas explicité dans ses écritures.

Alors que le salarié, qui n'entend pas davantage préciser la période visée par sa demande de rappel de salaire ni le nombre total d'heures concernées, ne présente aucun élément suffisamment précis permettant d'apprécier l'existence de dépassements de la durée légale de travail, l'employeur verse aux débats les relevés journaliers de géolocalisation de son véhicule sur la période d'octobre à novembre 2020 exposant les heures de début et de fin d'intervention ainsi que l'amplitude des heures travaillées.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [H] n'a pas accompli des heures supplémentaires non rémunérées, de sorte que, par confirmation du jugement entrepris, sa demande de rappel de salaire sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la prescription des faits fautifs

M. [H] soutient que les faits qui lui sont reprochés en date du 16 septembre 2020 pour non port des EPI sont prescrits en raison de sa convocation à un entretien le 25 novembre 2020.

L'employeur ne répond pas sur ce point.

Sur ce

L'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Selon la combinaison des articles R. 1332-3 et R. 1332-4 du code du travail, le délai expire à vingt-quatre heures le jour du deuxième mois qui porte le même quantième que le jour où l'employeur a eu connaissance du fait fautif.

Le délai de prescription est interrompu par l'engagement des poursuites disciplinaires par l'employeur, à savoir la date à laquelle le salarié est convoqué à un entretien préalable.

En l'espèce, il est établi qu'à l'occasion d'un contrôle de chantier le 16 septembre 2020, l'employeur, par l'intermédiaire de M. [F], a eu connaissance des faits qu'il reproche au salarié s'agissant de l'absence d'utilisation des équipements de protection individuelle mis à sa disposition.

L'employeur pouvait donc engager les poursuites disciplinaires pour ces faits jusqu'au 16 novembre 2020 à vingt-quatre heures.

La société justifie de la convocation du salarié à un entretien préalable fixé au 25 novembre 2020 par courrier du 16 novembre 2020, de sorte que le délai susvisé de deux mois n'était pas expiré lorsqu'il a engagé les poursuites disciplinaires à l'encontre du salarié.

Par conséquent, le moyen titré de la prescription des faits connus par l'employeur le 16 septembre 2020 s'agissant de l'utilisation des équipements de protection individuelle doit être écarté.

Sur le bien-fondé du licenciement

M. [H] soutient ne pas avoir quitté son poste de travail le 12 novembre 2020 alors qu'un enregistrement audio démontre qu'il avait reçu l'instruction de laisser l'intérimaire sur le site d'Argoeuves afin d'effectuer ses taches, que la réalisation de rapports d'activité n'est pas prévue par sa fiche de poste, et qu'aucun élément objectif ne vient corroborer les affirmations de M. [F], son superviseur, selon lesquelles il serait incapable de travailler en équipe. S'agissant du non-respect des règles d'hygiène et de sécurité énoncé dans la lettre de licenciement, il affirme que ce grief n'est étayé que par le témoignage de M. [F] qui s'avère insuffisant à matérialiser une faute qui lui serait imputable, et qu'il n'a jamais reçu le moindre avertissement en ce sens.

En réponse, la société soutient que les missions du salarié, qui consistaient à aspirer des flux d'air et à les analyser dans la mesure où ils sont potentiellement dangereux et même mortels, rendaient le port d'équipements de protection individuelle indispensable et que plusieurs audits ont démontré qu'il s'abstenait de les porter. Elle affirme que le salarié n'a pas réalisé de reportings journaliers entre le 18 septembre et le 9 octobre 2020 comme le prévoit sa fiche de poste, qu'il s'est absenté de son poste de travail le 12 novembre 2020 sans en justifier, et qu'il remettait constamment en question l'autorité de M. [F] en le dénigrant auprès des intérimaires.

Sur ce

Selon l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

De même, il résulte de l'article L.1235-1 du même code que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties. Toutefois, le doute devant bénéficier au salarié avec pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Sur le port des équipements de protection individuelle

En l'espèce, il s'évince de la fiche de poste, qu'en sa qualité de technicien atmosphérique, M. [H] était responsable des mesures et analyses de conformité d'un conteneur avant dépotage, en se servant de divers matériels de laboratoire. Il pouvait être amené à réaliser des prélèvements d'échantillons, des mesures, des analyses, des solutions de décontamination, des fumigations (conteneurs ou navires), des traitements à la chaleur et mettre en place des process 3D.

S'agissant des modalités d'exercice de ses missions, il n'est pas contesté que le salarié avait à sa disposition un véhicule laboratoire afin de réaliser les analyses directement sur les lieux d'intervention, ainsi que des équipements de protection individuelle.

L'employeur verse aux débats le document unique d'évaluation des risques dont il s'évince que les unités de travail sur lesquelles le salarié intervenait l'exposait à des risques fréquents d'une particulière gravité, consistant en des brulures et des intoxications au gaz et à des produits chimiques pouvant occasionner une inaptitude ou son décès.

Toutefois, si l'employeur présente le témoignage de M. [Y], consultant extérieur en qualité, hygiène, sécurité et environnement, indiquant s'être rendu sur un chantier le 16 septembre 2020 en compagnie de M. [F] et avoir constaté que M. [H] ne portait ni ses EPI ni ses vêtements de travail, ces déclarations apparaissent contradictoires avec les informations contenues dans le document d'évaluation renseigné par M. [F] lors de cette visite, qui se bornent à évoquer un rappel à l'ordre sur les vêtements de société et qui précisent que le port des EPI de base était satisfaisant et que le port des autres catégories d'EPI était « sans objet » dans le contexte particulier de ce chantier.

Aucun autre élément de preuve n'étant présenté à la cour sur ce point, le grief tenant à l'absence de port des EPI par le salarié n'est pas établi.

Sur les règles de discipline

Alors que M. [H] conteste avoir quitté son poste de travail le 12 novembre 2020 et s'être rendu sur le site d'Argoeuves pour effectuer des relevés, l'employeur ne présente pas le moindre élément sur ce point.

L'échange de messages entre M. [F] et M. [H] aux termes duquel il lui est reproché d'avoir laissé un salarié intérimaire seul ne permet pas de déduire qu'il se serait absenté de manière injustifiée, et la réponse immédiate du salarié laissant entendre qu'il devait se rendre sur le site d'Argoeuves étaye ses explications sur ce point.

De plus, il n'est présenté aucun élément sur le rôle de M. [H] dans l'accompagnement de M. [V], le salarié intérimaire.

Enfin, les affirmations contenues dans le message non daté prêté à M. [V] et rédigé dans un français approximatif, dont il peut au mieux être compris que ce salarié se considérait en fin de mission après une information provenant de M. [H], ne permettent pas de déterminer précisément la nature de cette information délivrée et, par conséquent, de matérialiser la faute qui lui serait imputable.

Ces griefs ne sont pas davantage établis.

Sur les rapports d'activité

Il ressort de la fiche de poste versé aux débats par la société que le salarié doit « rentrer en contact chaque jour avec son superviseur pour l'informer des différents problèmes rencontrés sur le terrain ».

Alors que cette consigne ne précise pas les modalités formelles pour l'entrée en contact, le salarié démontre échanger quotidiennement avec M. [F], et l'employeur, qui soutenant l'existence d'un défaut de reporting entre le 18 septembre et le 9 octobre 2020, verse pourtant aux débats les certificats de mesures établis à M. [H] pour les journées du 7 et 9 octobre 2020.

Par ailleurs étant rappelé que la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige et que l'employeur ne peut invoquer un autre motif que celui qu'il a notifié au salarié dans la lettre de licenciement, il est relevé que les doutes exposés par M. [F] et M. [X], de ce que le salarié ne réalisait pas les contrôles qui lui incombaient, ne figurent pas parmi les manquements exposés dans la lettre de licenciement.

Ces manquements ne sont pas caractérisés.

Sur l'incapacité à travailler dans un rapport de subordination

Le dénigrement et la remise en cause de l'autorité de M. [F] dénoncés par l'employeur ne sont étayés que par le seul témoignage du superviseur dont les déclarations, qui n'évoquent pas le moindre fait précis et relèvent davantage de considérations d'ordre général, apparaissent insuffisantes pour établir la matérialité d'une faute imputable au salarié.

Ainsi, en l'absence de matérialité des manquements dénoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement, il convient, par infirmation du jugement déféré, de dire que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [H] expose être bien-fondé à percevoir l'équivalent d'un mois de salaire à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit la somme de 1 665 euros.

L'employeur soutient que le salaire moyen de M. [H] doit être fixé à 1 587 euros, et demande, à titre subsidiaire, à ce que l'indemnité allouée soit comprise entre 1 587 euros et 3 174 euros. Il ajoute que le préavis a été payé au salarié.

Sur ce

Selon l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'article L.1235-3 du code du travail prévoit l'octroi d'une indemnité à la charge de l'employeur au bénéfice du salarié dont le licenciement est survenu pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse. Lorsque son ancienneté dans l'entreprise est supérieure à une année, le montant de cette indemnité est compris entre 1 et 2 mois de salaire.

En l'espèce, compte-tenu des informations contenues dans les bulletins de paie précédant l'engagement de la procédure de licenciement, il convient de fixer le salaire moyen de référence du salarié à 1 665 euros.

Compte-tenu des circonstances de la rupture, de l'effectif de la société, du montant de la rémunération de M. [H], alors âgée de 39 ans au jour de son licenciement, et de son ancienneté au service de l'entreprise, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 1 665 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, l'employeur établit avoir rémunéré l'intégralité de la période de préavis, de sorte que la demande du salarié sur ce point sera rejetée.

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

La société Eco worldwide solutions, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens, et à payer à M. [H] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire de M. [H] pour l'accomplissement d'heures supplémentaires, et a condamné la société Eco worldwide solutions aux dépens ainsi qu'à payer au salarié 700 euros au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Eco worldwide solutions à payer à M. [H] :

- 1 665 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Eco worldwide solutions aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/04791
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.04791 ?
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