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13/05/2024 | FRANCE | N°23/03139

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 13 mai 2024, 23/03139


ARRET







[X]

S.A.S. ENERJAYALP

S.E.L.A.R.L. AJILINK LABIS [R] DE CHANAUD





C/



[Y]

UNEDIC



























































copie exécutoire

le 13 mai 2024

à

Me RAFFIN - 3

Me AUBOURG

UNEDIC

EG/IL



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE

PRUD'HOMALE



ARRET DU 13 MAI 2024



*************************************************************

N° RG 23/03139 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2KS



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 22 JUIN 2023 (référence dossier N° RG 21/00309)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTES



Madame Maître [L] [X] ès qualités de commissaire à l'ex...

ARRET

[X]

S.A.S. ENERJAYALP

S.E.L.A.R.L. AJILINK LABIS [R] DE CHANAUD

C/

[Y]

UNEDIC

copie exécutoire

le 13 mai 2024

à

Me RAFFIN - 3

Me AUBOURG

UNEDIC

EG/IL

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 13 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/03139 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2KS

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 22 JUIN 2023 (référence dossier N° RG 21/00309)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES

Madame Maître [L] [X] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SAS ENERJAYALP

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.A.S. ENERJAYALP

[Adresse 7]

[Localité 6]

S.E.L.A.R.L. AJILINK LABIS [R] DE CHANAUD prise en la personne de Maître [T] [R], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS ENERJAYALP

[Adresse 1]

[Localité 9]

concluant par Me Louis-stanislas RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

représentées par Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCAT, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Chrystèle VARLET, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

ET :

INTIMES

Monsieur [O] [Y]

né le 18 Avril 1992 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté , concluant et plaidant par Me Claire AUBOURG, avocat au barreau de SENLIS

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 10]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 10]

non comparante, non constituée

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mars 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 13 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 13 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [Y], né le 18 avril 1992, a été embauché à compter du 1er novembre 2020 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Enerjayalp (la société ou l'employeur), en qualité de responsable de l'agence et de VRP exclusif.

La société emploie plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des VRP.

Par courrier adressé le 21 juin 2021, M. [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 6 septembre 2022, la société a été placée en redressement judiciaire et Me [X] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 27 septembre 2022.

Par jugement du 14 février 2023, la société Ajilik Labis [R] De Chanaud a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de la société Enerjayalp.

Par jugement du 22 juin 2023, le conseil a :

jugé recevable M. [Y] en ses demandes ;

fixé le salaire moyen de M. [Y] à la somme de 2 200 euros brut par mois ;

jugé que la prise d'acte de rupture de M. [Y] produisait les effets d'un licenciement sans cause réel et sérieuse ;

fixé au passif de la société Enerjayalp, en redressement judiciaire, représentée par maître [X] au bénéfice de M. [Y], les sommes suivantes :

- 9 813,88 euros net à titre de rappel de salaire sur la période novembre 2020 à juin 2021 ;

- 981,39 euros net à titre des congés payés afférents ;

- 510,96 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 200 euros net à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 220 euros net à titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 366,67 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 2 200 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 200 euros net à titre d'indemnité pour préjudice moral ;

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

ordonné à la société Enerjayalp, représentée par Me [X], de remettre à M. [Y] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés ;

dit que le jugement était opposable au CGEA d'[Localité 10], gestionnaire de l'AGS ;

dit que le CGEA d'[Localité 10], gestionnaire de l'AGS ne pouvait être condamné à avancer le montant des créances salariales que dans les limites et plafonds de sa garantie prévus aux articles L.3253-6, L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-17,D.3253-1 à D.3253-6 du code du travail ;

rappelé que le CGEA d'[Localité 10], gestionnaire de l'AGS, ne pouvait être amené à avancer le montant des créances dues en exécution d'un contrat de travail fixé par le conseil que dans la limite de sa garantie légale, et que la garantie de l'AGS était plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, aux plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail.

rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la décision était de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

dit que les entiers dépens seraient inscrits au passif du redressement judiciaire de la société Enerjayalp.

Par jugement du 14 septembre 2023, la société a fait l'objet d'un plan de redressement et Me [X] a été désignée commissaire à l'exécution du plan.

La société Enerjayalp, Me [X], ès-qualités et la société Ajilik Labis [R] De Chanaud, ès-qualités, régulièrement appelantes du jugement prud'homal, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2024, demande à la cour de :

A titre liminaire,

mettre hors de cause la société Ajilik Labis [R] De Chanaud dont la mission a pris fin par jugement du tribunal de commerce de Reims en date du 14 septembre 2023.

Au fond :

les juger recevables et bien fondés en leur appel ;

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé recevable M. [Y] en ses demandes ;

- fixé le salaire moyen de M. [Y] à la somme de 2 200 euros brut par mois ;

- jugé que la prise d'acte de la rupture de M. [Y] produisait les effets d'un licenciement sans cause réel et sérieuse ;

- fixé au passif de la société Enerjayalp, représentée par Me [X] au bénéfice de M. [Y], les sommes suivantes :

9 813,88 euros net à titre de rappel de salaire sur la période novembre 2020 à juin 2021 ;

981,39 euros net à titre des congés payés afférents ;

510,96 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

2 200 euros net à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

220 euros net à titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;

366,67 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

2 200 euros net à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2 200 euros net à titre d'indemnité pour préjudice moral ;

500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- ordonné à la société Enerjayalp, en redressement judiciaire, représentée par Me [X], de remettre à M. [Y] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés ;

- rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la décision était de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

- dit que les entiers dépens seraient inscrits au passif du redressement judiciaire la société Enerjayalp ;

Statuant à nouveau,

juger que le licenciement de M. [Y] intervenu le 5 mars 2021 repose sur une faute grave ;

En conséquence,

débouter M. [Y] de ses demandes au titre de l'indemnité :

- compensatrice de préavis ;

- de licenciement ;

- de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

juger que la prise d'acte de M. [Y], intervenue postérieurement à son licenciement pour faute grave, est sans objet ;

En conséquence,

débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes relatives à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;

A titre subsidiaire

juger que la prise d'acte de M. [Y] est infondée ;

En conséquence,

débouter M. [Y] de sa demande de requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires y afférentes ;

En tout état de cause,

juger M. [Y] mal fondé en son appel incident ;

débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [Y] à payer à la société Enerjayalp la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

juger que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable à l'Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 10] ;

condamner M. [Y] aux entiers dépens.

M. [Y], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2023, demande à la cour de :

ordonner à la société Enerjayalp de communiquer des récépissés et des enveloppes de la convocation à un entretien préalable datée du 23.02.2021 et de la lettre de licenciement datée du 5.03.2021 ;

A défaut et à titre principal,

confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnité compensatrice de congés payés et celui de l'indemnité pour préjudice moral ;

Et statuant de nouveau,

fixer sa créance au passif de la société Enerjayalp aux sommes suivantes :

- 9 813,88 euros net auxquels s'ajouteront 981,39 euros net au titre des congés payés y afférents au titre du rappel de salaire jusqu'au 21 juin 2022 ;

- 1 694 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 2 200 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 220 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 366,67 euros au titre de l'indemnité de congés payés ;

- 2 200 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 400 euros au titre du préjudice moral ;

Subsidiairement, si par impossible, la cour considérait que le licenciement daté du 5 mars 2021 lui a été valablement signifié,

dire et juger que le licenciement daté du 5 mars 2021 est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

fixer sa créance au passif du plan de redressement de la société Enerjayalp aux sommes suivantes :

- 3 086,64 euros net auxquels s'ajouteront 308,66 euros net au titre des congés payés y afférents au titre du rappel de salaire jusqu'à la date de licenciement ;

- 2 200 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 220 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 2 200 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 400 euros brut au titre du préjudice moral ;

En tout état de cause,

lui adresser une attestation Pôle emploi, un certificat de travail rectifiés ;

assortir l'entier jugement à intervenir de l'exécution provisoire ;

dire que le jugement sera opposable au CGEA d'[Localité 10], gestionnaire de l'AGS ;

condamner la société Enerjayalp à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel et les frais de première instance ainsi qu'aux entiers dépens et seront inscrit au passif du plan de redressement de la société Enerjayalp.

Par courrier du 18 août 2023, la délégation Unédic AGS CGEA d'[Localité 10] a indiqué qu'elle ne constituerait pas avocat.

Par courriel du 3 avril 2024, il est demandé aux parties de former leurs observations au plus tard le 22 avril 2024 sur l'existence d'un licenciement verbal au 17 février 2021.

Les parties ont formé des observations par note et message reçus par la voie électronique les 18 et 19 avril 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Au préalable, il convient de mettre hors de cause la société Ajilik Labis [R] De Chanaud, nommée administrateur judiciaire de la société Enerjayalp, dont la mission a pris fin le 14 septembre 2023.

1/ Sur la rupture du contrat de travail

2-1/ sur la nature et le bien-fondé de la rupture

L'employeur soutient que le salarié ayant abandonné son poste depuis le 8 février 2021 et refusant de démissionner, il l'a licencié pour faute grave par courrier du 5 mars 2021 après l'avoir mis en demeure de se présenter sur son lieu de travail, ce qui prive de tout effet la prise d'acte de la rupture postérieure.

M. [Y] conteste avoir été licencié à défaut de preuve de l'envoi de la lettre de licenciement et reproche à l'employeur de lui avoir retiré ses outils de travail (véhicule de service, matériel commercial, clé de l'agence) et de ne pas lui avoir réglé l'intégralité de ses salaires, ce qui justifie la prise d'acte de la rupture.

Il ajoute que le licenciement ne peut résulter que d'une volonté claire et non équivoque manifestée par l'employeur de rompre le contrat de travail.

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Le licenciement prononcé verbalement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ne peut être régularisé a posteriori par l'envoi d'une lettre de licenciement.

L'existence d'un licenciement se déduit d'un acte par lequel l'employeur a manifesté sa volonté de mettre fin de façon irrévocable au contrat de travail.

En l'espèce, il ressort des échanges de textos des parties que dès le 11 février 2021, une négociation s'est instaurée sur la rupture du contrat de travail, l'employeur demandant au salarié de lui envoyer une lettre de démission et de restituer le véhicule de service et le matériel mis à sa disposition, et le salarié refusant de démissionner afin de percevoir des indemnités de chômage.

Un bras de fer s'est ensuivi quant à la restitution du véhicule et du matériel, M. [Y] refusant de s'y soumettre tant qu'il n'aurait pas reçu les documents afférents à son licenciement.

Dans les échanges du 15 février 2021, l'employeur informe le salarié qu'il va être licencié pour abandon de poste sauf à lui adresser une lettre de démission pour obtenir ses documents de fin de contrat plus rapidement, et le salarié opte pour le licenciement.

Il est constant que le 17 février 2021, l'employeur a récupéré le véhicule de service et une partie du matériel à la faveur d'une plainte déposée auprès des services de police au motif que le salarié, informé de son licenciement, retenait abusivement ses outils de travail.

Les démarches entreprises par l'employeur pour récupérer les outils de travail mis à la disposition du salarié corroborées par les échanges précités démontre la volonté irrévocable de la société Enerjayalp de mettre fin au contrat de travail donc l'existence d'un licenciement verbal le 17 février 2021, nonobstant l'envoi ultérieur d'une lettre de licenciement que le salarié soutient ne jamais avoir reçu et dont la preuve de notification n'est pas produite.

Le contrat de travail ayant pris fin le 17 février 2021, la prise d'acte de la rupture intervenue postérieurement est sans objet.

Le licenciement verbal du 17 février 2021, qui ne satisfait pas à l'exigence légale de motivation, est sans cause réelle et sérieuse.

2-2 / sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail

L'employeur demandant l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé le salaire moyen à 2 200 euros mais ne développant aucun moyen à ce sujet, il convient de confirmer ce chef de décision par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

L'employeur ne justifiant pas avoir effectivement réglé l'indemnité compensatrice de congés payés visée dans le solde de tout compte, le salarié est en droit de percevoir 619,18 euros à ce titre compte tenu des congés acquis, des congés pris et de la date de rupture du contrat de travail.

Le jugement, qui a, par ailleurs, qualifié par erreur dans son dispositif la somme allouée d'indemnité compensatrice de préavis, est donc infirmé de ce chef.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés afférents, et une indemnité de licenciement.

Les sommes accordées par le conseil des prud'hommes à ce titre n'étant pas contestées dans leur quantum, il convient de les confirmer.

L'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [Y] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 0 et 1 mois de salaire.

Le salarié justifie de son indemnisation par Pôle emploi jusqu'en janvier 2022.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise (4 mois) et de l'effectif de celle-ci (plus de 10 salariés au moment du licenciement), la cour fixe à 500 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement entrepris.

2/ Sur l'exécution du contrat de travail

2-1/ sur la demande de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2020 au 21 juin 2021

L'employeur estime que le salarié a été rempli de ses droits quant aux salaires dus du 1er novembre 2020 au 7 février 2021 compte tenu notamment du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et du congé sans solde pris en janvier 2021, et oppose à la demande de rappel de salaire postérieure l'absence injustifiée du salarié puis son licenciement.

M. [Y] conteste tout abandon de poste rappelant qu'il travaillait essentiellement en déplacement auprès de la clientèle et que n'ayant plus d'équipe à diriger du fait du renvoi des autres collaborateurs, il n'avait plus de raison de passer à l'agence après le 8 février 2021.

Il ajoute que l'employeur ayant récupéré ses outils de travail le 17 février 2021 sans aucune demande préalable, il ne pouvait plus exercer ses fonctions.

En l'espèce, le contrat de travail signé par les parties stipule une salaire brut fixe mensuel de 2 200 euros et un abattement forfaitaire de 30 % pour frais professionnels.

Au vu de ces éléments et après déduction du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et du congé sans solde pris en janvier 2021, que M. [Y] ne conteste pas, ce dernier a été rempli de ses droits pour les mois de novembre 2020 à janvier 2021.

Concernant la période postérieure, il ressort des échanges de textos produits par le salarié que des relations de travail étaient toujours en cours les 8, 9, 10 et 11 février 2021.

Le seul envoi d'un courrier recommandé de l'employeur le 15 février 2021 pour enjoindre au salarié de reprendre le travail abandonné depuis le 8 février 2021 ne saurait, dès lors, suffire à établir l'absence injustifiée de M. [Y] dont les fonctions l'amenaient notamment à des déplacements fréquents en clientèle.

Au vu du bulletin de paie de février 2021 qui mentionne un net à payer nul, il convient donc de condamner l'employeur à verser au salarié 1 037,87 euros net pour la période du 1er au 16 février 2021.

Les congés payés afférents ayant déjà été accordés dans le cadre de l'indemnité compensatrice de congés payés, il n'y a pas lieu de les accorder à nouveau.

Le contrat de travail étant rompu au 17 février 2021, la demande de rappel de salaire pour la période du 17 février au 21 juin 2021 ne saurait prospérer.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

2-2/ sur la demande de dommages et intérêts

L'employeur demandant l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé 2 200 euros de dommages et intérêts au salarié en réparation de son préjudice moral mais ne développant aucun moyen à ce sujet, il convient de confirmer ce chef de décision en son principe par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur le quantum, M. [Y] ne justifiant nullement avoir été arrêté et placé en garde à vue à l'issue de la visite de la police à son domicile, la cour confirme la somme allouée par le conseil de prud'hommes en ce qu'elle répare justement le préjudice moral subi.

3/ Sur les demandes accessoires

L'employeur devra adresser au salarié un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision dans le mois de sa notification.

L'employeur succombant principalement, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, et de mettre les dépens à sa charge.

L'équité commande de le condamner à payer à M. [Y] 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qui concerne la fixation du salaire moyen, les dommages et intérêts pour préjudice moral, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement, les frais irrépétibles et les dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Met hors de cause la société Ajilik Labis [R] De Chanaud, ès-qualités,

Dit que le contrat de travail a été rompu par licenciement verbal le 17 février 2021,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société Enerjayalp les sommes suivantes :

- 1 037,87 euros net à titre de rappel de salaire sur la période du 1er au 16 février 2021 ;

- 619,18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne à la société Enerjayalp de remettre à M. [Y] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision dans le mois de sa notification,

Dit que l'arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 10] qui garantira les créances salariales inscrites au passif du redressement judiciaire de la société Enerjayalp, dans la limite des dispositions légales,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Enerjayalp aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/03139
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;23.03139 ?
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