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22/05/2024 | FRANCE | N°23/00886

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 22 mai 2024, 23/00886


ARRET







[B]





C/



S.A.S. SYNTHOS [Localité 2]



























































copie exécutoire

le 22/5/2024

à

Me VRILLAC

Me GAILLARD

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 22 MAI 2024



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N° RG 23/00886 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV6P



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 16 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00185)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [N] [B]

né le 15 Juin 1989 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]...

ARRET

[B]

C/

S.A.S. SYNTHOS [Localité 2]

copie exécutoire

le 22/5/2024

à

Me VRILLAC

Me GAILLARD

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 22 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/00886 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV6P

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 16 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00185)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [N] [B]

né le 15 Juin 1989 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté, concluant et plaidant par Me Barbara VRILLAC, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. SYNTHOS [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Cyril GAILLARD de la SAS BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS

Me Christophe DORE de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 21 février 2024, devant Mme Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Laurence de SURIREY en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 22 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Le groupe polonais Synthos est notamment spécialisé dans la production de polystyrène expansé (PSE) pour des applications principalement tournées vers l'emballage (PSE blanc) et l'isolation (PSE gris). Le 30 août 2016, il a racheté au groupe Inéos trois sociétés dont, en France, la société Synthos [Localité 6] située dans le Pas-de Calais et la société Synthos [Localité 2] située dans l'Oise (la société ou l'employeur).

Cette dernière a cessé son activité le 20 septembre 2020.

M. [B] était salarié de cette société.

Après mise en 'uvre d'une procédure d'information et de consultation des représentants du personnel et élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi par conclusion d'un accord collectif majoritaire validé par la Direccte des Hauts de France, M. [B], comme 37 autres salariés, a été licencié pour motif économique.

Contestant la légitimité de son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne.

Par jugement du 16 janvier 2023, le conseil a jugé que le licenciement reposait sur un motif économique et en conséquence débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes, débouté la société de sa demande reconventionnelle et réservé les dépens.

M. [B], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2023, demande à la cour de :

A titre principal,

Infirmer dans son intégralité le jugement en ce qu'il le déboute de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Débouter la société Synthos [Localité 2] de toutes ses demandes,

La condamner à lui verser la somme de 44 149,27 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En outre,

Dire que l'ensemble de ces condamnations portera intérêts au taux légal, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Compiègne pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de la décision pour les dommages-intérêts,

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamner la société à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et entiers dépens de la présente instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 juillet 2023, la société Synthos [Localité 2] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner M. [B] à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur le motif économique :

M. [B] soutient, en substance, que la cessation d'activité n'a été ni totale ni définitive en raison du fait que d'autres sociétés du groupe ont la même activité que Synthos [Localité 2] et qu'elle relève d'une légèreté blâmable de l'employeur, le groupe ayant choisi de privilégier des investissements en Pologne en 2018 au détriment de Synthos [Localité 2] dont l'outil industriel était obsolète et la production de polystyrène expansé gris était moins rentable que le polystyrène expansé blanc, ayant procédé à des remontées importantes des filiales vers le groupe et le versement de confortables dividendes aux actionnaires en 2018, ayant diminué ses commandes à la société Synthos [Localité 2] liée par un contrat de façonnage qui la privait de toute autonomie ; la société ayant fait des investissements mal ciblés et insuffisants et n'ayant pas exécuté son ultime plan de redressement par la mise en place de cinq licenciements économiques en février 2020.

M. [B] ajoute que la situation économique de la société et du groupe auquel elle appartient, en 2019, année de référence, était satisfaisante avec un chiffre d'affaires en croissance et un bilan sain ainsi qu'il ressort du rapport du cabinet Diagoris expert-comptable du CSE et de la décision de l'inspecteur de travail, qu'elle ne pouvait justifier les licenciements économiques et qu'il doit en être tenu compte pour apprécier le comportement de l'employeur.

La société Synthos [Localité 2] répond que le licenciement de M. [B] résulte de sa cessation totale et définitive le 20 septembre 2020, le fait qu'elle appartienne à un groupe étant indifférent.

Elle conteste que cette situation soit la conséquence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de sa part. Elle affirme que la cessation d'activité se justifiait au regard des difficultés structurelles rencontrées qui préexistaient à son rachat (production monoproduit de PSE gris moins performant compte tenu de son procédé de fabrication ancien, absence d'unité d'extrusion, obsolescence des outils de production et des procédés industriels) et qui, compte tenu d'une évolution conjoncturelle aggravante (émergence d'une nouvelle concurrence à bas coût en provenance de pays hors Union européenne, excès d'offre générant une concurrence féroce entre acteurs et générant des tensions durables sur les prix, contraction de la demande liée notamment au ralentissement du marché de la construction et effondrement de la demande en Turquie) n'ont cessé de s'aggraver.

Elle invoque le recul de son volume des ventes, la baisse de son chiffre d'affaires, la détérioration de ses marges, un excédent brut d'exploitation (ou EBITDA aux Etats-Unis) constamment négatif depuis 2014 et des pertes d'exploitation cumulées s'élevant à 6 millions d'euros en 2019 pesant sur les résultats opérationnels du groupe Synthos, lui-même fragilisé par la perte de parts de marché.

Elle défend l'EBITDA comme outil de la performance économique réelle de l'entreprise, à l'inverse des comptes sociaux, compte tenu de ses modalités de facturation dans le cadre du contrat de façonnage qui la liait au groupe Synthos.

Elle fait valoir que les efforts déployés par le groupe (investissement pour le développement du PSE gris à base de graphite dès 2016, investissement pour le développement d'un procédé à base d'anthracite en 2017 finalement irréaliste et abandonné, investissement pour la production d'un PSE blanc en 2018 qui s'étant avérée déficitaire notamment en raison du coût du transport de la matière première, a été arrêtée en septembre 2019, restructuration visant à réduire les coûts en 2019) n'ont pas permis de surmonter les difficultés rencontrées.

Elle affirme que la politique de distribution des dividendes n'était pas anormale et qu'elle n'est pas à l'origine de ses difficultés.

Sur ce,

Dès lors que la cessation d'activité définitive et totale est en soi une cause économique de licenciement en application de l'article L.1233-3 4° du code du travail, l'employeur n'a pas à justifier des raisons l'ayant conduit à cesser toute activité à condition que la cessation d'activité ne procède pas de sa faute. Si, en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise le juge ne peut sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques, ou, à l'inverse déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés, il ne lui est pas interdit de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur.

Mais il ne lui appartient pas de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles dès lors qu'il est satisfait à la définition du motif économique de licenciement dans tous les cas.

1-1/ Sur le caractère définitif et total de la cessation d'activité :

La seule circonstance que d'autres entreprises du groupe Synthos aient poursuivi une activité de même nature que la société Synthos [Localité 2] ne fait pas par elle-même obstacle à ce que la cessation d'activité de cette dernière soit regardée comme totale et définitive . Or, il est constant que l'activité a définitivement et totalement cessé sur le site de Synthos [Localité 2].

Il en résulte que ce moyen est inopérant.

1-2/ Sur l'existence d'une faute de la part de la société Synthos [Localité 2] :

Sur la volonté du groupe de privilégier ses entreprises polonaises au détriment de Synthos [Localité 2] et l'absence de pertinence des investissements :

Il résulte du rapport d'audit du 5 février 2016 que l'entreprise telle qu'elle a été acquise par la société Synthos [Localité 2] en 2016 était déficitaire à la suite de sa conversion de la production de PSE blanc à la production du PSE gris qui n'est pas son fait mais a été voulu par le groupe auquel elle appartenait précédemment. Les comptes rendus de comité d'entreprise à compter de 2012 traduisent déjà l'inquiétude de la direction et des salariés au sujet du faible volume des ventes et des mauvais résultats en termes d'EBITDA.

Néanmoins, l'auditeur considérait que le site redeviendrait rentable à partir de l'exercice fiscal 2017 à mesure que les volumes de PSE gris augmenteraient. Force est de constater que l'avenir lui a donné tort puisque le PSE gris produit sur le site utilisant la technologie à base de carbone noir et un procédé par suspension n'étant pas compétitif par rapport à celui produit par ses concurrents utilisant la technologie à base de graphite et un procédé par extrusion, le volume des ventes ne s'est pas révélé à la hauteur des attentes. M. [B], qui se fondant sur le rapport du cabinet Diagoris, affirme que la crise n'était que passagère et que les perspectives pour 2020 étaient bonnes, n'en rapporte pas la preuve.

Le groupe n'a pas fait le choix, qui seul lui appartient, de convertir l'usine au procédé par extrusion comme il l'avait fait pour son usine en Pologne invoquant un coût exorbitant, il a néanmoins, ainsi que le reconnaît le salarié, engagé des investissements pour développer le PSE gris à base de graphite en 2016, puis à base d'anthracite en 2017, puis pour produire du PSE blanc en 2018. Ces investissements, dont la pertinence en termes quantitatif et qualitatif n'a pas à être appréciée par la cour, traduisent une volonté de pérenniser le site et ne vont pas dans le sens des allégations de M. [B] selon lesquelles le groupe a sciemment cantonné la production au PSE gris dans l'intention, dès 2016, de délocaliser la production en Pologne, qui ne relèvent que de supputations en l'absence de preuve.

Sur les remontées importantes des filiales vers le groupe :

A ce titre, la cour note que le salarié invoque la rentabilité du groupe et la distribution de confortables dividendes à ses actionnaires mais ne fait pas état spécifiquement des remontées de dividendes de la société Synthos [Localité 2] vers la société-mère. En tout état de cause, il ne démontre pas que la politique de distribution de dividendes était anormale et qu'elle était à l'origine des difficultés de la société ou, à tout le moins, qu'elle y a fortement contribué alors que ses comptes sociaux étaient bénéficiaires ainsi qu'il sera vu infra.

Sur l'absence d'autonomie de la société Synthos [Localité 2] :

La société était liée par un contrat de façonnage depuis 2005, soit bien avant son acquisition par le groupe Synthos. A ce titre, elle n'avait ni la maîtrise de ses coûts ni celle de ses prix et dépendait entièrement de la société Synthos styrenics synthos dwory 2. Toutefois, la preuve n'est pas rapportée de ce que cette dernière ait abusé de sa position pour imposer à la société Synthos [Localité 2] des conditions en termes de prix et de commandes sans rapport avec la réalité du marché la conduisant au déficit et à la cessation de son activité.

En effet, le cabinet Diagoris convient lui-même que la marge de transfert appliquée (5%) est justifiée même s'il s'agit d'un minimum.

Sur l'ultime tentative de redressement avortée :

Fin 2019, la société a envisagé un plan de redressement reposant sur l'arrêt de deux réacteurs et la suppression de huit postes afin de réduire les coûts d'exploitation, dans l'espoir d'arriver à une situation d'équilibre en 2021.

M. [B] ne démontre pas que la société n'ait pas mis en 'uvre ce plan et, en tout état de cause, qu'il aurait suffi à éviter la fermeture du site au regard des mauvais résultats en termes de volume de vente enregistrés dès le 1er trimestre 2020. Au demeurant la société est seule juge de ses choix stratégiques.

Sur l'absence de repreneur :

Le salarié déplore un déficit d'information du CSE à propos des recherches du cabinet mandaté pour trouver un repreneur ce qui, même si cela était avéré, ne constituerait pas une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité.

Sur l'appréciation des difficultés économiques :

Il résulte de la lettre de licenciement que la société a motivé son projet de cessation totale d'activité par une évolution du marché mondial du polystyrène expansible marqué par une baisse de la demande, une surproduction avec l'émergence de nouveaux acteurs pratiquant une politique de prix agressive, créant une concurrence contre laquelle elle n'était plus en mesure de lutter, mettant en avant l'impact négatif de cette évolution tant sur elle-même en termes de volume de vente, de marge et de résultat opérationnel que sur le groupe.

Elle avance les chiffres suivants :

- son niveau de production se situait largement en dessous de son seuil de rentabilité,

- le volume des ventes a fluctué en 2019 par rapport à 2018 (+32,2% pour le 1er trimestre, -18,6% pour le 2ème trimestre, +25,6 % pour le 3ème trimestre et -32% pour le 4ème trimestre) et a affiché finalement une légère baisse de volume sur l'année 2019,

-le chiffre d'affaires a connu l'évolution suivante sur la même période : +2,8% pour le 1er trimestre, -29,3% pour le 2ème trimestre, -0,7% pour le 3ème trimestre et -40,5% pour le 4ème trimestre,

- son excédent brut d'exploitation ou EBITDA était négatif entre 2014 et 2019, atteignant -5,7 millions d'euros en 2018, -6 millions d'euros en 2019 pour un cumul de perte d'exploitation de 26 millions d'euros en 6 ans,

- la tendance a perduré voire s'est accentuée au 1er trimestre 2020 avec une baisse de 33,7% du volume de vente, une détérioration des marges de 15,9% et une baisse de chiffre d'affaires de 35,2% et un EBITDA de -856 000 euros,

- elle est la seule société du groupe à présenter un EBITDA constamment négatif depuis 2018.

A ces chiffres, M. [B] oppose les bons résultats des comptes sociaux qui montrent selon lui un bilan sain, relève que le cabinet Diagoris met en doute la sincérité des comptes ayant conduit à la détermination de l'EBITDA par l'employeur mettant en avant la subjectivité des retraitements sans plus d'explications.

Il ressort du rapport du commissaire au compte pour l'exercice 2019 que le chiffre d'affaires est passé de 13 millions environ au 31 décembre 2018 à 15 millions environ au 31 décembre 2019, que l'activité a été bénéficiaire de 385 847 en 2019 même si l'on note une baisse considérable par rapport à 2018 (674 652).

Néanmoins, la société explique, et n'est pas spécifiquement démentie sur ce point, que dans le cadre du contrat de façonnage qui la liait à la société-mère polonaise, elle facturait la totalité de ses coûts d'exploitation avec une marge supplémentaire de 5% de sorte qu'elle ne pouvait jamais présenter de résultats déficitaires dans ses comptes sociaux.

Or, d'une part l'EBITDA, est un indice pertinent de la bonne santé économique d'une entreprise en ce qu'il a vocation à évaluer sa rentabilité opérationnelle, d'autre part, il est reconnu comme tel par l'article L.1233-3 du code du travail qui dispose que les difficultés économiques peuvent être caractérisées par une évolution significative de l'excédent brut d'exploitation. C'est d'ailleurs, cet indice auquel il est constamment fait référence depuis 2012 lors de la communication aux représentants du personnel dans le cadre du CSE pour expliquer et justifier la stratégie de l'entreprise et qui est utilisé par le cabinet PWC auteur de l'audit du 5 février 2016.

Il résulte des données fournies par l'employeur que l'activité de l'usine n'était pas rentable ce que confirme le rapport final du cabinet Icone group chargé de trouver un repreneur qui conclut que l'échec de sa mission tient notamment au fait que les concurrents ne sont pas parvenus à calculer des marges assurant une rentabilité compte tenu des coûts fixes très importants ne correspondant pas aux quantités demandées et que les pertes accumulées en six ans (26 millions d'euros) pesaient sur les résultats opérationnels de la division Synthos west et du groupe Synthos en son ensemble.

Le salarié ne rapporte pas la preuve que, dans un tel contexte économique, la cessation d'activité résulte d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur ou du groupe auquel il appartient.

La cessation totale et définitive d'activité constitue donc en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était justifié par une cause économique.

2/ Sur l'obligation de reclassement :

M. [B] convient que la société a respecté ses obligations conventionnelles à ce titre et ne critique pas le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place mais soutient qu'elle n'a pas rempli son obligation légale de reclassement puisqu'elle n'a pas mis à contribution la société Synthos holding qui fait partie du groupe auquel elle appartient.

La société soutient qu'elle a parfaitement respecté les obligations légales et conventionnelles qui lui incombaient en informant la commission paritaire de branche, en élaborant un plan de sauvegarde de l'emploi des plus consistants, en recensant l'intégralité des postes disponibles en France et à l'étranger, en proposant aux requérants qui avaient la qualification requise le seul poste de reclassement disponible en France et en permettant à M. [B] de bénéficier de mesures d'accompagnement particulièrement utiles et d'indemnités de rupture conséquentes.

Elle fait valoir qu'elle a dûment interrogé la société Synthos holding sur l'existence de poste vacant en son sein par courrier du 4 septembre 2020 qui est resté sans réponse ce qui s'explique, sans surprise, par le fait que la holding n'a ni activité ni salarié.

Sur ce,

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L.233-1, aux I et II de l'article L.233-3 et à l'article L.233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Même justifié par une cause économique avérée, le licenciement du salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement.

En l'espèce, la société justifie avoir interrogé la société Synthos holding sur d'éventuelles propositions de reclassement par courrier du 4 septembre 2020 ainsi que l'ont constaté également l'inspectrice du travail et la ministre du travail dans le cadre de l'examen des demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés.

Le fait que cette société n'ait pas répondu est indifférent dans la mesure où il est démontré par la production des comptes sociaux sur lesquels ne figure aucune somme à la rubrique « salaires et traitements », que celle-ci n'employait aucun salarié étant une pure holding sans activité.

M. [B] ne démontre pas que l'employeur a violé son obligation de reclassement.

Il convient donc, par confirmation du jugement, de rejeter ses demandes.

3/ Sur les frais du procès :

M. [B], qui perd le procès, doit en supporter les dépens et sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de rejeter également la demande présentée par l'employeur sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a réservé les dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00886
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;23.00886 ?
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