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13/05/2024 | FRANCE | N°23/02960

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 13 mai 2024, 23/02960


ARRET







S.A.S. OVERCHEM





C/



[P]







































































copie exécutoire

le 13 mai 2024

à

Me RAQUILLET

Me DUSSEAUX

EG/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 13 M

AI 2024



*************************************************************

N° RG 23/02960 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZ7S



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 02 JUIN 2023 (référence dossier N° RG F 22/00022)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. OVERCHEM agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit sièg...

ARRET

S.A.S. OVERCHEM

C/

[P]

copie exécutoire

le 13 mai 2024

à

Me RAQUILLET

Me DUSSEAUX

EG/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 13 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/02960 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZ7S

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 02 JUIN 2023 (référence dossier N° RG F 22/00022)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. OVERCHEM agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

concluant par Me Stéphanie RAQUILLET, avocat au barreau de PARIS

représentée et plaidant par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

ET :

INTIME

Monsieur [S] [P]

né le 03 Octobre 1987 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté, concluant et plaidant par Me Virginie DUSSEAUX de la SCP DUSSEAUX-BERNIER-VAN WAMBEKE-DATHY, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mars 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 13 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 13 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [P], né le 3 octobre 1987, a été embauché à compter du 7 septembre 2009 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, transformé en contrat à durée indéterminée, par la société Overchem (la société ou l'employeur), en qualité d'ouvrier qualifié.

Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de chef de poste.

La société Overchem compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des industries de la chimie.

Par courrier remis en main propre le 24 septembre 2021, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 30 septembre 2021.

A la suite de cet entretien disciplinaire, l'employeur lui a proposé une rétrogradation disciplinaire qu'il a refusée.

Par courrier remis en main propre le 15 octobre 2021, le salarié a été convoqué à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 22 octobre 2021.

Le 27 octobre 2021, il a été licencié pour faute grave.

Contestant la légitimité de son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Péronne, le 15 avril 2022.

Par jugement du 2 juin 2023, le conseil a :

condamné la société Overchem à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 8 982 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 4 990 euros à titre d'indemnité de préavis, ainsi que la somme de 499 euros à titre de congés payés sur l'indemnité de préavis ;

- 19 960 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

- 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Overchem à remettre à M. [P] les documents légaux de fin de contrat rectifiés en ceux compris le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi conformes ;

débouté M. [P] du surplus de ses demandes ;

débouté la société Overchem de ses demandes plus amples ou contraires ;

condamné la société Overchem aux dépens.

La société Overchem, régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, demande à la cour de :

réformer le jugement en ce qu'il :

- a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- l'a condamnée à verser à M. [P] les sommes suivantes :

19 960 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

8 982 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

4 990 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 499 euros au titre des congés payés afférents ;

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a déboutée de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau,

juger que le licenciement de M. [P] repose bien sur une faute grave ;

débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, si la cour d'appel ne retenait pas la qualification de faute grave,

dire et juger, en vertu de l'article L.1235-l du code du travail, que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

limiter une éventuelle condamnation au paiement des sommes suivantes :

- 8 982 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 4 990 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 499 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause,

condamner M. [P] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [P], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023, demande à la cour de :

le juger recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions ;

débouter la société Overchem de ses demandes.

En toutes hypothèses,

condamner la société Overchem à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSES DES MOTIFS

1/ Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Suite à l'entretien du 22 octobre à 14h30, à [Localité 6], auquel vous avez choisi de ne pas vous faire assister, nous avons le regret de vous faire savoir qu'après observation du délai légal de réflexion, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour faute grave.

Les faits qui motivent cette décision sont les suivants :

Vous avez accepté la fonction de chef de poste, en cette qualité il vous appartient, entre autres choses, selon la fiche de poste que vous avez signée, de veiller à la bonne marche de la production dans le respect absolu des conditions de sécurité et de qualité.

Or nous avons été confrontés à divers manquements sur nos normes et procédures en vigueur au sein de la société.

''Le 22 septembre 2021 il y a eu le calage et prise en masse du DRAIS suite à votre absence au poste de travail,

''Le 26 août 2021, lors de la supervision de votre équipe il y a eu manquement à la sécurité et qualité à l'ensacheuse ce qui a entrainé une intervention de maintenance et des risques de réclamation clients,

'Le 8 juin 2021 problème de sécurité rencontré sur la chaudière,

'Le 27 avril 2021 entretien suite à divers points à aborder concernant la gestion de votre équipe et de la sécurité,

Le 3 septembre 2020 : avertissement sur 2 faits importants de manquement aux consignes qualités de la production en date du 26 et 27 août 2020,

''Le 20 mai 2020 : avertissement pour manquement aux consignes qualités de la production,

''Le 3 mars 2019 : avertissement suite erreur d'impression d'étiquettes,

Tous ces faits et manquement aux respects des procédures constituent une faute grave.

L'employeur fait valoir que le dernier incident sanctionné est intervenu à la suite de plusieurs avertissements déjà relatifs à des négligences malgré la fiche de poste remise au salarié lors de sa promotion aux fonctions de chef de poste en 2014, à un rappel à l'ordre du 21 avril 2021 et à un incident de sécurité survenu le 8 juin 2021, et que le rôle de supervision de ce dernier le rend responsable des incidents des 25-26 août et 22 septembre 2021, motifs du licenciement.

M. [P] soulève la prescription des faits fautifs antérieurs à août 2021, affirme qu'en présence d'une proposition de rétrogradation et en l'absence de mise à pied conservatoire, l'employeur ne peut justifier d'une faute grave empêchant son maintien dans l'entreprise, et souligne son peu d'antécédents en 12 ans d'ancienneté marquée par une promotion.

Il conteste toute responsabilité dans les faits d'août et septembre 2021, et à tout le moins, invoque le caractère disproportionné de la sanction.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

C'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.

Si, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.

Si un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois par application de la règle non bis in idem, l'existence de précédentes sanctions disciplinaires n'interdit pas, en cas de faits nouveaux ou de réitération du même comportement fautif, le prononcé d'une nouvelle sanction et notamment d'un licenciement.

En l'espèce, si la lettre de licenciement vise des faits antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure disciplinaire, la cour constate qu'ils concernent un manque de vérification et de supervision dans le suivi de la production encore reproché pour les faits des 25-26 août et 22 septembre 2021.

S'agissant d'un même manquement perdurant dans le temps, ces faits ne sauraient donc être considérés comme prescrits.

Néanmoins, les faits déjà sanctionnés par un avertissement ne pouvant être sanctionnés deux fois, ils ne peuvent fonder le licenciement notifié le 27 octobre 2021, et ne valent qu'à titre d'antécédents dans l'appréciation de la gravité de la faute du salarié.

L'employeur n'apportant aucun élément permettant de décrire précisément les faits survenus le 25-26 août 2021 alors que l'incident était, en premier lieu, imputable à une action inappropriée d'un opérateur, l'existence d'un manquement de M. [P], qui affirme ne pas avoir été présent sur les lieux sans que son absence apparaisse fautive, n'est pas établie.

De même, le caractère fautif des faits du 8 juin 2021 ne ressort d'aucune des pièces produites alors que le salarié le conteste.

En revanche, le salarié ne conteste pas les reproches contenus dans le compte-rendu d'entretien du 27 avril 2021 notamment quant à un manque de supervision de l'équipe, les opérateurs signalant ne pas le trouver pendant de longues périodes alors qu'ils ont besoin de lui.

Concernant les faits du 22 septembre 2021, M. [P] reconnaît lui-même dans son compte-rendu d'incident qu'il a volontairement laissé seul un collègue, dont il ne conteste pas le peu d'expérience, lors d'une phase de production nécessitant une surveillance particulière, pour s'occuper de tâches non urgentes, au mépris d'une consigne claire dont il avait pris connaissance le 25 mars 2021.

La fiche d'analyse de l'incident du 27 septembre 2021 mentionne des conséquences en termes de perte d'exploitation, de travail supplémentaire avec la mobilisation de 4 personnes pour faire repartir la machine, et de coût de réparation.

Au vu de la fiche de poste signée par M. [P] lors de sa promotion en 2014 qui précise qu'il veille en permanence au respect des consignes par lui-même et par les opérateurs, de l'expérience acquise dans le poste, des avertissements et rappel à l'ordre adressés chaque année de 2019 à 2021 pour un manque d'attention à la bonne marche de la production, ces défauts de supervision réitérés rendent le licenciement disciplinaire du salarié proportionné à la faute commise.

En revanche, l'orientation en première intention de l'employeur vers une rétrogradation disciplinaire et l'absence de mise à pied conservatoire du salarié démontrent que cette faute ne rendait pas impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise.

Le licenciement doit donc être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Dès lors, M. [P] est en droit de percevoir l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis comme justement fixé par le conseil de prud'hommes en l'absence de contestation sur le quantum réclamé, mais doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris.

2/ Sur les demandes accessoires

L'employeur succombant principalement, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, et de mettre les dépens d'appel à sa charge.

L'équité commande de le condamner à payer au salarié 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel, et de rejeter sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Overchem à payer à M. [S] [P] 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Overchem aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02960
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;23.02960 ?
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