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22/05/2024 | FRANCE | N°22/05246

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 22 mai 2024, 22/05246


ARRET







S.A.S. GEODIS RT CHIMIE VILLERS SAINT-PAUL





C/



[T]



























































copie exécutoire

le 22 mai 2024

à

Me GAUTIER

Me BAO

EG/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 22 MAI 2024



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N° RG 22/05246 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITWQ



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 22 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 22/0054)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. GEODIS RT CHIMIE VILLERS SAINT-PAUL

[Adresse 4]

[Localité 3]



concluant par Me Phili...

ARRET

S.A.S. GEODIS RT CHIMIE VILLERS SAINT-PAUL

C/

[T]

copie exécutoire

le 22 mai 2024

à

Me GAUTIER

Me BAO

EG/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 22 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 22/05246 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITWQ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 22 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 22/0054)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. GEODIS RT CHIMIE VILLERS SAINT-PAUL

[Adresse 4]

[Localité 3]

concluant par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

ET :

INTIMEE

Madame [E] [T] veuve [P] venant aux droits de M. [K] [P]

[Adresse 2]

[Localité 1]

concluant par Me Lauralane BAO de la SELARL BONINO BAO, avocat au barreau de SENLIS

Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 27 mars 2024, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 22 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [P], né le 7 juillet 1966, a été embauché à compter du 5 août 2005, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée, par la société BM chimie devenue Géodis RT chimie Villers Saint Paul (la société ou l'employeur), en qualité d'agent d'exploitation.

La société compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des transports et activités auxiliaires.

M. [P] a été placé en arrêt de travail à compter du 15 janvier 2020.

Par courrier du 29 janvier 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 9 février 2021 reporté au 22 février 2021.

Le 5 mars 2021, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Contestant la licéité de son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 7 mars 2022.

Par jugement du 22 novembre 2022, le conseil a :

- jugé que M. [P] a été victime de discrimination en raison de son état de santé,

- déclaré les demandes de M. [P] recevables et non prescrites ;

- jugé nul le licenciement de M. [P] intervenu le 5 mars 2021 ;

- fixé le salaire moyen à la somme de 2 638,44 euros brut ;

- condamné la société Géodis RT chimie Villers Saint Paul à payer à M. [P] les sommes suivantes :

- 31 661,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- 5 804,57 euros au titre de l`indemnité compensatrice de préavis et les congés payés inclus ;

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société Géodis RT chimie Villers Saint Paul de rembourser à Pôle Emploi, les indemnités de chômage versées à M. [P] du jour de son licenciement au 22 novembre 2022, date de mise à disposition du présent jugement, à concurrence de trois mois d'indemnités de chômage ;

- dit que la condamnation prononcée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés inclus produirait intérêts au taux légal en vigueur à compter du 15 mars 2022, date de réception par la société Géodis RT chimie Villers Saint Paul de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;

- dit que la condamnation prononcée au titre de l'indemnité pour licenciement nul produirait intérêts au taux légal en vigueur à compter du 22 novembre 2022, date de mise à disposition du jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire totale ;

- condamné la société Géodis RT chimie Villers Saint Paul aux entiers dépens.

M. [P] est décédé le 3 avril 2023.

La société Géodis RT chimie Villers Saint Paul, régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2023, demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 novembre 2022,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que les prétentions de M. [P] se heurtent à la prescription de l'article L.1471-1 du code du travail et qu'elles sont, à ce titre, irrecevables,

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [P] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Mme [T] veuve [P], venant aux droits de son époux, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 août 2023, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- jugé que M. [P] a été victime de discrimination en raison de son état de santé,

- déclaré les demandes de M. [P] recevables et non prescrites,

- jugé nul le licenciement de M. [P],

- fixé le salaire moyen de M. [P] à la somme de 2 638,44 euros,

- condamné la société Géodis RT chimie à payer les sommes suivantes :

o 5 804,57 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés

payés inclus,

o 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné à la société Géodis RT chimie de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [P] du jour de son licenciement au 22 novembre 2022, date de mise à disposition du jugement, à concurrence de trois mois d'indemnités de chômage

- dit que la condamnation prononcée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés inclus produirait intérêts au taux légal en vigueur à compter du 15 mars 2022,

- dit que la condamnation prononcée au titre de l'indemnité pour licenciement nul produirait intérêts au taux légal en vigueur à compter du 22 novembre 2022,

- condamné la société Géodis RT chimie aux entiers dépens,

- juger, compte-tenu du décès de M. [P], que ces sommes devront lui être versées ;

- l'infirmer en ce qu'il a condamné la société Géodis RT chimie à verser à M. [P] 31 661,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Géodis RT chimie à lui verser 52 768,80 euros à titre d'indemnité du fait de la nullité du licenciement ;

Subsidiairement,

- juger le licenciement de M. [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Géodis RT chimie à lui verser les sommes suivantes :

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 34 299,72 euros,

- Indemnité compensatrice de préavis à : 5 276,88 euros outre 527,69 euros au titre des congés payés afférents,

Dans tous les cas,

- condamner la société Géodis RT chimie à lui verser 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur la demande en nullité du licenciement

1-1/ sur la recevabilité de la demande

L'employeur soutient que le délai de prescription à retenir est d'un an à compter de l'envoi de la lettre de licenciement s'agissant d'une action visant à contester le bien-fondé du licenciement pour perturbation du fonctionnement de l'entreprise par l'absence prolongée du salarié, en dehors de toute discrimination.

Mme [T], ès-qualités, répond que son action tendant à la réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination, elle se prescrit par 5 ans, et qu'en tout état de cause, le point de départ de la prescription est la date de réception de la lettre de licenciement.

L'article L.1471-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, dispose que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

En l'espèce, M. [P] a saisi la juridiction prud'homale le 7 mars 2022 d'une demande en nullité du licenciement discriminatoire, et subsidiairement, d'une demande en requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande en nullité du licenciement étant fondée sur les dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail concernant la discrimination, l'alinéa 3 de l'article précité s'applique.

Le salarié, disposant d'un délai de 5 ans à compter du licenciement pour former sa demande et ayant saisi le conseil de prud'hommes le 7 mars 2022, est recevable de ce chef.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

1-2/ sur l'existence d'une discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [P] affirme qu'il a été victime de discrimination à raison de son état de santé en ce qu'il a été licencié au motif de son absence prolongée alors qu'il a été remplacé en interne pendant un an par répartition de ses tâches sans preuve de désorganisation du service, que son remplacement définitif dans un délai raisonnable n'est pas démontré, et qu'il avait proposé une solution de travail à distance déjà expérimentée.

Il est constant que le salarié était en arrêt-maladie depuis le 15 janvier 2020 lorsque l'employeur a engagé la procédure de licenciement le 29 janvier 2021 à la suite d'une nouvelle prolongation de son arrêt de travail.

Par courriel du 5 février 2021, M. [M], délégué syndical venant au soutien du salarié, attirait l'attention de l'employeur sur l'absence de perturbation du service depuis janvier 2020 au regard de l'ampleur des tâches redistribuées et des effectifs présents dans le service, et sur le retour prochain de M. [P].

Par ailleurs, l'employeur ne conteste pas la proposition de télétravail faite par le salarié lors de l'entretien préalable et ne justifie d'aucun examen de cette proposition, au besoin en lien avec la médecine du travail.

M. [P] ayant finalement été licencié le 5 mars 2021 pour désorganisation de l'entreprise du fait de son absence prolongée, ces éléments laissent présumer l'existence d'une situation de discrimination à raison de son état de santé.

Pour démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'employeur argue du fait que le salarié bénéficiait d'une garantie conventionnelle d'emploi d'un an l'empêchant de procéder à son remplacement dans ce délai quelles que soient les perturbations engendrées par son absence, que les démarches pour son remplacement ont été mises en 'uvre dès le mois de mai 2021 concomitamment à sa sortie des effectifs, et que la suspension du contrat de travail interdisait tout aménagement en télétravail à défaut de préconisation en ce sens de la médecine du travail.

Il ajoute que l'absence prolongée du salarié perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise eu égard à la nature qualitative de ses fonctions ainsi qu'à l'impact de son absence sur la charge de travail et l'efficience de ces collègues, et nécessitait son remplacement par un salarié recruté à titre définitif afin d'assurer le même niveau de compétence.

Au titre des problèmes de fonctionnement imputables à l'absence du salarié, la lettre de licenciement vise une surcharge de travail importante pour les autres agents d'exploitation les empêchant :

- de répondre aux urgences, et d'optimiser les plannings de livraison de frets générant une augmentation des kilomètres effectués à vide et des retard dans les livraisons de marchandises,

- d'assurer le suivi régulier et approfondi de la gestion de l'activité des conducteurs entrainant une augmentation significative des infractions à la RSE, de la consommation gasoil et des heures de travail non justifiées.

Or, les pièces produites par l'employeur ne démontrent ni l'ampleur des dysfonctionnements décrits ni leur imputabilité à l'absence de M. [P].

L'employeur ne rapportant pas la preuve que la décision de licencier ce dernier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré le licenciement nul.

1-3/ sur les conséquences pécuniaires de la nullité du licenciement

La nullité du licenciement étant retenue, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés afférents, et à des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs aux 6 derniers mois de salaire.

Le quantum accordé au titre de l'indemnité compensatrice de préavis n'étant pas spécifiquement contesté, le jugement est confirmé de ce chef.

Compte tenu des circonstances de la rupture et du montant de la rémunération versée au salarié, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont fixé à 31661,28 euros les dommages et intérêts alloués en réparation de la nullité du licenciement.

2/ Sur les demandes accessoires

L'employeur succombant en appel, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, de mettre les dépens d'appel à sa charge, et de rejeter sa demande au titre des frais de procédure.

L'équité commande de le condamner à payer à Mme [T], ès-qualités, 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Géodis RT chimie Villers Saint Paul à payer à Mme [E] [T], en qualité d'ayant droit de M. [P], 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Géodis RT chimie Villers Saint Paul aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/05246
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;22.05246 ?
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