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17/05/2024 | FRANCE | N°23/00846

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Tarification, 17 mai 2024, 23/00846


ARRET

N°190





Société [7]





C/







CARSAT Normandie













COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 17 MAI 2024



*************************************************************



N° RG 23/00846 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV33











PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





Société [7]

agissant poursuites et diligences d

e ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]





Représentée et plaidant à l'audience par Me Chloé Gaucher, substituant Me Corinne Potier de la SCP Flichy Grangé Avocats, avocat au barreau de Paris











ET :





DÉFENDEUR





CARSAT Normandie

agissan...

ARRET

N°190

Société [7]

C/

CARSAT Normandie

COUR D'APPEL D'AMIENS

TARIFICATION

ARRET DU 17 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/00846 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IV33

PARTIES EN CAUSE :

DEMANDEUR

Société [7]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée et plaidant à l'audience par Me Chloé Gaucher, substituant Me Corinne Potier de la SCP Flichy Grangé Avocats, avocat au barreau de Paris

ET :

DÉFENDEUR

CARSAT Normandie

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et plaidant à l'audience par Mme [I] [H], munie d'un pouvoir

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 février 2024, devant M. Renaud Deloffre, président assisté de M. Thierry Hageaux et Mme Maud Choquenet, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.

M. [D] [G] a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 17 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Vanhuse

PRONONCÉ :

Le 17 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Renaud Deloffre, président et Mme Audrey Vanhuse, greffier.

*

* *

DECISION

Monsieur [E] [J] a été salarié de la société [7] en qualité de technicien qualité du 31 mars 1969 au 1er avril 2005.

Le 2 septembre 2017, Monsieur [E] [J] a déclaré une maladie professionnelle relevant du tableau 30bis, cancer broncho-pulmonaire, dont les incidences financières ont été imputées sur le compte employeur de la société [7].

Par courrier du 16 novembre 2017, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Eure a notifié à la société [7] sa décision de prise en charge de cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 8 janvier 2018, la société [7] a saisi la CARSAT Normandie d'une demande afin d'obtenir le retrait de son compte employeur 2017 des conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 2 septembre 2017 par Monsieur [J] et leur inscription au compte spécial sur le fondement des dispositions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

Le 12 février 2018, la CARSAT Normandie a rejeté la demande de la société [7] et confirmé l'imputation du sinistre sur le compte employeur de la société.

Le 6 avril 2018, la société [7] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Rouen afin de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [J].

Le 11 avril 2018, la société a saisi la Cour Nationale de l'Incapacité et de la Tarification de l'Assurance des Accidents du Travail (CNITAAT) pour contester la décision de la CARSAT Normandie. Ce recours a été enregistré sous le numéro de répertoire général 1802401.

Par acte délivré le 19 février 2019 pour l'audience du 26 avril 2019 de la cour spécialement désignée , la société [7] a formé un recours conservatoire à l'encontre de son taux de cotisation 2019, demandant un sursis à statuer auprès de la Cour au motif qu'un litige est pendant devant le Tribunal de Grande Instance de Rouen concernant la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [E] [J] le 2 septembre 2017.

Elle sollicitait également l'inscription au compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 2 septembre 2017 par Monsieur [J] sur le fondement des dispositions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995. Ce recours a été enregistré sous le numéro 19/02263.

Par ordonnance du 24 avril 2019, la CNITAAT s'est dessaisie du recours enregistré sous le numéro de répertoire général 1802401 au profit de la cour d'appel d'Amiens.

Par jugement du 10 septembre 2019, le pôle social du Tribunal de Grande Instance de Rouen a débouté la société [7] de sa demande d'inopposabilité de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [E] [J] le 2 septembre 2017.

Par arrêt en date du 21 novembre 2019, la cour a ordonné la jonction du recours 19/02263 avec le recours dont s'était dessaisie la CNITAAT à son profit et a dit qu'il y avait lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision passée de force jugée dans la procédure en inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [E] [J].

Cette procédure a fait l'objet d'une réinscription à l'audience du 20 octobre 2023 à la demande de la société [7] sous le numéro de rôle 23/04320.

Le 20 décembre 2019, la société [7] a interjeté appel du jugement rendu le 10 septembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de Rouen devant la Cour d'appel de Rouen

Le ler janvier 2020, la CARSAT de Normandie a notifié à la société [7] son taux de cotisation AT/MP au titre de l'exercice 2020, lequel prend en compte les conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 2 septembre 2017 par Monsieur [J].

Par acte délivré le 28 février 2020 à la CARSAT Normandie pour l'audience du 26 juin 2020, la société [7] sollicitait de la Cour un sursis à statuer dans l'attente de la solution du litige pendant devant le Pôle social du Tribunal de Grande Instance de Rouen et à titre subsidiaire l'affectation au compte spécial par application de l'article 2 alinéa 4 de l'arrêté du 16 octobre 1995 des dépenses résultant de la prise en charge de la maladie professionnelle du 12 juillet 2017 déclarée par Monsieur [J] et le recalcul de son taux de cotisations 2020.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro 20/02192.

Par ordonnance en date du 26 juin 2020, la Cour a ordonné le retrait du rôle de cette affaire.

Cette procédure a fait l'objet d'une réinscription à l'audience du 20 octobre 2023 sous le numéro 23/03709.

Par courrier du 1er janvier 2021, la CARSAT de Normandie a notifié à la société [7] son taux de cotisation AT/MP au titre de l'exercice 2021, lequel prend en compte les conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 2 septembre 2017 par Monsieur [J] (pièce adverse n° 1).

Par acte délivré le 26 février 2021 à la CARSAT Normandie pour l'audience du 5 novembre 2021 , la société [7] sollicite à titre principal un sursis à statuer auprès de la Cour au motif qu'un litige est pendant devant la cour d'appel de Rouen concernant la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [E] [J] le 2 septembre 2017 et à titre subsidiaire l'inscription au compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 2 septembre 2017 par Monsieur [J] sur le fondement des dispositions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

Cette procédure a été enrôlée sous le numéro de registre général 23/00846.

Par ordonnance du 20 octobre 2023, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné la jonction de la procédure 23/03709 à la procédure 23/00846.

Ces procédures ont été renvoyées pour plaidoiries à l'audience du 16 février 2024.

Par conclusions n° 2 enregistrées par le greffe à la date du 16 octobre 2023 et soutenues oralement par avocat, la société [7] sollicite par avocat le retrait du compte de son établissement de [Localité 6] des dépenses de la maladie de Monsieur [J] et la rectification des taux impactés 2019 à 2021 et elle sollicite à titre subsidiaire l'inscription de ces dépenses au compte spécial et la condamnation de la CARSAT aux dépens.

Elle conteste en substance toute exposition au risque du salarié à son service et fait valoir à titre subsidiaire, à l'appui de sa demande d'inscription au compte spécial, que le salarié a été exposé chez elle et au service de la société [5].

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 7 février 2024 et soutenues oralement par sa représentante, la CARSAT Normandie demande à la Cour de dire qu'elle rapporte la preuve de l'exposition du salarié au sein de l'usine de la société [7] et que les conditions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies et de juger (bien-fondée) sa décision de maintenir les incidences financières de la maladie de ce salarié sur le compte de la société.

Elle fait en substance valoir que le salarié a travaillé exclusivement dans des ateliers de fabrication de moteurs et de boîtes de vitesse ce qui l'exposait à l'amiante, que la société [7] a été condamnée à plusieurs reprises pour faute inexcusable pour avoir exposé à l'amiante des techniciens travaillant comme Monsieur [J] à la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesse la société [7] a reconnu avoir exposé le salarié au moins indirectement à l'amiante, que ses assignations de 2019,2020 et 2021 ne portaient que sur une demande d'inscription au compte spécial ce qui impliquait qu'elle se reconnaissait comme employeur exposant, que l'usine de [Localité 6] a fait désamianter ses chaudières en 2014, qu'en ce qui concerne la demande d'inscription au compte spécial les seules déclarations du salarié sur son exposition au service de la société [5] sont insuffisamment probantes et ses conditions de travail chez cette dernière ne sont pas connues.

MOTIFS DE L'ARRET.

Attendu qu'il résulte de l'article 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale sauf à cet employeur à rapporter la preuve dans les conditions prévues à l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, que la victime a également été exposée au risque chez d'autres employeurs (2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447, Bull. Civ., II, no 302 ; 2e Civ., 23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18.986; Civ.2ème, 8 octobre 2009, pourvoi n°08-19.273 Civ. 2ème, 21 juin 2012, pourvoi no 11-17.824; 2e Civ. 3 juin 2021, pourvoi n° 19-24.864; 2e Civ, 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi no 20-13.690, publié/ et très récemment les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779).

Qu'il résulte de ces textes et de l'article D.242-6-17 du code de la sécurité sociale qu'un employeur autre que le dernier employeur exposant peut également se voir imputer la présomption précitée et mettre à sa charge les coûts correspondant s'il est le successeur de ce dernier au sens tarifaire lorsqu'il exerce une activité similaire avec les mêmes moyens de production et a repris au moins la moitié du personnel du précédent établissement (dans le sens que l'établissement exposant et son successeur au sens tarifaire du terme ne sont pas des établissements différents  Civ., 18 juin 2015, pourvoi n° 14-17.154 et, dans le même sens, 2e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-14.156 et dans le sens que lorsqu'une ou à fortiori plusieurs des trois conditions cumulatives liée à la reprise de l'activité, des moyens de production et de la moitié au moins du personnel ne sont pas remplies l'établissement ne peut être considéré comme successeur de celui à l'origine du risque 2e Civ., 24 janvier 2013, pourvoi n° 11-27.389, Bull. 2013, II, n° 13).

Qu'il résulte également des textes précités que la reprise d'une activité similaire telle que la prévoit le texte de l'article D.242-6-17 s'entend de celle de l'activité principale lorsqu'il y a plusieurs activités (en ce sens 2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 18-10.728 2e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-14.156 Soc., 14 octobre 1993, pourvoi n° 91-19.053 / en sens contraire Soc., 21 décembre 1988, pourvoi n° 84-17.179, Bulletin 1988 V n° 682 dont il résulte que la reprise peut porter sur une activité secondaire/ Et dans le sens que l'activité de type bureau ne peut être qualifiée d'activité principale et que l'établissement ayant repris l'activité bureau est donc nouvellement crée QCHAPTER\h\r12e Civ., 14 février 2019 cité ci-dessus) mais cette condition est à plus forte raison satisfaite lorsqu'il y a continuation pure et simple d'activité (Soc., 12 juillet 1995, pourvoi n° 93-12.864, Bulletin 1995 ; Soc., 16 mai 1991, pourvoi n° 88-18.065, 88-20.228, Bulletin 1991 V N° 250).

Que c'est sur le fondement de la présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant ou à son successeur au sens tarifaire prévue par les textes précités et sous le contrôle du juge de la tarification que les CARSAT et la CRAMIF inscrivent les coûts des maladies professionnelles aux comptes des employeurs.

Attendu qu'il convient de bien distinguer les deux problématiques tout à fait distinctes des conditions d'application de la présomption, qui suppose que l'employeur soit le dernier employeur ayant exposé le salarié au risque avant la constatation médicale de la maladie ou qu'il soit le successeur de ce dernier employeur , de la preuve contraire à cette dernière, qui suppose lorsqu'est invoqué le 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 que la multi-exposition du salarié soit établie et qu'il soit impossible de déterminer dans quelle entreprise l'affection a été contractée (posant très clairement cette distinction les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 indiquant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service »). 

Que l'employeur, comme tel est le cas en l'espèce, peut contester devant le juge l'application même qui lui est faite de la présomption légale en contestant que ses conditions d'application soient remplies.

Qu'il peut également, sans contester que la présomption lui soit applicable, tenter d'en renverser les effets en établissant qu'il est fondé à obtenir l'inscription des coûts litigieux au compte spécial.

Qu'il peut également à la fois contester l'application qui lui est faite de la présomption et s'attacher à y apporter la preuve contraire.

Attendu que les règles de droit substantiel concernant les conditions d'application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 doivent s'articuler avec les charges processuelles résultant des articles 6 et 9 du code de procédure civile dont il résulte qu'il appartient à l'auteur d'une prétention d'alléguer les faits concluants propres à la fonder puis de les prouver (sur la charge de l'allégation et de la preuve qui constituent les charges processuelles et qui, selon ces auteurs « déterminent le plaideur qui perdra le procès si l'édifice de fait apparaît comme insuffisant » Messieurs Georges et Vincent Bollard au Dalloz Action droit et pratique de la procédure civile n° 321-101 et 321-82 et suivants édition 2021-2022), sauf à réserver l'hypothèse où la loi fait supporter tout ou partie de la preuve au défendeur à l'action.

Qu'ainsi, s'il résulte des article 6 et 9 du code de procédure civile et 1315 devenu 1356 du code civil qu'en matière de tarification la charge de l'allégation et de la preuve incombe en principe au demandeur, il résulte par exception de ces textes qu'il appartient à l'organisme tarificateur, lorsque l'employeur conteste que la présomption d'imputabilité au dernier employeur ayant exposé le salarié au risque lui soit applicable, de prouver l'existence de cette exposition fondant l'imputation des coûts litigieux au compte de l'employeur (en ce sens les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 décidant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci ») tandis que l'employeur doit pour sa part alléguer et prouver les autres faits de nature à faire obstacle à l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité et que lorsque l'employeur prétend apporter la preuve contraire à la présomption d'imputabilité en sollicitant l'inscription des coûts litigieux au compte spécial, il appartient également à la caisse d'établir l'exposition du salarié chez l'employeur demandeur lorsque l'absence d'une telle exposition constitue une des conditions d'application de la règle (en ce sens l'arrêt du 1er décembre 2022 sur pourvoi 20-22.760 publié indiquant que lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale).

Que s'agissant de faits juridiques dans les rapports entre l'employeur en cause et la CARSAT, la preuve impartie à chacune des parties peut être apportée par tous moyens.

Que les déclarations du salarié peuvent être retenues à titre d'éléments de preuve mais à condition d'être corroborées par d'autres éléments du débat et notamment des présomptions graves précises et concordantes en application de l'article 1383 du code civil (en ce sens s'agissant d'accidents du travail 2e Civ., 16 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.672 2e Civ., 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-17.276; 2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.372 ;2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-16.968 et en ce sens s'agissant d'une maladie professionnelle 2e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724) et que le juge peut notamment retenir à ce titre les énonciations d'un jugement dépourvu de toute autorité de la chose jugée pour ne pas être intervenu entre les parties au litige (sur ce point le fascicule du JurisClasseur Civil Art. 1382 Date du fascicule : 8 Mars 2018 Date de la dernière mise à jour : 8 Mars 2018  PREUVE DES OBLIGATIONS . ' Modes de preuve. ' Preuve par présomption judiciaire rédigé par Monsieur Didier Guével - Professeur à l'université de Paris 13, Doyen honoraire, citant les arrêts suivants : Cass. soc., 14 janv. 1950 : D. 1950, p. 330 ; RTD civ. 1950, p. 538, n° 8, obs. P. Hébraud. ' Cass. 2e civ., 4 déc. 1975 : Bull. civ. II, n° 325 ; JCP 1976, IV, 32).

Attendu qu'en l'espèce le salarié indique avoir peut-être manipulé des collecteurs admission et échappement à base d'amiante et manipulé, très peu, des mécanismes d'embrayage de 1977 à 1990 (tout en précisant que le problème de son exposition date de la période où il a fait du chauffage central et de la plomberie) et il convient de rechercher s'il existe un ou plusieurs éléments extrinsèque de nature à corroborer ses déclarations, d'ailleurs hypothétiques s'agissant des collecteurs et ne caractérisant pas une exposition certaine s'agissant des mécanismes d'embrayage.

Que contrairement à ce qu'indique la CARSAT la société [7] n'a à aucun moment reconnu avoir exposé Monsieur [J] à l'amiante, le fait d'indiquer que le salarié n'aurait pas été exposé directement à l'amiante n'impliquant aucunement de manière certaine et non équivoque la reconnaissance de ce qu'il ait été exposé indirectement à cette substance.

Que par ailleurs, les décisions de justice produites par la CARSAT au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [7] concernent des salariés dont l'exposition à l'amiante au service de cette dernière était avérée voire même massive et il ne peut en être tiré aucune conséquence s'agissant d'un salarié qui a expressément déclaré que le problème de son exposition provenait de ses précédents employeurs et qui a considérablement minimisé les possibilités de son exposition au service de la société [7] en les énonçant sur un mode hypothétique (s'agissant des collecteurs admission et échappement à base d'amiante) et sur un mode particulièrement mineur s'agissant des embrayages, étant rappelé qu'il n'a à aucun moment indiqué que ces derniers comportaient de l'amiante.

Qu'enfin, le simple fait d'avoir sollicité l'inscription des coûts litigieux au compte spécial n'implique en soi aucunement la reconnaissance par la société [7] de ce qu'elle ait exposé le salarié au risque, la société [7] n'ayant à aucun moment reconnu avoir exposé le salarié au risque dans ses assignations de 2019 à 2021 sollicitant une telle inscription.

Qu'il résulte de tout ce qui précède que la CARSAT Normandie n'établit aucunement l'exposition du salarié à l'amiante au service de la société [7] ce qui justifie le retrait des coûts afférents à la maladie de Monsieur [J] du compte employeur 2017 de l'établissement de [Localité 6] de cette dernière et par voie de conséquence le recalcul et, s'il y a lieu aux termes de ce recalcul, la rectification des taux 2019, 2020 et 2021 de cet établissement.

Que la CARSAT succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Ordonne le retrait par la CARSAT Normandie des coûts afférents à la maladie de Monsieur [J] du compte employeur 2017 de l'établissement de [Localité 6] de la société [7] et par voie de conséquence le recalcul et, s'il y a lieu aux termes de ce recalcul, la rectification des taux 2019, 2020 et 2021 de cet établissement.

Condamne la CARSAT Normandie aux dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Tarification
Numéro d'arrêt : 23/00846
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;23.00846 ?
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