ARRET
N°170
SOCIETE [5]
C/
CRAMIF
COUR D'APPEL D'AMIENS
TARIFICATION
ARRET DU 07 MAI 2024
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N° RG 22/03264 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPZZ
PARTIES EN CAUSE :
DEMANDERESSE
Société [5]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me Aurore Tabone de la SELARL Atys société d'avocats, avocat au barreau d'Essone
ET :
DÉFENDERESSE
CRAMIF
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme [C] [D], munie d'un pouvoir
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 mars 2024, devant M. Philippe Mélin, président assisté de Mme [U] [M] et M. [F] [K], assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.
M. Philippe Mélin a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 07 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Vanhuse
PRONONCÉ :
Le 07 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe Mélin, président et Mme Audrey Vanhuse, greffier.
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DECISION
La société par actions simplifiée [5] a été créée le 30 janvier 2006. Elle exploite une entreprise ayant pour activité essentielle le convoyage de véhicules poids-lourds, en mettant à la disposition de ses clients des chauffeurs poids-lourds pour assurer le convoyage du véhicule d'un lieu à un autre.
Au moment de son immatriculation, elle a été enregistrée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (ci-après INSEE) sous le code APE (activité principale exercée) 82.99Z, correspondant aux activités de soutien aux entreprises.
Du point de vue de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelle, elle a été classée sous le code risque 93.0NC, correspondant aux « services personnels divers (y compris cabinets de graphologie, agences matrimoniales) ».
Suite à un déménagement et à un changement de locaux en avril 2016, la caisse régionale d'assurance-maladie d'Île-de-France (ci-après la CRAMIF) a notifié à la société, par courrier du 10 mai 2016 signé de Mme [O] [G], directeur de la tarification, des affaires sanitaires et sociales et du handicap, un taux de cotisation de 3,80 % à compter du 1er avril 2016.
Le même jour, par courrier émanant de Mme [R] [Y], la CRAMIF a envoyé un questionnaire d'activité à la société pour vérifier le classement de son établissement.
Suite à la réception le 3 octobre 2016 du questionnaire renseigné, la CRAMIF a, le 17 octobre 2016, envoyé un courrier, signé par Mme [R] [Y], à la société pour lui indiquer qu'elle l'avait reclassée sous le code risque 60.2PC, correspondant à l'activité de « location de véhicules utilitaires et industriels » à effet du 1er avril 2016.
Le même jour, par courrier signé par Mme [O] [G], la CRAMIF a notifié à la société un nouveau taux de cotisation de 6,20 % à effet du 1er avril 2016.
Par courrier reçu par la CRAMIF le 2 novembre 2016, la société [5] s'est étonnée de ce que son taux de cotisation d'accidents du travail était passé de 3,80 % à 6,20 % avec une prise d'effet au 1er avril 2016, ce qui avait engendré des écarts par rapport aux règlements effectués auprès de l'URSSAF et des majorations de retard de paiement. Elle a indiqué qu'elle ne comprenait pas cette augmentation, alors, d'une part, qu'un courrier de notification du 10 mai 2016 lui avait fait part d'un taux de 3,80 % demeuré inchangé à la suite de son changement d'adresse et, d'autre part, que son activité n'avait pas changé depuis sa création, de même que son code APE.
Suite à cette contestation, la CRAMIF a réalisé une enquête et s'est rendue au siège social de la société le 14 novembre 2016.
Suite à cette enquête, la CRAMIF a décidé, selon courrier adressé à la société le 21 novembre 2016 et signé par Mme [R] [Y], de maintenir le classement de celle-ci sous le risque 60.2PC.
Le code risque 60.2PC, correspondant à la « location de véhicules utilitaires et industriels », a été regroupé sous le code risque 60.2MG, correspondant aux « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur ».
Par courrier en date du 27 décembre 2016, signé par Mme [O] [G], la CRAMIF a notifié à la société [5] son taux de cotisation 2017 sous le code risque 60.2MG, fixé à 5,70 %.
Par nouveau courrier en date du 1er janvier 2017, également signé par Mme [O] [G], la CRAMIF a notifié à la société [5] un taux de cotisation fixé à 5,70 % pour l'année 2017, sous le code risque 60.2MG.
Le 17 janvier 2017, la société [5] a saisi la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (ci-après la CNITAAT) aux fins de voir :
- annuler les décisions du 17 octobre 2016, du 21 novembre 2016 et du 1er janvier 2017,
- fixer son classement sous le code risque 93.0NC,
- fixer en conséquence son taux de cotisation à 3,80 % au titre des exercices 2016 et 2017,
- condamner la CRAMIF à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CRAMIF aux dépens.
Par arrêt en date du 30 avril 2019, la CNITAAT a notamment considéré que la décision de rejet de recours gracieux en date du 21 novembre 2016 n'avait pas à être signée par le directeur de la CRAMIF ou par un agent titulaire d'une délégation de pouvoir ou de signature et qu'elle était régulière. Elle a également jugé que, faute d'un code risque spécifique pour l'activité de convoyage de véhicules vides, il convenait de procéder par assimilation à des activités proches du point de vue du risque. En conséquence, elle a :
- déclaré recevable mais mal fondé le recours formé par la société [5],
- dit qu'il y avait lieu de maintenir le classement de la société [5] sous le code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » à effet du 1er avril 2016 et 60.2MG « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur » au titre de 2017,
- débouté la société [5] de toutes ses demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [5] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt en date du 12 novembre 2020, la Cour de cassation a considéré que la CNITAAT avait retenu que la décision du 21 août 2016 n'était entachée d'aucune irrégularité mais qu'elle n'avait pas répondu aux conclusions de la société qui soutenaient que la décision de classement prise au titre de l'exercice 2017 était également entachée d'irrégularité. De même, elle a considéré que la CNITAAT avait validé le choix du code risque 60.2MG « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur » pour 2017, au motif que les véhicules vides qui étaient convoyés pouvaient être considérés comme des marchandises transportées d'un lieu à un autre, mais qu'elle ne s'était pas prononcée sur le choix du code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » pour l'exercice 2016. En conséquence, elle a :
- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la CNITAAT,
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt,
- renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel d'Amiens,
- condamné la CRAMIF aux dépens,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par courrier en date du 24 juin 2022, parvenu au greffe le 28 juin 2022, la CRAMIF a saisi la cour d'appel d'Amiens sur renvoi après cassation de l'arrêt de la CNITAAT. Ce dossier a fait l'objet d'un enrôlement sous le n° 22/03264.
Par déclaration de saisine effectuée numériquement le 1er août 2022, la société [5] a saisi la cour d'appel d'Amiens à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation. Ce dossier a fait l'objet d'un enrôlement sous le n° 22/03732.
Par courrier en date du 1er août 2022, réceptionné au greffe le 3 août 2022, la société [5] a déposé une déclaration de saisine de la cour d'appel d'Amiens en tant que cour de renvoi. Ce dossier a fait l'objet d'un enrôlement sous le n° 22/03792.
Les dossiers n° 22/03732 et 22/03792 ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 30 septembre 2022.
Par nouvelle ordonnance de jonction, en date du 6 octobre 2022, ce magistrat a joint les deux dossiers précédents, demeurés au rôle sous le n° 22/03732, avec le dossier n° 22/03264.
Aux termes de ses écritures visées par le greffe le 30 septembre 2022, la société [5] sollicite :
- que les décisions de la CRAMIF du 17 octobre 2016 et du 1er janvier 2017 soient annulées,
- que son classement au titre des accidents de travail, de trajet et des maladies professionnelles soit fixé sur le code 93.0NC,
- que son taux de cotisation soit fixé à 3,80 % pour les exercices 2016 et 2017,
- que la CRAMIF soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- que la CRAMIF soit condamnée aux dépens.
Au soutien de ses demandes, elle fait notamment valoir :
- que l'article D. 242-6-22 du code de la sécurité sociale dispose que les caisses mentionnées à l'article L. 215-1 notifient à chaque employeur, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le classement des risques et le taux de cotisation afférent aux établissements permanents situés dans leur circonscription territoriale, quel que soit le lieu du siège de l'entreprise dont relèvent ses établissements,
- que le pouvoir de représentation des caisses étant confié à leurs présidents, ce sont ces derniers qui disposent de la compétence pour déterminer le classement des entreprises et fixer leur taux de cotisation,
- que cependant, les décisions attaquées ont été prises successivement par Mme [R] [Y] en sa qualité de responsable adjoint tarification puis par Mme [O] [G] en sa qualité de directeur de la tarification des affaires sanitaires et sociales et du handicap,
- que ces décisions ne font mention d'aucune délégation que ces dames auraient reçues du président de la CRAMIF,
- qu'ainsi, les décisions attaquées sont entachées d'incompétence et d'irrégularité,
- que sur le fond, l'article D. 242-6-4 prévoit que le taux de cotisation est calculé par les risques ou groupes de risques définis selon des modalités déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale,
- qu'en cas de litige, il appartient au juge de rechercher, au regard de la réalité de l'activité exercée, le classement applicable et le taux de cotisation correspondant, sous le contrôle de la Cour de cassation,
- qu'en l'espèce, c'est en application de ces principes que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la CNITAAT, qui avait appliqué le code litigieux alors qu'il correspondait à une classification sans lien avec son activité,
- qu'au titre de 2017, l'arrêté du 27 décembre 2016 a fixé plusieurs catégories d'activités, faisant elles-mêmes l'objet de subdivisions par métiers, et a affecté à chacune de ces subdivisions un taux de cotisation,
- que son taux d'origine était le 93.0NC, relevant de la catégorie « activités de services II » et des métiers « services personnels divers (y compris cabinets de graphologie, agences matrimoniales) »,
- que le code 60.2PC retenu pour 2016 faisait quant à lui référence à la catégorie « industries des transports, de l'eau, du gaz, de l'électricité, du livre de la communication » et aux métiers « location de véhicules utilitaires et industriels »,
- qu'enfin, le code 60.2MG retenu pour 2017 renvoyait aux métiers « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur »,
- que s'il est vrai que son activité de convoyage ne rentre expressément dans aucune catégorie, elle se situe pourtant entre une activité de transport et une activité de service,
- que c'est la raison pour laquelle elle avait été classée jusqu'en 2016 dans la catégorie des « services divers », qui était finalement la mieux adaptée,
- que si le choix de la classer dans la catégorie des activités de transport peut s'entendre sur un plan théorique, il se heurte néanmoins à deux obstacles majeurs,
- que le premier de ces obstacles tient au fait que la CRAMIF entend la positionner sur des activités d'industrie plutôt que sur des activités de service,
- que le second tient à ce qu'au sein de la catégorie des industries des transports, aucun des métiers ne correspond à l'activité qu'elle exerce, puisque les seules activités de transport terrestre mentionnées sont le transport ferroviaire, les transports terrestres de voyageurs, y compris par taxi, les transports routiers de marchandises, la location de véhicules avec chauffeur, et le déménagement et garde-meuble,
- qu'ainsi, le choix de la CRAMIF ne présente aucune pertinence, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation,
- qu'elle doit donc être classée dans les services divers,
- que son changement d'adresse de siège social n'a eu aucune incidence de ce point de vue.
Suivant conclusions visées par le greffe le 3 février 2023, la CRAMIF sollicite :
- que soit confirmé le classement de la société [5] sous le code risque 60.2PC à effet du 1er avril 2016 puis sous le code risque 60.2MG à effet du 1er janvier 2017,
- que le recours de la société [5] soit rejeté,
- que la société soit condamnée aux dépens.
Au soutien de ses demandes, elle fait notamment valoir :
- qu'il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995 que le classement des établissements est effectué selon la nomenclature des risques figurant en annexe et en fonction de l'activité exercée dans l'établissement considéré,
- qu'ainsi, elle classe chaque activité d'une entreprise dans une catégorie de risque selon une nomenclature des risques, qui est distincte des codes APE fixés par la nomenclature d'activités et de produits française, publiés par l'INSEE, qui sont fondés sur des critères économiques et qui sont attribués à des fins statistiques,
- qu'en l'espèce, la société [5] exerce diverses activités, telles que le transfert par la route de véhicules neufs, d'occasion ou de démonstration, le convoyage de tout véhicule roulant, le chargement et le déchargement du véhicule, l'enlèvement des véhicules et leur livraison, le contrôle, la réparation et le dépannage de hayons, bras de grues...,
- que le convoyage se définit comme le fait d'accompagner un convoi, un transport de matériel pour en assurer la protection, la surveillance ou encore le fait d'assurer le transport, de transporter,
- qu'au sein de la société [5], cette activité consiste à mettre à disposition des clients des chauffeurs de poids lourds pour assurer le convoyage de véhicules d'un lieu à l'autre,
- que c'est pourquoi elle a classé la société sous le code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » à compter du 1er avril 2016,
- que ce code a été déterminé en fonction du questionnaire complété par la société puis, suite à la contestation de cette dernière, à une visite dans les locaux de la société pour s'assurer de l'adéquation du classement avec l'activité exercée,
- qu'au cours de cette visite, il a bien été constaté que l'activité de la société pouvait être décrite ainsi : « convoyage de véhicules poids lourds et légers chez les clients professionnels. Ce sont les chauffeurs qui conduisent eux-mêmes les véhicules chez le destinataire et effectuent le retour en train ou avion. Gestion des dossiers d'homologation de véhicules étrangers et le passage au contrôle technique. »,
- qu'au cours de cette visite, il est également apparu que sur les onze salariés de la société, dix étaient chauffeurs, ce qui confirmait que l'activité principale était le convoyage de véhicules poids lourds,
- qu'aucun code risque n'étant prévu spécifiquement pour cette activité, il convient d'opérer un classement par assimilation en affectant à la société un code risque correspondant à l'activité se rapprochant le plus de la sienne,
- que pour ce faire, les juges du fond disposent d'une grande liberté et peuvent prendre en compte divers critères tels que l'origine du risque, les moyens utilisés pour l'activité, la nature de l'activité exercée,
- que force est de constater que les activités de convoyage se rattachent davantage au code risque 60.2PC qu'au code risque 93.0NC qui correspond aux services personnels divers, y compris la graphologie et les agences matrimoniales, qui s'applique aux activités administratives ou sociales d'agent de service à la personne, dont les risques d'accidents de travail sont moins probables que pour le convoyage,
- que d'ailleurs, il apparaît que les deux derniers accidents de travail de la société ont eu lieu dans le cadre d'un déplacement de véhicule,
- qu'il y a lieu de rappeler que suite à l'arrêté du 27 décembre 2016 portant modification des taux accidents du travail et maladies professionnelle (AT/MP) pour l'année 2017, les codes risques initiaux 60.2MD « transports routiers de marchandises » et 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » ont fusionné sous un même code risque : le code 60.2MG correspondant selon elle aux activités de « transports routiers de marchandises ' location de véhicules utilitaires et industriels »,
- que c'est ainsi que la société [5] a été classée à effet du 1er janvier 2017 sous le code risque 60.2MG.
À l'audience du 8 mars 2024, les parties ont comparu et ont réitéré les prétentions et argumentations contenues dans leurs écritures. Les parties ont été autorisées à fournir, par le biais de notes en délibéré sous quinzaine, toutes explications utiles relatives à une éventuelle délégation de pouvoir ou de signature au profit de Mme [R] [Y].
Selon note en délibéré reçue le 15 mars 2024, la CRAMIF a indiqué à ce propos :
- qu'aux termes de l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale, alors applicable, l'employeur disposait d'un délai de deux mois à compter de la réception de la décision de la caisse pour engager un recours gracieux ou pour contester cette décision devant la CNITAAT, faute de quoi elle devenait définitive,
- qu'en outre, aucune disposition n'exige, à peine de nullité, que la lettre de notification du taux de cotisation soit signée par le directeur de la caisse ou par un agent de l'organisme muni d'une délégation de pouvoir ou de signature,
- que la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de faire application du principe « pas de nullité sans texte » à d'autres décisions prises par des caisses,
- que dans le cas présent, la CNITAAT a fait une parfaite application de ces principes dans son arrêt, en indiquant que les dispositions de l'article R. 143-21 alors applicable n'exigeaient pas, à peine de nullité, que la lettre de notification fût signée par le directeur ou par un agent de l'organisme titulaire d'une délégation de pouvoir ou d'une délégation de signature,
- qu'elle a constaté surabondamment que l'irrégularité alléguée ne causait aucun grief dès lors que la notification établissait clairement l'identité et la nature de l'organisme qui y avait procédé,
- qu'ainsi, la CNITAAT a débouté la société de sa demande nullité de la décision du 21 novembre 2016,
- que le même raisonnement doit être tenu concernant la décision du 17 octobre 2016.
La société [5] a fait parvenir une note en délibéré le 5 avril 2024, soit en dehors des délais impartis. Elle y a repris les éléments contenus dans ses conclusions, à savoir notamment :
- que les lettres du 17 octobre et du 16 novembre 2021 signées par Mme [R] [Y] et par Mme [O] [G] ne sont pas de simple courrier d'accompagnement ou de notification mais bel et bien de véritables décisions,
- que Mme [R] [Y] et Mme [O] [G] n'avaient pas le pouvoir de prendre de telles décisions.
Motifs de la décision :
Sur la régularité des décisions de la CRAMIF du 17 octobre 2016 et du 1er janvier 2017 :
La société [5] soutient en substance que les décisions de la CRAMIF du 17 octobre 2016 et du 1er janvier 2017 seraient nulles comme ayant été prises par des personnes n'ayant pas le pouvoir de les prendre, à savoir Mme [R] [Y], responsable adjoint tarification, et Mme [O] [G], directeur de la tarification, des affaires sanitaires et sociales du handicap.
Cependant, aucun texte n'impose que les décisions de classement sous un code risque ou de notification des taux soient prises par le directeur de la caisse.
Ainsi, l'article D. 242-6-22 se borne à prévoir que les caisses notifient à chaque employeur, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le classement des risques et le ou les taux de cotisation afférents aux établissements permanents situés dans leur circonscription territoriale.
A fortiori, aucun texte n'impose que les décisions de classement sous le code risque ou de notification du taux soient prises par le directeur de la caisse à peine de nullité.
En tout état de cause et quand bien même ces décisions dussent être prises par le directeur ou par un délégataire à peine de nullité, la CRAMIF verse aux débats la délégation consentie à titre permanent à compter du 1er août 2014 par le directeur général de la CRAMIF à Mme [O] [G], sous-directeur de la tarification, des affaires sanitaires et sociales et du handicap pour prendre toutes décisions relatives au classement des entreprises en fonction des risques professionnels.
Ainsi, même dans cette hypothèse, cette délégation de pouvoirs au profit de Mme [O] [G] suffirait à éteindre toute contestation concernant le courrier de notification de taux en date du 17 octobre 2016 et le courrier de notification des taux date du 1er janvier 2017.
Dans cette hypothèse, seule resterait en question la régularité du courrier de modification de code risque à effet du 1er avril 2016, envoyé le 17 octobre 2016 à la société par Mme [R] [Y], pour laquelle aucune délégation de pouvoir n'a été versée aux débats.
Cependant, même en faisant abstraction de ce courrier, la situation juridique serait exactement la même puisque le même jour, à savoir le 17 octobre 2016, Mme [O] [G], titulaire d'une délégation de pouvoir, a également écrit à la société pour lui notifier son taux de cotisation de 6,20 % à effet du 1er avril 2016 en vertu du code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels ».
En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler les courriers de la CRAMIF en date du 17 octobre 2016 et 1er janvier 2017.
À titre surabondant, il y a lieu d'observer que la société avait initialement porté devant la CNITAAT une contestation à propos du courrier du 21 novembre 2016, qu'elle a abandonnée dans ses conclusions devant la cour de céans puis qu'elle tente de faire revivre par le biais de sa note en délibéré parvenue hors délai. Cependant, même à supposer, d'une part, qu'une éventuelle irrégularité aurait affecté le courrier signé par Mme [R] [Y], adressé à la société le 21 novembre 2016, et, d'autre part, que cette irrégularité serait prescrite à peine de nullité, la situation juridique serait la même puisqu'il s'agissait d'un courrier de rejet de recours gracieux, si bien que même en faisant abstraction de ce courrier, il n'en faudrait pas moins constater que le recours gracieux aurait alors fait l'objet d'une décision de rejet implicite, par défaut de réponse dans le délai imparti.
Sur le changement de code risque :
L'article D. 242-6-1 du code de la sécurité sociale dispose : « Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. Le classement d'un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l'activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ».
L'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995 prévoit notamment : « Le classement d'un établissement est effectué en fonction de l'activité exercée dans l'établissement. En cas de pluralité d'activités au sein d'un même établissement, le classement est effectué en fonction de son activité principale, qui est celle effectuée par le plus grand nombre de salariés. Si les activités existant dans l'établissement sont exercées par un nombre égal de salariés, le classement est effectué en fonction de l'activité qui engendre le risque le plus important ».
Il est constant qu'aucun des codes risques prédéfinis ne correspond précisément à l'activité de la société [5] et qu'il convient de procéder par assimilation, en cherchant un code risque correspondant à une autre activité, dont le risque se rapproche le plus de celui de la société [5].
Dès lors qu'est admis qu'il doit être procédé par voie d'assimilation, il est vain pour la société [5] de faire grief aux codes risques susceptibles d'être retenus de ne pas correspondre exactement à son activité, puisque tel est précisément l'objet de l'assimilation. Il y a d'ailleurs lieu d'observer que le code risque qu'elle revendique, correspondant aux « services personnels divers, y compris cabinets de graphologie et agences matrimoniales » ne correspond pas pleinement non plus à son activité.
Il y a également lieu de préciser que ce choix entre les codes risques susceptibles d'être retenus ne peut se faire que parmi les codes risques proposés par les parties, sous peine de statuer ultra petita.
Il y a encore lieu de préciser qu'il n'existe aucun lien automatique entre le code APE, qui est émis par l'INSEE à des fins purement statistiques, et le code risque, qui est déterminé par les CARSAT à des fins de tarification des entreprises. D'ailleurs, l'article R. 123-231 du code de commerce dispose qu'« aucun effet juridique ne s'attache à l'identification ou à la non-identification d'une unité légale inscrite au répertoire » et que celle-ci « demeure soumise à toute obligation législative, réglementaire ou contractuelle afférente à l'exercice de son activité ». L'attribution du code APE est une opération de nature statistique qui s'appuie sur la nomenclature d'activités française. Elle ne crée par elle-même ni droits, ni obligations pour les entreprises.
Il doit encore être observé que c'est en vain que la société [5] soutient que la Cour de cassation aurait cassé la décision de la CNITAAT parce qu'elle aurait appliqué un code correspondant à une classification sans lien avec son activité. Si la Cour de cassation a effectivement cassé l'arrêt de la CNITAAT en date du 30 avril 2019, ce n'est pas pour des raisons tenant au code risque choisi mais parce que cette décision n'avait pas répondu à la totalité des questions qui lui étaient posées, s'étant prononcée sur la régularité de la décision du 21 août 2016 mais pas sur celle de la décision de classement prise au titre de l'exercice 2017 et ayant validé le choix du code risque 60.2MG « transports routiers de marchandises-location de véhicules avec chauffeur » pour 2017 sans se prononcer sur le bien-fondé du choix du code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » pour l'exercice 2016.
Ces remarques préalables étant faites, il y a lieu de rappeler que la société [5] exerce diverses activités parmi lesquelles le transfert par la route de véhicules et le convoyage de véhicules sont les plus importantes. Un de ses onze salariés occupe des fonctions de direction et les dix autres sont chauffeurs, dont cinq à titre permanent et cinq à titre occasionnel. Du point de vue de la sinistralité, la CRAMIF indique sans être démentie que les deux derniers accidents de travail ont eu lieu dans le cadre d'un déplacement de véhicule et elle justifie par les déclarations d'accident du travail que l'un concernait une chute d'un chauffeur à la descente du camion et que l'autre concernait une lésion de la main gauche en raison d'un choc avec la portière d'un camion et l'arrière d'un autre véhicule.
De ces éléments objectifs, et dans le respect des critères posés par l'article 1er du décret du 17 octobre 1995, il s'évince que le risque lié à l'activité de la société [5] correspond beaucoup plus au risque lié à la circulation routière et à la proximité avec les véhicules qu'au risque lié à une activité d'accueil, de prise de commande et de gestion menée depuis un bureau.
Pour la période s'étant écoulée entre le 1er avril 2016 et le 31 décembre 2016, la juridiction de céans doit opter entre le code 93.0NC « services personnels divers (y compris cabinets de graphologie, agences matrimoniales) » et le code 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels ».
Comme déjà indiqué ci-dessus, aucun de ces deux codes ne correspond parfaitement aux risques liés à l'activité de la société et il s'agit seulement de savoir lequel des deux s'en approche le plus. À cet égard, et même si la société n'exerce aucune activité de location, force est d'admettre que les risques liés à son activité sont assez proches de ceux des entreprises de location de véhicules. Outre le fait que celles-ci ont également une activité de contrôle, de réparation et de dépannage des véhicules, la similarité tient au fait que lorsqu'une agence de location de véhicules loue un véhicule pour « un aller simple », c'est-à-dire lorsque le client veut se rendre avec le véhicule loué d'un point A à un point B sans rapporter le véhicule à l'endroit de départ, ce sont des employés de l'agence qui se rendent, par chemin de fer ou par la route ou par tout autre moyen, à l'endroit où le client a laissé le véhicule et qui le ramènent ensuite à l'agence. De la sorte, ils effectuent une mission tout à fait comparable à celle des employés de la société [5], hormis que ceux-ci acheminent d'abord le véhicule et rentrent ensuite en train, en autocar, en covoiturage ou en avion. Du point de vue des risques professionnels, l'assimilation à l'activité de location de véhicules utilitaires et industriels est beaucoup plus pertinente que l'assimilation à une activité générale de services.
Pour l'année 2017, la juridiction de céans doit opter entre le code 93.0NC « services personnels divers (y compris cabinets de graphologie, agences matrimoniales) » et le code 60.2MG « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur », qui a remplacé entre-temps le code 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels ».
En sus des observations faites ci-dessus à propos de la période du 1er avril 2016 au 31 décembre 2016 qui demeurent valables, il y a lieu de remarquer que le code risque 60.2MG apparaît mieux adapté non seulement que le code 93.0NC mais également que le code 60.2PC. En effet, ce code intègre dorénavant les transports routiers de marchandises. Comme l'a relevé la CNITAAT, une marchandise peut être définie comme un bien appréciable en argent et susceptible, comme tel, d'être l'objet de transactions commerciales. Or, il est tout à fait possible de considérer qu'en l'espèce, les véhicules vides de tout chargement constituent en eux-mêmes la marchandise, puisqu'ils sont des biens matériels, évaluables en argent et faisant l'objet de transactions commerciales. Leur acheminement s'effectuant par la route, il y a donc bien un transport routier de marchandises.
En conséquence, il convient de maintenir le classement de la société [5] sous le code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » entre le 1er avril 2016 et le 31 décembre 2016, puis sous le code risque 60.2MG « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur » pour l'année 2017.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de condamner la société [5], qui succombe, aux dépens et de la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, statuant par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en premier et dernier ressort :
- Déboute la société [5] de sa demande tendant à l'annulation des courriers de la CRAMIF en date du 17 octobre 2016 et 1er janvier 2017,
- Dit qu'il y a lieu de maintenir le classement de la société [5] sous le code risque 60.2PC « location de véhicules utilitaires et industriels » pour la période s'étant écoulée entre le 1er avril 2016 et le 31 décembre 2016, puis sous le code risque 60.2MG « transports routiers de marchandises ' location de véhicules avec chauffeur » pour l'année 2017,
- Déboute la société [5] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société [5] aux dépens.
Le greffier, Le président,