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06/05/2024 | FRANCE | N°23/01099

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 06 mai 2024, 23/01099


ARRET







[K]





C/



S.A.S. COMPTOIR DU BOIS INDUSTRIEL



























































copie exécutoire

le 06 mai 2024

à

Me PINTO

Me DUPLAN

CPW/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 06 MAI 2024



***********

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N° RG 23/01099 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWLE



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 23 JANVIER 2023



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [E] [K]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]



comparant en personne,

assisté, concluant et plaidant par Me Isabelle PINTO, a...

ARRET

[K]

C/

S.A.S. COMPTOIR DU BOIS INDUSTRIEL

copie exécutoire

le 06 mai 2024

à

Me PINTO

Me DUPLAN

CPW/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 06 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 23/01099 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWLE

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 23 JANVIER 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparant en personne,

assisté, concluant et plaidant par Me Isabelle PINTO, avocat au barreau de PARIS

Me Mike SÉZILLE, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

ET :

INTIMEE

S.A.S. COMPTOIR DU BOIS INDUSTRIEL

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Stéphane DUPLAN, avocat au barreau D'ORLEANS

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 07 mars 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 06 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 06 mai 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Blanche THARAUD, Greffière.

* * *

DECISION :

La société Comptoir du bois industriel (la société ou l'employeur), qui compte plus de 10 salariés, a pour activité le négoce du bois de toute nature et la vente de matériaux de construction.

Elle a embauché M. [K] à compter du 1er septembre 2001 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, en qualité d'attaché technico-commercial. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie à compter de novembre 2001 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait la fonction de directeur de dépôt.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle du négoce de bois d''uvre et de produits dérivés.

Par courrier du 17 septembre 2021, l'employeur a remis à M. [K] sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 1er octobre 2021 avec mise à pied à titre conservatoire. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 6 octobre 2021, par lettre ainsi libellée :

« Monsieur,

Nous faisons suite à notre courrier remis en main propre le 17 septembre 2021 par lequel nous vous avons (outre la notification d'une mise à pied à titre conservataire) convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 1er octobre 2021, auquel vous vous êtes présenté. Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons afin de recueillir vos explications.

A la suite de cet entretien, nous avons le regret de vous informer de notre décision de vous licencier pour faute grave.

Vous avez initialement été engagé le 1er septembre 2001 en qualité d'attaché technico-commercial dans le cadre du contrat à durée déterminée et vous occupez actuellement le poste de directeur de dépôt depuis plusieurs années. A ce titre, compte tenu de vos responsabilités et de votre statut de cadre, vous êtes tenu d'une obligation générale d'exemplarité et de respect dans les relations avec les salariés que vous managez.

Or, nous avons été récemment destinataires de courriers de salariés se plaignant de votre comportement et de votre attitude à leur égard et au sein du site dont vous avez la responsabilité et il ressort notamment de ces plaintes que :

- Vous avez un comportement régulièrement agressif et instaurez une ambiance considérée par les salariés comme étant de défiance et de terreur,

- Vous hurlez sur les salariés et notamment sur un salarié devant les autres, outre l'usage d'insultes

- Vous tenez des propos et attitudes délibérément moqueurs et désobligeants à l'encontre d'un salarié,

- Vous manquez ouvertement de respect envers votre hiérarchie, outre les dénigrements et insultes vis-à-vis de la direction devant d'autres salariés,

- Vous tenez des propos agressifs devant les clients et adoptez une attitude déplacée et provocante, notamment lorsqu'un client se permet de se garer sur la place que vous occupez habituellement. Vous tenez des propos vis-à-vis des salariés perçus comme des menaces,

- Alors que nous sommes toujours en période de crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19, malgré les consignes et les mesures mises en 'uvre au sein de la société, il apparait que vous vous êtes affranchi du port du masque et du respect des gestes barrières en vous permettant même de tousser ou d'éternuer à côté d'autres personnes, avec ironie et provocation. Ce faisant vous avez donc délibérément refusé de suive les consignes sanitaires en vigueur et obligatoire,

- Vous effectuez des reproches incessants concernant la réalisation d'une tâche, ce qui est vécu comme du harcèlement par le salarié,

- De plus, vous avez utilisé à plusieurs reprises votre adresse email professionnelle pour recevoir et ensuite envoyer des documents à caractère sexuel ou pornographique à un salarié en venant vous assurer ensuite, personnellement et physiquement, qu'il les avait bien reçus et qu'il en prenait connaissance, ce qui vous permettait de lui imposer vos commentaires salaces et obscènes. Informés de cette pratique et de ces envois à un salarié, nous avons entrepris de vérifier votre boite mail professionnelle et avons constaté un nombre important de fichiers à caractère sexuel ou pornographique,

- Vous vous autorisez des absences personnelles sur votre temps de travail générant des difficultés pour vous joindre, tant par les clients que par les salariés,

- Vous instaurez des relations avec certains salariés qui sont considérés par d'autres comme du « copinage », créant de fait une mauvaise ambiance et un climat de suspicion,

- Vous critiquez et dénigrez les salariés absents devant les autres.

Outre la mauvaise image que vous donnez de la société, vos manquements ont généré une véritable souffrance au travail chez plusieurs salariés qui, interrogés, corroborent et confirment les faits qui vous sont reprochés.

Des salariés bénéficiant d'une importante ancienneté dans l'entreprise considèrent aujourd'hui que la situation n'est plus supportable, qu'ils sont stressés, angoissés, fatigués, au bord de la dépression et s'interrogent sur le fait de rester dans l'entreprise.

Un de ces salariés s'est d'ailleurs trouvé en arrêt maladie pendant plus de 3 mois jusqu'au 20 septembre 2021 et nous en connaissons aujourd'hui les raisons dans la mesure où il nous a confirmé que ses difficultés de santé étaient la conséquence de vos agissements.

Vos colères, énervements et irrespects réguliers vis-à-vis des salariés et de votre direction, sont des pratiques qui ne peuvent être acceptées et que certains n'hésitent pas à qualifier de harcèlement.

Du fait du climat que vous avez instauré par votre comportement et vos propos, certains salariés ayant pourtant une importante ancienneté au sein de la société, n'avaient jusqu'alors pas souhaité se livrer par peur de vos représailles.

Ces éléments qui ont été récemment portés à notre connaissance apportent un éclairage nouveau sur les raisons du départ d'un salarié qui, en septembre 2020, avait sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Nous constatons en effet aujourd'hui que ce qui pouvait apparaitre comme un fait isolé relatif à une situation personnelle, constitue en réalité votre mode de fonctionnement récurent à l'encontre de plusieurs salariés, générant une réelle souffrance au travail au sein du site dont vous avez la charge.

Ces agissements rappelés ci-avant, que vous tenez dans le cadre de vos fonctions sont constitutifs de sévères et graves manquements à vos obligations professionnelles inhérentes à votre poste de cadre en tant que directeur de dépôt et ne peuvent en tout état de cause, être tolérés au sein de la société. Ces faits constituent également une violation des dispositions du règlement intérieur, notamment en matière d'horaires de travail, de présence à votre poste et de discipline générale au travail.

Nous ne pouvons laisser continuer vos agissements, ni laisser perdurer le climat et les pratiques que vous avez instauré au sein du site dont vous avez la responsabilité. Nous ne pouvons pas non plus prendre le risque que ces agissements se renouvellent.

Ainsi, compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 17 septembre 2021.

Le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement ».

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens le 27 octobre 2021, qui par jugement du 23 janvier 2023, a :

dit et jugé M. [K] mal fondé en toutes ses demandes ;

écarté des débats la pièce n°51 transmise par M. [K] ;

dit et jugé que le licenciement de M. [K] reposait bien sur une faute grave ;

débouté M. [K] de sa demande de reconnaissance de nullité concernant le licenciement et de l'intégralité des demandes financières subséquentes ;

débouté M. [K] de sa demande de reconnaissance du licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes financières subséquentes ;

débouté M. [K] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté M. [K] du surplus de ses demandes ;

condamné M. [K] à verser à la société Comptoir du bois industriel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

M. [K], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 février 2024, demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de :

juger que la rupture de la relation s'analyse en un licenciement nul à titre principal et subsidiairement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

juger que la société a manqué à ses obligations légales et d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail ;

juger que le procès-verbal d'huissier est recevable ;

A titre principal,

juger le licenciement nul ;

condamner la société Comptoir du bois industriel au paiement des sommes :

- 20 885,55 euros à titre d'indemnité de préavis (3 mois) outre 2 088,55 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 60 150,38 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 3 794,41 euros au titre du salaire de mise à pied à titre conservatoire (du 17/09 jusqu'au 7.10.21) outre 379,44 euros au titre des congés payés sur la période de mise à pied ;

- 139 237 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul (20 mois) ;

- 69 618,50 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral (10 mois) ;

- 69 618,50 euros au titre des dommages et intérêts pour discrimination (10 mois) ;

- 13 923,70 euros au titre des dommages et intérêts pour violations des obligations contractuelles (articles L.4121-1 et suivants) (2 mois) ;

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la société Comptoir du bois industriel au paiement des sommes suivantes :

- 20 885,55 euros à titre d'indemnité de préavis (3 mois) outre 2 088,55 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 60 150,38 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 3 794,41 euros au titre du salaire de mise à pied à titre conservatoire (du 17/09 jusqu'au 7.10.21) outre 379,44 euros au titre des congés payés sur période de mise à pied ;

- 107 908,67 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (15,5 mois « indemnité macron ») ;

- 13 923,70 euros au titre des dommages et intérêts pour violations des obligations contractuelles (articles L.4121-1 et suivants) (2 mois) ;

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec intérêts au taux légal sur lesdites sommes et la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

ordonner la remise des documents rectificatifs pour les bulletins de paye sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du jour de la décision à intervenir et dans une limite de 2 mois ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

condamner la société Comptoir du bois industriel aux entiers dépens, notamment les frais d'huissier pour 357,20 euros.

La société Comptoir du bois industriel, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 février 2024, demande à la cour de :

dire et juger irrecevable sinon mal fondé M. [K] en son appel à l'encontre du jugement ;

en conséquence, débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer purement et simplement le jugement ;

Y ajoutant ;

condamner M. [K] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur le rejet du procès-verbal de constat établi par huissier de justice

Le salarié demande à la cour de juger recevable le procès-verbal de constat qu'il produit, l'employeur sollicitant au contraire la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a écarté des débats la pièce transmise par M. [K].

Sur ce,

Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce, M. [K], qui verse aux débats un procès-verbal de constat établi par huissier de justice retranscrivant les échanges de son entretien préalable au moyen d'un enregistrement audio pris à l'insu de l'employeur, ne peut sérieusement soutenir que son droit à la preuve pouvait, de manière proportionnée, porter atteinte à l'égalité des armes et au droit à une procédure équitable de la partie adverse, alors qu'il avait été régulièrement informé, lors de sa convocation à l'entretien préalable, de la possibilité de se faire assister par une personne de son choix qui aurait été en mesure de retranscrire cet échange de manière loyale. L'enregistrement sauvage ainsi retranscrit n'était pas indispensable à l'exercice de son droit à la preuve ni proportionnée au but poursuivi.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, ce document doit être écarté des débats.

2. Sur le comportement fautif de l'employeur

2.1 ' Sur le harcèlement moral

La société soutient que les griefs exposés à son encontre par le salarié au titre du harcèlement moral, notamment sur le paiement d'une prime en 2013, constituent des demandes salariales soumises à un délai de prescription de trois ans. Elle ajoute que le salarié, qui a saisi le conseil le 27 octobre 2021, ne peut contourner l'application de ce délai de prescription par une demande en paiement de dommages et intérêts.

En réponse, M. [K] expose avoir subi des agissements de harcèlement moral de la part de son employeur depuis 2007 résultant de l'impossibilité de bénéficier de ses congés payés ou de l'absence de paiement de prime en 2013, et ce jusqu'au prononcé de son licenciement qu'il estime infondé et intervenu dans des circonstances vexatoires.

- Sur la prescription de l'action en réparation du harcèlement moral :

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L.1154-1 du code du travail que le délai de prescription de l'action en réparation d'un harcèlement moral est de cinq ans et court à compter du dernier acte dont il est soutenu qu'il relève des agissements de harcèlement moral subis.

Dès lors que l'action n'est pas prescrite, le juge peut prendre en compte l'ensemble des agissements invoqués au titre du harcèlement, quelle que soit la date de leur commission.

En l'espèce, le salarié exposant avoir subi un harcèlement moral de la part de l'employeur en ce qu'il l'aurait notamment privé du paiement des primes qu'il percevait habituellement jusqu'en 2013, et que le comportement fautif de la société lui a causé un préjudice compte-tenu de la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé, c'est à tort que la société comptoir du bois industriel soutient que l'action du salarié constituerait, en réalité, une demande de nature salariale soumise à la prescription triennale.

Alors que le point de départ du délai de prescription quinquennale peut être fixé au 6 octobre 2021, date de son licenciement dont il soutient qu'il s'agirait du dernier acte de harcèlement moral entrepris par l'employeur à son égard, le salarié a bien engagé son action avant l'expiration du délai de prescription et peut donc se prévaloir de l'ensemble des faits qu'il expose quelle que soit la date de leur commission.

Dès lors, il conviendra de dire que l'action de M. [K] en réparation du harcèlement moral qu'il prétend avoir subi n'est pas prescrite.

- Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [K] soutient avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur compte-tenu :

- de la charge importante de travail qui lui était imposée ayant rendu impossible l'usage de ses droits à congés payés,

- de la suppression de primes dont il recevait habituellement le paiement jusqu'en 2013,

- du discrédit de son travail auprès des clients,

- du caractère infondé des griefs retenus pour son licenciement pour faute grave totalement injustifié et n'ayant que pour finalité de le calomnier et des circonstances vexatoires de son licenciement.

S'agissant du discrédit allégué, la communication de la société comptoir du bois industriel adressée à une société cliente sur sa politique d'escompte, ne permet pas de matérialiser un agissement de l'employeur tendant à remettre en cause la qualité du travail du salarié auprès des clients, d'autant que celui-ci n'apporte aucun élément sur la méthode de travail qui, selon lui, s'en trouverait discréditée. Il est d'ailleurs observé que les témoignages des personnes travaillant pour ces sociétés clientes, versés aux débats par M. [K], n'évoquent pas une quelconque prise de position de l'employeur sur la qualité de son travail. De plus, le salarié n'apporte aucun élément de preuve sur les circonstances vexatoires de la procédure de licenciement et notamment sur sa mise à pied conservatoire. Ainsi, ces agissements de l'employeur, tels que dénoncés par M. [K] au titre du harcèlement moral dont il s'estime victime, ne sont pas matériellement établis.

En revanche, s'il ne produit pas d'élément permettant de vérifier ses allégations quant à une charge de travail anormale, M. [K] présente néanmoins à la cour un certain nombre de bulletins de salaire entre 2007 à 2021 (dont plus particulièrement celui du mois de juillet 2015 laissant apparaitre 43,5 jours de congés payés non affectés à une période déterminée, ce qui démontre suffisamment que le salarié n'a pas pris ces congés en 2015), permettant de vérifier qu'il n'a effectivement pas pris de nombreux jours de congés sur cette période, ce qui est encore justifié par le solde de tout compte du 7 octobre 2021 lui octroyant une indemnité compensatrice de congés payés non pris pour un solde conséquent de 81 jours. Il est donc matériellement établi que le salarié n'a pas pris de nombreux jours de congés depuis 2007.

Par ailleurs, le salarié ne démontre pas avoir reçu le paiement d'une prime sur objectif de façon continue depuis 2005, mais il justifie en revanche avoir perçu une telle prime en 2007 et avoir, par lettres recommandées des 28 mai et 29 octobre 2013 qu'il a adressées à l'employeur et reprenant donc ses propres déclarations, réclamé le paiement de cette prime en soulignant qu'elle avait été brutalement supprimée alors qu'il s'agissait d'un usage. Il est ainsi matériellement établi l'absence de versement d'une prime sur objectif en 2013, que le salarié avait perçue en 2007.

La notification d'un licenciement pour faute grave le 6 octobre 2021 après une mise à pied conservatoire, dont il est soutenu par le salarié qu'il s'agit du dernier acte du harcèlement moral entrepris à son encontre est également matériellement établie, et il en va de même de l'absence de possibilité laissé par l'employeur de saluer une dernière fois ses anciens collègues du fait de la mise à pied conservatoire suivie de la rupture immédiate.

Ces éléments retenus, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l'employeur se doit d'établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

La prime perçue par le salarié en 2007 était une gratification bénévole ayant la nature d'une libéralité au regard des éléments du dossier, dès lors notamment que le salarié n'a pas perçu cette prime non contractuelle ou conventionnelle de manière régulière avant 2013 et que le montant de la prime effectivement reçue en 2007 n'était pas déterminé suivant un mode de calcul invariable. Même si en l'absence de caractère général, fixe et constant caractérisant un engagement obligatoire, l'employeur n'était pas tenu de répéter le versement de cette prime, il n'en demeure pas moins qu'il ne présente pas d'élément objectif permettant d'exclure un harcèlement moral en ce qui concerne l'absence de versement de la prime en 2013, qui avait été versée en 2007.

Par contre, il démontre, notamment par la production de ses bulletins de salaire de 2017 à 2021, que le salarié recevait une information précise sur ses droits à congés payés et qu'il a été en mesure d'en bénéficier. L'intéressé a notamment pris 28 jours pour la période 2017/2018, 22 jours pour 2018/2019, 18 jours pour 2019/2020, et 10 jours pour 2020/2021 au regard des éléments du dossier, et a pour l'année 2015, bénéficié a minima de 16 jours de congés payés du 7 au 28 août 2015. S'agissant du solde certes conséquent de 81 jours de congés payés non pris au jour du licenciement, la société justifie sans être utilement contredite qu'il correspond à des jours de congés acquis depuis 2017 et donc sur une longue période (dont en particulier 43 jours au titre de reports acceptés depuis 2018 soit 6 jours pour l'année 2018/2019, 13 jours pour l'année 2019/2020 ou encore 24 jours pour l'année 2020/2021), que le salarié avait la possibilité d'utiliser, et 9 jours en cours d'acquisition sur la période de juin 2021 à octobre 2021. Le solde important résulte au final, après étude des pièces versées aux débats, de la politique de la société d'accepter le report des droits d'une année à l'autre, et l'employeur démontre ainsi suffisamment que les faits dénoncés par le salarié sur ce point sont objectifs et étrangers à tout harcèlement moral.

S'agissant du licenciement pour faute grave notifié au salarié, la société produit les éléments démontrant le bien-fondé de l'engagement de la procédure avec mise à pied conservatoire, même si les témoignages isolés de M. [R] ou de M. [H] sont insuffisants pour établir les griefs d'absence de respect des mesures sanitaires liées à l'épidémie de covid 19 et d'agression verbale d'un client qui avait occupé sa place de parking, et si par ailleurs aucun fait précis n'est évoqué sur les absences de M. [K] pendant le temps de travail ou de ses prétendues relations de « copinage ».

M. [K] expose tout d'abord que l'employeur ne peut se prévaloir d'une faute grave alors qu'informé des faits par les salariés ayant dénoncé son comportement les 23, 25 et 30 août 2021, l'employeur n'a pas immédiatement agi et a attendu plus de trois semaines pour engager la procédure de licenciement. Il soutient que certains griefs retenus dans la lettre de licenciement, notamment ceux relatifs à son comportement agressif à l'égard de certains salariés, n'ont jamais été évoqués lors de l'entretien préalable, que les témoignages de ces salariés ont été dictés par l'employeur, et qu'il n'a pas pu se défendre équitablement en consultant les éléments de preuve recueillis par l'employeur.

La société comptoir du bois industriel réplique avoir reçu une information complète des fautes imputables au salarié après avoir eu connaissance des témoignages de M. [R] et de M. [H] entre le 23 et le 30 aout 2021, ainsi que du rapport du directeur informatique de la société le 14 septembre 2021, et avoir engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint par l'envoi de la convocation à l'entretien préalable le 17 septembre 2021.

Or, l'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les faits invoqués comme constitutifs d'une faute grave doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et doivent encore être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail. La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur. S'il subsiste un doute concernant l'un des griefs invoqués par l'employeur, il profite au salarié.

Selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés avaient été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites. Le délai court du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

En l'espèce, l'employeur démontre avoir reçu les 23 et 25 août 2021 les témoignages de M. [R] et de M. [H] dénonçant le comportement inadapté de M. [K] à l'égard du personnel de la société.

Il est également établi qu'à la réception du courrier de M. [H] daté du 30 août 2021 l'informant que l'appelant utilisait la messagerie professionnelle pour diffuser du contenu pornographique, l'employeur a entrepris des investigations sur cette messagerie et qu'un rapport lui a été remis le 14 septembre 2021.

La société ayant eu une information exacte et complète des faits reprochés au salarié le jour de la remise de ce rapport informatique et ayant convoqué le salarié dès le 17 septembre 2021, soit seulement trois jours plus tard, la procédure de licenciement a été engagée dans un délai restreint et l'appelant ne justifie donc pas sa demande de dire que le licenciement entrepris doit être privé de sa qualification de faute grave.

Par ailleurs, M. [K] ne démontre pas qu'il aurait été licencié pour des faits non débattus lors de l'entretien préalable ou découverts postérieurement. Il est notamment observé que les témoignages de salariés rédigés postérieurement à l'entretien préalable ne font que confirmer les déclarations de MM. [R] et [H] des 23, 25 et 30 août 2021. En toute hypothèse, même à considérer que M. [K] se soit vu reprocher des faits découverts postérieurement à l'entretien et pour lesquels il n'aurait pas été mis en mesure de s'expliquer à l'occasion d'un nouvel entretien, cet élément n'aurait pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

De plus, si l'employeur a l'obligation d'indiquer au salarié le motif de la sanction envisagée au cours de l'entretien préalable, il n'est pas tenu de lui communiquer les pièces, déjà à sa disposition, susceptibles de justifier la sanction.

Sur le fond, la société verse aux débats le témoignage de M. [R], salarié exerçant la fonction de vendeur dans l'équipe encadrée par M. [K], aux termes duquel il décrit son comportement habituellement colérique et menaçant, ou encore ses hurlements sans raison à l'égard du personnel du dépôt en juillet 2021.

Ces déclarations sont corroborées par les témoignages particulièrement précis et circonstanciés de M. [H], l'adjoint de M. [K], qui indique avoir lui-même fait l'objet, le 25 août 2020, de ses hurlements pour avoir exprimé son avis sur la mise en 'uvre d'une livraison, qui dénonce ses insinuations, le 6 novembre 2020, sur le bien-fondé d'un arrêt de travail pour maladie le qualifiant de « vacances », mais aussi ses moqueries en lui faisant remarquer qu'il « tremblait comme un pingouin » quand il était au téléphone avec le directeur général, illustrant ainsi l'humiliation subie de façon répétée. Il y dénonce également la pression subie du fait de l'insistance anormale de M. [K] dans le suivi de ses tâches, ou encore ses menaces lorsqu'il l'informait qu'il « connaissait des petites frappes prêtes à tout ». Il poursuit en affirmant que M. [K] tenait aussi des propos insultants à l'égard de sa hiérarchie devant le personnel et les fournisseurs, comme à l'égard de M. [G], le directeur général, qui, infecté par le Covid-19 en novembre 2020, avait été qualifié de « gros quéqué » en précisant qu'il «irait boire un coup sur sa tombe », ou encore de M. [X] qu'il surnommait «Jacquouille la fripouille », illustrant ainsi à tout le moins un réel irrespect publiquement assumé vis-à-vis de la direction de l'entreprise.

M. [L], salarié ayant sollicité une rupture conventionnelle par courriel du 14 septembre 2020 en raison « des faits de harcèlement », aux « remarques déplacées sur sa santé », et à « l'intrusion dans sa vie privée » du « directeur de site », confirme également dans son attestation le comportement « injurieux, agressif, terrorisant, et totalement inapproprié » de M. [K], et indique avoir été témoin des insultes qu'il proférait à l'égard des dirigeants de la société dont il disait, en juin 2020, qu'il les « passerait tous par-dessus la montgolfière ». Il ajoute encore avoir fait l'objet, par téléphone en mars 2020, de reproches et d'un ordre de reprendre le travail alors qu'il était hospitalisé.

Le comportement et les propos habituellement agressifs de M. [K] sont également décrits dans les témoignages de MM. [J], [O], [T], [F], et [D], salariés de l'entreprise.

Toutes ces attestations sont si convergentes dans le comportement qu'elles décrivent qu'elles présentent une force probante indéniable. Il en ressort que M. [K] usait d'un management toxique marqué par des pressions anormales, des humiliations, l'emploi d'un langage excessif allant jusqu'à des insultes et traduisant de l'agressivité, qui a eu pour effet une dégradation indiscutable des conditions de travail de plusieurs salariés et est même responsable d'un véritable traumatisme pour M. [L], ce qui caractérise le management inadapté reproché. Il est également parfaitement établi qu'il a, a minima, manqué ouvertement de respect envers sa hiérarchie.

La mise en lumière d'une coquille dans la rédaction des écritures en appel de la société et les déclarations de M. [B] (qui en tout état de cause ne relèvent que de propos rapportés et qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve), destinées à laisser entendre que les témoignages présentés par l'employeur auraient été préalablement rédigés par le directeur des ressources humaines, s'avèrent tout à fait insuffisantes pour remettre en cause l'authenticité et la sincérité des témoignages suscités et en particulier la sincérité des témoignages ci-dessus retenus.

Les témoignages présentés par le salarié, dont certains rédigés par ses proches, louant à l'inverse en des termes généraux ses qualités personnelles et professionnelles, sont impropres à invalider les témoignages précis, circonstanciés et concordants ci-dessus retenus.

Le grief portant sur le comportement tout à fait inadapté de M. [K] est parfaitement établi.

L'employeur, qui est autorisé à consulter librement et hors la présence du salarié, les courriels et fichiers qu'il a reçus ou adressés à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail et qui sont donc présumés avoir un caractère professionnel, présente également les éléments d'investigation sur la messagerie professionnelle du salarié mettant en évidence que le salarié recevait des courriels et fichiers pornographiques sur sa messagerie professionnelle et qu'il était à l'origine, par l'intermédiaire des outils de communication ainsi mis à sa disposition par la société, d'une diffusion de ces contenus pornographiques à destination de clients et de fournisseurs. Toutefois, ce grief n'est pas mentionné en tant que tel dans la lettre de licenciement qui lie les parties et le juge, et ne peut donc être retenu. Il est en revanche également établi que le salarié a également procédé à une diffusion de tels fichiers reçus sur sa messagerie professionnelle à du personnel de l'entreprise, sans à aucun moment mentionner de caractère personnel, alors que l'employeur démontre que cet usage détourné des outils de communication, au sens où ces envois de contenus à caractère sexuel ou pornographique depuis son adresse mail professionnelle n'avaient aucune finalité professionnelle, était prohibé par le règlement intérieur de la société dont le salarié avait connaissance. Enfin, alors que le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à renverser la présomption d'un caractère professionnel des courriels litigieux au demeurant envoyés en journée, pendant les horaires habituels de travail d'un cadre (le plus tardif étant intervenu à 19h07), et à des personnes avec lesquelles il était en contact en raison de son travail, aucune ingérence de l'employeur dans l'exercice de son droit à la vie privée ne saurait être retenue. Enfin, l'unique attestation d'un client de la société ayant reçu, de façon indéniablement consentie, des fichiers et courriels pornographiques de la part de M. [K], ne saurait suffire à prouver le caractère habituel de tels échanges dans la profession. Ce client allègue de façon isolée, non circonstanciée, sans aucun exemple précis en dehors du comportement de M. [K], que « cela est courant dans la profession du bâtiment et autres. Cela reste des pratiques amicales et pas que dans notre métier ». Le grief portant sur l'usage abusif du matériel de communication mis à sa disposition est donc parfaitement établi.

M. [K] tente vainement de se dédouaner en soutenant de façon inopérante au regard des éléments ci-dessus retenus, que l'invocation de ces griefs parfaitement établis et d'une gravité certaine avait pour finalité de le calomnier.

Sans qu'il soit utile d'entrer plus avant dans l'argumentation restante des parties, tout à fait inopérante à remettre en cause les développements qui précèdent, l'employeur démontre que M. [K], qui occupait des fonctions d'encadrement, a usé d'un management toxique à l'égard de ses subordonnés, a eu un comportement inadapté vis-à-vis de sa hiérarchie, et qu'il a en outre fait un usage privé abusif du matériel de communication mis à sa disposition par la société et ce en violation du règlement intérieur, ce qui caractérise un manquement d'une gravité telle qu'il rend impossible son maintien dans l'entreprise justifiant non seulement l'engagement de la procédure de licenciement à son encontre et la notification d'un licenciement pour faute grave, mais encore la mise à pied conservatoire qui l'a légitimement empêché le salarié de saluer une dernière fois ses collègues de travail avant de quitter l'entreprise.

Dans ces conditions, sans qu'il soit utile d'examiner les autres griefs figurant dans la lettre de licenciement, ces agissements du salarié caractérisent un manquement d'une gravité telle qu'il rendait impossible son maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis, étant précisé que l'absence de sanction antérieure n'est pas de nature à atténuer la gravité de la faute.

Il s'ensuit qu'à l'exception du fait unique et isolé impropre à caractériser une situation de harcèlement moral tenant à l'absence de paiement d'une prime sur objectif, la société apporte la preuve que les faits matériellement établis par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Par conséquent, la demande de M. [K] tendant à la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral sera rejetée par voie de confirmation du jugement entrepris.

2.2 - Sur la discrimination

M. [K] affirme avoir été licencié en raison de son âge « car quelle société dans un contexte de crise économique aurait licencié un salarié lui rapportant plus de la moitié de son chiffre d'affaires ' » et sollicite la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour discrimination.

La société comptoir du bois industriel réplique que le salarié ne fait pas la démonstration d'une discrimination.

Sur ce,

Conformément aux dispositions prévues à l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.

Il résulte de l'article L.1134-1 du même code que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, M. [K], né le 11 août 1964, invoque ici sans distinction les mêmes faits que ceux invoqués au titre du harcèlement moral sans aucunement présenter les faits précis qui, selon lui, seraient constitutifs d'une discrimination, de sorte que la cour n'est pas tenue de rechercher dans l'ensemble des faits évoqués dans les conclusions ou ces attestations, ceux qui pourraient venir caractériser une discrimination.

L'argumentation du salarié selon laquelle sa contribution conséquente au chiffre d'affaires de la société permettrait de déduire que la cause réelle de son licenciement serait une discrimination liée à l'âge ou selon laquelle il a été remplacé en interne par son ancien adjoint, est inopérante, et le seul élément évoqué précisément et matériellement établi qu'est le licenciement ne peut en lui-même suffire à sa démonstration, et ce d'autant moins que, surabondamment, la cour a précédemment retenu que le comportement gravement fautif de M. [K] a justifié l'engagement à son encontre de la procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire déjà évoquée en tant que telle par le salarié au soutien de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral comme le licenciement lui-même.

Ainsi, les éléments présentés par le salarié, même pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer une discrimination à son égard.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande du salarié tendant à la condamnation de la société au paiement de dommages et intérêts pour discrimination.

3. Sur la rupture du contrat de travail

3.1 - Sur la nullité du licenciement

M. [K] fait valoir que le licenciement prononcé à son encontre est nul comme étant la conséquence du harcèlement moral qu'il a subi du temps de la relation de travail et ayant pour cause réelle une discrimination liée à son âge. Il ajoute que la société a violé sa liberté d'expression et sa vie privée en souhaitant le licencier à moindres frais.

La société comptoir du bois industriel répond que le salarié ne présente aucune argumentation sur les faits qui, selon lui, seraient constitutifs d'une violation de sa vie privée et de sa liberté d'expression.

Sur ce,

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1152-3 du même code ajoute que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Par ailleurs, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et à l'extérieur de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice proportionné par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

En l'espèce, le harcèlement moral et la discrimination allégués n'étant pas établis au vu des développements qui précèdent, ils ne peuvent justifier de prononcer la nullité du licenciement.

Par ailleurs, outre que l'intention supposée de l'employeur de le licencier à moindres frais, selon les propres termes employés par M. [K] dans ses écritures, ne repose que sur ses déclarations non étayées, cette intention ainsi prêtée n'apporte surtout aucun

renseignement utile sur une méconnaissance par la société de sa liberté d'expression, alors que l'intéressé n'expose pas les faits qui, selon lui, caractériseraient ces violations de libertés fondamentales, la cour n'étant pas tenue de rechercher dans l'ensemble des faits évoqués, ceux qui pourraient venir caractériser la violation de la liberté d'expression du salarié. S'agissant de la violation alléguée à son droit à la vie privée, il ressort des développements qui précèdent qu'elle n'est aucunement établie.

Dans ces conditions, il conviendra de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de déclarer son licenciement nul, et a rejeté ses demandes indemnitaires subséquentes.

3.2 - Sur le licenciement pour faute grave

Au vu des développements qui précèdent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit bien-fondé le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [K] et à débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes.

3.3 - Sur la demande de dommages et intérêt pour violation de l'employeur de ses obligations contractuelles

M. [K] expose, outre le caractère vexatoire de la procédure de licenciement pour ne pas avoir pu saluer ses collègues, ne pas avoir eu de formation ni de coaching d'accompagnement pour assurer la direction du dépôt.

Sur ce,

Le salarié n'apporte aucun élément de preuve sur les circonstances qui, selon lui, caractériseraient le caractère vexatoire de la procédure de licenciement et aucun manquement de l'employeur n'est sur ce point établi, étant souligné que le fait de ne pas avoir eu le temps de dire au revoir à ses collègues n'est que la conséquence de la procédure du licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire, qui ne saurait être reprochée à l'employeur. Pour le reste, même à considérer un manquement de l'employeur pour ne l'avoir formé aux fonctions d'encadrement, il demeure que le salarié ne justifie d'aucun préjudice qui en serait résulté.

En conséquence, M. [K] sera, par confirmation du jugement entrepris, débouté de sa demande de dommages et intérêts.

4. Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

M. [K], qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, et à payer à la société comptoir du bois industriel la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Le salarié sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne M. [K] à payer à la société comptoir du bois industriel la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [K] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01099
Date de la décision : 06/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-06;23.01099 ?
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